Numéro 11 - Novembre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2023

SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES

2e Civ., 16 novembre 2023, n° 21-24.920, (B), FRH

Cassation

Invalidité – Pension – Calcul – Base de calcul – Assiette – Modification – Conditions – Nouvelle affectation – Changement de catégorie – Obligation de calculer le nouveau salaire moyen – Portée

En application de l'article L. 341-11 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019, lorsque le changement de catégorie d'invalidité de la première à la deuxième catégorie est justifié par une nouvelle affection, il appartient à l'organisme de sécurité sociale, pour établir le montant de la pension d'invalidité due dans les conditions prévues par R. 341-5 du même code, de procéder à un nouveau calcul du salaire annuel moyen, tel que défini à l'article R. 341-4.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 4 octobre 2021), par décision du 25 novembre 2005, la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3]-[Localité 4] (la caisse) a placé Mme [S] (l'assurée) en invalidité de première catégorie en raison de séquelles de poliomyélite, et lui a versé une pension d'invalidité calculée sur la base du salaire annuel moyen des dix meilleures années précédant la constatation de l'état d'invalidité.

2. Par décision du 8 août 2018, la caisse a placé l'assurée, à compter du 1er septembre 2018, en invalidité de deuxième catégorie.

3. L'assurée a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale d'une contestation portant sur la base de calcul de sa pension.

Examen du moyen

Sur le moyen relevé d'office

4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles L. 341-11, R. 341-4 et R. 341-5 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019, les deux derniers dans leur rédaction issue du décret n° 2011-615 du 31 mai 2011 :

5. Selon le premier de ces textes, la pension d'invalidité peut être révisée en raison d'une modification de l'état d'invalidité de l'intéressé.

6. Il résulte des deuxième et troisième de ces textes que pour les invalides de première catégorie et ceux de deuxième catégorie, la pension est égale respectivement à 30 % et à 50 % du salaire annuel moyen correspondant aux cotisations versées au cours des dix années civiles d'assurance dont la prise en considération est la plus avantageuse pour l'assuré et qui sont comprises entre le 31 décembre 1947 et la date soit de l'interruption de travail suivie d'invalidité, soit de la constatation médicale de l'invalidité résultant de l'usure prématurée de l'organisme.

7. Lorsque le changement de catégorie d'invalidité de la première à la deuxième catégorie est justifié par une nouvelle affection, il appartient à l'organisme de sécurité sociale, pour établir le montant de la pension d'invalidité due dans les conditions prévues par le troisième de ces textes, de procéder à un nouveau calcul du salaire annuel moyen, tel que défini au deuxième.

8. Pour débouter de son recours l'assurée, qui faisait valoir qu'elle était atteinte d'une nouvelle affection ayant justifié son passage en invalidité de deuxième catégorie, l'arrêt retient que la pension d'invalidité n'ayant pas été suspendue avant le passage en invalidité de deuxième catégorie, la période de référence pour le calcul de la pension d'invalidité de deuxième catégorie était la même que celle pour le calcul de la pension d'invalidité initiale de première catégorie.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Dudit - Avocat général : Mme Tuffreau - Avocat(s) : SARL Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article L. 341-11 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 ; articles R. 341-4 et R. 341-5 du code de la sécurité sociale.

2e Civ., 30 novembre 2023, n° 21-23.036, (B), FRH

Cassation partielle

Maladie – Frais d'hospitalisation – Forfait groupe homogène de séjour – Conditions de prise en charge – Détermination – Portée

Viole les articles L. 5123-2 et L. 5121-12-1, I, du code de la santé publique, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013, le second dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, applicables au litige, et l'article 7, I, 9°, de l'arrêté du 19 février 2009, modifié, relatif à la classification et à la prise en charge des prestations d'hospitalisation pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie, pris en application de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel qui décide que remplissent les conditions de prise en charge du forfait Groupe homogène de séjour (GHS) les hospitalisations de jour pour des administrations de kétamine, alors qu'elle constatait que ces hospitalisations de jour étaient motivées par la seule administration d'une spécialité pharmaceutique, hors autorisation de mise sur le marché et en l'absence de recommandation temporaire d'utilisation établie par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

Prestations (dispositions générales) – Frais médicaux – Prise en charge – Domaine

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 21 juin 2021), la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion (la caisse) a notifié à la Clinique [Localité 3] (la clinique), à la suite d'un contrôle de tarification, un indu portant notamment sur des forfaits GHS pour des hospitalisations de jour réalisées en 2014 et facturées pour l'administration de kétamine en dehors des indications thérapeutiques de son autorisation de mise sur le marché.

2. La clinique a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt de faire partiellement droit au recours de la clinique, alors :

« 1°/ que ne peut être facturé à l'assurance maladie un forfait GHS lorsque le séjour en hospitalisation de jour est motivé par la seule administration d'un médicament qui, pour être non conforme aux indications thérapeutiques de son autorisation de mise sur le marché (AMM), ne peut donner lieu à prise en charge par l'assurance maladie ; qu'en retenant que, pour certains séjours, les conditions de prise en charge du forfait GHS pour une hospitalisation de jour étaient réunies, quand ils constataient pourtant que ces séjours étaient motivés par l'administration « hors AMM » de kétamine, les juges du fond ont violé les articles 7, I, 9° de l'arrêté du 19 février 2009 relatif à la classification et à la prise en charge des prestations d'hospitalisation pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie et pris en application de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale, L. 5123-2, L. 5123-3 et D. 5123-4 du code de la santé publique et L. 133-4, L. 162-22-6 et R. 163-18 du code de la sécurité sociale ;

2°/ qu'en statuant comme ils l'ont fait, au motif inopérant que, sous certaines conditions, l'administration de kétamine « hors AMM » est autorisée par le code de la santé publique, les juges du fond ont encore violé les articles 7, I, 9° de l'arrêté du 19 février 2009 relatif à la classification et à la prise en charge des prestations d'hospitalisation pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie et pris en application de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale, L. 5123-2, L. 5123-3 et D. 5123-4 du code de la santé publique et L. 133-4, L. 162-22-6 et R. 163-18 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 5123-2 et L. 5121-12-1, I, du code de la santé publique, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013, le second dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, applicables au litige, et l'article 7, I, 9°, de l'arrêté du 19 février 2009, modifié, relatif à la classification et à la prise en charge des prestations d'hospitalisation pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie, pris en application de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale :

4. Selon le premier de ces textes, hormis le cas des médicaments faisant l'objet des autorisations mentionnées à l'article L. 5121-12, l'achat, la fourniture, la prise en charge et l'utilisation par les collectivités publiques des médicaments définis aux articles L. 5121-8, L. 5121-9-1, L. 5121-13 et L. 5121-14-1 ou bénéficiant d'une autorisation d'importation parallèle en application de l'article L. 5124-13 sont limités, dans les conditions propres à ces médicaments fixées par le décret mentionné à l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale, aux produits agréés dont la liste est établie par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. Cette liste précise les seules indications thérapeutiques ouvrant droit à la prise en charge des médicaments.

5. Selon le deuxième, une spécialité pharmaceutique peut faire l'objet d'une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché en l'absence d'alternative médicamenteuse appropriée disposant d'une autorisation de mise sur le marché ou d'une autorisation temporaire d'utilisation, sous réserve que l'indication ou les conditions d'utilisation considérées aient fait l'objet d'une recommandation temporaire d'utilisation établie par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, cette recommandation ne pouvant excéder trois ans, ou que le prescripteur juge indispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l'état clinique du patient.

6. Il résulte du dernier qu'un GHS ne peut être facturé lorsque le patient est pris en charge moins d'une journée, à l'exception des cas où il est pris en charge dans un service d'urgence, que dans les cas où sont réalisés des actes qui nécessitent une admission dans une structure d'hospitalisation individualisée disposant de moyens adaptés, un environnement respectant les conditions de fonctionnement relatives à la pratique de l'anesthésie ou la prise en charge par une équipe paramédicale et médicale dont la coordination est assurée par un médecin, et l'utilisation d'un lit ou d'une place pour une durée nécessaire à la réalisation de l'acte ou justifiée par l'état de santé du patient.

7. Pour dire que certains séjours remplissent les conditions de prise en charge du forfait GHS pour des hospitalisations de jour avec administration « hors AMM » de kétamine, la cour d'appel relève que les actes réalisés nécessitaient l'admission dans une structure hospitalière, la prise en charge par une équipe paramédicale et médicale sous la coordination d'un médecin et l'utilisation d'une place pour la durée nécessaire du traitement. Elle ajoute que, s'agissant des patients ayant bénéficié préalablement d'antalgiques palier 3, une prescription de kétamine « hors AMM » était autorisée, faute d'alternative médicamenteuse appropriée.

8. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que ces hospitalisations de jour étaient motivées par la seule administration d'une spécialité pharmaceutique hors autorisation de mise sur le marché et en l'absence de recommandation temporaire d'utilisation établie par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute la Clinique [Localité 3] de l'intégralité de ses moyens de nullité, l'arrêt rendu le 21 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Lapasset - Avocat général : M. Gaillardot (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles L. 5123-2 et L. 5121-12-1, I, du code de la santé publique, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013, le second dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 ; article 7, I, 9°, de l'arrêté du 19 février 2009, modifié, relatif à la classification et à la prise en charge des prestations d'hospitalisation pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie, pris en application de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale.

2e Civ., 30 novembre 2023, n° 21-25.655, (B), FRH

Cassation partielle sans renvoi

Maladie – Frais de transport

Il résulte des articles R. 322-10 et R. 322-10-4 du code de la sécurité sociale, qui fixent les conditions de remboursement des frais de transport, qu'hormis le cas d'urgence, la prise en charge de ces frais est toujours subordonnée à l'accord préalable de la caisse, dès lors qu'il s'agit d'un transport sur une distance excédant 150 kilomètres.

Viole les textes susvisés le tribunal judiciaire qui, pour condamner une caisse primaire d'assurance maladie à prendre en charge des frais de transport exposés, sans demande d'entente préalable, ni urgence attestée, par une assurée sur une distance de plus de 150 kilomètres, confère le caractère d'une sanction à une condition d'attribution des prestations.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Bayonne, 22 octobre 2021), rendu en dernier ressort, la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3] (la caisse) ayant refusé, par décision du 3 août 2018, la prise en charge des frais de transport exposés par Mme [R] (l'assurée) entre son domicile, situé à [Localité 3], et la région parisienne, à l'occasion d'une intervention chirurgicale le 18 mai 2018 et d'un rendez-vous médical le 5 juin 2018, l'assurée a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

2. La caisse fait grief au jugement d'accueillir le recours de l'assurée, alors :

« 1°/ qu'il résulte des articles R. 322-10-1° et R. 322-10-4 du code de la sécurité sociale que, sauf urgence attestée par le médecin prescripteur, la prise en charge des frais de transport sur une distance de plus de 150 kilomètres est subordonnée à l'accord préalable de la caisse ; que cette formalité doit être respectée même si l'assuré est atteint d'une affection de longue durée ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations mêmes du jugement attaqué qu'aucune formalité d'entente préalable et prescription médicale antérieure aux transports intervenus les 15 mai 2018 et le 5 juin 2018 entre le domicile de l'assurée à [Localité 3] et [Localité 4] n'a été effectuée, la demande d'accord préalable valant prescription médicale, qui ne faisait mention d'aucune urgence, n'étant intervenue que le 21 août 2018, soit postérieurement aux transports considérés ; qu'en ordonnant néanmoins à la caisse de prendre en charge les frais de transports engagés par l'assurée à l'occasion d'une intervention chirurgicale en date du 15 mai 2018 et d'un rendez-vous médical du 5 juin suivant, du seul fait que l'assurée, atteinte d'une affection de longue durée, justifiait n'avoir été avisée de la date d'intervention du 18 mai 2018 que le 11 mai précédent par son chirurgien, qui ne paraissait pas très averti des formalités administratives, que le médecin traitant admettait aussi avoir omis de mentionner l'urgence sur les certificats établis et que, s'agissant du rendez-vous du 5 juin 2018 dont elle avait été avisée le 2 juin, l'assurée exposait, sans être contredite, les difficultés rencontrées à devoir organiser des transports de son domicile à l'hôpital de [Localité 5] dans un bref laps de temps en devant gérer en même temps sa vie familiale en son absence, quand ces circonstances ne pouvaient suppléer l'absence de réunion des conditions d'ouverture du droit au remboursement des frais de transport, le tribunal a violé les articles R. 322-10 et R. 322-10-4 du code de la sécurité sociale ;

2°/ que le refus d'attribution d'une prestation, faute que soient réunies les conditions de cette attribution, n'est pas une sanction ; qu'en considérant, en outre, que, pour ces deux transports, la sanction prononcée n'était pas en adéquation avec l'importance du manquement de l'assurée, le tribunal, qui a ainsi conféré le caractère d'une sanction au fait que la prise en charge des frais de transport de l'assurée ne répondait pas aux conditions posées par le code de la sécurité sociale, faute d'urgence attestée par la prescription médicale et/ou de demande d'entente préalable, a violé les articles R. 322-10 et R. 322-10-4 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles R. 322-10 et R. 322-10-4 du code de la sécurité sociale :

3. Il résulte de ces textes que, sauf urgence attestée par le médecin prescripteur, la prise en charge des frais de transport, y compris ceux liés à une hospitalisation, exposés sur une distance excédant 150 kilomètres, est subordonnée à l'accord préalable de l'organisme social.

4. Pour faire droit au recours de l'assurée, le jugement relève qu'il est constant qu'aucune formalité d'entente préalable au transport considéré, pourtant obligatoire pour une distance de plus de 150 kilomètres, n'a été effectuée par la requérante, la demande d'accord préalable n'étant intervenue que postérieurement aux transports considérés. Il observe que l'assurée, atteinte d'une affection de longue durée, justifie n'avoir été avisée que le 11 mai 2018 de la date d'intervention du 18 mai 2018, par son chirurgien qui ne parait pas averti des formalités administratives, que le médecin traitant a admis aussi avoir omis de mentionner l'urgence sur les certificats établis et que, s'agissant du rendez-vous du 5 juin 2018 dont elle a été avisée le 2 juin, l'assurée expose, sans être contredite, les difficultés rencontrées à devoir organiser des transports de son domicile à l'hôpital de [Localité 5] dans un bref laps de temps. Il retient que pour ces deux transports, la sanction prononcée n'est pas en adéquation avec l'importance du manquement de l'assurée, également victime d'une apparente méconnaissance des règles administratives par les praticiens et les centres de soins, de sorte qu'il convient d'ordonner la prise en charge par la caisse.

5. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, conférant le caractère d'une sanction à une condition d'attribution d'une prestation, alors qu'en l'absence d'urgence attestée par le médecin prescripteur, les transports litigieux, effectués en un lieu distant de plus de 150 kilomètres, ne pouvaient être pris en charge à défaut du respect de la formalité de l'entente préalable, le tribunal a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

6. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

7. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie que la Cour de cassation statue au fond.

8. Il résulte de ce qui est dit aux points 3 et 5 ci-dessus que la demande de l'assurée tendant à la prise en charge des frais de transport exposés les 18 mai et 5 juin 2018 doit être rejetée.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare le recours de Mme [R] recevable, le jugement rendu le 22 octobre 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Bayonne ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

REJETTE la demande de Mme [R] tendant à la prise en charge des frais de transport exposés à l'occasion de l'intervention chirurgicale du 18 mai 2018 et du rendez-vous médical du 5 juin 2018.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : M. Pédron - Avocat général : Mme Pieri-Gauthier - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

2e Civ., 16 novembre 2023, n° 21-25.194, (B), FRH

Cassation sans renvoi

Maladie – Frais de transport – Remboursement – Absence d'urgence – Défaut d'accord préalable de la caisse – Exclusion – Cas – Transport de plus de 150 kilomètres effectué sur une prescription médicale établie a posteriori

Selon les articles R. 322-10-2 et R. 322-10-4 du code de la sécurité sociale, sauf le cas d'urgence, la prise en charge des frais de transport prévus à l'article R. 322-10 du même code et exposés par l'assuré pour recevoir des soins, subir des examens ou se soumettre à un contrôle, est subordonnée à la présentation par cet assuré de la prescription médicale établie préalablement à l'exécution de la prestation de transport, et, lorsque la distance à parcourir excède 150 kilomètres, à l'accord préalable de la caisse d'assurance maladie.

Viole ainsi les textes susvisés le tribunal qui, en l'absence d'urgence attestée par le médecin prescripteur, et à défaut d'accord préalable de la caisse, valide la prise en charge d'un transport de plus de 150 kilomètres effectué sur une prescription médicale établie a posteriori.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire d'Aurillac, 11 octobre 2021), rendu en dernier ressort, et les productions, la caisse primaire d'assurance maladie du Cantal (la caisse) lui ayant refusé, par courrier du 19 novembre 2018, la prise en charge des frais de transport entre [Localité 3] et [Localité 4] exposés le 1er octobre 2018 pour conduire son épouse (l'ayant droit de l'assuré) vers une structure de soins, M. [Z] a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur les moyens réunis

Enoncé des moyens

2. Par son premier moyen, la caisse fait grief au jugement de la condamner à prendre en charge le transport litigieux, alors :

« 1°/ que sauf le cas d'urgence, la prise en charge des frais de transport est subordonnée à la présentation par l'assuré de la prescription médicale établie préalablement à l'exécution de la prestation de transport ; qu'en ordonnant la prise en charge du transport litigieux (aller [Localité 3]-[Localité 4]), quand ils constataient que les époux n'avaient obtenu la prescription médicale pour l'aller-retour qu'une fois sur place à [Localité 4], ce dont il résultait que la prescription médicale n'avait pas été établie préalablement à l'exécution du transport aller litigieux, les juges du fond ont violé l'article R. 322-10-2 du code de la sécurité sociale ;

2°/ que l'urgence, pour justifier d'une prise en charge sur la base d'une prescription médicale de transport établie a posteriori, doit être attestée dans ladite prescription médicale de transport ; qu'en ordonnant la prise en charge du transport litigieux, sans constater que la prescription médicale de transport établie a posteriori attestait de l'urgence, les juges du fond ont encore violé l'article R. 322-10-2 du code de la sécurité sociale. »

3. Par son second moyen, la caisse fait le même grief au jugement, alors :

« 1°/ que sauf le cas d'urgence, la prise en charge des frais d'un transport excédant 150 kms est subordonnée au respect de la formalité de l'entente préalable ; qu'en ordonnant la prise en charge du transport litigieux dont ils constataient qu'il excédait 150 kms, sans rechercher, comme ils y étaient pourtant invités, si la formalité de l'entente préalable avait été respectée, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article R. 322-10-4 du code de la sécurité sociale ;

2°/ que l'urgence, pour justifier d'une prise en charge sans que la formalité de l'entente préalable ait été respectée quand elle aurait dû l'être, doit être attestée dans la prescription médicale de transport ; qu'en ordonnant la prise en charge du transport litigieux, sans constater que la prescription médicale de ce transport excédant 150 kms attestait de l'urgence, les juges du fond ont encore violé l'article R. 322-10-4 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles R. 322-10, R. 322-10-2 et R. 322-10-4 du code de la sécurité sociale :

4. Selon le deuxième de ces textes, sauf le cas d'urgence, la prise en charge des frais de transport prévus au premier est subordonnée à la présentation par l'assuré de la prescription médicale établie préalablement à l'exécution de la prestation de transport.

5. Il résulte du troisième de ces textes que, sauf prescription médicale attestant de l'urgence, la prise en charge des frais de transport exposés sur une distance excédant 150 kilomètres est subordonnée à l'accord préalable de l'organisme social.

6. Pour dire que la caisse doit prendre en charge les frais de transport litigieux, le jugement relève que ce transport, de plus de 150 kilomètres, a été réalisé le 1er octobre 2018 avec une prescription médicale du 2 octobre 2018. Il retient que si la caisse fait valoir que rien ne fait état d'une urgence permettant de justifier que la prescription soit établie a posteriori, il ressort du dossier que l'ayant droit de l'assuré bénéficiait de soins à [Localité 4] dans le cadre d'une affection de longue durée, et qu'immédiatement après avoir pris un rendez-vous téléphonique, le couple s'est rendu à [Localité 4] le 1er octobre 2018, où leur a été délivrée la prescription aller-retour.

7. En statuant ainsi, alors qu'en l'absence d'urgence attestée par le médecin prescripteur, d'une part, la prescription médicale établie a posteriori n'était pas de nature à justifier la prise en charge, et d'autre part, le transport litigieux, effectué en un lieu distant de plus de 150 kilomètres, ne pouvait être pris en charge à défaut du respect de la formalité de l'entente préalable, le tribunal a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

8. Conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties qu'il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie que la Cour de cassation statue au fond.

10. Il résulte de ce qui est dit aux points 4, 5 et 7 que la demande tendant à la prise en charge du transport litigieux doit être rejetée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 11 octobre 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire d'Aurillac ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

REJETTE la demande de M. [Z] tendant à la prise en charge des frais de transport exposés le 1er octobre 2018.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : M. Reveneau - Avocat général : Mme Tuffreau - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles R. 322-10, R. 322-10-2 et R. 322-10-4 du code de la sécurité sociale.

2e Civ., 30 novembre 2023, n° 21-20.287, (B), FRH

Rejet

Vieillesse – Pension – Majoration pour enfants – Prise en compte – Plafond d'attribution du minimum – Conditions – Détermination

Selon l'article L. 351-10 du code de la sécurité sociale, l'assuré, dont la pension de vieillesse à taux plein est inférieure à un seuil fixé par décret, peut prétendre au bénéfice d'une majoration permettant de porter cette prestation, lors de sa liquidation, à un montant minimum tenant compte de la durée d'assurance accomplie par l'assuré dans le régime général, le cas échéant rapportée à la durée d'assurance accomplie tant dans le régime général que dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires.

Selon l'article L. 173-2 du même code, dans ses rédactions issues de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 et la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017, dans le cas où l'assuré a relevé du régime général de sécurité sociale, du régime des salariés agricoles ou du régime social des indépendants, le minimum de pension lui est versé sous réserve que le montant mensuel total de ses pensions personnelles de retraite attribuées au titre d'un ou plusieurs régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales, portées, le cas échéant, au minimum de pension, n'excède pas un montant fixé par décret.

Pour déterminer si le montant total des pensions de retraite personnelle de base et complémentaires dépasse le plafond d'attribution du minimum, il y a lieu de prendre en considération la majoration pour enfants.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Quimper, 31 mai 2021), rendu en dernier ressort, par lettre du 10 novembre 2015, la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Bretagne (la caisse) a notifié à M. [D] (l'assuré) une pension de retraite au titre de l'inaptitude au travail, à compter du 1er novembre 2015, d'un montant de 268,63 euros, comprenant la retraite personnelle, le minimum contributif et la majoration pour enfants.

2. Ayant été informée, dans le cadre de l'échange inter-régimes de retraite, de la perception par l'assuré d'une pension de retraite personnelle des services des retraites de l'État et d'une pension de retraite complémentaire, la caisse a lui notifié une diminution du minimum contributif et un indu pour la période du 1er juin 2017 au 31 mai 2019.

3. L'assuré a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

5. L'assuré fait grief au jugement de le débouter de ses demandes et de le condamner à payer à la caisse une certaine somme au titre de l'indu, alors « qu'il résulte de la combinaison des articles L. 351-10 et L. 173-2 du code de la sécurité sociale, que le montant total des pensions de retraite personnelle à retenir pour apprécier un éventuel dépassement du plafond d'attribution du minimum contributif est le montant des pensions, porté, le cas échéant, à leur minimum, hors majorations pour enfants ; que, pour valider le calcul du montant du dépassement de minimum contributif effectué par la caisse en retenant le montant total des pensions de retraite personnelle de l'assuré, majorations pour enfants incluses, le tribunal judiciaire a énoncé que la caisse avait opéré un abattement de 10 % au dépassement calculé de sorte que la majoration n'entrait finalement pas dans le calcul des pensions à retenir ; qu'en statuant ainsi, quand il appartenait à la caisse de déterminer le montant éventuel du dépassement de minimum contributif sans prendre en compte les majorations pour enfantss dans le montant total des pensions de retraite personnelle et non pas d'appliquer un abattement de 10 % sur le dépassement calculé en retenant ces majorations pour enfantss, calculs qui n'étaient pas équivalents, le tribunal judiciaire a violé les articles L. 351-10, L. 351-12, L. 173-2 et D. 173-21-4 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article L. 351-10 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, l'assuré, dont la pension de vieillesse à taux plein est inférieure à un seuil fixé par décret, peut prétendre au bénéfice d'une majoration permettant de porter cette prestation, lors de sa liquidation, à un montant minimum tenant compte de la durée d'assurance accomplie par l'assuré dans le régime général, le cas échéant rapportée à la durée d'assurance accomplie tant dans le régime général que dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires. Ce montant minimum est majoré au titre des périodes ayant donné lieu à cotisations lorsque la durée d'assurance ayant donné lieu à cotisations à la charge de l'assuré, accomplie tant dans le régime général que dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires, est au moins égale à une limite fixée à 120 trimestres par l'article D. 351-2-2.

La majoration pour enfants s'ajoutent à ce montant minimum, éventuellement majoré.

7. Selon l'article L. 173-2 du même code, dans ses rédactions issues de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 et de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017, successivement applicables au litige, dans le cas où l'assuré a relevé du régime général de sécurité sociale, du régime des salariés agricoles ou du régime social des indépendants, le minimum de pension lui est versé sous réserve que le montant mensuel total de ses pensions personnelles de retraite attribuées au titre d'un ou plusieurs régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales, portées le cas échéant au minimum de pension, n'excède pas un montant fixé par l'article D. 173-21-0-1-2 du code de la sécurité sociale, alors en vigueur.

8. Pour l'application de l'article L. 173-2 précité, l'article R. 173-7 du même code prévoit que les pensions personnelles de retraite attribuées au titre d'un ou plusieurs régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales, portées, le cas échéant, au minimum de pension, sont appréciées selon les modalités et dans les conditions fixées par les articles R. 815-18 à R. 815-20 et R. 815-22. Il n'est, toutefois, pas tenu compte des majorations de pensions lorsqu'elles sont attribuées au titre des périodes d'assurance validées, par des cotisations à la charge de l'assuré, après l'âge mentionné au premier alinéa de l'article L. 351-1 et au-delà de la durée d'assurance maximale mentionnée au deuxième alinéa de ce même article.

9. Selon l'article R. 815-22 du même code, sauf exclusions prévues au second alinéa, il est tenu compte, pour l'appréciation des ressources, de tous les avantages de vieillesse.

10. Il résulte de la combinaison de ces textes que pour déterminer si le montant total des pensions de retraite personnelle de base et complémentaires dépasse le plafond prévu à l'article L. 173-2, il y a lieu de prendre en considération la majoration pour enfants.

11. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, le jugement attaqué, qui a validé les calculs opérés pas la caisse révisant le montant du minimum contributif, se trouve légalement justifié.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Dudit - Avocat général : Mme Pieri-Gauthier - Avocat(s) : SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L. 351-10 et L. 173-2, dans ses rédactions issues des lois n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 et n° 2017-1836 du 30 décembre 2017.

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