Numéro 11 - Novembre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2023

STATUTS PROFESSIONNELS PARTICULIERS

Soc., 29 novembre 2023, n° 22-13.871, (B), FS

Cassation

Journaliste professionnel – Contrat de travail – Rémunération – Treizième mois – Attribution – Conditions – Condition de présence effective (non) – Portée

Il résulte de l'article 25 de la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976, refondue le 27 octobre 1987, que, sauf exception prévue par ce texte, tout journaliste professionnel perçoit, à titre de treizième mois, le salaire convenu du mois de décembre sans condition de présence effective.

Encourt dès lors la cassation le conseil de prud'hommes qui, pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des primes de treizième mois pour les années 2017, 2018 et 2019, après avoir relevé qu'au regard du tableau de calculs de simulation produit par l'employeur, le salaire de l'intéressé aurait été, en tenant compte des absences pour maladie, de 691,03 euros en décembre 2017, de 1 605,04 euros en décembre 2018 et de zéro euro en décembre 2019, retient qu'en conséquence, au titre du treizième mois, le salarié aurait dû percevoir ces mêmes sommes respectivement en décembre 2017, en décembre 2018 et en décembre 2019.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Lorient, 25 janvier 2022), rendu en dernier ressort, M. [C] a été engagé par la société Le Télégramme à compter du 16 février 1987. Dans le dernier état de la relation de travail, il occupait, en qualité de journaliste, un emploi de rédacteur.

2. La relation de travail est soumise à la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976, refondue le 27 octobre 1987.

3. Après plusieurs arrêts de travail pour accident ou maladie d'origine non professionnelle, le salarié a été absent de façon continue à compter du 1er août 2018. Il a été licencié le 28 janvier 2020.

4. Le 26 avril 2021, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'un rappel de prime de treizième mois au titre des années 2017, 2018 et 2019.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief au jugement de le débouter de l'ensemble de ses demandes aux fins, notamment, de condamnation de l'employeur à lui payer certaines sommes à titre de rappel de salaire sur les primes de treizième mois pour les années 2017, 2018 et 2019, au titre des intérêts de retard et à titre d'indemnité de procédure, alors « que l'article 25 de la convention collective nationale des journalistes étendue par arrêté du 2 février 1988 précise qu'« à la fin du mois de décembre, tout journaliste professionnel percevra à titre de salaire, en une seule fois, sauf accord particulier, une somme égale au salaire du mois de décembre » ; que, sauf dispositions contraires, l'employeur ne peut réduire le montant d'une prime de treizième mois au prorata du temps de présence effectif du salarié, en raison de la suspension du contrat de travail consécutive à la maladie de celui-ci ; qu'il s'ensuit que l'employeur, qui relève de ladite convention, ne peut décider de modalités d'attribution moins favorables aux salariés en soumettant l'octroi de la prime de treizième mois à une présence effective, et ne peut déduire une absence pour maladie que si l'accord collectif prévoyant le versement de la prime de treizième mois l'y autorise ; qu'en jugeant, pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de prime conventionnelle de treizième mois, que l'employeur avait fait application d'une pratique plus avantageuse que les dispositions conventionnelles en allouant une prime de treizième mois basée sur le temps de présence effectif du salarié, cependant qu'il avait constaté que l'article 25 de la convention collective des journalistes ne prévoyait pas de réduction de la prime au prorata du temps de présence effectif, le conseil de prud'hommes n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 25 de la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1979 (en réalité 1976), ensemble l'article L. 2262-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 25 de la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976, refondue le 27 octobre 1987 :

6. Aux termes de ce texte, à la fin du mois de décembre, tout journaliste professionnel percevra à titre de salaire, en une seule fois, sauf accord particulier, une somme égale au salaire du mois de décembre. Pour les collaborateurs employés à titre occasionnel ou ayant un salaire mensuel variable, le montant de ce treizième mois correspondra à 1/12 des salaires perçus au cours de l'année civile ; il sera versé dans le courant du mois de janvier de l'année suivante.

En cas de licenciement ou de démission en cours d'année, il sera versé au titre de ce salaire, dit « mois double » ou « treizième mois », un nombre de 1/12 égal au nombre de mois passés dans l'entreprise depuis le 1er janvier et basé sur le dernier salaire reçu.

Les journalistes professionnels engagés en cours d'année recevront fin décembre un nombre de douzièmes égal au nombre de mois passés dans l'entreprise. Dans tous les cas ces 1/12 ne seront dus qu'après 3 mois de présence. Pour les collaborateurs salariés employés à titre occasionnel, les douzièmes ne seront dus qu'à ceux qui auront collaboré à 3 reprises différentes ou dont le salaire aura atteint au cours de l'année civile au moins 3 fois le montant minimum fixé par les barèmes de la forme de presse considérée. Toute fraction de mois égale ou supérieure à 15 jours est comptée pour 1 mois. Si le journaliste professionnel entre dans une entreprise le 1er novembre d'une année civile, il recevra 2/12 le 1er février suivant. S'il entre le 1er décembre, 1/12 le 1er mars suivant.

7. Il en résulte que, sauf exception prévue par ce texte, tout journaliste professionnel perçoit, à titre de treizième mois, le salaire convenu du mois de décembre sans condition de présence effective.

8. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des primes de treizième mois pour les années 2017, 2018 et 2019, le jugement relève qu'au regard du tableau de calculs de simulation produit par l'employeur, le salaire de l'intéressé aurait été, en tenant compte des absences pour maladie, de 691,03 euros en décembre 2017, de 1 605,04 euros en décembre 2018 et de zéro euro en décembre 2019. Il retient qu'en conséquence, au titre du treizième mois, le salarié aurait dû percevoir ces mêmes sommes respectivement en décembre 2017, en décembre 2018 et en décembre 2019. Il constate, au vu de ses bulletins de salaire, qu'il a perçu 2 367,99 euros en décembre 2017, 2 282,23 euros en décembre 2018 et 481,23 euros en décembre 2019. Il en conclut que, s'agissant du treizième mois, l'employeur a mis en place une pratique mieux disante que les dispositions conventionnelles.

9. En statuant ainsi, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 25 janvier 2022, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Lorient ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Vannes.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Techer - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article 25 de la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976, refondue le 27 octobre 1987.

Rapprochement(s) :

Sur l'interprétation de l'article 25 de la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976 quant à la situation d'un journaliste stagiaire, à rapprocher : Soc., 12 juin 2014, pourvoi n° 12-29.751, Bull. 2014, V, n° 144 (cassation).

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