Numéro 11 - Novembre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2023

PROTECTION DES CONSOMMATEURS

Com., 29 novembre 2023, n° 22-17.913, (B), FRH

Rejet

Cautionnement – Mention manuscrite prescrite par l'article L. 341-2 du code de la consommation – Défaut – Durée de l'engagement de caution – Nécessité de se reporter aux clauses imprimées de l'acte

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 17 février 2022) et les productions, par un acte du 14 décembre 2009, la société caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Languedoc (la banque) a consenti à la société Laurika (la société) un prêt d'un montant de 320 000 euros d'une durée de quatre-vingt quatre mois.

2. Par le même acte, M. [Z] et Mme [B], son épouse, se sont rendus cautions solidaires du remboursement de ce prêt, à concurrence d'une certaine somme.

3. La société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné Mme [B] en exécution de son engagement.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer nul l'engagement de caution souscrit par Mme [B], le 14 décembre 2009, et de rejeter l'intégralité de ses prétentions, alors :

« 1°/ que la mention manuscrite, indiquant, quant à la durée de l'engagement de la caution, « pour la durée de l'emprunt » cautionné, énonce une durée précise et satisfait, en conséquence, aux exigences posées, relativement à la durée d'un cautionnement à durée déterminée, par les dispositions de l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, qui sont applicables à la cause ; qu'en retenant le contraire, pour déclarer nul l'engagement de caution souscrit par Mme [B], le 14 décembre 2009, et pour débouter en conséquence la banque de l'intégralité de ses prétentions, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016, qui sont applicables à la cause ;

2°/ que les juges du fond ont l'interdiction de dénaturer les termes clairs et précis des documents de la cause ; qu'en énonçant, par conséquent, pour déclarer nul l'engagement de caution souscrit par Mme [B], le 14 décembre 2009 et pour débouter en conséquence la banque de l'intégralité de ses prétentions, qu'à défaut de précision de la durée de l'emprunt cautionné dans l'acte de cautionnement, la mention manuscrite reproduite par Mme [B] ne lui permettait pas d'avoir une pleine connaissance de la portée de son engagement et que l'acte de cautionnement ne portait pas l'indication d'une durée précise de l'engagement souscrit et contrevenait dès lors au formalisme légal imposé par les dispositions l'ancien article L. 341-2 du code de la consommation, quand l'acte sous seing privé en date du 14 décembre 2009, par lequel Mme [B] s'était engagée à titre de caution, stipulait expressément que la durée de l'emprunt cautionné était de quatre-vingt-quatre mois, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'acte sous seing privé en date du 14 décembre 2009, en violation des dispositions de l'article 1134 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, qui sont applicables à la cause. »

Réponse de la Cour

5. Après avoir énoncé qu'il résulte de l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction alors applicable, que la mention manuscrite de la durée du cautionnement doit être exprimée de manière précise et sans qu'il soit nécessaire de se reporter aux clauses imprimées de l'acte, l'arrêt relève que la mention manuscrite apposée par Mme [B] au bas de l'acte de prêt dactylographié prévoit que l'engagement de caution de cette dernière est consenti « pour la durée de l'emprunt », sans que soit précisée cette durée.

6. En l'état de ces énonciations et constatations, la cour d'appel a exactement retenu, sans dénaturer la mention manuscrite apposée par Mme [B], qu'à défaut de précision de la durée de l'emprunt dans cette mention, celle-ci ne permettait pas à la caution d'avoir une pleine connaissance de la portée de son engagement.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Graff-Daudret - Avocat(s) : SCP Capron ; SAS Hannotin Avocats -

Textes visés :

Article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 9 juillet 2015, pourvoi n° 14-24.287, Bull. 2015, I, n° 182 (rejet).

1re Civ., 8 novembre 2023, n° 21-22.655, (B), FS

Rejet

Clauses abusives – Domaine d'application – Contrat type applicable en matière de transport public routier de marchandises – Règles applicables en cas de perte et avaries – Application supplétive – Convention écrite conclue entre les parties – Clause n'accordant pas un niveau d'indemnisation conforme ou supérieur aux dispositions supplétives

Il résulte de la combinaison des articles L. 132-1, alinéa 1, devenu L. 212-1, alinéa 1, R.132-1, 6°, devenu R. 212-1, 6°, du code de la consommation, de l'article L. 1432-4 du code des transports et des articles 21 du décret n° 99-269 du 6 avril 1999 et 22 du décret n° 2017-461 du 31 mars 2017 relatifs au contrat type applicable en matière de transport public routier de marchandises, que les règles applicables en cas de perte et avaries énoncées par ces deux derniers textes s'appliquent de manière supplétive en l'absence de convention écrite conclue entre les parties et qu'en présence d'une telle convention, les clauses qui n'accordent pas un niveau d'indemnisation conforme ou supérieur aux dispositions supplétives sont abusives.

Dès lors qu'elle a relevé que les clauses critiquées fixaient des plafonds d'indemnisation inférieurs aux plafonds réglementaires, dont elles ne rappelaient pas l'existence, et fait ressortir qu'elles n'accordaient pas une indemnisation conforme ou supérieure aux dispositions supplétives qu'elles évinçaient, une cour d'appel en a exactement déduit qu'elles étaient abusives.

Clauses abusives – Domaine d'application – Contrat type applicable en matière de transport public routier de marchandises – Règles applicables en cas de retard à la livraison – Application supplétive – Convention écrite conclue entre les parties – Clause n'accordant pas un niveau d'indemnisation conforme ou supérieur aux dispositions supplétives

Il résulte de la combinaison des articles L. 212-1, alinéa 1, R. 212-1, 6°, du code de la consommation, de l'article L. 1432-4 du code des transports et de l'article 24-3 du décret n° 2017-461 du 31 mars 2017 relatifs au contrat type applicable en matière de transport public routier de marchandises, que les règles applicables en cas de retard à la livraison énoncées par le dernier de ces textes s'appliquent de manière supplétive en l'absence de convention écrite conclue entre les parties et qu'en présence d'une telle convention, les clauses qui n'accordent pas un niveau d'indemnisation conforme ou supérieur aux dispositions supplétives sont abusives. Dès lors qu'elle a relevé que les clauses en cause venaient limiter le droit à réparation du consommateur et fait ressortir qu'elles étaient moins favorables que les prévisions du contrat type, en ce qu'elles n'avertissaient pas le consommateur de sa faculté de faire une déclaration d'intérêt spécial à la livraison ayant pour effet de substituer le montant de cette déclaration au plafond de l'indemnité fixée, une cour d'appel en a exactement déduit qu'elles étaient abusives.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 octobre 2020, rectifié le 1er juillet 2021), invoquant le caractère abusif de plusieurs clauses figurant, depuis le mois de juin 2015, dans des contrats offerts par la société Chronopost, le Conseil national des associations familiales laïques (CNAFAL) l'a assignée afin que celles-ci soient réputées non écrites et que soient ordonnées leur suppression et la mise en conformité des contrats proposés.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

2. La société Chronopost fait grief à l'arrêt de prononcer l'annulation de la clause 7-1 / CGV Portail principal / Perte / Avarie de l'ensemble des contrats, de dire que sont abusives les clauses 7-1 des conditions générales de vente consommateurs Lettre de transport Manuelles et saisies sur automate, de celles du site Chronopost prêt-à-expédier et Chronopeï, de celles figurant sur les enveloppes distribuées aux consommateurs prêt-à-expédier France métropolitaine, de celles des enveloppes figurant sur les enveloppes distribuées aux consommateurs prêt-à-expédier International et DOM, de prononcer la suppression de ces clauses sous astreinte, de la condamner à payer des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs et d'ordonner la publication du dispositif de l'arrêt, alors :

« 1°/ que, dans les matières régies de manière supplétive par des contrats-types de nature réglementaire, les clauses-types écartent la présomption de caractère abusif des clauses figurant sur la liste des clauses présumées abusives de manière irréfragable, clauses dites noires ; que ne peut donc être déclarée abusive une stipulation conventionnelle créant une protection du consommateur conforme ou supérieure à celle figurant au contrat-type ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a déclaré abusives les clauses de l'ensemble des contrats de la société Chronopost libellés « article 7-1 / CGV Portail principal / Perte / Avarie libellé « La responsabilité de Chronopost est engagée en cas de perte ou de dommage matériel causé au colis en cours de transport ou de non-livraison, sauf faute de l'expéditeur ou du destinataire, cas de force majeure, vice propre de l'objet, insuffisance d'emballage qui constituent non limitativement des cas d'exonération. / Si elle est établie, la responsabilité de Chronopost est engagée pour la valeur d'origine de la marchandise, le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution des documents, dans la limite de 250 euros par colis, et sur présentation de justificatifs. Toutefois, la limite d'indemnité pour les prestations Chrono 18, Chrono Classic et Chrono Relais Europe, est fixée à 23 euros par kilogramme sans pouvoir excéder 690 euros par colis », et les clauses suivantes des conditions générales de la société Chronopost : « - article 7-1 intitulé perte et avarie des conditions générales de vente consommateurs Lettre de transport manuelles et saisies sur automate : en ce qu'il énonce (...) le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution des documents, dans la limite de 250 euros par colis, et sur présentation de justificatifs. Pour les colis dont le poids excède 7,57 kg, l'indemnisation est portée à 33 euros par kilogramme sans pouvoir excéder 1.000 euros par colis,

- article 7-1 intitulé perte et avarie des conditions générales de vente du site Chronopost prêt-à-expédier et Chronopeï en ce qu'il énonce (...)le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution des documents, dans la limite de 500 euros par colis et sur présentation de justificatifs,

- article 7-1 des conditions générales de vente figurant sur les enveloppes distribuées aux consommateurs prêt-à-expédier France métropolitaine en ce qu'il énonce (...) le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution, dans la limite de 500 euros par colis, et sur présentation de justificatifs,

- article 7-1 des conditions générales de vente des enveloppes figurant sur les enveloppes distribuées aux consommateurs prêt-à-expédier International et DOM en ce qu'il énonce : Si elle est établie, la responsabilité de Chronopost est engagée pour la valeur de la marchandise au jour du sinistre, le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution, dans la limite de 250 euros par colis, et sur présentation de justificatifs » ; qu'en jugeant que ces clauses ayant pour effet de réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur étaient irréfragablement présumées abusives selon l'article R. 132-1 (R. 212-1 dans sa nouvelle numérotation) du code de la consommation, tandis que les décrets n° 99- 269 du 6 avril 1999 et n° 2017-461 du 31 mars 2017 ont créé, en matière de contrat de transport de marchandises, des contrats-types supplétifs prévoyant des plafonds d'indemnisation ayant pour effet de réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur, ce qui excluait que les stipulations conventionnelles puissent être déclarées abusives sur ce fondement, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, ensemble les articles 21 du décret n° 99-269 du 6 avril 1999 et 22 du décret n° 2017-461 du 31 mars 2017 ;

2°/ que, dans les matières régies de manière supplétive par des contrats-types de nature réglementaire, le déséquilibre significatif créé au détriment du consommateur ne peut être caractérisé, et le caractère abusif d'une clause conventionnelle ne peut donc être retenu, lorsque cette clause dérogatoire est plus favorable au consommateur que la clause type réglementaire supplétive ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé abusives les clauses de l'ensemble des contrats de la société Chronopost libellés « article 7-1 / CGV Portail principal / Perte / Avarie libellé « La responsabilité de Chronopost est engagée en cas de perte ou de dommage matériel causé au colis en cours de transport ou de non-livraison, sauf faute de l'expéditeur ou du destinataire, cas de force majeure, vice propre de l'objet, insuffisance d'emballage qui constituent non limitativement des cas d'exonération./ Si elle est établie, la responsabilité de Chronopost est engagée pour la valeur d'origine de la marchandise, le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution des documents, dans la limite de 250 euros par colis, et sur présentation de justificatifs. Toutefois, la limite d'indemnité pour les prestations Chrono 18, Chrono Classic et Chrono Relais Europe, est fixée à 23 euros par kilogramme sans pouvoir excéder 690 euros par colis », et les clauses suivantes des conditions générales de la société Chronopost : « - article 7-1 intitulé perte et avarie des conditions générales de vente consommateurs Lettre de transport manuelles et saisies sur automate : en ce qu'il énonce (...) le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution des documents, dans la limite de 250 euros par colis, et sur présentation de justificatifs. Pour les colis dont le poids excède 7,57 kg, l'indemnisation est portée à 33 euros par kilogramme sans pouvoir excéder 1.000 euros par colis,

- article 7-1 intitulé perte et avarie des conditions générales de vente du site Chronopost prêt-à-expédier et Chronopeï en ce qu'il énonce (...) le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution des documents, dans la limite de 500 euros par colis et sur présentation de justificatifs,

- article 7-1 des conditions générales de vente figurant sur les enveloppes distribuées aux consommateurs prêt-à-expédier France métropolitaine en ce qu'il énonce (...) le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution, dans la limite de 500 euros par colis, et sur présentation de justificatifs,

- article 7-1 des conditions générales de vente des enveloppes figurant sur les enveloppes distribuées aux consommateurs prêt-à-expédier International et DOM en ce qu'il énonce : Si elle est établie, la responsabilité de Chronopost est engagée pour la valeur de la marchandise au jour du sinistre, le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution, dans la limite de 250 euros par colis, et sur présentation de justificatifs » ; qu'en jugeant que ces clauses ayant pour effet de réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur étaient irréfragablement présumées abusives selon l'article R. 132-1 (R. 212-1 dans sa nouvelle numérotation) du code de la consommation, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ces clauses accordaient en réalité au consommateur une indemnisation plus favorable que les clauses supplétives, applicables au contrat de transport en l'absence de stipulation conventionnelle ou en cas de stipulation réputée non écrite, figurant aux contrats-types créés par les décrets n° 99-269 du 6 avril 1999 et n° 2017-461 du 31 mars 2017 et prévoyant des plafonds d'indemnisation du préjudice subi par le consommateur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, ensemble les articles 21 du décret n° 99-269 du 6 avril 1999 et 22 du décret n° 2017-461 du 31 mars 2017 ;

3°/ que la cour d'appel a jugé abusive la clause « article 7-1 / CGV Portail principal / Perte / Avarie libellé « La responsabilité de Chronopost est engagée en cas de perte ou de dommage matériel causé au colis en cours de transport ou de non-livraison, sauf faute de l'expéditeur ou du destinataire, cas de force majeure, vice propre de l'objet, insuffisance d'emballage qui constituent non limitativement des cas d'exonération. / Si elle est établie, la responsabilité de Chronopost est engagée pour la valeur d'origine de la marchandise, le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution des documents, dans la limite de 250 euros par colis, et sur présentation de justificatifs. Toutefois, la limite d'indemnité pour les prestations Chrono 18, Chrono Classic et Chrono Relais Europe, est fixée à 23 euros par kilogramme sans pouvoir excéder 690 euros par colis », aux motifs, à les supposer adoptés du jugement, que la clause litigieuse pose comme limite préalable un plafond d'indemnisation de 250 euros, très inférieur et donc très défavorable par rapport au plafond réglementaire de 750 euros, qu'elle ne précise pas les conditions dans lesquelles cette limite d'indemnité peut le cas échéant être rehaussée à 690 euros sur la base réglementaire de 23 euros par kilogramme et qu'elle ne rappelle aucunement l'existence de ce plafond réglementaire de 750 euros, supérieur de 500 euros à la première indication de plafond d'indemnité d'un montant de 250 euros ; qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions de la société Chronopost faisant valoir, preuves à l'appui, que les contrats concernés étaient limités à des envois de colis inférieurs à 12 kg et qu'en pratique la quasi-totalité des envois de consommateurs soumis à la clause litigieuse étant inférieurs à 11 kg, le plafond de 250 euros stipulé dans les conditions générales était plus favorable aux consommateurs que le plafond de 23 euros/kg (23x11 = 253) prévu dans le contrat-type, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

3. Il résulte de la combinaison des articles L. 132-1, alinéa 1, devenu L. 212-1, alinéa 1, R. 132-1, 6°, devenu R. 212-1, 6°, du code de la consommation, de l'article L. 1432-4 du code des transports et des articles 21 du décret n° 99-269 du 6 avril 1999 et 22 du décret n° 2017-461 du 31 mars 2017 relatifs au contrat type applicable en matière de transport public routier de marchandises, que les règles applicables en cas de perte et avaries énoncées par ces deux derniers textes s'appliquent de manière supplétive en l'absence de convention écrite conclue entre les parties et qu'en présence d'une telle convention, les clauses qui n'accordent pas un niveau d'indemnisation conforme ou supérieur aux dispositions supplétives sont abusives.

4. Ayant relevé que les clauses critiquées fixaient des plafonds d'indemnisation inférieurs aux plafonds réglementaires, dont elles ne rappelaient pas l'existence et ainsi fait ressortir qu'elles n'accordaient pas une indemnisation conforme ou supérieure aux dispositions supplétives qu'elles évinçaient, la cour d'appel, sans être tenue de procéder à une recherche relative à un fait inexact ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en a exactement déduit qu'elles étaient abusives.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. La société Chronopost fait les mêmes griefs à l'arrêt à l'égard des clauses 7-2 des conditions générales de vente consommateurs du site internet /Lettre de transport manuelles et saisies sur automates - prêt-à-expédier - Chronopeï et 7-1 des conditions générales de vente imprimées au dos des enveloppes prêt-à-expédier France métropolitaine, International et DOM à disposition des clients dans les bureaux de poste, alors qu' « une stipulation conforme à un texte réglementaire ou législatif ne peut revêtir un caractère abusif ; que le contrat-type réglementaire applicable en matière de transports de marchandises, en l'absence de stipulation conventionnelle ou si la stipulation conventionnelle est réputée non-écrite, prévoit qu'« en cas de préjudice prouvé résultant d'un retard à la livraison du fait du transporteur, celui-ci est tenu de verser une indemnité qui ne peut excéder le prix du transport (droits, taxes et frais divers exclus)" ; que dès lors, en déclarant abusives les clauses limitatives de responsabilité en cas de retard stipulées conventionnellement dans les contrats de la société Chronopost, au motif qu'elles contreviendraient à la prohibition de l'article R. 212-1 du code de la consommation, après avoir pourtant constaté qu'elles prévoyaient qu'« en cas de retard à la livraison de son fait et en cas de préjudice prouvé, Chronopost s'engage à régler une indemnité qui ne peut excéder le prix du transport droits, taxes et frais divers exclus », ce dont il résulte qu'elles étaient conformes au texte réglementaire, ce qui devait conduire à écarter leur caractère prétendument abusif, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l'article L. 212-1 du code de la consommation, ensemble l'article 22 du décret n° 2017-461 du 31 mars 2017. »

Réponse de la Cour

7. Il résulte de la combinaison des articles L. 212-1, alinéa 1, R. 212-1, 6°, du code de la consommation, de l'article L. 1432-4 du code des transports et de l'article 24-3 du décret n° 2017-461 du 31 mars 2017 relatifs au contrat type applicable en matière de transport public routier de marchandises, que les règles applicables en cas de retard à la livraison énoncées par le dernier de ces textes s'appliquent de manière supplétive en l'absence de convention écrite conclue entre les parties et qu'en présence d'une telle convention, les clauses qui n'accordent pas un niveau d'indemnisation conforme ou supérieur aux dispositions supplétives sont abusives.

8. Ayant relevé que les clauses venaient limiter le droit à réparation du consommateur et fait ressortir qu'elles étaient moins favorables que les prévisions du contrat type, en ce qu'elles n'avertissaient pas le consommateur de sa faculté de faire une déclaration d'intérêt spécial à la livraison ayant pour effet de substituer le montant de cette déclaration au plafond de l'indemnité fixée, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche relative à un fait inexact ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en a exactement déduit qu'elles étaient abusives.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Champalaune - Rapporteur : Mme Champ - Avocat général : M. Salomon - Avocat(s) : SCP Duhamel ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Rapprochement(s) :

Articles L. 132-1, alinéa 1, devenu L. 212-1, alinéa 1, R. 132-1, 6°, devenu R. 212-1, 6°, du code de la consommation ; article L. 1432-4 du code des transports ; article 21 du décret n° 99-269 du 6 avril 1999 ; article 22 du décret n° 2017-461 du 31 mars 2017. Articles L. 212-1, alinéa 1, R. 212-1, 6°, du code de la consommation ; article L. 1432-4 du code des transports ; article 24-3 du décret n° 2017-461 du 31 mars 2017.

2e Civ., 23 novembre 2023, n° 21-12.922, (B), FS

Rejet

Surendettement – Commission de surendettement – Saisine du juge des contentieux de la protection – Vérification des créances – Défense au fond – Cas – Déchéance du droit aux intérêts – Portée

Il résulte de la combinaison des articles L. 723-3 et R. 723-7 du code de la consommation et 71 du code de procédure civile, que constitue une défense au fond, le moyen opposé à l'occasion de la procédure de vérification des créances et tiré de la déchéance du droit aux intérêts, qui ne peut tendre qu'à ce que la créance soit écartée, en tout ou partie, pour la poursuite de la procédure, sans que le débiteur ne puisse prétendre à la restitution d'un éventuel trop-perçu.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Béthune, 4 janvier 2021), rendu en dernier ressort, M. et Mme [Z], dont la demande tendant au traitement de leur situation financière avait été déclarée recevable, ont formé une contestation à la suite de la notification de l'état du passif dressé par la commission de surendettement, laquelle a saisi un juge à fin de vérification de la validité du titre de créance et du montant des sommes réclamées par la société [4], désormais dénommée [4] (la société), et aux droits de laquelle se trouve le [3] (le [3]), la société agissant dans la procédure en sa qualité de cédant chargé du recouvrement et mandatée par le [3], représenté par la société de gestion [2].

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

3. La société fait grief au jugement de déclarer M. et Mme [Z] recevables en leur contestation aux fins de vérification de la créance du [3], de juger que la créance du [3] est soldée pour les besoins de la procédure de surendettement de M. et Mme [Z] et de rappeler que cette créance ne pourra faire l'objet de poursuites, alors :

« 1°/ que la demande de l'emprunteur visant à voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts du prêt consenti par un établissement bancaire est soumise à la prescription quinquennale de l'article L. 110-4 du code de la consommation ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations du juge que M. et Mme [Z] étaient demandeurs à l'instance à laquelle la société [4] avait été attraite en qualité de défendeur (jugement, p. 2), et qu'ils avaient formé une demande en déchéance du droit aux intérêts qui devait être déclarée recevable (jugement, p. 5, § 9) ; qu'en retenant néanmoins que M. et Mme [Z], en sollicitant la déchéance du droit aux intérêts, n'avaient fait que soulever un moyen de défense non soumis à la prescription, le juge de proximité n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 110-4 du code de commerce ;

2°/ que, subsidiairement, dès lors que l'emprunteur qui soulève en défense la déchéance du droit aux intérêts sollicite la restitution de ces intérêts, il forme une demande reconventionnelle soumise à prescription ; qu'en l'espèce, M. et Mme [Z] sollicitaient, à la suite de la déchéance du droit aux intérêts, que le montant de ces intérêts soit déduit du capital restant dû ; qu'en décidant néanmoins que ceux-ci ne soulevaient qu'une défense au fond non soumise à prescription, le juge de proximité a violé les articles 64 et 71 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 110-4 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article L. 723-3 du code de la consommation, le débiteur peut contester l'état du passif dressé par la commission et demander à celle-ci de saisir le juge des contentieux de la protection, aux fins de vérification de la validité des créances, des titres qui les constatent et du montant des sommes réclamées.

5. Selon l'article R. 723-7 du même code, la vérification de la validité des créances, des titres qui les constatent et de leur montant est opérée pour les besoins de la procédure et afin de permettre à la commission de poursuivre sa mission. Elle porte sur le caractère liquide et certain des créances ainsi que sur le montant des sommes réclamées en principal, intérêts et accessoires.

Les créances, dont la validité ou celle des titres qui les constatent n'est pas reconnue, sont écartées de la procédure.

6. Aux termes de l'article 71 du code de procédure civile, constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire.

7. Il résulte de la combinaison de ces textes que constitue une défense au fond, le moyen opposé à l'occasion de la procédure de vérification des créances et tiré de la déchéance du droit aux intérêts, qui ne peut tendre qu'à ce que la créance soit écartée, en tout ou partie, pour la poursuite de la procédure, sans que le débiteur ne puisse prétendre à la restitution d'un éventuel trop-perçu.

8. Ayant retenu que toute cause de déchéance n'a pas à être soulevée, à peine d'irrecevabilité, dans le délai de prescription de cinq ans de l'article L. 110-4 du code de commerce, un moyen de défense au fond pouvant être opposé en tout état de cause sans être soumis à la prescription, le juge en a déduit, à bon droit, que le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts était recevable.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

10. La société fait grief au jugement de juger que la créance n° 10206742503 du [3] est soldée pour les besoins de la procédure de surendettement de M. et Mme [Z] et de rappeler que cette créance ne pourra faire l'objet de poursuites, alors :

« 1°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions et moyens respectifs des parties ; qu'en l'espèce, M. et Mme [Z] demandaient uniquement à voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts, que le montant des intérêts trop perçus soit déduit du montant restant dû, et que le trop-perçu de prime d'assurance soit lui-même réaffecté au remboursement du capital ; qu'en jugeant que l'intégralité de la créance litigieuse était « soldée » pour les besoins de la procédure de surendettement, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2°/ que les juges sont tenus d'assortir leur décision de motifs propres à la justifier ; qu'en se bornant à retenir en l'espèce, s'agissant du montant de la créance, qu'il convenait de constater, au vu de l'historique de compte produit aux débats, que la créance du Fonds commun de titrisation était soldée, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

11. Il résulte des articles L. 723-3 et R. 723-7 du code de la consommation que le juge, saisi d'une demande de vérification de la validité des créances, des titres qui les constatent et du montant des sommes réclamées, est tenu de fixer le montant de la créance pour les besoins de la procédure et afin de permettre à la commission de poursuivre sa mission.

12. C'est sans violer les articles 4 et 5 du code de procédure civile que le juge, après avoir retenu que la déchéance du droit aux intérêts était encourue, en a déduit, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits, par une décision motivée, que la créance était soldée.

13. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : M. Cardini - Avocat général : M. Adida-Canac - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article L. 723-3 et R. 723-7 du code de la consommation ; article 71 du code de procédure civile.

2e Civ., 23 novembre 2023, n° 22-11.535, (B), FRH

Cassation partielle

Surendettement – Procédure de rétablissement personnel sans liquidation personnelle – Clôture – Effacement des dettes – Dettes concernées – Etendue – Détermination – Portée

Selon l'article L. 741-2 du code de la consommation dans sa version modifiée issue de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, en l'absence de contestation dans les conditions prévues à l'article L. 741-4 du même code, le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire entraîne l'effacement de toutes les dettes non professionnelles du débiteur arrêtées à la date de la décision de la commission, à l'exception des dettes mentionnées aux articles L. 711-4 et L. 711-5 et des dettes dont le montant a été payé au lieu et place du débiteur par la caution ou le coobligé, personnes physiques. Il entraîne aussi l'effacement de la dette résultant de l'engagement que le débiteur a pris de cautionner ou d'acquitter solidairement la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société.

Méconnaît ce texte l'arrêt qui, pour valider une saisie-attribution, retient que l'effacement des dettes résultant du rétablissement personnel sans liquidation judiciaire imposé par la commission de surendettement ne concerne que le passif existant au jour de l'admission du débiteur à la procédure de surendettement, alors que cet effacement concernait le passif existant au jour de la date de la décision de la commission imposant le rétablissement personnel, qui n'avait pas fait l'objet d'une contestation.

Surendettement – Procédure de rétablissement personnel sans liquidation personnelle – Clôture – Effacement des dettes – Point de départ – Cas – Décision de la commission imposant le rétablissement personnel

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 18 février 2021), une commission de surendettement a imposé une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire au profit de M. et Mme [V] le 27 août 2019, sa décision ne faisant l'objet d'aucune opposition.

2. Un juge de l'exécution a validé partiellement une saisie-attribution du 9 janvier 2020 pratiquée par M. et Mme [K] à l'encontre de M. [V] pour une certain montant, à la suite de la résiliation constatée judiciairement du bail conclu entre les parties.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. [V] fait grief à l'arrêt de valider partiellement la saisie -attribution opérée par M. et Mme [K] à son encontre à hauteur de la somme de 3 655,30 euros majorée des intérêts au taux légal alors « que le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire entraîne l'effacement de toutes les dettes non professionnelles du débiteur, arrêtées à la date de la décision de rétablissement ; qu'en décidant que cet effacement ne concernerait que le passif existant au jour de l'admission du dossier du débiteur à la procédure de surendettement, et en retenant donc à tort la date du 7 juin 2019 au lieu de celle du 27 août 2019, la cour a violé l'article L 741-2 du code de la consommation dans sa version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 741-2 du code de la consommation dans sa version modifiée par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, applicable en la cause :

4. Selon ce texte, en l'absence de contestation dans les conditions prévues à l'article L. 741-4, le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire entraîne l'effacement de toutes les dettes non professionnelles du débiteur, arrêtées à la date de la décision de la commission, à l'exception des dettes mentionnées aux articles L. 711-4 et L. 711-5 et des dettes dont le montant a été payé au lieu et place du débiteur par la caution ou le coobligé, personnes physiques.

Le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire entraîne aussi l'effacement de la dette résultant de l'engagement que le débiteur a pris de cautionner ou d'acquitter solidairement la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société.

5. Pour valider la saisie-attribution litigieuse à hauteur de la somme de 3 655,30 euros en principal, l'arrêt retient que l'effacement des dettes résultant du rétablissement personnel sans liquidation judiciaire imposé par la commission de surendettement ne concerne que le passif existant au jour de l'admission du débiteur à la procédure de surendettement soit, en l'espèce, le 7 juin 2019.

6. En statuant ainsi, alors que l'effacement des dettes concernait le passif existant au jour de la décision de la commission de surendettement qui n'avait pas fait l'objet d'une contestation, soit le 27 août 2019, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a validé la saisie-attribution opérée le 9 janvier 2020 par M. et Mme [K] à l'encontre de M. [V], partiellement à hauteur de 3 655, 30 euros majorée des intérêts au taux légal calculés successivement après imputation de chacune des sommes venues au crédit ou au débit du saisi postérieurement au 7 juin 2019, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, l'arrêt rendu le 18 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Vendryes - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Gury et Maitre -

Textes visés :

Articles L. 741-2, dans sa version modifiée issue de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ; articles L. 741-4, L. 711-4 et L. 711-5 du code de la consommation.

2e Civ., 16 novembre 2023, n° 21-25.567, (B), FRH

Cassation partielle

Surendettement – Procédure de rétablissement personnel sans liquidation personnelle – Clôture – Effacement des dettes – Exclusion – Cas – Créance de prestations sociales indues versées avant l'ordonnance conférant force exécutoire à la recommandation de rétablissement personnel

Il résulte de l'article L. 332-5 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, alors en vigueur, que les dettes nées après l'ordonnance conférant force exécutoire à la recommandation de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ne sont pas effacées par cette procédure. La créance de restitution de prestations sociales indues naît à la date du paiement de ces prestations.

Dès lors, doit être cassée la décision qui refuse d'annuler une contrainte délivrée pour obtenir le recouvrement de prestations indues ayant, pour partie, été versées à l'allocataire antérieurement à l'ordonnance conférant force exécutoire à la recommandation de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.

Surendettement – Procédure de rétablissement personnel – Clôture – Effacement des dettes – Etendue – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 19 octobre 2021), ayant été informée le 22 avril 2013 par M. [M] (l'allocataire) du changement de sa situation professionnelle intervenu le 28 novembre 2011, la caisse d'allocations familiales de l'Isère (la caisse) a réclamé à ce dernier, le 3 juillet 2013, le remboursement d'un indu au titre de l'allocation aux adultes handicapés, de la majoration pour la vie autonome et de l'allocation de logement sociale, dont il avait bénéficié du 1er novembre 2011 au 30 avril 2013.

2. À la suite d'une mise en demeure délivrée le 11 décembre 2015, la caisse a décerné à l'allocataire une contrainte le 24 mars 2016, à l'encontre de laquelle celui-ci a formé opposition devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'allocataire fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « qu'il résulte de l'article L. 332-5 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause, c'est-à-dire celle antérieure à la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, que le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire rendu exécutoire par le juge du tribunal d'instance entraîne l'effacement de toutes les dettes non professionnelles du débiteur, à l'exception de certaines dettes limitativement énumérées ; que sont notamment effacées les dettes à l'égard des organismes de sécurité sociale, dès lors qu'elles n'ont pas une origine frauduleuse établie, soit par une décision de justice, soit par une sanction prononcée par le directeur de l'organisme concerné ; qu'en cas de paiement indu de prestations sociales, l'obligation de remboursement pesant sur l'allocataire naît au moment du paiement, et non au moment de la notification de l'indu par l'organisme payeur ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt attaqué, d'une part, que l'allocataire avait fait l'objet d'une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire rendue exécutoire par une ordonnance du 14 décembre 2012, d'autre part, que l'indu notifié en juillet 2013 à l'assuré par la caisse portait sur des paiements effectués du 1er novembre 2011 au 30 avril 2013, s'agissant de l'allocation aux adultes handicapés et de la majoration pour la vie autonome, et du 1er janvier 2012 au 31 mars 2013, s'agissant de l'allocation de logement sociale ; qu'ainsi, la cour d'appel a elle-même mis en lumière que l'indu notifié par la caisse concernait, en partie, des paiements antérieurs à l'ordonnance ayant rendu exécutoire le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire de l'allocataire ; que la cour d'appel a cependant retenu que l'obligation de remboursement de l'indu subsistait entièrement, nonobstant la mesure de rétablissement personnel, au motif, non pertinent, que l'indu avait été notifié postérieurement à cette mesure ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article L. 332-5 susmentionné du code de la consommation, les articles L. 821-5-1 et L. 835-3 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, ainsi que les articles 1235 et 1376 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 332-5 du code de la consommation, alors en vigueur, et L. 133-4-1 du code de la sécurité sociale :

4. Selon le premier de ces textes, le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire rendu exécutoire par le juge du tribunal d'instance entraîne l'effacement de toutes les dettes non professionnelles du débiteur, à l'exception des dettes visées à l'article L. 333-1, de celles mentionnées à l'article L. 333-1-2 et des dettes dont le prix a été payé aux lieu et place du débiteur par la caution ou le coobligé, personnes physiques.

Le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire entraîne aussi l'effacement de la dette résultant de l'engagement que le débiteur a donné de cautionner ou d'acquitter solidairement la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société.

Le greffe procède à des mesures de publicité pour permettre aux créanciers qui n'auraient pas été avisés de la recommandation de la commission de former tierce opposition à l'encontre de la décision du juge lui conférant force exécutoire.

Les créances, dont les titulaires n'auraient pas formé tierce opposition dans un délai de deux mois à compter de cette publicité, sont éteintes.

5. Il résulte de ce texte que les dettes nées après l'ordonnance conférant force exécutoire à la recommandation de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ne sont pas effacées par cette procédure.

6. Il résulte du second de ces textes que la créance de restitution de prestations sociales indues naît à la date du paiement des prestations indues.

7. Pour retenir que la créance de restitution des prestations sociales indues n'était pas éteinte par l'effet de l'ordonnance du 14 décembre 2012 conférant force exécutoire au rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, l'arrêt retient que ce n'est qu'à la date du courrier de l'allocataire du 22 avril 2013 que la caisse a été effectivement informée du changement de situation professionnelle de ce dernier intervenu le 28 novembre 2011, justifiant le réexamen de ses droits. Il en déduit que la caisse n'en avait pas connaissance lors de la procédure de surendettement.

8. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que les prestations indues avaient, pour partie, été versées à l'allocataire antérieurement à l'ordonnance conférant force exécutoire à la recommandation de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen relevé d'office

9. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article L. 161-1-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2010-462 du 6 mai 2010, applicable au litige :

10. Selon ce texte, pour le recouvrement d'une prestation indûment versée, le directeur d'un organisme de sécurité sociale peut, dans les délais et selon les conditions fixés par les articles R. 133-3 et suivants, délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur devant la juridiction compétente, comporte tous les effets d'un jugement et confère notamment le bénéfice de l'hypothèque judiciaire.

11. L'allocation de logement sociale, qui est une aide personnelle au logement liquidée et payée, pour le compte du Fonds national d'aide au logement, par les organismes chargés de gérer les prestations familiales, n'est pas au nombre des prestations susceptibles de donner lieu au recouvrement d'un indu par voie de contrainte par application du texte susvisé.

12. L'arrêt valide la contrainte décernée par la caisse aux fins, notamment, de recouvrement d'un indu d'allocation de logement sociale.

13. En statuant ainsi, alors que le litige dont elle était saisie se rapportait, pour partie, au recouvrement forcé d'un indu d'allocation de logement sociale, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'opposition formée par M. [M] à la contrainte du 24 mars 2016, l'arrêt rendu le 19 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : M. Labaune - Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix -

Textes visés :

Article L. 332-5 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014.

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