Numéro 11 - Novembre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2023

POUVOIRS DES JUGES

2e Civ., 9 novembre 2023, n° 21-25.582, (B), FRH

Cassation partielle

Applications diverses – Astreinte – Juge en charge de la liquidation – Office – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 6 octobre 2021), dans un litige opposant la société Les Sarcelles à ses voisins, M. et Mme [I], et à la société JBMEM, acquéreur du bien immobilier de ces derniers, un juge des référés a, par une décision du 3 juin 2015, confirmée par un arrêt du 2 février 2017, ordonné la régularisation par la société Les Sarcelles sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du jugement, de l'acte authentique portant rectification des limites cadastrales entre les deux propriétés contiguës.

2. Invoquant une inexécution de cette obligation, M. et Mme [I] et la société JBMEM ont assigné la société Les Sarcelles, ainsi que la société [L] [E], en qualité de mandataire judiciaire de cette dernière, devant un juge de l'exécution, aux fins de liquidation de cette astreinte et de fixation d'une astreinte définitive.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société Les Sarcelles et la société [L] [E] font grief à l'arrêt de liquider l'astreinte à la somme de 379 400 euros, de fixer la créance de la société JBMEM et de M. et Mme [I] au passif de la procédure collective ouverte au nom de la société Les Sarcelles à cette somme, d'assortir l'obligation de faire prescrite par l'ordonnance du 3 juin 2015 d'une astreinte définitive de 500 euros par jour de retard passé un délai de 30 jours consécutifs à la signification de l'arrêt d'appel, de dire que cette astreinte définitive ne produira ses effets que durant une période maximale de trois mois et de fixer provisoirement la créance de la société JBMEM et de M. et Mme [I] au passif de la procédure collective ouverte au nom de la société Les Sarcelles à la somme de 45 000 euros correspondant à la liquidation de l'astreinte définitive susvisée, sous réserve d'actualisation en cas de disparition de l'obligation de faire prévue dans l'ordonnance du 3 juin 2015, alors « que le juge qui statue sur la liquidation de l'astreinte doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte qu'elle porte au droit de propriété du débiteur au regard du but légitime qu'elle poursuit ; qu'il doit en conséquence apprécier de manière concrète s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel il liquide l'astreinte et l'enjeu du litige ; qu'au cas présent, pour liquider l'astreinte à la somme de 379 400 euros, soit une somme très supérieure à la valeur de l'immeuble en litige, la cour d'appel s'est bornée à observer que l'obligation n'aurait pas été exécutée sans qu'une impossibilité puisse être établie, précisant que « la liquidation de l'astreinte fixée par un jugement n'est pas une indemnisation, de telle sorte qu'il n'y a pas à apprécier sa proportionnalité » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher de manière concrète s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel il liquide l'astreinte et l'enjeu du litige, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, interprété à la lumière de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, tel qu'interprété à la lumière de l'article 1 du protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

5. Selon le premier de ces textes, l'astreinte provisoire est liquidée en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. Elle est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.

6. Il résulte du second que le juge qui statue sur la liquidation d'une astreinte provisoire doit, lorsque la demande lui en est faite, apprécier, de manière concrète, s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel il liquide l'astreinte et l'enjeu du litige.

7. Pour liquider l'astreinte provisoire à la somme de 379 400 euros, l'arrêt retient qu'il n'y a pas lieu d'apprécier la proportionnalité du montant de l'astreinte liquidée.

8. En statuant ainsi, en refusant d'examiner s'il existait un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel elle liquidait l'astreinte et l'enjeu du litige, alors qu'elle était saisie d'une demande en ce sens, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il liquide l'astreinte prévue par l'ordonnance du juge des référés du 3 juin 2015 à la somme de 379 400 euros, fixe la créance de la société JBMEM et de M. et Mme [I] au passif de la procédure collective ouverte au nom de la société Les Sarcelles à cette somme, l'arrêt rendu le 6 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Philippart - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SAS Hannotin Avocats ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, tel qu'interprété à la lumière de l'article 1 du Protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

2e Civ., 9 novembre 2023, n° 22-15.810, (B), FRH

Cassation partielle

Applications diverses – Astreinte – Juge en charge de la liquidation – Office – Etendue – Limite

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 3 mars 2022) et les productions, la société AS immobilier, propriétaire de locaux commerciaux pris à bail par la société Action peinture, a été condamnée, par une ordonnance d'un juge des référés du 17 octobre 2019, d'une part, à enlever certains éléments de bardage et des persiennes, installés en raison de travaux en cours, et à rétablir l'interphone ainsi que l'alarme des locaux, dans un délai de 15 jours suivant la signification de l'ordonnance, et ce, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard, ladite astreinte courant pendant un délai de quatre mois, d'autre part, à remettre à la société Action peinture les avis d'échéance des loyers ainsi que les quittances correspondantes, dans un délai de huit jours à compter de la signification de l'ordonnance, et ce, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard, ladite astreinte courant pendant un délai de quatre mois.

2. Invoquant l'inexécution par la société AS immobilier de ses obligations, la société Action peinture a saisi un juge de l'exécution à fin de liquidation de ces astreintes.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société Action peinture fait grief à l'arrêt de liquider à la somme de 1 000 euros seulement l'astreinte provisoire liée à l'obligation pour la société AS immobilier de lui remettre les avis d'échéance des loyers ainsi que les quittances correspondantes, résultant de l'ordonnance du 17 octobre 2019 et de condamner la société AS immobilier à lui payer cette somme, alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'au cas présent, pour réduire l'astreinte assortissant l'ordre du juge des référés adressé à la société AS immobilier de remettre à la société Action peinture les avis d'échéance et de quittances de loyer de 12 200 euros à 1 000 euros, l'arrêt attaqué relève qu'« il appartient au juge de l'exécution d'apprécier encore le caractère proportionné de l'atteinte portée par l'astreinte liquidée au droit de propriété du débiteur, au regard du but légitime qu'elle poursuit »; qu'en se prononçant ainsi quand il ne ressortait pas des conclusions des parties en cause d'appel que la question de la proportionnalité de l'atteinte au droit des biens de la société AS immobilier ait été évoquée par l'une d'elles et qu'il ne ressort pas plus de l'arrêt attaqué que les parties aient été appelées par la cour à présenter leurs observations sur cette question, la cour d'appel, qui a relevé d'office un moyen de droit sans mettre les parties en mesure de le discuter, a violé le principe de la contradiction ensemble l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

5. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui même le principe de la contradiction.

6. Pour liquider à la somme de 1 000 euros l'astreinte mise à la charge de la société AS immobilier, l'arrêt relève qu'il appartient au juge de l'exécution d'apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée par l'astreinte liquidée au droit de propriété du débiteur, au regard du but légitime qu'elle poursuit.

7. Ayant constaté que l'obligation inexécutée ne portait que sur la remise de cinq avis trimestriels d'échéance et les quittances correspondant aux deux règlements intervenus, il en déduit que la liquidation de l'astreinte à hauteur de 12 200 euros est manifestement disproportionnée au regard du but poursuivi et de l'absence de tout préjudice subi par la société Action peinture.

8. En statuant ainsi alors que, si le juge peut vérifier d'office qu'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel il liquide l'astreinte et l'enjeu du litige, il lui appartient en ce cas de mettre les parties en mesure de s'expliquer sur ce moyen, de sorte que la cour d'appel, qui n'a pas invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen qu'elle relevait d'office, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il liquide à la somme de 1 000 euros l'astreinte provisoire liée à l'obligation pour la société AS immobilier de remettre à la société Action peinture les avis d'échéance des loyers ainsi que les quittances afférentes, résultant de l'ordonnance du juge des référés du 17 octobre 2019 et condamne la société AS immobilier à payer la somme de 1 000 euros à la société Action peinture, l'arrêt rendu le 3 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Philippart - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SAS Hannotin Avocats ; SCP Le Griel -

Textes visés :

Article 16 du code de procédure civile.

1re Civ., 29 novembre 2023, n° 22-18.630, (B), FS

Cassation

Excès de pouvoir – Définition – Exclusion – Juge d'appui – Désignation d'un arbitre – Cas

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 6 avril 2022), par acte sous seing privé du 16 décembre 2010, la société SODICO s'est portée acquéreur des parts sociales appartenant à la société Médiafi, composant le capital social de la société JIPE Réunion. Une convention de garantie d'actif et de passif, comportant une clause compromissoire, a été consentie le même jour par la société Médiafi au profit de la société SODICO.

2. Saisi à cette fin par la société SODICO, le tribunal mixte de commerce a désigné le 3 février 2021 le [3] ([3]) en qualité d'arbitre.

Examen du moyen

Sur le moyen pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société Médiafi fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son appel contre le jugement du 3 février 2021, alors « qu'en application de l'article 1455 du code de procédure civile, dans sa rédaction entrée en vigueur le 1er mai 2011, applicable sans distinction selon la date de conclusion de la convention d'arbitrage, la compétence du juge d'appui en cas de difficultés dans la désignation du tribunal arbitral est éteinte s'il constate que la clause compromissoire est manifestement inapplicable, de sorte qu'excède ses pouvoirs le juge qui, pour désigner un arbitre, refuse de vérifier si la clause compromissoire n'était pas manifestement inapplicable ; qu'en retenant, pour considérer que le premier juge, qui avait refusé de se prononcer sur l'applicabilité manifeste de la clause compromissoire en application de l'article 1455 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret du 13 janvier 2011, n'avait pas commis d'excès de pouvoir, que le litige devait être tranché au regard des seules dispositions de l'article 1444 du code de procédure civile dans leur rédaction antérieure au décret du 13 janvier 2011 dans la mesure où la convention avait été conclue avant son entrée en vigueur et que ce texte ne permettait d'écarter la clause compromissoire qu'en cas de nullité manifeste, circonstance qui n'était pas ici caractérisée, la cour d'appel a violé par refus d'application les articles 3 du décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011 et 1455 du code de procédure civile et a ainsi consacré l'excès de pouvoir commis par le juge d'appui. »

Réponse de la Cour

4. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 1, du même code.

5. Il résulte des articles 1455 et 1460 du code de procédure civile que le juge d'appui statue par jugement non susceptible de recours, sauf lorsqu'il déclare n'y avoir lieu à désignation la convention d'arbitrage étant manifestement nulle ou manifestement inapplicable et que la cour d'appel, saisie d'un appel en application de l'article 1460 du code de procédure civile, statue dans la limite des pouvoirs dont le juge d'appui est investi, sa décision n'étant susceptible de recours en cassation, sauf excès de pouvoir, que lorsqu'elle déclare n'y avoir lieu à désignation d'arbitre pour une des causes prévues à l'article 1455.

6. Le moyen de cassation qui reproche à la cour d'appel de n'avoir pas vérifié si la clause compromissoire n'était pas manifestement inapplicable n'est pas de nature à caractériser un excès de pouvoir et n'est donc pas recevable.

Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

7. La société Médiafi fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'excède ses pouvoirs le juge d'appui saisi d'une demande de désignation d'un arbitre qui désigne une personne morale, laquelle ne peut exercer les fonctions d'arbitre, réservées aux seules personnes physiques ; que dès lors en considérant qu'en désignant le [3] en qualité d'arbitre, le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis, qui n'avait pas empiété sur les pouvoirs d'une autre juridiction, n'avait pas commis d'excès de pouvoirs, la cour d'appel, qui a consacré l'excès de pouvoir résultant de la désignation d'une personne morale ne pouvant avoir la qualité d'arbitre, a violé l'article 1450 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1450, 1452 et 1460, alinéa 3, du code de procédure civile :

8. Aux termes du premier texte, la mission d'arbitre ne peut être exercée que par une personne physique jouissant du plein exercice de ses droits. Si la convention d'arbitrage désigne une personne morale, celle-ci ne dispose que du pouvoir d'organiser l'arbitrage.

9. Le deuxième dispose :

« En l'absence d'accord des parties sur les modalités de désignation du ou des arbitres :

1° En cas d'arbitrage par un arbitre unique, si les parties ne s'accordent pas sur le choix de l'arbitre, celui-ci est désigné par la personne chargée d'organiser l'arbitrage ou, à défaut, par le juge d'appui ;

2° En cas d'arbitrage par trois arbitres, chaque partie en choisit un et les deux arbitres ainsi choisis désignent le troisième ; si une partie ne choisit pas d'arbitre dans un délai d'un mois à compter de la réception de la demande qui lui en est faite par l'autre partie ou si les deux arbitres ne s'accordent pas sur le choix du troisième dans un délai d'un mois à compter de l'acceptation de leur désignation, la personne chargée d'organiser l'arbitrage ou, à défaut, le juge d'appui procède à cette désignation. »

10. Aux termes du troisième, le juge d'appui statue par jugement non susceptible de recours. Toutefois, ce jugement peut être frappé d'appel lorsque le juge déclare n'y avoir lieu à désignation pour une des causes prévues à l'article 1455.

11. En arbitrage interne, il résulte de ces textes qu'il appartient au juge d'appui saisi de difficultés de constitution du tribunal arbitral, de désigner une personne physique en qualité d'arbitre sans qu'il lui soit permis de déléguer ce pouvoir à une personne morale.

12. Pour déclarer irrecevable l'appel de la société Médiafi contre le jugement du 3 février 2021, l'arrêt retient que le juge d'appui qui s'est borné à désigner un centre d'arbitrage sans juger le fond du litige n'a commis aucun excès de pouvoir faute d'avoir empiété sur ceux d'une autre juridiction ou d'une autre personne.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Champalaune - Rapporteur : M. Ancel - Avocat général : Mme Cazaux-Charles - Avocat(s) : SAS Buk Lament-Robillot ; SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon -

Textes visés :

Articles 1455 et 1460 du code de procédure civile ; articles 1450, 1452 et 1460, alinéa 3, du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 30 octobre 2006, pourvoi n° 04-17.167, Bull. 2006, I, n° 442 (rejet).

Com., 8 novembre 2023, n° 22-13.149, (B), FRH

Cassation partielle

Injonction – Injonction de communication de pièces – Conditions

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Pharmabest du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Teroma.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 1er décembre 2021), le capital de la société Pharmabest, laquelle a pour objet la fourniture de prestations de services destinées aux officines de pharmacie, était détenu par une trentaine d'actionnaires, majoritairement des sociétés holding exploitant des officines de pharmacie adhérentes au réseau Pharmabest, dont la société Plein Sud.

3. Par une ordonnance du 8 novembre 2018, le président d'un tribunal de commerce, statuant en la forme des référés, a désigné, sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil, un expert avec pour mission de déterminer la valeur des titres Pharmabest détenus par la société Plein Sud.

4. Le 16 juillet 2020, la société Plein Sud a assigné, en référé, la société Pharmabest afin qu'il lui soit enjoint de communiquer, sous astreinte, certaines pièces à l'expert, dont le détail du chiffre d'affaires, au 31 décembre 2019, des entités du groupement de pharmaciens Pharmabest.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La société Pharmabest fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance de référé rendue le 17 septembre 2020 par le président du tribunal de commerce de Marseille en ce qu'il l'a condamnée à communiquer à l'expert, sous astreinte, le détail du chiffre d'affaires des entités du groupement de pharmaciens Pharmabest au 31 décembre 2019, alors « que les parties étant tenues d'apporter leur concours aux mesures d'instruction, sauf à ce que toutes conséquences soient tirées de leur abstention ou de leur refus, le juge peut, si une partie détient un élément de preuve, lui enjoindre, sur la requête d'une autre partie, de le produire, au besoin à peine d'astreinte ; que, cependant, nul ne peut donner ni produire ce qu'il n'a pas ; qu'il s'ensuit que la partie qui requiert du juge qu'il enjoigne à une autre de produire un document doit établir, outre son existence, à tout le moins sa vraisemblance, sa possession par cette autre partie ; que le juge, quant à lui, ne peut accéder à cette requête, a fortiori sous astreinte, sans avoir vérifié que cette double preuve était apportée ; qu'en l'espèce, la société Plein Sud a demandé à la cour d'enjoindre à la société Pharmabest, sous astreinte, de communiquer le détail du chiffre d'affaires des entités du groupement de pharmacien Pharmabest au 31 décembre 2019, dont la société Pharmabest, cependant, protestait qu'elle ne le possédait pas ; que, pour confirmer l'ordonnance qui avait fait droit à la requête de la société Plein Sud, la cour s'est bornée à considérer que la société Pharmabest « ne justifiait pas de ce que la communication de pièces serait illégitime en ce que le secret des affaires serait en cause » ; qu'en se déterminant ainsi, sans avoir vérifié que la société Plein Sud établissait l'existence ou la vraisemblance du document réclamé ainsi que sa détention par la société Pharmabest, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 10 [du code civil] et 11 du code de procédure civile, ensemble de l'article 1843-4 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 10, 11 et 145 du code de procédure civile :

6. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'il ne peut être enjoint à une partie, sur requête ou en référé, de produire un élément de preuve qu'elle ne détient pas.

7. Pour enjoindre à la société Pharmabest de communiquer, sous astreinte, le détail du chiffre d'affaires, au 31 décembre 2019, des entités du groupement de pharmaciens Pharmabest, l'arrêt retient que cette société ne justifie pas de ce que la communication de cette pièce serait illégitime en ce que le secret des affaires serait en cause.

8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui appartenait dès lors que la société Pharmabest faisait valoir que la pièce en litige n'existait pas et qu'en tout état de cause, elle ne la détenait pas, si la société Plein Sud, à qui la preuve en incombait en l'état de cette contestation, établissait que l'existence de cette pièce était, sinon établie, du moins vraisemblable et, le cas échéant, qu'elle était détenue ou pouvait être détenue par la société Pharmabest, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant l'ordonnance attaquée, il enjoint à la société Pharmabest de communiquer à M. [C] [Z] le détail du chiffre d'affaires des entités du groupement de pharmaciens Pharmabest au 31 décembre 2019 dans les quinze jours suivant la notification de l'ordonnance et, à défaut de ce faire dans ce délai, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard dans le délai d'un mois, l'arrêt rendu le 1er décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Ducloz - Avocat(s) : SCP Poulet-Odent -

Textes visés :

Articles 10, 11 et 145 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur l'injonction de produire certaines pièces, à rapprocher : 2e Civ., 23 septembre 2004, pourvoi n° 02-15.782, Bull. 2004, II, n° 428 (rejet).

Com., 15 novembre 2023, n° 22-10.818, (B), FRH

Rejet

Pouvoir discrétionnaire – Cas – Saisine de la commission d'examen des pratiques commerciales

Reprise d'instance

1. Il est donné acte à M. [I], en qualité d'administrateur judiciaire de la société Demax, et à la société BTSG², prise en la personne de M. [C], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Demax, de leurs reprises d'instance successives.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 novembre 2021) et les productions, le 16 novembre 2013, la société Demax, qui exploite un centre de traitement de véhicules hors d'usage, a conclu avec la société Allianz IARD (la société Allianz) un contrat de récupération des véhicules hors d'usage.

3. Le 18 novembre 2016, la société Allianz a résilié le contrat pour manquement de la société Demax à ses obligations contractuelles et légales puis l'a assignée en paiement de diverses sommes et en restitution de véhicules.

4. Soutenant que la rupture était abusive et que le contrat comportait un déséquilibre significatif à son détriment, la société Demax a reconventionnellement demandé à la cour d'appel de saisir pour avis la Commission d'examen des pratiques commerciales et de surseoir à statuer dans l'attente de cet avis et, à défaut, d'indemniser les préjudices qu'elle a subis.

5. Par un jugement du 29 janvier 2019, une procédure de sauvegarde a été ouverte à l'égard de la société Demax, M. [I] et la société BTSG² étant désignés respectivement administrateur et mandataire judiciaires.

6. Par un jugement du 25 janvier 2022, la résolution du plan de sauvegarde de la société Demax a été prononcée et celle-ci a été mise en redressement judiciaire, puis, par un jugement du 31 janvier 2023, en liquidation judiciaire, la société BTSG², prise en la personne de M. [C], étant désignée liquidateur judiciaire.

Examen des moyens

Sur les troisième et quatrième moyens

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

8. La société Demax et la société BTSG², ès qualités, font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur demande de sursis à statuer dans l'attente de l'avis de la commission d'examen des pratiques commerciales, alors :

« 1°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions et moyens invoqués par les parties, tels qu'ils figurent dans leurs dernières conclusions ; qu'en l'espèce, les exposants demandaient à la cour d'appel de « saisir la Commission d'examen des pratiques commerciales pour avis sur les pratiques commerciales entre la Compagnie ALLIANZ et la SARL Demax et l'existence d'un déséquilibre significatif susceptible d'engager la responsabilité du cocontractant ainsi qu'invoqué par la SARL Demax aux termes de son courrier à la CEPC et des présentes conclusions », et « en conséquence, surseoir à statuer dans l'attente de l'avis de la Commission d'examen des pratiques commerciales » ; que la cour d'appel a énoncé, sur la demande de sursis à statuer que la demande de sursis à statuer constituait une exception de procédure, et que la société Demax n'ayant pas soulevé cette exception avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, celle-ci était irrecevable en application des dispositions des articles 73 et 74 du code de procédure civile ; qu'en statuant de la sorte, quand les exposants ne demandaient pas à la cour d'appel de surseoir à statuer, mais de saisir elle-même la Commission d'examen des pratiques commerciales, ainsi que le lui permettait l'article L. 440-1 du code de commerce, la cour d'appel a méconnu les termes du litige dont elle était saisie, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que la Commission d'examen des pratiques commerciales peut être saisie pour avis par la juridiction sur des pratiques restrictives de concurrence ou d'autres pratiques prohibées, relevées dans une affaire dont elle est saisie ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si en l'état des contestations émises par la société Demax sur la licéité de certaines pratiques de la société Allianz IARD, il ne convenait pas de saisir pour avis la Commission d'examen des pratiques commerciales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 440-1, IV, du code de commerce. »

Réponse de la Cour

9. Il résulte de l'article L. 440-1, IV, du code de commerce que la faculté de saisir la commission d'examen des pratiques commerciales est laissée à l'appréciation discrétionnaire des juges du fond.

10. En rejetant la demande de la société Demax d'indemnisation pour rupture abusive, l'arrêt a implicitement mais nécessairement rejeté la demande de saisine de la commission d'examen des pratiques commerciales.

11. Par conséquent, les sociétés Demax et BTSG², ès qualités, sont sans intérêt à critiquer l'arrêt qui n'a pas sursis à statuer, une telle mesure étant sans objet dès lors que la commission d'examen des pratiques commerciales n'avait pas été saisie.

12. Irrecevable en sa première branche, le moyen ne peut être accueilli dans sa seconde.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

13. La société Demax et la société BTSG², ès qualités, font grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Demax à restituer à la société Allianz l'intégralité des véhicules sous astreinte, à l'exception des véhicules [Immatriculation 6], [Immatriculation 5], [Immatriculation 8] et [Immatriculation 4] déjà repris par la société Allianz IARD, et en ce qu'il a rejeté les autres demandes reconventionnelles de la société Demax, et après avoir infirmé le jugement en ce qu'il avait condamné la société Demax au paiement de diverses sommes, de fixer la créance de la société Allianz au passif de la procédure collective de la société Demax à la somme de 47 216,76 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 janvier 2017, d'ordonner la capitalisation des intérêts échus à compter du 20 janvier 2018, de dire que le cours des intérêts est arrêté au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde du 29 janvier 2019, de rejeter les autres demandes reconventionnelles de la société Demax, de la société BTSG², en qualité de mandataire judiciaire dans la procédure de sauvegarde de la société Demax, et de la société [K] [I] et associés, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société Demax, alors « qu'est nulle l'obligation contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s'oblige ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'article 3.1.1.1. du contrat conclu le 16 mai 2013 entre la société Demax et la société Allianz IARD stipulait que certains véhicules « dont la valeur de remplacement à dire d'expert (VRADE) est inférieure à 25 000 euros, et à 5 000 euros pour ceux qui sont techniquement non réparables, sont systématiquement cédés au récupérateur selon les conditions tarifaires fixées au contrat », l'article 3.1.1.2 disposant que « les véhicules sinistrés entrant dans le champ d'application du contrat tel que défini à l'article 3.1.1, mais qui ne font pas partie de l'une des sept catégories définies à l'article 3.1.1.1, seront vendus selon un processus communiqué ultérieurement au récupérateur » ; qu'en retenant, pour dire que cette seconde clause n'était pas potestative, que le « processus » de cession qui y était mentionné « explicit[ait] la mention relative à l'appel d'offres » et que les conditions tarifaires dépendant de l'état de la valeur des véhicules, quand la détermination des modalités et des conditions de l'appel d'offres en vue de la cession des véhicules visés à cet article dépendait du seul bon vouloir de la société Allianz IARD, de sorte que cette clause était purement potestative, la cour d'appel a violé les articles 1170 et 1174, devenu 1304-2, du code civil. »

Réponse de la Cour

14. Après avoir relevé que le contrat prévoyait que certains véhicules étaient systématiquement cédés au récupérateur, selon les conditions tarifaires fixées au contrat, et que d'autres feraient l'objet d'un appel d'offre auquel le récupérateur pourrait participer, « selon un processus communiqué ultérieurement au récupérateur », l'arrêt retient que le terme « processus », employé à l'article 3.1.1.2, explicite la mention relative à l'appel d'offre, et ajoute que les conditions tarifaires dépendent de l'état et de la valeur des véhicules.

15. De ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire que la clause relative à cette seconde catégorie de véhicules n'était pas potestative.

16. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Poillot-Peruzzetto - Avocat général : Mme Texier - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Duhamel -

Textes visés :

Article L. 440-1, IV, du code de commerce.

2e Civ., 30 novembre 2023, n° 21-24.899, (B), FRH

Rejet

Sécurité sociale – Règles de tarification – Application – Preuve – Appréciation souveraine des juges – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 30 septembre 2021), à la suite d'un contrôle de la facturation de l'activité de Mme [H], infirmière exerçant à titre libéral (la professionnelle de santé), portant sur l'année 2016, la caisse de mutualité sociale agricole du Limousin (la caisse) lui a notifié, le 3 février 2018, un indu correspondant à des majorations de coordination infirmier.

2. La professionnelle de santé a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt d'annuler la notification d'indu et de rejeter sa demande en remboursement de l'indu, alors :

« 1°/ que l'infirmier établit obligatoirement, pour chaque patient, un dossier de soins infirmiers contenant les éléments pertinents et actualisés relatifs à la prise en charge et au suivi ; qu'en l'espèce, la professionnelle de santé n'a constitué aucun dossier de soins infirmiers pour cinq patientes pour lesquelles elle a facturé des majorations de coordination infirmier, applicables uniquement à une prise en charge en soins palliatifs, et a versé aux débats, pour tenter de justifier que l'état de ces patientes nécessitait une prise en charge de ce type et que les conditions fixées par la Nomenclature générale des actes professionnels étaient remplies, des attestations établies a posteriori par leurs médecins traitants respectifs ; qu'en retenant, pour accueillir ces attestations en tant qu'éléments de preuve et juger que la facturation de majorations de coordination infirmier était justifiée, que la nécessité de soins palliatifs était établie pour ces cinq patientes dans la mesure où « cette preuve se fait par tous moyens dans la mesure où le décret du 16 février 1993 relatif aux règles professionnelles des infirmiers diplômés d'État n'oblige pas le professionnel à établir, en cas de soins à domicile, un dossier de soins infirmiers et notamment une fiche de suivi à produire en cas de contrôle », tandis que l'établissement de ce dossier n'était pas une faculté mais une obligation, dont le non-respect ne pouvait être suppléé par la preuve contraire, la cour d'appel a violé l'article R. 4312-35 du code de la santé publique ;

2°/ que la caisse soutenait que « la notion de prise en charge en soins palliatifs vise les patients en fin de vie et en phase terminale et non pas ceux atteints de pathologies dégénératives » et se fondait sur cette définition, ainsi que sur celles proposées par la loi n° 99-477 du 9 juin 1999, par l'OMS et par l'INPES, pour faire valoir que la facturation, par la professionnelle de santé, de majorations de coordination infirmier pour cinq patientes n'était pas justifiée au regard des conditions fixées par la Nomenclature générale des actes professionnels, qui réserve cette faculté aux soins palliatifs, d'autant que plusieurs patientes concernées étaient encore en vie au moment du dépôt des écritures d'appel, c'est-à-dire plusieurs années après les soins litigieux ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions et en se bornant à estimer que « la prise en charge en soins palliatifs n'est pas équivalente à celle d'un patient atteint de pathologies dégénératives qui ne relèvent pas forcément d'un soin palliatif », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Il appartient à l'organisme social qui engage une action en répétition de l'indu fondée, en application de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, sur la méconnaissance des règles de tarification et de facturation fixées par l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, d'établir l'existence du paiement, d'une part, son caractère indu, d'autre part. Dès lors que l'organisme social établit la nature et le montant de l'indu, il appartient au professionnel de santé de discuter les éléments de preuve produits et d'en apporter la preuve contraire.

5. Conformément à l'article 1358 du code civil, la preuve peut être rapportée par tout moyen.

6. Il résulte de l'article 23.2 de la nomenclature générale des actes professionnels annexée à l'arrêté du 27 mars 1972 modifié que la prise en charge des soins inscrits au titre XVI à un patient en soins palliatifs, réalisés à domicile, donne lieu à la majoration de coordination infirmier (MCI) et que la prise en charge en soins palliatifs est définie comme la prise en charge d'un patient ayant une pathologie grave, évolutive, mettant en jeu le pronostic vital, visant à soulager la douleur et l'ensemble des symptômes digestifs, respiratoires, neurologiques et autres, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage.

7. L'arrêt énonce que la facturation de la MCI est sous la seule responsabilité de l'infirmier qui la facture dans la mesure où elle n'est pas prescrite par le médecin et que la preuve du bien-fondé de la prise en charge en soins palliatifs se fait par tous moyens. Il relève que la caisse se borne à soutenir que, sur les cinq patients pour lesquels l'infirmière a facturé les majorations litigieuses, plusieurs n'étaient pas en fin de vie. Il constate que la professionnelle de santé produit aux débats les attestations établies par les médecins traitants de chacun des patients pour lesquels elle a appliqué la facturation des MCI, dont la fiabilité et la sincérité ne sont pas remises en cause par les éléments produits par la caisse.

8. C'est dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve débattus devant elle que la cour d'appel a estimé, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation que ses constatations rendaient inopérante, que la professionnelle de santé, établissant qu'il s'agissait de soins palliatifs, rapportait la preuve du bien-fondé de la facturation de la MCI, l'absence de production aux débats du dossier de soins infirmiers étant sans incidence sur la solution du litige.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : M. Labaune - Avocat général : Mme Pieri-Gauthier - Avocat(s) : SCP Duhamel ; SAS Buk Lament-Robillot -

Textes visés :

Articles L. 133-4 et L.162-1-7 du code de la sécurité sociale ; article 1358 du code civil ; article 23.2 de la nomenclature générale des actes professionnels annexée à l'arrêté du 27 mars 1972 modifié.

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