Numéro 11 - Novembre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2023

AVOCAT

2e Civ., 9 novembre 2023, n° 22-15.588, (B), FRH

Cassation partielle

Honoraires – Contestation – Absence de convention d'honoraires – Demande nouvelle – Définition – Exclusion – Cas – Demande constituant l'accessoire, la conséquence ou le complément des demandes et défenses soumises au premier juge – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 28 février 2022), M. et Mme [M] ont confié à M. [L] (l'avocat), la défense de leurs intérêts dans plusieurs procédures pénales.

2. Aucune convention d'honoraires n'a été signée entre les parties.

3. Deux factures d'honoraires du 5 avril 2017 n'ont pas été payées.

4. L'avocat a saisi le bâtonnier de son ordre aux fins de fixation de ses honoraires.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

6. M. [L] fait grief à l'ordonnance de déclarer irrecevable sa demande en paiement d'honoraires supplémentaires de 6 000 euros hors taxes, et en conséquence, de fixer à la seule somme de 7 000 euros hors taxes le montant des honoraires dus solidairement à celui-ci par M. et Mme [M], puis, après avoir constaté que ceux-ci lui avaient déjà versé la somme de 6 000 euros hors taxes, de les condamner à lui payer la seule somme de 1 000 euros hors taxes, alors « que subsidiairement, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; que les parties peuvent toutefois ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; que la demande en paiement d'un honoraire plus important que celui sollicité en première instance est donc recevable à hauteur d'appel, en ce qu'elle constitue l'accessoire, la conséquence ou le complément de la demande formée en première instance ; qu'en décidant néanmoins que M. [L] était irrecevable à demander, à hauteur d'appel, à voir fixer ses honoraires à une somme supérieure à celle sollicitée en première instance, la cour d'appel a violé les articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 564 et 566 du code de procédure civile :

7. Selon le premier de ces textes, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions.

8. En revanche, selon le second, les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

9. Pour déclarer irrecevable la demande de l'avocat en paiement d'une facture de 6 000 euros établie le 8 avril 2016, l'ordonnance énonce que, conformément aux dispositions de l' article 564 du code de procédure civile, cette nouvelle prétention ne permet pas d'opposer compensation, de faire écarter les prétentions adverses, ou de faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait et qu'elle ajoute aux prétentions soumises au bâtonnier en première instance, sans en être l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

10. En statuant ainsi, alors qu'il constatait que cette facture portait sur le même dossier que celle pour laquelle la demande de fixation des honoraires avait été présentée devant le bâtonnier, de sorte qu'elle en était le complément nécessaire, le premier président a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle déclare irrecevable la demande en paiement d'honoraires supplémentaires de 6000 euros hors taxes, fixe à la seule somme de 7000 euros hors taxes le montant des honoraires dus solidairement à celui-ci par M. et Mme [M], puis, après avoir constaté que ceux-ci lui avait déjà versé la somme de 6000 euros hors taxes, les condamne à lui payer la seule somme de 1000 euros hors taxes, l'ordonnance rendue le 28 février 2022, entre les parties, par le président de la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Chauve - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Richard ; SCP Doumic-Seiller -

Textes visés :

Article 566 du code de procédure civile.

2e Civ., 23 novembre 2023, n° 21-23.405, n° 21-23.465, (B), FRH

Rejet

Représentation ou assistance en justice – Mandat de représentation – Dénonciation – Effets – Absence d'effets jusqu'à la constitution en lieu et place du nouvel avocat – Portée

Il découle de l'article 419 du code de procédure civile que le message par lequel l'avocat informe la cour d'appel qu'il ne représente plus les appelants est dénué d'effet sur le mandat de représentation de l'avocat, lequel continue de représenter la partie jusqu'à la constitution en lieu et place d'un nouvel avocat.

Il en résulte qu'il n'incombe pas au greffe de procéder à la notification de l'ordonnance de caducité à la partie concernée lorsqu'il est informé par l'avocat de sa volonté de se décharger de son mandat.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 21-23.465 et 21-23.405 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 septembre 2021), M. et Mme [J], représentés par M. [Z], avocat, ont relevé appel d'un jugement rendu le 5 juillet 2019 par un tribunal de grande instance dans une instance les opposant à la Société civile immobilière du [Adresse 2].

3. Le 27 février 2020, M. et Mme [J] ont déféré à la cour d'appel l'ordonnance ayant constaté la caducité de la déclaration d'appel, rendue le 30 janvier 2020 par un conseiller de la mise en état.

4. La Société civile immobilière du [Adresse 2] a soulevé l'irrecevabilité de la requête en déféré, comme ayant été formée au-delà du délai prévu à l'article 916 du code de procédure civile.

Examen du moyen

Sur le moyen des pourvois

Enoncé du moyen

5. M. et Mme [J] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur requête tendant à déférer à la cour d'appel l'ordonnance de caducité du 30 janvier 2020, alors :

« 1°/ qu'en application de l'article 916 du code de procédure, la requête en déféré doit être formée dans les quinze jours de la date de l'ordonnance du conseiller de la mise en état déférée à la cour d'appel ; que cette disposition poursuit un but légitime de célérité de traitement des incidents affectant l'instance d'appel, en vue du jugement de celui-ci dans un délai raisonnable ; que l'irrecevabilité frappant le déféré formé au-delà de ce délai ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge, dès lors que les parties sont tenues de constituer un avocat, professionnel avisé, en mesure d'accomplir les actes de la procédure d'appel, dont fait partie le déféré, dans les formes et délais requis ; que, toutefois, lorsque l'avocat de l'une des parties à l'instance a déclaré ne plus la représenter, l'irrecevabilité frappant le déféré formé au-delà du délai de quinze jours constituerait une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge si ce délai courait du jour de l'ordonnance sans que la partie ait été informée de la date à laquelle elle serait rendue ; qu'il découle ainsi du droit d'accès au juge qu'à défaut pour la partie d'avoir été informée de cette date, le délai qui lui est ouvert pour déférer l'ordonnance ne peut courir que du jour où l'ordonnance est portée à sa connaissance par tout moyen permettant de s'assurer de la date à laquelle elle a reçu cette information ; que l'ordonnance de caducité du 30 janvier 2020 rendue par le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Paris a constaté que « Me [Z] a[vait] déclaré à la Cour ne plus représenter M. et Mme [J] depuis le 20.11.19 ; [?] que le 09.12.19, il répond à la demande de signification 902 qui lui a été envoyée qu'il ne peut mettre en oeuvre ces nouvelles mesures, ne représentant plus M. et Mme [J] » ; qu'en jugeant pourtant que le délai de quinze jours imparti à M. et Mme [J] pour déférer cette ordonnance avait commencé à courir à compter de sa date, sans qu'il ressorte de la procédure que M. et Mme [J] avaient été informés de la date à laquelle l'ordonnance déférée serait rendue, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 528 et 916 du code de procédure civile ;

2°/ que lorsque la représentation est obligatoire, l'avocat ne peut se décharger de son mandat de représentation que du jour où il est remplacé par un nouveau représentant ; qu'en énonçant que « M. [Z] s'éta[n]t constitué pour représenter les intérêts de M. et Mme [J] devant la cour, un simple message de sa part indiquant à la cour qu'il ne représentait plus M. et Mme [J] ne suffisait pas à mettre fin à son mandat de représentation qui ne pouvait cesser que par la constitution d'un autre avocat en ses lieux et place », sans tenir compte de la circonstance relevée par l'ordonnance de caducité du 30 janvier 2020, selon laquelle Me [Z] ne s'était pas contenté d'informer la juridiction, le 20 novembre 2019, qu'il n'était plus le mandataire de M. et Mme [J], mais avait, le 9 décembre suivant, répondu au greffe qui le sollicitait pour accomplir la signification de l'article 902 du code de procédure civile, qu'il ne pouvait pas mettre en oeuvre cette mesure, « ne représentant plus M. et Mme [J] », manifestant ainsi sa détermination à ne plus assurer la représentation de ces derniers, lesquels, à l'époque, n'avaient pas de nouveau représentant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 419 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en tout état de cause, même lorsqu'une disposition réglementaire ne méconnaît pas de manière générale et in abstracto la Convention européenne des droits de l'homme, il appartient au juge d'apprécier si, concrètement, dans l'affaire qui lui est soumise, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, la mise en oeuvre de cette disposition ne porte pas aux droits garantis par la Convention européenne des droits de l'homme une atteinte disproportionnée au regard du but légitime poursuivi, auquel cas il lui appartient de neutraliser l'application de la disposition litigieuse dans le litige particulier ; que l'ordonnance de caducité du 30 janvier 2020 a constaté que « Me [Z] a[vait] déclaré à la Cour ne plus représenter M. et Mme [J] depuis le 20.11.19 ; [?] que le 09.12.19, il répond à la demande de signification 902 qui lui a été envoyée qu'il ne peut mettre en oeuvre ces nouvelles mesures, ne représentant plus M. et Mme [J] » ; que dès lors en énonçant que « M. [Z] s'éta[n]t constitué pour représenter les intérêts de M. et Mme [J] devant la cour, un simple message de sa part indiquant à la cour qu'il ne représentait plus M. et Mme [J] ne suffisait pas à mettre fin à son mandat de représentation qui ne pouvait cesser que par la constitution d'un autre avocat en ses lieux et place », pour en déduire que le point de départ du délai de déféré restait le prononcé de l'ordonnance de caducité comme l'imposait l'article 916 du code de procédure civile, les juges du second degré ont porté une atteinte disproportionnée au droit à un procès équitable, notamment au droit d'accès à un juge, au regard du but poursuivi par l'article 419 du même code, et ont donc violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ».

Réponse de la Cour

6. Selon l'article 419 du code de procédure civile, lorsque la représentation est obligatoire, l'avocat ne peut se décharger de son mandat de représentation que du jour où il est remplacé par un nouveau représentant constitué par la partie ou, à défaut, commis par le bâtonnier ou par le président de la chambre de discipline.

7. Il en découle que le message par lequel l'avocat informe la cour d'appel qu'il ne représente plus les appelants est dénué d'effet sur le mandat de représentation de l'avocat, lequel continue de représenter la partie jusqu'à la constitution d'un nouvel avocat.

8. Il en résulte qu'il n'incombe pas au greffe de procéder à la notification de l'ordonnance de caducité à la partie concernée lorsqu'il est informé par l'avocat de sa volonté de se décharger de son mandat.

9. Ces règles sont claires et dénuées d'ambiguïté pour un professionnel du droit.

10. Ayant constaté que les appelants étaient représentés par M. [Z], avocat et que le message de M. [Z] indiquant à la cour d'appel qu'il ne représentait plus M. et Mme [J] ne suffisait pas à mettre fin à son mandat de représentation, qui ne pouvait cesser que par la constitution d'un autre avocat en ses lieux et place, la cour d'appel en a exactement déduit, sans porter une atteinte disproportionnée au droit à un procès équitable, que le déféré, formé par M. et Mme [J] au-delà du délai de 15 jours prévu à l'article 916 du code de procédure civile, était irrecevable.

11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Jollec - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Krivine et Viaud ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article 419 du code de procédure civile.

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