Numéro 11 - Novembre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2023

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL

2e Civ., 30 novembre 2023, n° 21-25.841, (B), FRH

Cassation sans renvoi

Accidents successifs – Invalidité – Indemnisation – Droit d'option – Cumul des taux d'incapacité – Conditions – Détermination

Il résulte des articles L. 434-2, alinéas 2 et 4, R. 434-2, et R. 434-4 du code de la sécurité sociale que le cumul des taux d'incapacité permanente fixés au titre d'accidents du travail successifs n'est possible que dans le cadre de l'exercice par la victime du droit d'option entre le versement d'une indemnité en capital et d'une rente.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 28 octobre 2021), Mme [U] (la victime) a déclaré deux accidents, survenus les 11 août 2005 et 13 avril 2010, pris en charge, au titre de la législation professionnelle, par la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados (la caisse), qui a fixé un taux d'incapacité permanente de 9 % pour le premier et de 8 % pour le second.

2. Le 10 avril 2014, la victime a opté pour le versement d'une rente calculée sur la base d'un taux d'incapacité permanente cumulé de 17 %.

3. À la suite des décisions d'une juridiction du contentieux technique ayant porté à 21 % le taux d'incapacité permanente afférent au second accident du travail, la caisse a notifié à la victime la fin de la rente optionnelle, avec recouvrement du bénéfice de l'entière indemnité en capital octroyée au titre du premier accident, et par suite un indu au titre de la rente optionnelle servie sur la base d'un taux d'incapacité permanente cumulé de 17 %. Elle l'a, par ailleurs, informée du versement d'une rente calculée sur la base d'un taux d'incapacité permanente de 21 % au titre du second accident.

4. La victime a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La caisse fait grief à l'arrêt de dire que le taux professionnel d'incapacité permanente partielle de 9 % alloué à la victime au titre du premier accident du travail doit être cumulé au taux de 21 % alloué au titre du second, alors « que, en cas d'accidents du travail successifs, l'incapacité permanente est évaluée et indemnisée accident par accident ; que s'il est dérogé à ce principe par l'article L. 434-2, alinéa 4, du code de la sécurité sociale qui permet à la victime d'accidents du travail successifs d'opter pour le service d'une rente sur la base d'un taux correspondant à la somme des incapacités permanentes que lui ont occasionnées les accidents, lorsque cette somme égale ou excède 10 %, c'est à la condition que chacune des incapacités permanentes soient inférieures à 10 % ; qu'en outre, si l'option souscrite par la victime revêt un caractère définitif, c'est à la condition que la fixation de l'incapacité permanente afférente à chacun des accidents successifs soit elle-même définitive ; que par suite, lorsque, sur recours de la victime, l'incapacité permanente en lien avec un accident, évaluée initialement par la caisse à moins de 10 %, est fixée par le juge à plus de 10 %, l'option souscrite antérieurement par la victime est remise en cause ; qu'en décidant que les taux médicaux d'incapacité permanente partielle de 9 % et 12 % reconnus au titre de ses accidents du travail survenus les 11 août 2005 et 13 avril 2010 devaient être cumulés, quand l'option souscrite par la victime était remise en cause dès lors que l'incapacité permanente afférente à l'accident du 13 avril 2010, initialement évaluée à 8 %, était portée à 12 % par jugement du 9 mars 2015, de sorte que chaque incapacité permanente devait être indemnisée séparément, l'incapacité permanente en lien avec l'accident du 11 août 2005 donnant lieu à l'octroi d'un capital et celle en lien avec l'accident du 13 avril 2010 au service d'une rente, les juges du fond ont violé les articles L. 434-1, L. 434-2, R. 434-1 et R. 434-4 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 434-2, R. 434-2 et R. 434-4 du code de la sécurité sociale :

6. En application du premier de ces textes en son 2e alinéa et du deuxième, la rente est égale au produit du salaire annuel de la victime par le taux d'incapacité diminué de moitié pour la partie de ce taux comprise entre 10 et 50 %, et augmenté de moitié pour la partie de ce taux supérieure à 50 %.

7. Selon le premier de ces textes en son 4e alinéa, en cas d'accidents successifs, le taux ou la somme des taux d'incapacité permanente antérieurement reconnue constitue le point de départ de la réduction ou de l'augmentation pour le calcul de la rente afférente au dernier accident.

8. Par ailleurs, il résulte de la combinaison du premier de ces textes en son 4e alinéa et du dernier que lorsque, par suite d'accidents successifs, la somme des taux d'incapacité permanente est égale ou supérieure à 10 %, l'indemnisation se fait, sur demande de la victime, soit par l'attribution d'une rente qui tient compte de la ou des indemnités en capital précédemment versées, soit par l'attribution d'une indemnité en capital.

L'option souscrite par la victime revêt un caractère définitif, à la condition que la fixation du taux d'incapacité permanente afférente à chacun des accidents successifs soit elle-même définitive.

9. Il s'ensuit que le cumul des taux d'incapacité permanente fixés au titre d'accidents du travail successifs n'est possible que dans le cadre de l'exercice du droit d'option entre le versement d'une indemnité en capital et d'une rente.

10. L'arrêt retient en substance qu'aucun texte n'exclut le cumul des taux d'incapacité permanente en cas d'accidents successifs pour le calcul de la rente, de sorte que la caisse ne pouvait refuser d'additionner les taux d'incapacité permanente du premier accident et du second accident pour actualiser le calcul de la rente attribuée à la victime. Il ajoute que le taux d'incapacité permanente de 9 % afférent au premier accident du travail n' a pas été indemnisé par un capital, de sorte que le cumul des taux n'aura pas pour effet d'indemniser deux fois la victime.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

14. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 6, 7 et 9 qu'il convient de débouter la victime de sa demande de cumul, pour le calcul de la rente versée au titre du second accident du travail, du taux d'incapacité permanente de 9 % attribué au titre du premier accident du travail et du taux d'incapacité permanente de 21 % attribué au titre du second accident du travail.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉBOUTE Mme [U] de ses demandes.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Dudit - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Articles L. 434-2, alinéas 2 et 4, R. 434-2 et R. 434-4 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 14 mars 2019, pourvoi n° 17-27.954, Bull. (rejet).

2e Civ., 16 novembre 2023, n° 21-20.740, (B), FRH

Rejet

Faute inexcusable de l'employeur – Exonération – Obligation de sécurité de l'employeur envers ses salariés – Effets – Absence d'exonération par la conclusion d'un contrat avec un tiers assurant la sécurité des salariés

Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. L'employeur ne peut s'affranchir de son obligation de sécurité par la conclusion d'un contrat prévoyant qu'un tiers assurera cette sécurité.

Déchéance du pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 22 novembre 2018, examinée d'office

1. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 978 du même code.

2. Il résulte de ce texte qu'à peine de déchéance du pourvoi, le demandeur en cassation doit, au plus tard dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, remettre au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée.

3. Le mémoire en demande de la société [4] ne contenant aucun moyen de droit contre l'arrêt du 22 novembre 2018, il y a lieu de constater la déchéance de son pourvoi en ce qu'il est formé contre cette décision.

Faits et procédure

4. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 mai 2021), [D] [C] (la victime), salarié de la société [4] (l'employeur), a été victime, le 9 mars 2015, d'un accident mortel pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine (la caisse).

5. Les ayants droit de la victime ont saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. L'employeur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de sursis à statuer et de dire que l'accident du travail survenu le 9 mars 2015 est dû à sa faute inexcusable, alors « que si le juge statuant sur une demande de reconnaissance de faute inexcusable de l'employeur à la suite d'un accident du travail n'est, en principe, pas tenu de surseoir à statuer en cas d'action pénale engagée pour les mêmes faits, il en va autrement lorsque l'absence de sursis à statuer est susceptible de porter atteinte au droit au procès équitable et à l'exercice des droits de la défense ; que constitue une atteinte au principe de l'égalité des armes résultant du droit au procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, des libertés fondamentales, le fait d'interdire à une partie de faire la preuve d'un élément de fait essentiel pour le succès de ses prétentions ; qu'au cas présent, il est constant que les ayants-droits de la victime avaient, en première instance, été autorisés par le parquet à produire des pièces du dossier d'instruction pénale à l'appui de leur demande de reconnaissance de faute inexcusable de la société employeur et s'appuyaient, en cause d'appel, sur les éléments ainsi recueillis, pour demander la confirmation du jugement ayant retenu l'existence d'une faute inexcusable ; qu'il est également constant que, alors que l'instruction pénale avait permis de recueillir de nouveaux éléments, le parquet a changé de position et a refusé d'autoriser la production de ces éléments ; que la société employeur faisait pourtant valoir que les procès-verbaux de mises en examen permettaient notamment de faire ressortir que les juges d'instruction avaient écarté, à l'encontre de la société employeur, les charges lui reprochant de s'être abstenue « de recruter un professionnel de l'aéronautique doté d'une expérience technique et opérationnelle adaptée à la complexité des prises de vue recherchées » ; que la société employeur faisait également valoir que le changement de position du parquet lui interdisait de produire les feuilles de services, le plan caméra et le plan logistique établis en amont de l'établissement des plans de vol par les pilotes et qui étaient susceptibles d'établir que les vols n'avaient pas fait l'objet d'un scénario acrobatique et spectaculaire établi par elle, mais que la programmation de ceux-ci avait fait l'objet d'un processus précis et documenté de la part de professionnels compétents ; qu'elle faisait valoir, dans une note en délibéré autorisée par la cour d'appel, que l'interdiction de produire les nouveaux éléments déterminants figurant dans le dossier d'instruction, alors que des extraits partiels de ce dossier d'instruction avaient pu être produits à l'appui de la demande de reconnaissance de faute inexcusable, portait atteinte à ses droits de la défense et qu'il convenait de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale afin que l'intégralité de la procédure d'instruction puisse être communiquée ; qu'en écartant des débats le procès-verbal de mise en examen produit par la société employeur pour démontrer son absence de responsabilité quant aux modalités d'organisation du vol et en refusant de surseoir à statuer dans l'attente que l'intégralité de la procédure d'instruction, notamment les éléments relatifs à l'organisation du vol, puisse être communiquée, tout en se fondant sur les éléments partiels recueillis au début de l'instruction pour considérer que la société employeur aurait organisé le vol de manière à obtenir des images spectaculaires et retenir l'existence d'une faute inexcusable de sa part, la cour d'appel a porté une atteinte injustifiée et disproportionnée à l'exercice par cette dernière de ses droits de la défense, en méconnaissance des exigences de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

8. L'appréciation de l'opportunité de surseoir à statuer en vue d'une bonne administration de la justice relève du pouvoir discrétionnaire du juge du fond.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches

Enoncé du moyen

10. L'employeur fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 2°/ qu'il incombe à la victime d'un accident du travail de rapporter la preuve de la conscience du danger et de l'absence de mesure de prévention suffisante par l'employeur ; que la faute inexcusable doit être une cause nécessaire de l'accident et qu'aucune faute inexcusable n'est susceptible d'être caractérisée lorsque les circonstances de l'accident sont indéterminées ; qu'au cas présent, la société employeur faisait valoir que le vol ne résultait pas d'un scénario acrobatique et spectaculaire mais avait été programmé par des feuilles de services et un plan caméra établis par la production, par un plan logistique établi par M. [H] [M] et avait fait l'objet d'un plan de vol établi par les pilotes qui étaient seuls responsables de la sécurité en vol ; qu'elle faisait valoir qu'elle n'avait pu ni interférer dans les décisions prises, ni influencer les pilotes des deux hélicoptères s'agissant de l'élaboration des plans de vol et des différentes manoeuvres à effectuer lors de leurs rotations ; qu'elle exposait, par ailleurs, qu'il n'était pas démontré que les pilotes aient prévu un plan de vol dans lequel les aéronefs volaient à faible distance, le rapport de la [7] ayant à cet égard relevé que la distance des trajectoires des deux hélicoptères était de 90-100 mètres ; qu'elle faisait encore valoir qu'au regard des contraintes techniques, il n'était pas possible de filmer les participants, qui se trouvaient dans un hélicoptère dont la porte était fermée, depuis un autre hélicoptère, qu'un caméraman se trouvait dans l'hélicoptère des participants pour les filmer et que si la thèse d'une prise de vue depuis un autre hélicoptère devait être confirmée, elle induisait la nécessité de se maintenir à distance pour pouvoir prendre des plans entiers de l'autre hélicoptère ; qu'en jugeant néanmoins, pour caractériser la faute inexcusable de l'employeur, que la société employeur aurait décidé d'organiser un vol en formation rapprochée en ce sens que les hélicoptères devaient effectuer un vol à faible/très faible distance l'un de l'autre, sans relever le moindre élément établissant l'existence d'une telle décision, ni la moindre instruction en ce sens de la part de la société employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;

4°/ que la conscience du danger et le caractère suffisant des mesures prises par l'employeur pour préserver la sécurité de ses salariés s'apprécient au regard du comportement d'un employeur normalement diligent ; qu'au cas présent, la société employeur faisait valoir qu'elle était un professionnel de l'audiovisuel et non de l'aviation civile et que, n'étant pas en mesure d'appréhender elle-même les risques liés à l'utilisation d'hélicoptères, elle s'était précisément entourée de professionnels compétents ; qu'elle faisait ainsi valoir que, s'agissant d'un tournage en Argentine, elle avait conclu un contrat avec la société [8], importante société de production audiovisuelle argentine, confiant à cette dernière la réalisation de prestations techniques locales dans le respect de la réglementation locale en matière de sécurité ; qu'elle faisait, surtout, valoir que, pour l'ensemble des aspects tenant à la sécurité des salariés et des participants au programme et notamment les vols en hélicoptère, elle avait confié à la société [6] et à son dirigeant M. [H] [M], professionnel hautement spécialisé et expérimenté, une mission complète afin d'assurer la sécurité du tournage impliquant notamment de s'assurer de l'application des bonnes procédures pour chaque expédition, particulièrement l'organisation de la sécurité des vols ; qu'elle exposait, enfin, que les caractéristiques techniques des hélicoptères et les compétences des pilotes lui garantissaient un niveau de sécurité optimal ayant permis une préparation des vols conforme au respect des règles de sécurité ; qu'en refusant d'examiner si la société employeur avait pris toutes les mesures possibles, au regard de ses connaissances, pour s'assurer de la sécurité des vols au motif inopérant que les sociétés [8] et [6] « demeuraient sous la supervision, la direction et le contrôle de [l'employeur], dont le directeur de production, [S] [I], se trouvait sur place », la cour d'appel a violé l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

11. Il résulte des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

12. L'employeur ne peut s'affranchir de son obligation de sécurité par la conclusion d'un contrat prévoyant qu'un tiers assurera cette sécurité.

13. L'arrêt relève que l'employeur a pris la décision d'organiser le vol des deux hélicoptères en formation rapprochée, les aéronefs devant effectuer un vol à faible distance l'un de l'autre. Il constate que l'organisation de ce vol correspond à un scénario défini par l'employeur qui souhaitait réaliser des prises de vues de ce vol dans le cadre du tournage de l'émission de télévision. Il estime que le vol en formation des hélicoptères transportant des passagers représentait un risque, que l'employeur a choisi de prendre, et qui se trouve à l'origine directe et certaine de la collision entre les appareils ayant entraîné le décès de la victime.

14. L'arrêt ajoute que l'employeur pouvait prendre des mesures pour préserver les passagers de l'accident, en excluant la possibilité d'un vol en formation des hélicoptères ou en modifiant leurs trajectoires de vol. Il considère qu'en l'absence de vol d'essai sans passagers, de vérification de l'existence d'un moyen de communication entre les aéronefs ou entre ces derniers et le sol, ou de mention d'un risque de collision dans le plan de sécurité et de sûreté, l'employeur n'a pas pris les précautions qui s'imposaient. Il retient que les sociétés tierces qui sont intervenues pour assurer les prestations techniques et de sécurité demeuraient sous la supervision, la direction et le contrôle de l'employeur.

15. De ces constatations et énonciations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d'appel a pu déduire que l'employeur, qui avait ou aurait dû avoir conscience du danger résultant pour son salarié du vol en formation rapprochée de l'hélicoptère dont il était passager et qui n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, a commis une faute inexcusable.

16. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CONSTATE la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 22 novembre 2018 par la cour d'appel de Versailles ;

REJETTE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 27 mai 2021 par la cour d'appel de Versailles.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : M. Labaune - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ; articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Soc., 13 juin 1991, pourvois n° 89-14.064 et n° 89-13.616 (cassation).

2e Civ., 16 novembre 2023, n° 21-21.310, (B), FRH

Rejet

Faute inexcusable de l'employeur – Présomption – Exclusion – Cas – Demandeurs d'emploi participant à des actions dispensées ou prescrites par Pôle Emploi

Il résulte de la combinaison des articles L. 412-8 et L 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4154-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, L. 4154-3 du même code que la présomption de faute inexcusable ne s'applique pas au demandeur d'emploi participant à des actions d'orientation, d'évaluation ou d'accompagnement de la recherche d'emploi dispensées ou prescrites par Pole Emploi, qui ne peut être assimilé à un stagiaire en formation professionnelle en entreprise.

Ayant constaté que l'accident était survenu au cours d'une formation effectuée par la victime en qualité de demandeur d'emploi, la cour d'appel en a exactement déduit que celui-ci ne pouvait bénéficier de la présomption de faute inexcusable prévue par l'article L. 4154-3 du même code.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 26 novembre 2020), Mme [F], demandeur d'emploi (la victime) a signé le 10 octobre 2013 une convention d'évaluation en milieu de travail avec Pôle emploi et la société [8], exploitant le [6] (la société).

2. Le 29 novembre 2013, elle a été victime d'un accident au moment du nettoyage de la cage de l'un des fauves du zoo.

3. Son accident ayant été pris en charge au titre de la législation professionnelle, la victime a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de Pôle emploi.

4. La société et son assureur ont été appelés en la cause.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La victime fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes, alors « que, pour l'appréciation de la présomption de faute inexcusable édictée par l'article L. 4154-3 du code du travail, est considéré comme stagiaire le demandeur d'emploi, victime d'un accident du travail à l'occasion de sa participation à des actions d'orientation, d'évaluation ou d'accompagnement de la recherche d'emploi dispensées ou prescrites par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 du code du travail ; que, pour écarter le bénéfice de la présomption de la faute inexcusable, la cour d'appel a relevé que « la qualification de stage s'entend de la situation d'une personne qui est accueillie par un employeur en vertu d'une convention de stage, conclue pour une durée déterminée et généralement courte, dont l'objet peut consister, soit à évaluer son niveau de qualification en la plaçant en conditions réelles de travail, soit à lui permettre d'observer, au sein de son entreprise, les techniques, méthodes et matériels utilisés dans un poste de travail déterminé, soit à lui faire suivre une formation pratique, afin de l'initier à l'utilisation de ces techniques, méthodes et matériels nécessaires à la tenue de ce poste ; le but de ce stage étant, selon les cas, de l'initier à la vie professionnelle ou de lui permettre de compléter sa formation théorique initiale ou encore d'adapter sa qualification à un emploi déterminé ou enfin de favoriser son orientation, son insertion ou sa réinsertion professionnelle » ; qu'elle ajoute « La victime avait la qualité de demandeuse d'emploi et était inscrite à ce titre auprès de Pôle emploi. Dans le cadre d'une réorientation professionnelle, l'intéressée a signé avec Pôle emploi et la société une « convention relative à la réalisation d'une évaluation en milieu de travail » ? La victime, bénéficiaire d'une convention relative à la réalisation d'une évaluation en milieu de travail, relève de la législation sur les risques professionnels en vertu de l'article L. 412-8,11° du code de la sécurité sociale et non du 2° de ce même article. N'ayant pas la qualité de stagiaire, elle ne peut pas se prévaloir de l'article L. 4154-3 du code du travail relatif à la présomption de faute inexcusable de l'employeur » ; qu'en ne tirant pas les conséquences de ses propres constatations ¿ qui faisaient apparaître que les conditions de travail de l'assurée sociale étaient celles d'un stage ¿ la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 412-8 du code de la sécurité sociale et par refus d'application l'article L. 4154-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

7. Selon l'article L. 4154-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, applicable au litige, lorsqu'ils sont affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité, les salariés titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée, les salariés temporaires et les stagiaires en entreprise doivent bénéficier d'une formation renforcée à la sécurité ainsi que d'un accueil et d'une information adaptés dans l'entreprise dans laquelle ils sont employés.

8. Selon l'article L. 4154-3 du même code, la faute inexcusable de l'employeur prévue à l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale est présumée établie pour ces mêmes personnes dès lors qu'elles ont été victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle alors qu'affectées à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité elles n'auraient pas bénéficié de la formation à la sécurité renforcée prévue par l'article L. 4154-2.

9. Selon l'article L. 412-8 du code de la sécurité sociale, le demandeur d'emploi bénéficie de la protection des victimes d'accident du travail, la déclaration d'accident du travail étant à la charge de Pôle emploi.

10. Il résulte de la combinaison de ces textes que la présomption de faute inexcusable ne s'applique pas au demandeur d'emploi participant à des actions d'orientation, d'évaluation ou d'accompagnement de la recherche d'emploi dispensées ou prescrites par Pôle emploi, qui ne peut être assimilé à un stagiaire en formation professionnelle en entreprise.

11. Ayant constaté que la victime avait effectué la formation litigieuse en qualité de demandeur d'emploi, la cour d'appel en a exactement déduit que celle-ci ne pouvait bénéficier de la présomption de faute inexcusable prévue par l'article L. 4154-3 du même code.

12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Coutou - Avocat général : Mme Tuffreau - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SARL Delvolvé et Trichet ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Articles L. 412-8 et L. 452-1 du code de la sécurité sociale ; article L. 4154-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, L.4154-3.

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