Numéro 11 - Novembre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2023

APPEL CIVIL

2e Civ., 23 novembre 2023, n° 21-23.405, n° 21-23.465, (B), FRH

Rejet

Acte d'appel – Caducité – Constatation par ordonnance – Absence d'obligation de notification par le secrétariat-greffe – Représentation obligatoire – Mandat de représentation – Dénonciation – Conséquence

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 21-23.465 et 21-23.405 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 septembre 2021), M. et Mme [J], représentés par M. [Z], avocat, ont relevé appel d'un jugement rendu le 5 juillet 2019 par un tribunal de grande instance dans une instance les opposant à la Société civile immobilière du [Adresse 2].

3. Le 27 février 2020, M. et Mme [J] ont déféré à la cour d'appel l'ordonnance ayant constaté la caducité de la déclaration d'appel, rendue le 30 janvier 2020 par un conseiller de la mise en état.

4. La Société civile immobilière du [Adresse 2] a soulevé l'irrecevabilité de la requête en déféré, comme ayant été formée au-delà du délai prévu à l'article 916 du code de procédure civile.

Examen du moyen

Sur le moyen des pourvois

Enoncé du moyen

5. M. et Mme [J] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur requête tendant à déférer à la cour d'appel l'ordonnance de caducité du 30 janvier 2020, alors :

« 1°/ qu'en application de l'article 916 du code de procédure, la requête en déféré doit être formée dans les quinze jours de la date de l'ordonnance du conseiller de la mise en état déférée à la cour d'appel ; que cette disposition poursuit un but légitime de célérité de traitement des incidents affectant l'instance d'appel, en vue du jugement de celui-ci dans un délai raisonnable ; que l'irrecevabilité frappant le déféré formé au-delà de ce délai ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge, dès lors que les parties sont tenues de constituer un avocat, professionnel avisé, en mesure d'accomplir les actes de la procédure d'appel, dont fait partie le déféré, dans les formes et délais requis ; que, toutefois, lorsque l'avocat de l'une des parties à l'instance a déclaré ne plus la représenter, l'irrecevabilité frappant le déféré formé au-delà du délai de quinze jours constituerait une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge si ce délai courait du jour de l'ordonnance sans que la partie ait été informée de la date à laquelle elle serait rendue ; qu'il découle ainsi du droit d'accès au juge qu'à défaut pour la partie d'avoir été informée de cette date, le délai qui lui est ouvert pour déférer l'ordonnance ne peut courir que du jour où l'ordonnance est portée à sa connaissance par tout moyen permettant de s'assurer de la date à laquelle elle a reçu cette information ; que l'ordonnance de caducité du 30 janvier 2020 rendue par le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Paris a constaté que « Me [Z] a[vait] déclaré à la Cour ne plus représenter M. et Mme [J] depuis le 20.11.19 ; [?] que le 09.12.19, il répond à la demande de signification 902 qui lui a été envoyée qu'il ne peut mettre en oeuvre ces nouvelles mesures, ne représentant plus M. et Mme [J] » ; qu'en jugeant pourtant que le délai de quinze jours imparti à M. et Mme [J] pour déférer cette ordonnance avait commencé à courir à compter de sa date, sans qu'il ressorte de la procédure que M. et Mme [J] avaient été informés de la date à laquelle l'ordonnance déférée serait rendue, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 528 et 916 du code de procédure civile ;

2°/ que lorsque la représentation est obligatoire, l'avocat ne peut se décharger de son mandat de représentation que du jour où il est remplacé par un nouveau représentant ; qu'en énonçant que « M. [Z] s'éta[n]t constitué pour représenter les intérêts de M. et Mme [J] devant la cour, un simple message de sa part indiquant à la cour qu'il ne représentait plus M. et Mme [J] ne suffisait pas à mettre fin à son mandat de représentation qui ne pouvait cesser que par la constitution d'un autre avocat en ses lieux et place », sans tenir compte de la circonstance relevée par l'ordonnance de caducité du 30 janvier 2020, selon laquelle Me [Z] ne s'était pas contenté d'informer la juridiction, le 20 novembre 2019, qu'il n'était plus le mandataire de M. et Mme [J], mais avait, le 9 décembre suivant, répondu au greffe qui le sollicitait pour accomplir la signification de l'article 902 du code de procédure civile, qu'il ne pouvait pas mettre en oeuvre cette mesure, « ne représentant plus M. et Mme [J] », manifestant ainsi sa détermination à ne plus assurer la représentation de ces derniers, lesquels, à l'époque, n'avaient pas de nouveau représentant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 419 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en tout état de cause, même lorsqu'une disposition réglementaire ne méconnaît pas de manière générale et in abstracto la Convention européenne des droits de l'homme, il appartient au juge d'apprécier si, concrètement, dans l'affaire qui lui est soumise, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, la mise en oeuvre de cette disposition ne porte pas aux droits garantis par la Convention européenne des droits de l'homme une atteinte disproportionnée au regard du but légitime poursuivi, auquel cas il lui appartient de neutraliser l'application de la disposition litigieuse dans le litige particulier ; que l'ordonnance de caducité du 30 janvier 2020 a constaté que « Me [Z] a[vait] déclaré à la Cour ne plus représenter M. et Mme [J] depuis le 20.11.19 ; [?] que le 09.12.19, il répond à la demande de signification 902 qui lui a été envoyée qu'il ne peut mettre en oeuvre ces nouvelles mesures, ne représentant plus M. et Mme [J] » ; que dès lors en énonçant que « M. [Z] s'éta[n]t constitué pour représenter les intérêts de M. et Mme [J] devant la cour, un simple message de sa part indiquant à la cour qu'il ne représentait plus M. et Mme [J] ne suffisait pas à mettre fin à son mandat de représentation qui ne pouvait cesser que par la constitution d'un autre avocat en ses lieux et place », pour en déduire que le point de départ du délai de déféré restait le prononcé de l'ordonnance de caducité comme l'imposait l'article 916 du code de procédure civile, les juges du second degré ont porté une atteinte disproportionnée au droit à un procès équitable, notamment au droit d'accès à un juge, au regard du but poursuivi par l'article 419 du même code, et ont donc violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ».

Réponse de la Cour

6. Selon l'article 419 du code de procédure civile, lorsque la représentation est obligatoire, l'avocat ne peut se décharger de son mandat de représentation que du jour où il est remplacé par un nouveau représentant constitué par la partie ou, à défaut, commis par le bâtonnier ou par le président de la chambre de discipline.

7. Il en découle que le message par lequel l'avocat informe la cour d'appel qu'il ne représente plus les appelants est dénué d'effet sur le mandat de représentation de l'avocat, lequel continue de représenter la partie jusqu'à la constitution d'un nouvel avocat.

8. Il en résulte qu'il n'incombe pas au greffe de procéder à la notification de l'ordonnance de caducité à la partie concernée lorsqu'il est informé par l'avocat de sa volonté de se décharger de son mandat.

9. Ces règles sont claires et dénuées d'ambiguïté pour un professionnel du droit.

10. Ayant constaté que les appelants étaient représentés par M. [Z], avocat et que le message de M. [Z] indiquant à la cour d'appel qu'il ne représentait plus M. et Mme [J] ne suffisait pas à mettre fin à son mandat de représentation, qui ne pouvait cesser que par la constitution d'un autre avocat en ses lieux et place, la cour d'appel en a exactement déduit, sans porter une atteinte disproportionnée au droit à un procès équitable, que le déféré, formé par M. et Mme [J] au-delà du délai de 15 jours prévu à l'article 916 du code de procédure civile, était irrecevable.

11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Jollec - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Krivine et Viaud ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article 419 du code de procédure civile.

2e Civ., 23 novembre 2023, n° 21-22.913, (B), FRH

Cassation

Appelant – Conclusions – Notification – Notification des conclusions par le défenseur syndical de l'appelant à l'avocat de l'intimé – Remise en mains propres contre récépissé – Validité – Irrégularité de forme – Détermination – Portée

Selon l'article 930-3 du code de procédure civile, les notifications entre un avocat et un défenseur syndical sont effectuées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par voie de signification.

L'article 114 prévoit qu'aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public et que la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

Il en résulte que la remise des conclusions par l'appelant, en main propre à l'avocat de l'intimé contre récépissé, faite en lieu et place de la notification par lettre recommandée avec demande d'avis de réception prévue à l'article 930-3, qui établit non seulement la remise mais aussi sa date certaine, ne saurait donner lieu à caducité de l'appel mais constitue une irrégularité de forme qui n'est susceptible d'être sanctionnée, le cas échéant, que par le prononcé d'une nullité de forme sur la démonstration d'un grief.

Procédure avec représentation obligatoire – Déclaration d'appel – Caducité – Absence – Notification des conclusions par le défenseur syndical de l'appelant à l'avocat de l'intimé – Irrégularité de forme affectant la notification – Nullité de forme – Conditions – Preuve d'un grief – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 22 juillet 2021), M. [O], représenté par un défenseur syndical, a relevé appel d'un jugement rendu, le 19 août 2019, par un conseil de prud'hommes dans un litige l'opposant à la société Total Energies Petrochemicals France.

2. Sur conclusions d'incident de cette dernière, un conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d'appel, par ordonnance du 19 janvier 2021 que l'appelant a déférée à la cour d'appel.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. [O] fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance de caducité prononcée le 19 janvier 2021 par le conseiller de la mise en état, portant le n° 21/00018 et relative au dossier n° RG 19/02310, alors :

« 1°/ que la caducité de la déclaration d'appel, faute de notification par le défenseur syndical de l'appelant de ses conclusions à l'intimé dans les conditions de forme prévues par l'article 930-3 du code de procédure civile, ne peut être encourue, en raison d'une irrégularité de forme affectant cette notification, qu'en cas d'annulation de cet acte, sur la démonstration par celui qui l'invoque du grief que lui a causé l'irrégularité ; que, pour déclarer caduque la déclaration d'appel, la cour d'appel a retenu que « M. [H] [Z], défenseur syndical, a déposé en main propre contre récépissé le 13 décembre 2019 ses conclusions datées du 10 décembre 2019, ainsi que ses pièces, et ce, directement auprès de l'avocat de la SA Total Petrochemicals France » et qu'« il n'est pas davantage contesté que ces pièces et conclusions n'ont fait l'objet d'aucune notification par lettre recommandée avec accusé de réception ou par voie de signification à l'avocat de la SA Total Petrochemicals France, et ce avant la date du 19 décembre 2019 marquant l'expiration du délai de trois mois prévu à l'article 908 du code de procédure civile » ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'elle constatait que le défenseur syndical avait remis en main propre contre récépissé les conclusions d'appelant à l'avocat de l'intimé dans le délai de trois mois suivant régularisation de la déclaration d'appel, la cour d'appel, qui a prononcé la caducité de la déclaration d'appel, sans avoir préalablement annulé cet acte de notification dans les conditions prévues à l'article 114 du code de procédure civile sur démonstration par l'intimée du grief que lui aurait causé l'irrégularité de forme affectant cette notification, la cour d'appel a violé les articles 114 et 930-3 du code de procédure civile ;

2°/ subsidiairement, que la caducité de la déclaration d'appel prononcée à raison de la notification par le défenseur syndical de l'appelant de ses conclusions à l'intimé dans des conditions de forme autres que celles prévues par l'article 930-3 du code de procédure civile a pour effet de priver le justiciable de son droit à ce que ses prétentions soient tranchées sur le fond et constitue une restriction injustifiée au droit d'accès au juge ; qu'en statuant comme elle l'a fait, cependant qu'il ressortait de ses propres constatations de fait que le défenseur syndical avait bien remis en main propre contre récépissé les conclusions d'appelant à l'avocat de l'intimée dans le délai imparti par l'article 908 du code de procédure civile, la cour d'appel a adopté une position formaliste entravant le droit d'accès au juge du salarié, violant ainsi l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 930-3 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. La société Total Energies Petrochemicals France conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que le moyen est irrecevable comme nouveau.

5. Cependant, ce moyen qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, est de pur droit.

6. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 930-3, 114 du code de procédure civile, et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

7. Selon le premier de ces textes, les notifications entre un avocat et un défenseur syndical sont effectuées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par voie de signification.

8. Selon le deuxième, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

9. Il résulte du troisième, selon la Cour européenne des droits de l'homme, que le droit d'accès aux tribunaux n'étant pas absolu, il peut donner lieu à des limitations implicitement admises car il appelle de par sa nature même une réglementation par l'État, laquelle peut varier dans le temps et dans l'espace en fonction des besoins et des ressources de la communauté et des individus.

En élaborant pareille réglementation, les États contractants jouissent d'une certaine marge d'appréciation. Néanmoins, les limitations appliquées ne sauraient restreindre l'accès ouvert à l'individu d'une manière ou à un point tel que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même.

En outre, elles ne se concilient avec l'article 6, § 1, de la Convention que si elles poursuivent un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (notamment CEDH, Edificaciones March Gallego S.A. c. Espagne, 19 février 1998, § 34, Recueil 1998).

10. Pour prononcer la caducité de l'appel, après avoir rappelé les termes des articles 908, 911, alinéa 1er et 930-3 du code de procédure civile, l'arrêt énonce que l'article 667 du même code, relatif à la notification des actes en la forme ordinaire, ne s'applique pas en l'espèce, les échanges entre un avocat et un défenseur syndical étant réglementés par l'article 930-3 précité, que le défenseur syndical a déposé, en main propre contre récépissé le 13 décembre 2019, ses conclusions et ses pièces directement auprès de l'avocat de l'intimée, et que celles-ci n'ont fait l'objet d'aucune notification par lettre recommandée avec accusé de réception ou par voie de signification avant la date du 19 décembre 2019, marquant l'expiration du délai de trois mois prévu à l'article 908 du code de procédure civile.

11. En statuant ainsi, alors que la remise des conclusions par l'appelant en main propre à l'avocat de l'intimé contre récépissé, faite en lieu et place de la notification par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, qui établit non seulement la remise mais aussi sa date certaine, constitue une irrégularité de forme qui n'est susceptible d'être sanctionnée, le cas échéant, que par le prononcé d'une nullité de forme sur la démonstration d'un grief, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Durin-Karsenty - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SARL Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles 114 et 930-3 du code de procédure civile.

2e Civ., 9 novembre 2023, n° 22-15.588, (B), FRH

Cassation partielle

Demande nouvelle – Définition – Exclusion – Cas – Demande constituant l'accessoire, la conséquence ou le complément des demandes et défenses soumises au premier juge – Cas – Contestation d'honoraires

La demande de paiement, formée devant le premier président statuant en matière d'honoraires d'avocat, d'une facture d'honoraires portant sur le même dossier que celui ayant donné lieu à la demande de fixation d'honoraires devant le bâtonnier, constitue, au sens de l'article 566 du code de procédure civile, le complément nécessaire des prétentions soumises au bâtonnier.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 28 février 2022), M. et Mme [M] ont confié à M. [L] (l'avocat), la défense de leurs intérêts dans plusieurs procédures pénales.

2. Aucune convention d'honoraires n'a été signée entre les parties.

3. Deux factures d'honoraires du 5 avril 2017 n'ont pas été payées.

4. L'avocat a saisi le bâtonnier de son ordre aux fins de fixation de ses honoraires.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

6. M. [L] fait grief à l'ordonnance de déclarer irrecevable sa demande en paiement d'honoraires supplémentaires de 6 000 euros hors taxes, et en conséquence, de fixer à la seule somme de 7 000 euros hors taxes le montant des honoraires dus solidairement à celui-ci par M. et Mme [M], puis, après avoir constaté que ceux-ci lui avaient déjà versé la somme de 6 000 euros hors taxes, de les condamner à lui payer la seule somme de 1 000 euros hors taxes, alors « que subsidiairement, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; que les parties peuvent toutefois ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; que la demande en paiement d'un honoraire plus important que celui sollicité en première instance est donc recevable à hauteur d'appel, en ce qu'elle constitue l'accessoire, la conséquence ou le complément de la demande formée en première instance ; qu'en décidant néanmoins que M. [L] était irrecevable à demander, à hauteur d'appel, à voir fixer ses honoraires à une somme supérieure à celle sollicitée en première instance, la cour d'appel a violé les articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 564 et 566 du code de procédure civile :

7. Selon le premier de ces textes, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions.

8. En revanche, selon le second, les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

9. Pour déclarer irrecevable la demande de l'avocat en paiement d'une facture de 6 000 euros établie le 8 avril 2016, l'ordonnance énonce que, conformément aux dispositions de l' article 564 du code de procédure civile, cette nouvelle prétention ne permet pas d'opposer compensation, de faire écarter les prétentions adverses, ou de faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait et qu'elle ajoute aux prétentions soumises au bâtonnier en première instance, sans en être l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

10. En statuant ainsi, alors qu'il constatait que cette facture portait sur le même dossier que celle pour laquelle la demande de fixation des honoraires avait été présentée devant le bâtonnier, de sorte qu'elle en était le complément nécessaire, le premier président a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle déclare irrecevable la demande en paiement d'honoraires supplémentaires de 6000 euros hors taxes, fixe à la seule somme de 7000 euros hors taxes le montant des honoraires dus solidairement à celui-ci par M. et Mme [M], puis, après avoir constaté que ceux-ci lui avait déjà versé la somme de 6000 euros hors taxes, les condamne à lui payer la seule somme de 1000 euros hors taxes, l'ordonnance rendue le 28 février 2022, entre les parties, par le président de la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Chauve - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Richard ; SCP Doumic-Seiller -

Textes visés :

Article 566 du code de procédure civile.

2e Civ., 9 novembre 2023, n° 22-17.388, (B), FRH

Cassation partielle

Demande nouvelle – Irrecevabilité – Irrecevabilité relevée d'office par le juge – Obligation – Portée

En application des articles 565 et 566 du code de procédure civile, une cour d'appel est tenue d'examiner, même d'office, au regard de chacune des exceptions prévues par ces textes, si une demande nouvelle est recevable.

Dès lors, méconnaît ces dispositions la cour d'appel qui déclare irrecevable une demande nouvelle sans examiner si celle-ci est l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de celles présentées devant le premier juge ou tend aux mêmes fins que ces dernières.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 19 mai 2022), la société Spectacle méditerranée location (SML) a été condamnée, par un jugement du 2 mars 2017, à restituer à la société Spectacles concept événements (SCE) divers matériels, et ce, sous astreinte provisoire de 2 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision.

Le jugement a également « dit que passé le délai de 15 jours à compter de la signification de cette décision il sera procédé à la liquidation de l'astreinte provisoire et à la fixation d'une astreinte définitive de 2 500 euros par jour ».

2. Saisi par la société SCE, un juge de l'exécution a liquidé l'astreinte provisoire et rejeté la demande formée par celle-ci de liquidation d'une astreinte définitive.

3. En appel, la société SCE a, à titre subsidiaire, sollicité la fixation d'une astreinte définitive et la liquidation de l'astreinte provisoire pour une période complémentaire.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société SCE et la société BRMJ, en qualité de mandataire judiciaire de la société SCE, font grief à l'arrêt de juger irrecevables comme nouvelles en cause d'appel les demandes subsidiaires formées par cette société, alors « que les parties peuvent ajouter aux demandes et défenses soumises au premier juge les demandes qui tendent aux mêmes fins ou qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; qu'en considérant comme irrecevables du seul fait de leur nouveauté les demandes subsidiaires en fixation de l'astreinte définitive visée par le jugement du 2 mars 2017 et en liquidation de l'astreinte provisoire qui avait continué à courir jusqu'au 31 décembre 2018, sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si ces demandes ne tendaient pas aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ou si elles n'en constituaient pas les accessoires, conséquences ou compléments nécessaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 565 et 566 du code de procédure civile :

5. Selon le premier de ces textes, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent, et selon le second, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

La cour d'appel est tenue d'examiner au regard de chacune des exceptions prévues aux textes susvisés si la demande nouvelle est recevable.

6. Pour déclarer irrecevables les demandes de la société SCE en liquidation de l'astreinte provisoire pour une période complémentaire et en fixation d'une astreinte définitive, l'arrêt constate que cette société n'avait pas demandé au premier juge de prononcer une nouvelle astreinte et retient que cette prétention est nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile.

7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, même d'office, si ces demandes n'étaient pas l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de celles présentées devant le premier juge ou ne tendaient pas aux mêmes fins que ces dernières, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il juge irrecevables comme nouvelles en cause d'appel, les demandes subsidiaires formées par la société Spectacles concept événements, l'arrêt rendu le 19 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Philippart - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SAS Hannotin Avocats ; SAS Buk Lament-Robillot -

Textes visés :

Articles 565 et 566 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 19-17.449, Bull. (cassation partielle).

2e Civ., 23 novembre 2023, n° 21-23.099, (B), FRH

Cassation partielle

Procédure avec représentation obligatoire – Conclusions – Conclusions de l'appelant – Délai – Point de départ – Fin de mission du médiateur – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 22 juillet 2021), par déclaration du 16 janvier 2019, les sociétés Carmin finance et Glibro Investments Limited ont relevé appel d'un jugement dans une instance les opposant à la société BJ Invest.

2. Par ordonnance du 4 avril 2019, le conseiller de la mise en état a ordonné une médiation expirant au 23 août 2019, prolongée jusqu'au 23 novembre 2019 par ordonnance du 13 août 2019.

3. Par une lettre du 25 novembre 2019, reçue au greffe le 28 novembre 2019, le médiateur a indiqué que les parties n'étaient pas parvenues à un accord et par ordonnance du 5 décembre 2019, le conseiller de la mise en état a constaté la fin de la mission du médiateur.

4. La société BJ Invest a soulevé devant le conseiller de la mise en état la caducité de la déclaration d'appel des sociétés Carmin finance et Glibro Investments Limited au motif que leurs conclusions n'avaient pas été déposées dans le délai prévu à l'article 908 du code de procédure civile.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société Carmin finance et la société Glibro Investments Limited font grief à l'arrêt de prononcer la caducité de la déclaration d'appel du 16 janvier 2019 à l'égard de la société Carmin finance, alors « que le délai de trois mois imparti à l'appelant pour conclure, interrompu par la décision ordonnant une médiation jusqu'à l'expiration de la mission du médiateur par application de l'article 910-2 du code de procédure civile, recommence à courir à compter de la décision du juge constatant la fin de la médiation ; que la date de fin de mission fixée par la décision ordonnant ou prolongeant cette mesure est celle à laquelle le médiateur est tenu d'informer le juge par écrit du résultat de sa mission par application de l'article 131-11 du code de procédure civile, et ne fait pas courir de nouveau de plein droit les délais impartis aux parties pour conclure ; qu'en retenant que le délai imparti aux appelantes pour conclure avait recommencé à courir à compter du 23 novembre 2019, date de fin de mission fixée par la décision de prolongation de médiation du 13 août 2019, et non à compter de l'ordonnance du 5 décembre 2019 constatant la fin de la médiation, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 910-2 du code de procédure civile, dans sa version issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :

6. Selon ce texte, la décision d'ordonner une médiation interrompt les délais impartis pour conclure et former appel incident mentionnés aux articles 905-2 et 908 à 910 du même code.

L'interruption de ces délais produit ses effets jusqu'à l'expiration de la mission du médiateur.

7. Il en résulte que la date de la fin de mission du médiateur constitue le point de départ du délai pour conclure, à moins qu'une ordonnance d'un juge ne constate l'échec ou la fin de la médiation.

8. Pour déclarer caduque la déclaration d'appel du 16 janvier 2019 à l'encontre de la société Carmin finance, l'arrêt relève que l'ordonnance du conseiller de la mise en état qui constatait l'échec de la médiation n'avait eu aucun effet sur la fin de la mission du conciliateur qu'elle n'avait fait que constater comme résultant de l'arrivée au terme de la mission prévu par l'ordonnance du 13 août 2019 ayant prolongé la mission du médiateur jusqu'au 23 novembre 2019.

9. L'arrêt en déduit que l'ordonnance du 13 août 2019, en ce qu'elle a fixé le terme de la mission au 23 novembre 2019, a mis fin à la mission du conciliateur à cette date et que la société Carmin finance n'avait pas conclu dans le délai de trois mois prévu à l'article 908 du code de procédure civile, qui courait à compter du 23 novembre 2019.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce, d'une part, qu'il confirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a prononcé la caducité de la déclaration d'appel du 16 janvier 2019, mais uniquement à l'encontre de la société Carmin finance et a condamné cette seule société aux dépens de première instance et en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et en ce, d'autre part, qu'il condamne la société Carmin finance à payer à la société BJ Invest la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamne la société Carmin finance aux dépens, l'arrêt rendu le 22 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Jollec - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : Me Galy ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

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