Numéro 11 - Novembre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2023

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION

Soc., 8 novembre 2023, n° 21-19.764, (B), FRH

Rejet

Cession de l'entreprise – Cession dans le cadre d'une procédure collective – Redressement judiciaire – Indemnités – Congés payés – Acquisition pendant la période d'observation – Effets – Fixation au passif de la société cédée – Portée

Lorsque la modification de la situation de l'employeur intervient dans le cadre d'une procédure collective, l'indemnité de congés payés, qui s'acquiert mois par mois et qui correspond au travail effectué pour le compte de l'ancien employeur, est inscrite au passif de ce dernier et est couverte par l'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS) dans la limite de sa garantie.

Employeur – Redressement et liquidation judiciaires – Créances des salariés – Assurance contre le risque de non-paiement – Garantie – Domaine d'application – Indemnités de congés payés – Condition – Acquisition pendant la période d'observation – Portée

Employeur – Redressement et liquidation judiciaires – Créances des salariés – Assurance contre le risque de non-paiement – Garantie – Effets – Fixation de créance au passif de la société cédée – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 20 mai 2021), Mme [S] a été engagée en qualité d'agent de propreté le 1er juillet 2015 par la société Cleannet industries et propreté (la société Cleanet).

2. Par jugement du 6 octobre 2016, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Cleanet.

Le 24 mai 2017, une cession de l'entreprise est intervenue dans le cadre de cette procédure collective au profit de la société Thomer, avec reprise du contrat de travail de la salariée à compter du 9 juin 2017.

3. Par jugement du 22 juin 2017, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société Cleanet.

4. Le 20 octobre 2017, la salariée a été licenciée par la société Thomer.

5. Après le refus du liquidateur judiciaire de la société Cleanet de lui verser une somme au titre des congés payés acquis entre le 1er juin 2016 et le 31 mai 2017, la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour voir fixer au passif de la société Cleanet une certaine somme au titre des congés payés.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. L'AGS et l'UNEDIC-CGEA de [Localité 5] font grief à l'arrêt de fixer la créance de la salariée au passif de la liquidation judiciaire de la société Cleanet au titre du solde de son indemnité de congés payés à la somme de 2 389,20 euros et de rappeler que l'AGS doit sa garantie dans la limite fixée par les articles L. 3253-6 et suivants du code du travail et des plafonds prévus à l'article D. 3253-5 du même code, alors :

« 1°/ que les congés payés acquis au cours de la période légale de référence ne peuvent donner lieu au versement d'une indemnité de congés payés qu'à la condition d'avoir été effectivement pris ; que les congés non pris à la date de rupture du contrat de travail ne peuvent donner lieu qu'au versement d'une indemnité compensatrice de congés payés, laquelle a la nature juridique d'une indemnité de rupture ; qu'il n'était pas contesté en l'espèce que la salariée avait fait sa demande d'indemnisation postérieurement au prononcé de son licenciement de sorte que l'indemnité réclamée était une indemnité compensatrice de congés payés qui avait la nature d'une indemnité de rupture et ne pouvait être garantie par l'AGS en dehors des délais prévues à l'article L. 3253-8, 2°, du code du travail ; qu'en retenant la garantie de l'AGS après avoir considéré que la salariée était créancière d'un solde d'indemnité de congés payés et non d'un solde d'indemnité compensatrice de congés payés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles L. 3141-24, L. 3141-28 et L. 3253-8 du code du travail ;

2°/ que les congés payés acquis au cours de la période légale de référence ne peuvent donner lieu au versement d'une indemnité de congés payés qu'à la condition d'avoir été effectivement pris ; que les congés non pris à la date de rupture du contrat de travail ne peuvent donner lieu qu'au versement d'une indemnité compensatrice de congés payés, laquelle a la nature juridique d'une indemnité de rupture ; que s'agissant d'une indemnité de rupture, la garantie de l'AGS ne peut être recherchée que par application de l'article L. 3253-8, 2°, du code du travail ; qu'elle ne couvre, dans le respect du plafond de garantie, que les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant pendant la période d'observation ou dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession, et à la condition que l'employeur fasse l'objet d'une procédure collective ; qu'en considérant que l'AGS devait garantir l'indemnité réclamée par la salariée, quand la créance litigieuse résultait d'un licenciement prononcé le 20 octobre 2017 par une société in bonis devenue l'employeur du salarié dans le cadre d'un plan de cession intervenu à la suite du redressement judiciaire de l'employeur initial à l'encontre duquel une procédure collective avait été ouverte, et que la liquidation judiciaire de l'employeur initial était intervenue le 22 juin 2017, la cour d'appel a violé l'article L. 3253-8 du code du travail ;

3°/ que, subsidiairement, les congés payés acquis au cours de la période de référence ne peuvent donner lieu au versement d'une indemnité de congés payés qu'à la condition d'avoir été effectivement pris ; qu'en retenant un droit à indemnité de la salariée, sans constater que les congés litigieux avaient été pris ou avaient donné lieu à une demande effective de congés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-24 et L. 3253-8 du code du travail. »

Réponse de la Cour

7. Ayant relevé que la cession d'entreprise était intervenue dans le cadre d'une procédure collective et que les droits à congés payés de la salariée avaient été acquis entre 1er juin 2016 et le 31 mai 2017, soit avant l'ouverture de la procédure collective et pendant la période d'observation du redressement judiciaire de la société Cleanet, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la créance d'indemnité de congés payés de la salariée, qui n'était pas une indemnité compensatrice de congés payés née de la rupture du contrat de travail par le nouvel employeur, devait être fixée au passif de la société Cleanet et qu'au regard des dispositions de l'article L 3253-8 du code du travail, l'AGS devait sa garantie dans la limite des plafonds légaux.

8. Le moyen n'est dès lors pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Pietton - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SARL Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles L. 3141-24, L. 3141-28 et L. 3253-8 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur les effets de la cession de l'entreprise dans le cadre d'une procédure collective sur la charge du paiement de l'indemnité de congés payés, à rapprocher : Soc., 1er juillet 1992, pourvoi n° 91-44.262, Bull. 1992, V, n° 432 (cassation).

Soc., 15 novembre 2023, n° 22-17.733, (B), FRH

Cassation partielle

Employeur – Obligations – Sécurité des salariés – Obligation de sécurité – Etendue – Cas – Travailleur expatrié – Protection de la santé du salarié – Défaut – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 27 octobre 2021), M. [H] a été engagé en qualité de responsable de programme éducation en Haïti le 6 août 2012 par l'association Inter aide (l'association).

2. Il a été placé en arrêt maladie à compter du 28 septembre 2012 jusqu'au 24 avril 2013, après avoir contracté une amibiase, et a été rapatrié le 11 octobre 2012.

3. Le salarié a été déclaré apte à son poste le 8 juillet 2013 et a été licencié le 24 juillet suivant pour faute grave. Il a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir le paiement de diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le second moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour manquement de l'association à l'obligation de sécurité, alors :

« 1°/ que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; qu'il ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ; que, dans ses conclusions d'appel, le salarié reprochait à son employeur ses mauvaises conditions de travail et d'hébergement et de lui avoir fourni un matériel défectueux de filtration de l'eau, ce qui avait été à l'origine de la maladie tropicale qu'il avait contractée ; que, pour écarter tout manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, la cour d'appel a retenu que le salarié ne rapporte pas la preuve que son employeur lui a fait boire de l'eau de ville mal filtrée, qu'il est notoire que l'eau de ville en Haïti n'est pas potable et qu'il convient de boire de l'eau minérale en bouteille et que le salarié a manqué à cette obligation de prudence élémentaire ; qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir que l'employeur avait pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 4121-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ;

2°/ que dans ses conclusions d'appel, M. [H] reprochait également à son employeur de s'être abstenu de lui porter aide et assistance après qu'il eut contracté une maladie tropicale en Haïti ; qu'en laissant sans réponse ce moyen déterminant, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 4121-1 du code du travail et 455 du code de procédure civile :

6. Il résulte du premier de ces textes que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

7. Selon le second, tout jugement doit être motivé.

Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

8. Pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, l'arrêt retient, d'une part, que le salarié reproche à l'employeur de lui avoir fait boire de l'eau de ville mal filtrée sans toutefois en apporter la preuve, et d'autre part, qu'il est notoire que l'eau de ville en Haïti n'est pas potable et qu'il convient de boire de l'eau minérale en bouteille, et que si le salarié a manqué à cette obligation de prudence élémentaire, il ne peut en imputer la faute à son employeur.

9. En statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que l'employeur avait pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié, et sans répondre aux conclusions du salarié qui soutenait que l'association ne lui avait apporté aucune aide ni assistance lorsqu'il avait contracté cette maladie tropicale, faute de matériel conforme, l'avait laissé livré à lui-même malade, et n'avait pas voulu organiser un rapatriement sanitaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. La cassation du chef de dispositif rejetant la demande au titre du manquement à l'obligation de sécurité n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci, non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande au titre du manquement à l'obligation de sécurité, l'arrêt rendu le 27 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Chiron - Avocat(s) : Me Haas ; SCP Richard -

Textes visés :

Article L. 4121-1 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'étendue de l'obligation de sécurité de l'employeur, à rapprocher : Soc., 2 mars 2022, pourvoi n° 20-16.683, Bull., (cassation partielle), et l'arrêt cité.

Soc., 8 novembre 2023, n° 21-25.654, (B), FRH

Rejet

Employeur – Pouvoir disciplinaire – Sanction – Conditions – Formalités préalables – Formalités prévues par une convention collective ou un règlement intérieur – Saisine d'une instance disciplinaire – Obligation – Cas – Personnel de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) – Prononcé d'une mesure disciplinaire du deuxième degré – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 octobre 2021), Mme [N] a été engagée en qualité de machiniste receveur le 7 avril 2008 par l'établissement public industriel et commercial Régie autonome des transports parisiens (la RATP), la relation contractuelle de travail étant régie par le statut du personnel.

2. Après avoir été convoquée, le 23 novembre 2017, à un entretien préalable à une mesure disciplinaire « pouvant aller jusqu'à la révocation », qui s'était tenu le 6 décembre 2017, elle s'est vue notifier le 28 décembre 2017 une mise en disponibilité d'office d'un jour avec sursis.

3. Elle a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir l'annulation de la sanction et la condamnation de la RATP au paiement d'une indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième à sixième branches

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne son manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur et de sa demande d'annulation de la sanction du 28 décembre 2017, alors « que le juge doit apprécier la régularité de la procédure disciplinaire suivie par l'employeur au regard de la sanction envisagée et non au regard de celle finalement prononcée ; qu'en l'espèce, la salariée avait été convoquée par lettre du 23 novembre 2017 à un entretien préalable fixé au 6 décembre 2017 évoquant une sanction pouvant aller jusqu'à la révocation, dont il n'était pas contesté qu'elle nécessitait la saisine du conseil de discipline, et qu'elle s'était finalement vue notifier une mise en disponibilité d'office d'un jour avec sursis, ne nécessitant pas une telle saisine ; qu'en appréciant la régularité de la procédure disciplinaire suivie par l'employeur, qui n'avait pas saisi le conseil de discipline, au regard de la sanction finalement prononcée, la cour d'appel a violé les articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du code du travail, ensemble les articles 149 à 152 du statut du personnel de la RATP. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article 150 du statut du personnel de la RATP, les mesures disciplinaires du premier degré sont prononcées, sans consultation du conseil de discipline, par un responsable hiérarchique de l'agent d'un niveau au moins égal à la maîtrise pour l'observation, les cadres pour le rappel à l'ordre et l'avertissement, les chefs de division pour la mise en disponibilité d'office avec sursis jusqu'à un jour, le personnel de direction pour la mise en disponibilité d'office jusqu'à cinq jours et pour le déplacement d'office.

7. Aux termes de l'article 152 du même statut, les mesures disciplinaires du deuxième degré sont prononcées, après avis du conseil de discipline, par le directeur général.

8. Il en résulte que l'obligation de saisir le conseil de discipline dépend de la sanction « prononcée » et non de la sanction « envisagée » par l'employeur.

9. Ayant constaté que l'employeur avait prononcé à l'encontre de la salariée, après l'entretien préalable, une sanction disciplinaire qui relevait du premier degré, la cour d'appel en a exactement déduit que l'employeur n'avait pas à saisir le conseil de discipline.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Carillon - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles 150 et 152 du statut du personnel de la Régie autonome des transports parisiens (RATP).

Soc., 29 novembre 2023, n° 22-12.050, (B), FS

Rejet

Maladie du salarié – Inaptitude au travail – Inaptitude consécutive à la maladie – Mise à la réforme – Effets – Impossibilité pour l'agent de reprendre un emploi – Médecin-conseil de la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF – Agent déclaré inapte à son poste – Obligation de reclassement (non)

Il résulte de la combinaison de l'article 7, §§ 2 et 4, du chapitre 12 du référentiel ressources humaines (RH 0001), portant sur le statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, de l'article 30 du référentiel RH 0359, relatif au règlement d'assurance-maladie, longue maladie, maternité, réforme et décès des agents du cadre permanent de la SNCF, et du préambule du référentiel RH 360 de la SNCF, relatif à l'inaptitude et au reclassement, dans sa version applicable à compter du 1er juillet 2012, que lorsque l'agent est déclaré en invalidité et que le médecin-conseil de la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF estime que l'intéressé est dans l'impossibilité de reprendre un emploi, l'employeur n'est pas tenu de rechercher un reclassement.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 14 décembre 2021), M. [Z] a été engagé par la SNCF en qualité d'agent de conduite en 1983, et exerçait en dernier lieu les fonctions d'agent caténairiste.

2. Il a été victime d'un accident du travail le 17 août 2011, et placé en arrêt de travail, puis déclaré en invalidité de 2ème catégorie le 21 mai 2015.

3. Le 6 octobre 2015, la commission de réforme, sur avis du médecin-conseil à la suite de la demande de la SNCF, a confirmé l'incapacité de l'agent à reprendre un emploi et dit la mise à la réforme fondée.

4. Le 12 octobre 2015, l'EPIC SNCF réseau a notifié à M. [Z] sa mise à la réforme.

5. La société SNCF réseau vient aux droits de l'EPIC SNCF réseau.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

7. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que l'employeur a respecté la procédure de réforme, alors :

« 1°/ que le caractère définitif de l'invalidité n'exonère pas l'employeur de son obligation de reclassement ; qu'en jugeant que la SNCF n'était pas tenue de mettre en oeuvre les dispositions réglementaires prévues en matière de reclassement au motif que l'invalidité avait pris un caractère définitif ne permettant pas à l'agent de reprendre un emploi dans l'entreprise, quand l'obligation de reclassement s'applique également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise, la cour d'appel a violé l'article 7 du chapitre 12 du référentiel ressources humaines, portant sur le statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel (RH 0001) ;

2°/ que l'obligation de reclassement à laquelle la SNCF est tenue, préalablement à la mise à la réforme d'un agent devenu inapte, en vue de rechercher un emploi compatible avec ses aptitudes, n'exige pas que le salarié ait été préalablement déclaré inapte ; qu'il appartient à l'employeur d'effectuer cette recherche de reclassement, quel que soit l'avis médical sur ce point ; qu'en jugeant que la SNCF n'était pas tenue de mettre en oeuvre les dispositions réglementaires prévues en matière de reclassement au motif que l'agent n'avait pas été déclaré inapte, la cour d'appel a violé l'article 30 du chapitre 5 du référentiel ressources humaines relatif au règlement d'assurance maladie, longue maladie, maternité, réforme et décès des agents du cadre permanent de la SNCF (RH 0359) et l'article 7 du chapitre 12 du référentiel ressources humaines, portant sur le statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel (RH 0001). »

Réponse de la Cour

8. Selon l'article 7, § 2, du chapitre 12 du référentiel ressources humaines (RH 0001), portant sur le statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, s'il apparaît que, pour des raisons médicales dûment constatées par le médecin du travail, l'agent est incapable de reprendre son ancien emploi, la SNCF met prioritairement en oeuvre une procédure de reclassement (...).

En cas d'échec des tentatives de reclassement, une procédure de réforme est engagée.

9. Selon l'article 7, § 4, de ce même texte, si, à l'expiration des délais prévus aux articles 3 et 4, ou avant l'expiration de ces délais au cas où l'invalidité prend un caractère définitif, le médecin-conseil estime que l'état médical de l'agent ne lui permet plus de tenir un emploi à la SNCF, celle-ci engage une procédure de réforme.

10. Selon l'article 30 du référentiel RH 0359, relatif au règlement d'assurance-maladie, longue maladie, maternité, réforme et décès des agents du cadre permanent de la SNCF, la procédure de réforme est engagée :

 - si un agent en service a été déclaré inapte à son poste de travail et si, le cas échéant après avis de la commission de reclassement, aucun poste correspondant aux aptitudes de l'agent n'a pu être proposé, ou après échec des essais de reclassement, ou en cas de refus par l'agent d'entreprendre des essais de reclassement,

 - ou si, lorsque l'agent est en arrêt de travail, la SNCF, sur avis du médecin-conseil de la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF, rendu à l'expiration des délais prévus aux articles 3 et 4 ou avant l'expiration de ces délais au cas où l'invalidité prend un caractère définitif, estime que l'agent est dans l'impossibilité de reprendre un emploi.

11. Selon le préambule du référentiel RH 360 de la SNCF, relatif à l'inaptitude et au reclassement, dans sa version applicable à compter du 1er juillet 2012, lorsqu'un agent est déclaré inapte pour raison médicale à son poste de travail ou à l'exercice de fonction de sécurité sur le réseau ferré national, son employeur a l'obligation de lui proposer un autre emploi adapté à ses capacités disponibles.

12. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que lorsque l'agent est déclaré en invalidité et que le médecin-conseil de la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF estime que l'intéressé est dans l'impossibilité de reprendre un emploi, l'employeur n'est pas tenu de rechercher un reclassement.

13. La cour d'appel qui a constaté que M. [Z] n'avait jamais été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail, mais que le médecin-conseil de la Caisse avait, par avis du 17 avril 2015, estimé que l'invalidité avait pris un caractère définitif ne permettant pas à l'agent de reprendre un emploi dans l'entreprise, a exactement retenu que la SNCF n'était pas tenue de mettre en oeuvre les dispositions réglementaires prévues en matière de reclassement, préalablement à l'engagement de la procédure de réforme.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Valéry - Avocat général : Mme Wurtz - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés -

Textes visés :

Article 7, §§ 2 et 4, du chapitre 12 du référentiel ressources humaines (RH 0001), portant sur le statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel ; article 30 du référentiel RH 0359, relatif au règlement d'assurance-maladie, longue maladie, maternité, réforme et décès des agents du cadre permanent de la SNCF ; préambule du référentiel RH 360 de la SNCF, relatif à l'inaptitude et au reclassement, dans sa version applicable à compter du 1er juillet 2012.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.