Numéro 11 - Novembre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2023

ETRANGER

Soc., 29 novembre 2023, n° 22-10.004, (B), FS

Cassation

Entrée et séjour – Carte de résident – Expiration – Activité professionnelle – Exercice – Possibilité – Conditions – Demande de renouvellement – Délai de deux mois précédant l'expiration du titre de séjour – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 22 juillet 2021), M. [I] a été engagé en qualité d'agent de sécurité confirmé par la société GLN sécurité, aux droits de laquelle se trouve la société Seris Security, suivant un contrat de travail du 2 janvier 2003.

2. Par lettre recommandée du 21 décembre 2016, l'employeur a demandé au salarié de lui faire parvenir son nouveau titre de séjour au plus tard sept jours avant l'expiration de celui en cours de validité, soit le 26 décembre 2016, lui précisant qu'à défaut, il ne pourrait pas continuer à exécuter sa prestation de travail à compter du 2 janvier 2017, date d'expiration de son titre de séjour.

Le 28 décembre 2016, il lui a adressé une mise en demeure lui rappelant la nécessité de produire un nouveau titre de séjour.

3. Le 23 janvier 2017, l'employeur a notifié au salarié la rupture de son contrat de travail pour absence de titre de séjour lui permettant de travailler sur le territoire français.

4. Le 17 mars 2017, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à la rupture de son contrat de travail et en paiement de dommages-intérêts pour exécution déloyale de ce contrat.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse, de le condamner à lui payer certaines sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, et d'ordonner le remboursement des indemnités de chômage payées du jour du licenciement jusqu'à la date du prononcé de la décision dans la limite de six mois d'indemnités, alors « que si, aux termes du 2ème alinéa de l'article L. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige, entre la date d'expiration de la carte de résident et la décision prise par l'autorité administrative sur la demande de renouvellement, dans la limite de trois mois à compter de cette date d'expiration, l'étranger peut justifier de la régularité de son séjour par la présentation de la carte arrivée à expiration et conserve pendant cette période son droit d'exercer une activité professionnelle, c'est à la condition qu'il ait effectivement déposé une demande de renouvellement du titre expiré dans le délai imparti par l'article R. 311-2, 4°, du même code, à savoir au cours des deux derniers mois précédant l'expiration de celui-ci, ce dont il doit pouvoir justifier auprès de son employeur ; que la cour d'appel en énonçant, pour juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, que le salarié était titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 2 janvier 2017 qui lui permettait de continuer l'exercice de son activité professionnelle jusqu'au 2 avril 2017, sans avoir à justifier auprès de son employeur d'une démarche réalisée pour en obtenir le renouvellement, qu'il ne se trouvait donc pas en situation irrégulière et que l'obligation faite par l'article R. 311-2, 4°, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au salarié sollicitant le renouvellement d'une carte de séjour permettant l'exercice d'une activité professionnelle dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de la carte de séjour dont il est titulaire, ne s'appliquait pas à sa situation, a violé les articles L. 311-4, alinéa 2, et R. 311-2, 4°, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, et l'article R. 311-2, 4°, du même code, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-141 du 27 février 2019 :

6. Selon le premier de ces textes, entre la date d'expiration de la carte de résident et la décision prise par l'autorité administrative sur la demande tendant à son renouvellement, dans la limite de trois mois à compter de cette date d'expiration, l'étranger peut justifier de la régularité de son séjour par la présentation de la carte arrivée à expiration. Pendant cette période, il conserve l'intégralité de ses droits sociaux ainsi que son droit d'exercer une activité professionnelle.

7. Selon le second, l'étranger qui séjourne déjà en France présente sa demande de renouvellement de sa carte de séjour dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de la carte de séjour dont il est titulaire, sauf s'il est titulaire du statut de résident de longue durée-UE accordé par la France en application des articles L. 314-8, L. 314-8-1 et L. 314-8-2.

8. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'un étranger, titulaire d'une carte de résident, doit, pour bénéficier du délai de trois mois lui permettant, après expiration de son titre, de conserver son droit d'exercer une activité professionnelle, en solliciter le renouvellement dans les deux mois précédant cette expiration.

9. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, après avoir constaté que le salarié était titulaire d'une carte de résident dont la validité expirait le 2 janvier 2017, l'arrêt énonce qu'en application de l'article R. 5221-3, 1°, du code du travail, dans sa version applicable au litige, la carte de résident, délivrée en application de l'article L. 314-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, constitue le premier des documents visés constituant une autorisation de travail et qui « permet l'exercice de toute activité professionnelle salariée ». Il relève que le salarié était titulaire d'un tel document valant autorisation de travail.

10. Il retient qu'en vertu de l'article L. 311-4, alinéa 2, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur du 1er novembre 2015 au 1er mars 2019, une disposition réglementaire ne pouvant limiter les droits, ainsi reconnus par la loi, au salarié titulaire d'une carte de résident, la nature du titre de séjour dont bénéficiait le salarié lui permettait de continuer l'exercice de son activité professionnelle jusqu'au 2 avril 2017, sans avoir à justifier auprès de son employeur d'une démarche réalisée pour en obtenir le renouvellement.

11. Il en conclut que le salarié ne se trouvait pas en situation irrégulière et que l'obligation faite par l'article R. 311-2, 4°, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au salarié sollicitant « le renouvellement d'une carte de séjour permettant l'exercice d'une activité professionnelle » dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de la carte de séjour dont il est titulaire ne s'appliquait pas à sa situation.

12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Techer - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : SAS Buk Lament-Robillot -

Textes visés :

Articles L. 311-4, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, et R. 311-2, 4°, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-141 du 27 février 2019, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).

1re Civ., 15 novembre 2023, n° 22-15.511, (B), FS

Cassation sans renvoi

Mesures d'éloignement – Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire – Procédure – Saisine du juge – Etranger faisant l'objet d'une mesure de protection juridique – Information de la personne chargée de cette mesure – Obligation – Cas – Connaissance de la mesure par l'autorité administrative

Il résulte des articles 467, alinéa 3, et 468, alinéa 3, du code civil et des articles L. 741-9 et L. 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) qu'il incombe à l'autorité administrative, dès lors qu'elle dispose d'éléments laissant apparaître que l'étranger placé en rétention fait l'objet d'une mesure de protection juridique, telle qu'une curatelle, d'informer du placement la personne chargée de cette mesure, afin que l'étranger puisse exercer ses droits et, le cas échéant, contester la décision de placement.

Expulsion – Maintien en rétention – Saisine du juge – Etranger faisant l'objet d'une mesure de protection juridique – Information de la personne chargée de cette mesure – Obligation – Cas – Connaissance de la mesure par l'autorité administrative

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 25 octobre 2021) et les pièces de la procédure, le 20 janvier 2020, un juge des tutelles a prononcé, pour une durée de soixante mois, une mesure de curatelle renforcée au bénéfice de M. [N], de nationalité algérienne.

Le 19 octobre 2021, celui-ci a été placé en rétention administrative, en exécution d'un arrêté ministériel d'expulsion.

2. Le 21 octobre 2021, le juge des libertés et de la détention a été saisi par M. [N] d'une contestation de la décision de placement en rétention sur le fondement de l'article L. 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et par le préfet d'une demande de première prolongation de la mesure sur le fondement de l'article L. 742-1 du même code.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. [N] fait grief à l'ordonnance de rejeter sa requête en contestation de la décision de placement en rétention et de maintenir la mesure, alors « qu'il résulte des articles L. 741-8 et L. 741-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), lus à la lumière de l'article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que le curateur est avisé du placement en rétention administrative de la personne placée sous curatelle ; qu'en retenant qu'il résulte de l'article L. 741-8 du CESEDA que l'autorité administrative doit informer immédiatement le procureur de la République de tout placement en rétention et que ni ce texte ni aucun texte, n'imposent à l'administration ou au procureur de la République d'aviser le curateur de l'étranger de son placement en rétention, quand cette règle de droit résultait des articles L. 741-8 et L. 741-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lus à la lumière de l'article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le délégué du premier président a violé, ensemble, les articles L. 741-8 et L. 741-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 467, alinéa 3, et 468, alinéa 3, du code civil et les articles L. 741-9 et L. 741-10 du CESEDA :

4. Il résulte de ces textes qu'il incombe à l'autorité administrative, dès lors qu'elle dispose d'éléments laissant apparaître que l'étranger placé en rétention fait l'objet d'une mesure de protection juridique, telle qu'une curatelle, d'informer du placement la personne chargée de cette mesure, afin que l'étranger puisse exercer ses droits et, le cas échéant, contester la décision de placement.

5. Pour rejeter le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure, l'ordonnance retient qu'il ne saurait être reproché au préfet de ne pas avoir fait procéder à l'audition de la curatrice préalablement au placement en rétention de l'intéressé en l'absence de justification d'une disposition légale en ce sens.

6. En statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que l'administration, qui avait connaissance de la mesure de protection, avait informé le curateur du placement en rétention de M. [N], le premier président a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

8. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que, les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 25 octobre 2021, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Champalaune - Rapporteur : Mme Feydeau-Thieffry - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : SCP Zribi et Texier -

Textes visés :

Articles 467, alinéa 3, et 468, alinéa 3, du code civil ; articles L. 741-9 et L. 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.