Numéro 11 - Novembre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2023

ASSURANCE MARITIME

Com., 22 novembre 2023, n° 22-14.253, (B), FRH

Cassation

Contrat d'assurance maritime – Mentions – Rappel des causes d'interruption de la prescription biennale (non)

Il résulte des dispositions d'ordre public de l'article R. 112-1 du code des assurances que les polices d'assurance relevant des branches 1 à 17 de l'article R. 321-1 doivent rappeler les dispositions des titres I et II du livre Ier de la partie législative du code des assurances concernant la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance, que l'assureur est tenu de rappeler dans le contrat d'assurance, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription édicté par l'article L. 114-1 du code des assurances, les causes d'interruption de la prescription biennale prévues à l'article L. 114-2 du même code.

Il est fait exception à cette règle lorsqu'il est établi que la police d'assurance a pour objet de garantir l'un des risques énumérés au premier de ces textes, dont les risques maritimes, lesquels relèvent des règles énoncées au titre VII du code précité.

Constitue un risque maritime tout risque qui peut se produire au cours de la navigation maritime, quelle qu'en soit la cause.

Action en règlement de l'indemnité – Prescription biennale – Interruption – Causes d'interruption – Rappel dans le contrat d'assurance – Obligation (non)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er février 2022), le 3 septembre 2010, la société Le Piano barge, exploitant une péniche restaurant à [Localité 8], a souscrit un contrat d'assurances maritimes corps, risques divers et responsabilité civile du navire auprès des sociétés d'assurances Generali IARD, MMA IARD, MMA IARD assurances mutuelles, Catlin Insurance Company Limited, Tokio Marine Kiln Syndicate 510 syndicat des Lloyds de [Localité 6] et Italiana Assicurazioni E Riassicurazioni PA-SIAT (les assureurs).

Par un avenant du 3 septembre 2011, la police a été étendue à la couverture des opérations nécessaires à la transformation et l'aménagement du bateau pour l'année 2011, laquelle a été renouvelée par tacite reconduction le 3 septembre 2012.

2. Le 25 octobre 2012, au cours des travaux de rénovation du bateau, un salarié de la société Sofradi, intervenant sur le chantier de rénovation, a été accidenté.

3. Le 7 janvier 2016, celle-ci a assigné en indemnisation de ses préjudices la société Le Piano barge, qui a assigné en garantie les assureurs.

4. Les assureurs ayant opposé à la société Le Piano barge la prescription biennale de l'article L. 172-31 du code des assurances, celle-ci a soutenu que, n'ayant pas souscrit une police d'assurance maritime, son action était soumise aux règles de prescriptions de l'article L. 114-1 du même code et que, le contrat ne contenant aucune stipulation relative à la suspension ou d'interruption de la prescription, cette prescription abrégée lui était inopposable.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

5. La société Le Piano barge fait grief à l'arrêt de dire que la prescription biennale est opposable à l'assuré et de dire en conséquence que son action est prescrite, alors « qu'aux termes de l'article L. 171-1, 1°, du code des assurances, est un contrat d'assurance maritime celui qui a pour objet de garantie les risques maritimes ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre aux conclusions d'appel de la société Le Piano barge ayant fait valoir que la police litigieuse n'avait pas pour objet la garantie de « risques maritimes », au sens de l'article L. 171-1, 1°, du code des assurances qui définit le contrat d'assurance maritime, en ce que « les travaux réalisés dans un chantier ne correspondent ni à l'exécution d'une expédition maritime, ni à l'exécution d'un contrat de transport de marchandise par voie maritime, opérations qui relèvent, pour leurs parts, des « risques maritimes » pour lesquels un régime d'assurance spécifique est prévue », ce dont il résultait que, la police souscrite n'étant pas une assurance maritime régie par le titre septième du code des assurances, était applicable l'article R. 112-1 du même code dont la police relevait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 171-1, 1°, du code des assurances et R. 112-1 du même code :

6. Il résulte des dispositions d'ordre public du second de ces textes, selon lequel les polices d'assurance relevant des branches 1 à 17 de l'article R. 321-1 doivent rappeler les dispositions des titres I et II du livre Ier de la partie législative du code des assurances concernant la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance, que l'assureur est tenu de rappeler dans le contrat d'assurance, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription édicté par l'article L. 114-1 du code des assurances, les causes d'interruption de la prescription biennale prévues à l'article L. 114-2 du même code.

7. Il est fait exception à cette règle lorsqu'il est établi que la police d'assurance a pour objet de garantir l'un des risques énumérés au premier de ces textes, dont les risques maritimes, lesquels relèvent des règles énoncées au titre VII du code précité.

8. Constitue un risque maritime, tout risque qui peut se produire au cours de la navigation maritime quelqu'en soit la cause.

9. Pour écarter l'application de l'article R. 112-1 du code des assurances au sinistre survenu au cours des opérations de rénovation du bateau, après avoir relevé que la société Le Piano barge avait souscrit le 3 septembre 2010 une police d'assurance maritime corps de navire ainsi qu'un avenant stipulant l'extension de la garantie aux risques construction de navire à compter du mois de décembre 2011 et qu'à compter de cette date, la couverture avait été étendue aux conditions de la police d'assurances maritime sur corps de navire en construction (imprimée du 20 décembre 1990 modifié le 1er janvier 2002), l'arrêt retient qu'il est établi que la commune intention des parties était de souscrire une police d'assurance maritime et en matière maritime dont les actions se prescrivent par deux ans.

10. En se déterminant ainsi, sans caractériser, comme il lui incombait, les circonstances permettant de qualifier de risques maritimes, exclus de l'application des dispositions d'ordre public de l'article R. 112-1 du code des assurances, les opérations couvertes par l'avenant au contrat d'assurances, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Guillou - Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Articles L. 114-1, L. 114-2, R. 112-1 et R. 321-1 du code des assurances.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.