Numéro 11 - Novembre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2023

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE

Soc., 29 novembre 2023, n° 22-13.367, (B), FS

Rejet

Imputabilité – Démission du salarié – Manifestation de volonté clairement exprimée – Défaut – Circonstances antérieures ou contemporaines de la démission la rendant équivoque – Appréciation – Office du juge – Cas – Congé de fin d'activité – Décision du salarié de quitter l'entreprise – Portée

Selon l'article 3 de l'accord du 28 mars 1997 relatif au congé de fin d'activité à partir de 55 ans, attaché à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, la décision du salarié de quitter l'entreprise dans le cadre du régime du congé de fin d'activité entraîne la rupture du contrat de travail et s'analyse en une démission.

Ces dispositions ne s'opposent pas à ce qu'un salarié remette en cause sa démission en raison de faits ou manquements imputables à son employeur.

Le juge doit alors, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 13 janvier 2022), M. [V] a été engagé en qualité de chauffeur-livreur poids-lourds, le 1er janvier 2014, par la société Frevial.

2. Après acceptation de sa demande de prise en charge au titre du congé de fin d'activité, le salarié a démissionné le 28 décembre 2017 à effet du 1er février 2018. Parallèlement, il avait saisi la juridiction prud'homale le 29 juin 2017 afin de solliciter des dommages-intérêts liés au retard dans la délivrance des attestations de salaire à la caisse primaire d'assurance maladie et a demandé ensuite à ce que cette démission s'analyse en une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Examen des moyens

Sur le second moyen

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de requalifier la rupture du contrat résultant du congé de fin d'activité en prise d'acte de la rupture, de dire que celle-ci s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de le condamner à payer au salarié des sommes à titre d'indemnité de préavis, des congés payés, d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'ordonner à l'employeur de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées au salarié, dans la limite de deux mois, alors :

« 1°/ que conformément à l'article III.1 de l'accord sur le congé de fin d'activité du 28 mars 1997, le départ en congés fin d'activité s'effectue à la seule initiative du salarié et sa décision s'analyse en une démission ; qu'ainsi seule une démission, à l'exclusion de tout autre mode de rupture du contrat de travail, peut justifier le départ d'un salarié en congé de fin d'activité ; qu'en retenant que le départ en congé de fin d'activité du salarié pouvait s'analyser en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail, ensemble l'article III de l'accord sur le congé de fin d'activité du 28 mars 1997 ;

2°/ que si la démission du salarié peut être requalifiée en prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, c'est à la condition que sa décision soit équivoque ; que tel ne saurait être le cas lorsque la décision du salarié de démissionner est justifiée par l'octroi d'un congé de fin d'activité ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail, ensemble l'article III de l'accord sur le congé de fin d'activité du 28 mars 1997. »

Réponse de la Cour

5. La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission.

6. Selon l'article 3 de l'accord du 28 mars 1997 relatif au congé de fin d'activité à partir de 55 ans, attaché à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, la décision du salarié de quitter l'entreprise dans le cadre du régime du congé de fin d'activité entraîne la rupture du contrat de travail et s'analyse en une démission.

7. Ces dispositions ne s'opposent pas à ce qu'un salarié remette en cause sa démission en raison de faits ou manquements imputables à son employeur.

8. La cour d'appel, qui a constaté qu'il existait des circonstances antérieures et contemporaines à cette démission la rendant équivoque, a, à bon droit, jugé qu'il convenait de l'analyser en une prise d'acte de la rupture.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Valéry - Avocat général : M. Juan - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Claire Leduc et Solange Vigand -

Textes visés :

Article 3 de l'accord du 28 mars 1997 relatif au congé de fin d'activité à partir de 55 ans, attaché à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950.

Rapprochement(s) :

Sur d'autres applications de la possibilité de requalifier la décision du salarié de quitter l'entreprise en prise d'acte de la rupture du contrat de travail, à rapprocher : Soc., 17 novembre 2010, pourvoi n° 08-45.647, Bull. 2010, V, n° 264 (rejet) ; Soc., 20 octobre 2015, pourvoi n° 14-17.473, Bull. 2015, V, n° 198 (cassation partielle), et l'arrêt cité.

Soc., 29 novembre 2023, n° 22-10.004, (B), FS

Cassation

Licenciement – Cause – Cause réelle et sérieuse – Applications diverses – Travailleur étranger – Carte de résident – Deux mois précédant l'expiration du titre de séjour – Demande de renouvellement – Délai – Défaut – Portée

Il résulte de la combinaison des articles L. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, et R. 311-2, 4°, du même code, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-141 du 27 février 2019, qu'un étranger, titulaire d'une carte de résident, doit, pour bénéficier du délai de trois mois lui permettant, après expiration de son titre, de conserver son droit d'exercer une activité professionnelle, en solliciter le renouvellement dans les deux mois précédant cette expiration.

Encourt dès lors la cassation la cour d'appel qui, pour dire le licenciement notifié le 23 janvier 2017 dépourvu de cause réelle et sérieuse, après avoir constaté que le salarié était titulaire d'une carte de résident dont la validité expirait le 2 janvier 2017, retient qu'une disposition réglementaire ne pouvant limiter les droits, reconnus par la loi, au salarié titulaire d'une carte de résident, la nature du titre de séjour dont bénéficiait le salarié lui permettait de continuer l'exercice de son activité professionnelle jusqu'au 2 avril 2017, sans avoir à justifier auprès de son employeur d'une démarche réalisée pour en obtenir le renouvellement, et que l'obligation faite par l'article R. 311-2, 4°, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au salarié sollicitant « le renouvellement d'une carte de séjour permettant l'exercice d'une activité professionnelle » dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de la carte de séjour dont il est titulaire ne s'appliquait pas à sa situation.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 22 juillet 2021), M. [I] a été engagé en qualité d'agent de sécurité confirmé par la société GLN sécurité, aux droits de laquelle se trouve la société Seris Security, suivant un contrat de travail du 2 janvier 2003.

2. Par lettre recommandée du 21 décembre 2016, l'employeur a demandé au salarié de lui faire parvenir son nouveau titre de séjour au plus tard sept jours avant l'expiration de celui en cours de validité, soit le 26 décembre 2016, lui précisant qu'à défaut, il ne pourrait pas continuer à exécuter sa prestation de travail à compter du 2 janvier 2017, date d'expiration de son titre de séjour.

Le 28 décembre 2016, il lui a adressé une mise en demeure lui rappelant la nécessité de produire un nouveau titre de séjour.

3. Le 23 janvier 2017, l'employeur a notifié au salarié la rupture de son contrat de travail pour absence de titre de séjour lui permettant de travailler sur le territoire français.

4. Le 17 mars 2017, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à la rupture de son contrat de travail et en paiement de dommages-intérêts pour exécution déloyale de ce contrat.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse, de le condamner à lui payer certaines sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, et d'ordonner le remboursement des indemnités de chômage payées du jour du licenciement jusqu'à la date du prononcé de la décision dans la limite de six mois d'indemnités, alors « que si, aux termes du 2ème alinéa de l'article L. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige, entre la date d'expiration de la carte de résident et la décision prise par l'autorité administrative sur la demande de renouvellement, dans la limite de trois mois à compter de cette date d'expiration, l'étranger peut justifier de la régularité de son séjour par la présentation de la carte arrivée à expiration et conserve pendant cette période son droit d'exercer une activité professionnelle, c'est à la condition qu'il ait effectivement déposé une demande de renouvellement du titre expiré dans le délai imparti par l'article R. 311-2, 4°, du même code, à savoir au cours des deux derniers mois précédant l'expiration de celui-ci, ce dont il doit pouvoir justifier auprès de son employeur ; que la cour d'appel en énonçant, pour juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, que le salarié était titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 2 janvier 2017 qui lui permettait de continuer l'exercice de son activité professionnelle jusqu'au 2 avril 2017, sans avoir à justifier auprès de son employeur d'une démarche réalisée pour en obtenir le renouvellement, qu'il ne se trouvait donc pas en situation irrégulière et que l'obligation faite par l'article R. 311-2, 4°, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au salarié sollicitant le renouvellement d'une carte de séjour permettant l'exercice d'une activité professionnelle dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de la carte de séjour dont il est titulaire, ne s'appliquait pas à sa situation, a violé les articles L. 311-4, alinéa 2, et R. 311-2, 4°, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, et l'article R. 311-2, 4°, du même code, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-141 du 27 février 2019 :

6. Selon le premier de ces textes, entre la date d'expiration de la carte de résident et la décision prise par l'autorité administrative sur la demande tendant à son renouvellement, dans la limite de trois mois à compter de cette date d'expiration, l'étranger peut justifier de la régularité de son séjour par la présentation de la carte arrivée à expiration. Pendant cette période, il conserve l'intégralité de ses droits sociaux ainsi que son droit d'exercer une activité professionnelle.

7. Selon le second, l'étranger qui séjourne déjà en France présente sa demande de renouvellement de sa carte de séjour dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de la carte de séjour dont il est titulaire, sauf s'il est titulaire du statut de résident de longue durée-UE accordé par la France en application des articles L. 314-8, L. 314-8-1 et L. 314-8-2.

8. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'un étranger, titulaire d'une carte de résident, doit, pour bénéficier du délai de trois mois lui permettant, après expiration de son titre, de conserver son droit d'exercer une activité professionnelle, en solliciter le renouvellement dans les deux mois précédant cette expiration.

9. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, après avoir constaté que le salarié était titulaire d'une carte de résident dont la validité expirait le 2 janvier 2017, l'arrêt énonce qu'en application de l'article R. 5221-3, 1°, du code du travail, dans sa version applicable au litige, la carte de résident, délivrée en application de l'article L. 314-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, constitue le premier des documents visés constituant une autorisation de travail et qui « permet l'exercice de toute activité professionnelle salariée ». Il relève que le salarié était titulaire d'un tel document valant autorisation de travail.

10. Il retient qu'en vertu de l'article L. 311-4, alinéa 2, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur du 1er novembre 2015 au 1er mars 2019, une disposition réglementaire ne pouvant limiter les droits, ainsi reconnus par la loi, au salarié titulaire d'une carte de résident, la nature du titre de séjour dont bénéficiait le salarié lui permettait de continuer l'exercice de son activité professionnelle jusqu'au 2 avril 2017, sans avoir à justifier auprès de son employeur d'une démarche réalisée pour en obtenir le renouvellement.

11. Il en conclut que le salarié ne se trouvait pas en situation irrégulière et que l'obligation faite par l'article R. 311-2, 4°, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au salarié sollicitant « le renouvellement d'une carte de séjour permettant l'exercice d'une activité professionnelle » dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de la carte de séjour dont il est titulaire ne s'appliquait pas à sa situation.

12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Techer - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : SAS Buk Lament-Robillot -

Textes visés :

Articles L. 311-4, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, et R. 311-2, 4°, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-141 du 27 février 2019, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).

Soc., 22 novembre 2023, n° 20-23.640, n° 21-13.945, (B), FS

Cassation partielle sans renvoi

Licenciement économique – Licenciement collectif – Entreprise en difficulté – Liquidation judiciaire – Annulation en appel du jugement prononçant la liquidation judiciaire – Ouverture d'office par le juge d'appel d'une procédure de liquidation judiciaire – Conséquences sur la validité des licenciements (non) – Portée

Aux termes de l'article R. 640-2 du code de commerce, la cour d'appel qui annule un jugement statuant sur l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire ou son prononcé peut, d'office, ouvrir la procédure de liquidation judiciaire ou la prononcer. Il en résulte que l'annulation du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire d'un débiteur n'affecte pas les licenciements régulièrement prononcés avant cette annulation par le liquidateur, dès lors que la cour d'appel ayant annulé le jugement a ouvert elle-même la liquidation judiciaire du débiteur.

Est en conséquence approuvé, l'arrêt qui, après avoir relevé que la cour d'appel avait, après annulation du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, constaté l'impossibilité d'un redressement de l'entreprise et ouvert à l'égard de celle-ci une procédure de liquidation judiciaire, en déduit que cette décision d'annulation n'avait pas eu pour effet de remettre en cause la validité de la rupture du contrat de travail intervenue à la suite de l'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle que lui avait proposé le liquidateur judiciaire alors en fonction, peu important la modification de la date de cessation des paiements dans la seconde décision d'ouverture de la procédure collective.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 20-23.640 et 21-13.945 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 29 octobre 2020) et les productions, M. [Y] a été engagé à compter du 1er septembre 2008 en qualité de chef de fabrication par la société Orfi (la société), exploitant un fonds de commerce d'études et conseils, conception, réalisation de stands.

3. Par jugement du 18 mars 2016, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société.

4. Convoqué à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique qui s'est tenu le 29 mars 2016, le salarié a adhéré le 10 avril 2016 au contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé.

5. Sur appel de la société, ce jugement a été annulé par arrêt du 29 septembre 2016 qui, après avoir fixé provisoirement l'état de cessation des paiements à la date de l'arrêt et constaté l'impossibilité de redressement de la société, a de nouveau ouvert une procédure de liquidation judiciaire.

La société MMJ, prise en la personne de M. [N], a été désignée en qualité de liquidateur.

6. Contestant le bien fondé de la rupture de son contrat de travail, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour voir fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société des indemnités de rupture et des dommages-intérêts pour divers manquements de l'employeur pendant l'exécution du contrat de travail, notamment pour atteinte à son droit de participer à la gestion de l'entreprise par l'intermédiaire des délégués du personnel.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le second moyen du pourvoi n° 20-23.640, pris en ses troisième à sixième branches

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen du pourvoi n° 20-23.640, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, alors « que selon l'article L. 641-10, alinéa 5, du code du commerce, lorsque le nombre des salariés ou le chiffre d'affaires est supérieur ou égal à des seuils fixés par décret en Conseil d'Etat ou, en cas de nécessité, le tribunal est tenu de désigner un administrateur judiciaire pour administrer l'entreprise, lequel a seul pouvoir pour prononcer, dans les conditions prévues à l'article L. 631-17 du code de commerce, les licenciements pour motif économique des salariés de l'entreprise ; qu'ainsi, lorsque les conditions prévues par l'article L. 641-10, alinéa 5, du code du commerce sont remplies, le liquidateur judiciaire ne dispose pas du pouvoir de notifier aux salariés la rupture de leur contrat de travail qui est dévolu à l'administrateur judiciaire, et ce, quand bien même le tribunal aurait omis de désigner un tel administrateur dans le jugement prononçant la liquidation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté que « le chiffre d'affaires réalisé par la société était déjà très important en 2014 (plus de 6 millions d'euros)" ; qu'en jugeant dès lors que le mandataire liquidateur avait pu valablement conduire la procédure de licenciement et proposer à M. [Y] un contrat de sécurisation professionnelle ayant abouti à la rupture du contrat de travail, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que le chiffre d'affaires réalisé par la société imposait la désignation d'un administrateur judiciaire qui seul pouvait mener la procédure de licenciement et proposer le contrat de sécurisation professionnelle au salarié, de sorte que le liquidateur judiciaire n'avait pas pouvoir pour cela et que, par voie de conséquence, la rupture du contrat de travail devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article L. 641-10, alinéa 5, du code du commerce, ensemble les articles L. 1233-2 et L. 1235-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

9. Aux termes de l'article L. 641-10 du code de commerce, si la cession totale ou partielle de l'entreprise est envisageable ou si l'intérêt public ou celui des créanciers l'exige, le maintien de l'activité peut être autorisé par le tribunal pour une durée maximale fixée par décret en Conseil d'Etat. Elle peut être prolongée à la demande du ministère public pour une durée fixée par la même voie. Lorsqu'il s'agit d'une exploitation agricole, ce délai est fixé par le tribunal en fonction de l'année culturale en cours et des usages spécifiques aux productions concernées.

Le liquidateur administre l'entreprise. Dans les conditions prévues à l'article L. 631-17, il peut procéder aux licenciements.

Le cas échéant, il prépare un plan de cession, passe les actes nécessaires à sa réalisation, en reçoit et en distribue le prix. Toutefois, lorsque le nombre des salariés ou le chiffre d'affaires est supérieur ou égal à des seuils fixés par décret en Conseil d'Etat ou, en cas de nécessité, le tribunal désigne un administrateur judiciaire pour administrer l'entreprise. Dans ce cas, l'administrateur exerce les prérogatives conférées au liquidateur par les articles L. 641-11-1 et L. 641-12. Il prépare le plan de cession, passe les actes nécessaires à sa réalisation et, dans les conditions prévues à l'article L. 631-17, peut procéder aux licenciements.

10. Il en résulte qu'en l'absence de maintien de l'activité, il n'y a pas lieu de désigner un administrateur judiciaire, quand bien même l'un des seuils du nombre de salariés ou du chiffre d'affaires serait atteint.

11. Le moyen, qui manque par le fait qui lui sert de base, dès lors qu'il ne ressort pas des constatations de l'arrêt et des productions que le tribunal de commerce a autorisé le maintien de l'activité de l'entreprise, n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen du pourvoi n° 20-23.640, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

12. Le salarié fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'annulation du jugement de liquidation judiciaire de l'employeur prive de fondement et d'effet les licenciements pour motif économique prononcés en vertu de cette décision par le liquidateur judiciaire, qui sont ainsi dépourvus de cause réelle et sérieuse ; qu'il n'en va autrement que lorsque la cour d'appel annulant ce jugement ouvre par la même décision une liquidation judiciaire et que la date de cessation des paiements de la société est fixée à une date antérieure à celle de la rupture du contrat de travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel de Versailles a, par un arrêt du 29 septembre 2016, annulé le jugement du tribunal de commerce de Pontoise en date du 18 mars 2016 prononçant l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Orfi, fixant provisoirement la date de cessation des paiements au 16 octobre 2015 et désignant M. [N] en qualité de liquidateur judiciaire et, statuant à nouveau, a constaté l'état de cessation des paiements, fixé la date de celle-ci au jour de sa décision et, estimant le redressement de la société Orfi manifestement impossible, a ouvert une procédure de liquidation judiciaire son profit ; qu'en jugeant dès lors que le mandataire liquidateur avait pu valablement proposer à M. [Y] un contrat de sécurisation professionnelle ayant abouti à la rupture du contrat de travail, cependant qu'elle constatait que la date de cessation des paiements était fixée au 29 septembre 2016, soit à une date postérieure à la rupture du contrat de travail, intervenue en suite de son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle le 10 avril 2016, la cour d'appel a violé les articles L. 640-1 et L. 641-4 du code de commerce, ensemble les articles L. 1233-2 et L. 1235-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

13. Aux termes de l'article R. 640-2 du code de commerce, la cour d'appel qui annule un jugement statuant sur l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire ou son prononcé peut, d'office, ouvrir la procédure de liquidation judiciaire ou la prononcer.

14. Il en résulte que l'annulation du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire d'un débiteur n'affecte pas les licenciements régulièrement prononcés avant cette annulation par le liquidateur, dès lors que la cour d'appel ayant annulé le jugement a ouvert elle-même la liquidation judiciaire du débiteur.

15. La cour d'appel a relevé, par motifs adoptés, que l'arrêt rendu le 29 septembre 2016 avait, après annulation du jugement du tribunal de commerce, constaté l'impossibilité d'un redressement de l'entreprise et ouvert à l'égard de celle-ci une procédure de liquidation judiciaire.

16. Elle en a exactement déduit que cette décision d'annulation n'avait pas eu pour effet de remettre en cause la validité de la rupture du contrat de travail intervenue à la suite de l'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle que lui avait proposé le liquidateur judiciaire alors en fonction, peu important la modification de la date de cessation des paiements dans la seconde décision d'ouverture de la procédure collective.

17. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen du pourvoi n° 21-13.945, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

18. L'AGS et l'UNEDIC-CGEA Île-de-France-Est font grief à l'arrêt de fixer au passif de la société une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice personnel subi par le salarié pour absence de fonctionnement normal des institutions représentatives du personnel de la société Orfi, de dire la décision opposable à l'AGS-CGEA d'Île-de-France-Est dans les limites de la garantie légale et des plafonds applicables, alors « que la méconnaissance par l'employeur de ses obligations en matière d'organisation de la totalité des réunions des institutions représentatives du personnel présentes dans l'entreprise ne constitue pas un préjudice dont un salarié peut réclamer l'indemnisation, en ce qu'elle ne peut conduire à le priver d'une possibilité de représentation et de défense de ses intérêts, mais relève d'un manquement à l'égard des institutions mises en place permettant seulement à ces dernières de poursuivre l'employeur au titre d'un délit d'entrave ; qu'en décidant que le salarié pouvait être indemnisé au titre du défaut de fonctionnement normal des institutions représentatives du personnel, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil, ensemble l'article 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et L. 2315-8 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 :

19. Le manquement de l'employeur à l'obligation d'information et de consultation des instances représentatives du personnel n'est pas de nature à causer au salarié, agissant à titre individuel, un préjudice personnel et direct.

20. Pour fixer une somme au passif de la liquidation judiciaire de la société et déclarer cette créance opposable à l'AGS, l'arrêt retient qu'il est établi que seules trois réunions des délégués du personnel se sont tenues entre septembre 2015 et février 2016, quand la situation de l'entreprise et les questions de l'ensemble du personnel sur son devenir justifiaient a minima la tenue chaque mois d'une réunion, telle que prévue par l'ancien article L. 2315-8 du code du travail, que les interrogations du personnel sont restées pour partie sans réponse, tandis que la société a été placée en liquidation judiciaire dès le mois de mars 2016 et que le salarié a finalement été licencié pour motif économique le 31 mars 2016.

21. Il ajoute que le salarié, qui produit ses relevés de compte ainsi que ses courriels des 4 septembre, 5 octobre et 11 décembre 2015 aux termes desquels il signale aux délégués du personnel soit qu'il n'a pas encore été payé de son salaire, soit qu'il vient juste de recevoir le chèque correspondant au paiement du salaire du mois passé, a été privé d'une possibilité de représentation et de défense de ses intérêts et a subi, du fait du non-respect par son employeur de ses obligations à l'égard des institutions représentatives du personnel, un préjudice propre et direct qui justifie l'allocation de dommages-intérêts.

22. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

23. Sur suggestion des demandeurs au pourvoi n° 21-13.945, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

24. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

25. Il y a lieu de déclarer irrecevable la demande du salarié en indemnisation d'un préjudice personnel résultant de l'absence de fonctionnement normal des institutions représentatives du personnel de la société Orfi et de mettre hors de cause l'AGS et l'UNEDIC-CGEA d'Île-de-France-Est de ce chef de demande.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

REJETTE le pourvoi n° 20-23.640 ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe au passif de la société Orfi la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice personnel subi par M. [Y] pour absence de fonctionnement normal des institutions représentatives du personnel de la société Orfi et dit sa décision opposable à l'AGS-CGEA d'Île-de-France-Est dans les seules limites de la garantie légale et des plafonds applicables selon les dispositions des articles L. 3253-6 et L. 3253-8 et suivants du code du travail et des articles D. 3253-5 et suivants du code du travail, l'arrêt rendu le 29 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare irrecevable la demande de M. [Y] en indemnisation d'un préjudice personnel résultant de l' absence de fonctionnement normal des institutions représentatives du personnel de la société Orfi ;

Met hors de cause l'AGS et l'UNEDIC-CGEA d'Île-de-France-Est de ce chef de demande.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : M. Pietton - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article R. 640-2 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Sur les effets de l'infirmation d'un jugement ouvrant une procédure de liquidation judiciaire quant à la décision du juge-commissaire d'autoriser les licenciements, à rapprocher : Soc., 16 décembre 2008, pourvoi n° 07-43.285, Bull. 2008, V, n° 253 (cassation partielle).

Soc., 8 novembre 2023, n° 22-18.784, (B), FRH

Cassation

Licenciement économique – Reclassement – Obligation de l'employeur – Périmètre de l'obligation – Groupe de sociétés – Groupe de reclassement – Caractérisation – Permutation de tout ou partie du personnel – Identité du secteur d'activité (non) – Portée

Aux termes de l'article L. 1233-4, alinéa 1, du code du travail, dans sa rédaction modifiée par l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Le périmètre à prendre en considération pour l'exécution de l'obligation de reclassement se comprend de l'ensemble des entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, peu important qu'elles appartiennent ou non à un même secteur d'activité.

Licenciement économique – Reclassement – Obligation de l'employeur – Etendue

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 11 mai 2022) et les productions, M. [E] a été engagé en qualité de responsable de magasin le 1er avril 1991 par la société Brel. Son contrat de travail a été transféré le 16 novembre 2013 à la société Brel distribution. Il exerçait en dernier lieu les fonctions de magasinier vendeur.

2. Licencié pour motif économique le 29 janvier 2018, le salarié a saisi la juridiction prud'homale en contestation de son licenciement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

3. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter de ses demandes indemnitaires, alors « que le périmètre à prendre en considération pour l'exécution de l'obligation de reclassement se comprend de l'ensemble des entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, peu important qu'elles appartiennent ou non à un même secteur d'activité ; qu'en jugeant que dès lors qu'il avait été retenu, dans le cadre de la recherche portant sur la réalité des difficultés économiques invoquées par l'employeur, que les différentes sociétés auprès desquelles la société Brel distribution avait effectué une recherche de reclassement n'avaient pas le même secteur d'activité que cette dernière, la permutabilité ne pouvait être retenue, sans rechercher si les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation de ces différentes sociétés ne leur permettaient pas d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, [la cour d'appel] a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1233-4, alinéa 1, du code du travail, dans sa rédaction modifiée par l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 :

4. Aux termes de ce texte, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

5. Le périmètre à prendre en considération pour l'exécution de l'obligation de reclassement se comprend de l'ensemble des entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, peu important qu'elles appartiennent ou non à un même secteur d'activité.

6. Pour dire que le licenciement du salarié repose sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que les sociétés Etablissement Brel, Sols et peintures brivistes et Plastic décors, qui ont pour objet la réalisation de travaux, n'ont pas le même secteur d'activité que la société Brel distribution, qui a pour objet le négoce. Il en déduit que la permutabilité entre les membres du personnel de ces sociétés n'est pas établie, que le périmètre de la recherche d'un poste de reclassement ne comprenait donc pas ces sociétés.

7. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser que les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation des différents entreprises du groupe auquel la société appartient ne leur permettaient pas d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Agen.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Maitral - Avocat(s) : SCP Zribi et Texier ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article L. 1233-4, alinéa 1, du code du travail, dans sa rédaction modifiée par l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017.

Rapprochement(s) :

Sur le périmètre d'appréciation de l'obligation de reclassement lors d'un licenciement économique au sein d'un groupe, à rapprocher : Soc., 13 décembre 2011, pourvoi n° 10-21.745 (cassation partielle) ; Soc., 12 septembre 2012, pourvoi n° 11-30.373 (cassation partielle) ; Soc., 5 janvier 2022, pourvoi n° 19-24.148 (cassation partielle).

Soc., 8 novembre 2023, n° 22-17.919, (B), FRH

Rejet

Licenciement – Nullité – Effets – Réintégration – Réparation du préjudice subi au cours de la période d'éviction – Etendue – Limites – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 avril 2022), statuant sur renvoi après cassation (Soc., 17 mars 2021, pourvoi n° 19-19.446), Mme [S] a été engagée en qualité de secrétaire de direction par la Société nationale industrielle et minière (la SNIM) le 13 novembre 1995. Elle a exercé des mandats de représentant du personnel et de représentant syndical à compter de l'année 2000. Elle est conseiller prud'homme depuis l'année 2002 et son mandat a été renouvelé en 2018.

2. Le 3 septembre 2010, invoquant une inégalité de traitement et une discrimination syndicale, la salariée et l'union locale des syndicats CGT du 2e arrondissement de [Localité 5] (le syndicat) ont saisi la juridiction prud'homale aux fins de condamnation de l'employeur au paiement de diverses sommes.

3. La salariée a été licenciée pour motif économique le 22 septembre 2014, après autorisation ministérielle du 20 août 2014, annulée par jugement du tribunal administratif de Paris du 21 octobre 2015, devenu définitif.

4. Par arrêt du 9 mai 2017, la cour d'appel de Versailles, statuant en référé, a ordonné la réintégration de la salariée.

5. Celle-ci, invoquant son absence de réintégration, a complété ses demandes en sollicitant la résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

6. Par arrêt du 17 mai 2019, la cour d'appel de Versailles a notamment prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail et a dit que cette résiliation produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, a condamné l'employeur à payer à la salariée une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et a débouté la salariée de sa demande présentée au titre de la violation du statut protecteur.

7. Par arrêt du 17 mars 2021, la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il dit que la résiliation du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et déboute la salariée de sa demande au titre de la violation du statut protecteur, l'arrêt rendu le 17 mai 2019.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui qui est irrecevable.

Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

9. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée la somme de 234 831 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur, alors :

« 1°/ que le salarié protégé dont le licenciement est nul en raison de l'annulation de l'autorisation administrative doit être réintégré dans son emploi ou un emploi équivalent ; que faute pour l'employeur de satisfaire à cette obligation, sans justifier d'une impossibilité de réintégration, la résiliation judiciaire prononcée aux torts de l'employeur pour ce motif produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur ; que cependant le salarié ne peut pas prétendre, dans cette hypothèse particulière, à une indemnité pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à la fin de la période de protection, dans la limite de trente mois, mais seulement à une indemnité qui est fonction du préjudice subi ; qu'en jugeant cependant que « le montant de la rémunération qu'elle aurait dû percevoir entre son éviction, soit la date de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, le 17 mai 2019, et l'expiration de la période de protection dans la limite de la durée de protection, accordée aux représentants du personnel, soit une durée de vingt-quatre mois augmentée de six mois », la cour d'appel a violé L. 2411-22 du code du travail et l'article 1184, devenu 1227, du code civil ;

3°/ que le salarié protégé dont le licenciement est nul en raison de l'annulation de l'autorisation administrative doit être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent ; qu'un salarié protégé, dont la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail du fait de l'inexécution par l'employeur de son obligation de procéder à la réintégration dans son poste ou un poste équivalent est accueillie, a droit, au titre de méconnaissance de son statut protecteur, au paiement d'une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à la fin de la période de protection, dans la limite de trente mois ; que la date de son éviction est celle du licenciement annulé, le salarié n'ayant pas été réintégré à sa suite ; qu'en l'espèce, le licenciement de Mme [S] ayant été prononcé le 22 septembre 2014, l'indemnité pour violation du statut protecteur ne pouvait correspondre qu'aux salaires dus entre le 22 septembre 2014 et le 22 mars 2016 ; que cependant la cour d'appel a accordé à la salariée au titre de la violation du statut protecteur « le montant de la rémunération qu'elle aurait dû percevoir entre son éviction, soit la date de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, le 17 mai 2019, et l'expiration de la période de protection dans la limite de la durée de protection, accordée aux représentants du personnel, soit une durée de vingt-quatre mois augmentée de six mois » sur la base d'un salaire de référence fixé par l'arrêt du 16 ou 17 mai 2019 en incluant les augmentations générales de salaire appliquées depuis 2015 ; qu'en accordant une telle indemnité, en sus du rappel de salaire octroyé par le même arrêt du 16 ou 17 mai 2019 pour la période courant du 27 décembre 2014 au 31 décembre 2018, la cour d'appel a violé L. 2411-22 du code du travail et l'article 1184, devenu 1227, du code civil. »

Réponse de la Cour

10. Le salarié protégé dont le licenciement est nul en raison de l'annulation de l'autorisation administrative doit être réintégré dans son emploi ou un emploi équivalent. Il en résulte que lorsque l'employeur n'a pas satisfait à cette obligation, sans justifier d'une impossibilité de réintégration, la résiliation judiciaire prononcée aux torts de l'employeur pour ce motif produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur dès lors que le salarié est protégé au jour de sa demande en résiliation et que le salarié peut prétendre à une indemnité à ce titre égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de prise d'effet de la résiliation judiciaire jusqu'à la fin de la période de protection en cours au jour de sa demande en résiliation, dans la limite de trente mois.

11. Ayant constaté qu'à la date de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, formée le 9 janvier 2019, la salariée bénéficiait du statut de salariée protégée pour avoir été réélue en qualité de conseiller prud'homme en 2018, la cour d'appel en a exactement déduit que la salariée était en droit d'obtenir, au titre de la méconnaissance du statut protecteur, le montant de la rémunération qu'elle aurait dû percevoir entre son éviction, fixée à la date de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur le 17 mai 2019, et l'expiration de la période de protection dans la limite de la durée de protection, soit une durée de vingt-quatre mois augmentée de six mois.

12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

13. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée la somme de 46 966,38 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul, alors :

« 1°/ que la résiliation judiciaire ne peut pas produire à la fois les effets d'un licenciement nul et sans cause réelle et sérieuse ; qu'en condamnant l'employeur à payer la somme de 46 966,38 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul en plus de la somme de 115 000 euros déjà allouée par arrêt du 16 ou 17 mai 2019 à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;

2°/ que le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime interdit de réparer deux fois, même partiellement, le même préjudice ; qu'en condamnant l'employeur à payer la somme de 46 966,38 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul en plus de la somme de 115 000 euros déjà allouée par arrêt du 16 ou 17 mai 2019 à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel, qui a débouté l'employeur de sa demande de compensation, et ainsi accordé à la salariée deux indemnisations ayant le même objet, a violé le principe de la réparation intégrale. »

Réponse de la Cour

14. Par arrêt du 17 mars 2021, la Cour de cassation a jugé que le chef de dispositif de l'arrêt de la cour d'appel du 17 mai 2019 condamnant l'employeur à payer à la salariée une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse était relatif au licenciement prononcé le 22 septembre 2014 après autorisation ultérieurement annulée, en sorte que c'est à bon droit que la cour d'appel, par arrêt du 20 avril 2022, a condamné l'employeur à payer à la salariée une certaine somme à titre d'indemnité pour licenciement nul réparant le préjudice causé par la résiliation du contrat de travail.

15. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Ollivier - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet -

Soc., 29 novembre 2023, n° 22-18.555, n° 22-18.556, n° 22-18.557, n° 22-18.558, n° 22-18.559, n° 22-18.560, n° 22-18.561, n° 22-18.562, n° 22-18.563, n° 22-18.564 et suivants, (B), FRH

Rejet

Rupture d'un commun accord – Indemnités – Indemnité d'accompagnement – Calcul – Assiette – Salaire de référence – Sommes versées au titre de la participation aux résultats de l'entreprise, d'intéressement et d'abondement – Inclusion – Portée

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 22-18.555 à 22-18.567 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Paris, 12 mai 2022), M. [M] et douze autres salariés de la société Air liquide France industrie, ayant signé un protocole de rupture d'un commun accord pour motif économique de leur contrat de travail, ont saisi la juridiction prud'homale afin de solliciter que les sommes perçues au cours de l'année 2013 au titre de la participation, de l'intéressement et de l'abondement soient prises en compte dans l'assiette de calcul du salaire de référence pour la détermination de leur indemnité d'accompagnement versée dans le cadre d'un plan de mobilité et de départ volontaire.

3. Les relations de travail étaient régies par la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 3 décembre 1952.

4. La Fédération nationale CFE-CGC des syndicats du personnel d'encadrement des industries chimiques et connexes (le syndicat) est intervenue volontairement à l'instance.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief aux arrêts de le condamner à payer aux salariés des sommes à titre de rappels d'indemnités conventionnelles et supra conventionnelles, de frais irrépétibles, ainsi que de dire que l'action du syndicat est recevable et de le condamner à lui verser des dommages-intérêts et des indemnités au titre des frais irrépétibles, alors :

« 1°/ qu'aux termes des articles L. 3325-1 et L. 3312-4, les sommes versées par l'employeur au titre de la participation des salariés aux résultats de l'entreprise et de l'intéressement ne constituent pas des salaires et n'ont pas en conséquence à être prises en compte dans le calcul des indemnités légales de rupture du contrat ; que si le régime d'ordre public absolu de la participation et de l'intéressement n'interdit pas aux partenaires sociaux d'assimiler les sommes versées par l'employeur dans le cadre de ces dispositifs à des éléments de rémunération pour le calcul de certaines indemnités de rupture, encore faut-il que l'accord collectif conclu prévoie expressément une telle assimilation ; qu'en l'absence de dispositions conventionnelles procédant à une telle assimilation, les sommes versées au titre de la participation, de l'intéressement et de l'abondement ne peuvent être incluses dans l'assiette de calcul des indemnités conventionnelles de rupture ; que l'article 14 de l'annexe ingénieurs et cadres de la convention collective des industries chimiques prévoit que « la base de calcul de l'indemnité de congédiement est la rémunération totale mensuelle gagnée par le cadre pendant le mois précédant le préavis de congédiement » ou, si elle est plus favorable « la moyenne des rémunérations mensuelles des 12 mois précédant le préavis de congédiement » ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que « il est vrai que l'intéressement, la participation et l'abondement n'existaient pas lors de la création de l'article 14 de l'avenant n° 3 en 1955 » ; qu'en se fondant néanmoins, pour retenir que l'assiette de calcul de l'indemnité d'accompagnement inclut les sommes allouées au salarié au titre de la participation, de l'intéressement et de l'abondement, sur le motif inopérant selon lequel lors des différentes révisions de la convention collective « les parties à la convention collective applicable n'ont pas eu pour intention d'exclure du champ de l'article 14 de l'avenant n° 3 les sommes issues de dispositifs collectifs d'origine légale tels que la participation, l'intéressement ou l'abondement », cependant que les sommes versées dans le cadre du régime légal de la participation et de l'intéressement ne sont pas expressément visées dans le texte de la convention collective, la cour d'appel a violé le principe de faveur, ensemble l'article 14 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955 de la convention collective des industries chimiques ;

2°/ que l'interprétation d'une disposition obscure d'un accord collectif doit tenir compte des autres dispositions de l'accord qui peuvent la compléter, la préciser ou l'éclairer ; que l'article 14 de l'avenant relatif aux ingénieurs et cadres de la convention collective des industries chimiques définit d'abord l'assiette de calcul de l'indemnité de licenciement comme « la rémunération mensuelle totale gagnée par le salarié » puis vise, dans la liste des différents éléments qui composent cette rémunération individuelle, les « participations au chiffre d'affaires ou aux résultats » ; qu'il en résulte que ces « participations au chiffre d'affaires ou aux résultats » constituent les éléments de rémunération variable liés au chiffre d'affaires ou aux résultats ; qu'en retenant qu'« il se déduit de la formulation large de ces stipulations que les parties à cet avenant ont entendu, d'une part, ne pas se limiter à la notion de salaire dont il n'est d'ailleurs pas fait référence et, d'autre part, retenir aussi bien les éléments de rémunération collectifs qu'individuels », affirmant ainsi que l'article 14 renvoie aux sommes versées dans le cadre des dispositions légaux de la participation, de l'intéressement et d'abondement pour la fixation de l'assiette des indemnités conventionnelles de rupture, la cour d'appel a violé l'article 14 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955 de la convention collective des industries chimiques ;

3°/ que l'interprétation d'un accord collectif au moment de son application ne doit pas avoir pour effet d'en modifier la portée, ni de lui conférer un objet social différent de celui qu'il poursuivait lors de sa conclusion ; que les dispositifs légaux de l'intéressement et de la participation ont été créés respectivement en 1959 et 1967 ; qu'avant cette date, les sommes versées par l'employeur au salarié, pour l'associer aux résultats de l'entreprise, constituaient des éléments de salaire ; qu'en conséquence, l'article 14 de l'avenant ingénieurs et cadres de la convention collective des industries chimiques, qui résulte d'un avenant du 16 juin 1955, avait nécessairement pour objet, lors de son adoption, d'inclure dans l'assiette de l'indemnité de congédiement les éléments de rémunération variable liés au chiffre d'affaires ou aux résultats de l'entreprise ; que la création, postérieurement à l'adoption de ce texte, des dispositifs légaux de participation et d'intéressement visant à associer les salariés aux résultats de l'entreprise, par le versement de sommes qui ne constituent pas un salaire, n'a pu avoir pour effet de modifier l'objet de ces dispositions conventionnelles ; qu'en retenant que les sommes versées au titre de l'intéressement, de la participation et de l'abondement devaient être inclues dans l'assiette des indemnités conventionnelles de rupture, peu important que la définition de cette assiette résulte d'un texte antérieur à la création du régime légal de la participation et de l'intéressement, la cour d'appel a violé l'article 14 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955 de la convention collective nationale des industries chimiques ;

4°/ que le juge ne peut modifier l'interprétation de dispositions conventionnelles en considération de la loi en vigueur au moment de leur application que lorsque l'effet utile de cette loi ou les nécessités économiques et sociales qu'elle exprime le commandent ; qu'ainsi, si le juge peut donner au texte conventionnel un sens que les parties signataires n'avaient pu envisager lors de l'adoption de ce texte, en se fondant sur des dispositions légales entrées en vigueur après la conclusion de cet accord collectif, c'est uniquement pour éviter que la loi nouvelle ne soit privée d'effet utile ; qu'en l'espèce, la loi qui a créé les dispositifs de la participation, de l'intéressement et de l'abondement a expressément prévu que les sommes versées par l'employeur dans le cadre de ces dispositifs ne constituent pas des salaires et ne sont pas soumises au régime légal du salaire ; qu'en conséquence ni l'objet de la loi qui a créé ces dispositifs, ni l'effet utile des dispositions légales ne justifient d'interpréter les dispositions conventionnelles antérieures, qui définissent l'assiette de calcul de l'indemnité de licenciement en fonction de la rémunération mensuelle totale gagnée par le salarié comprenant les « participations au chiffre d'affaires ou aux résultats », comme incluant les sommes versées par l'employeur au titre de la participation, de l'intéressement ou de l'abondement ; qu'en retenant néanmoins que « l'intéressement, l'abondement et la participation sont des dispositifs dont l'objectif est d'associer les salariés aux résultats de leur entreprise. Il s'en déduit que les primes perçues en application de ces dispositions constituent non seulement « des primes de toute nature » mais également des « participations au chiffre d'affaires ou aux résultats » de la société ALFI » et « qu'il n'est ni allégué, ni justifié que les primes litigieuses constituent des « gratifications exceptionnelles »", la cour d'appel a violé l'article 14 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955 de la convention collective nationale des industries chimiques ;

5°/ qu'en se fondant sur les motifs impropres selon lesquels « si l'employeur soutient que, contrairement aux ingénieurs et aux cadres, les primes relatives à l'épargne salariale ne sont pas incluses dans l'assiette de calcul de l'indemnité de licenciement des salariés non cadres et non ingénieurs au seul motif que les stipulations les concernant de la convention collective applicable et relatives à cette assiette ne font pas référence à l'expression « participations au chiffre d'affaires ou aux résultats », la société ALFI n'allègue ni ne justifie que cette différence de traitement, à la supposer établie, est étrangère à toute considération de nature professionnelle » et selon lesquels « s'il est vrai que la fixation du quantum des primes litigieuses nécessite que soit préalablement déterminé le résultat de l'exercice de référence, il n'est nullement justifié par l'employeur de l'impossibilité alléguée de prendre en considération les primes liées à l'année 2013 au titre de l'indemnité d'accompagnement fixée en 2014 », cependant que ces circonstances ne justifiaient pas que la participation, l'intéressement et l'abondement soient intégrées dans l'assiette de calcul de l'indemnité d'accompagnement au sens du texte conventionnel en vigueur, la cour d'appel a violé l'article 14 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955 de la convention collective des industries chimiques. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article 14.3 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955 relatif aux ingénieurs et cadres, modifié par l'accord du 3 mars 1970, attaché à la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952, l'indemnité conventionnelle de licenciement est calculée sur la base de la rémunération totale mensuelle prenant notamment en compte les primes de toute nature y compris les participations au chiffre d'affaires ou aux résultats, à la seule exclusion des gratifications exceptionnelles.

7. Après avoir constaté que l'article 9.3.1. du plan de mobilité et de départ volontaire signé dans l'entreprise stipulait que le salaire brut mensuel de référence servant d'assiette à l'indemnité d'accompagnement versée au salarié, à la suite de la rupture d'un commun accord de son contrat de travail pour motif économique, était déterminé conformément à l'article 14.3 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955, la cour d'appel, qui a relevé que les primes perçues au titre de l'intéressement, de l'abondement et de la participation constituaient non seulement des primes de toute nature mais également des participations au chiffre d'affaires ou aux résultats de la société et qui a constaté qu'il n'était ni allégué, ni justifié qu'elles étaient des gratifications exceptionnelles, en a exactement déduit que ces primes devaient être prises en considération dans la détermination du salaire de référence de l'indemnité d'accompagnement.

8. Le moyen, qui, pris en ses troisième et quatrième branches, manque par le fait qui lui sert de base, et qui, pris en sa cinquième branche, critique des motifs surabondants, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Thomas-Davost - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet -

Textes visés :

Article 14.3 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955 relatif aux ingénieurs et cadres, modifié par l'accord du 3 mars 1970, attaché à la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952.

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