Numéro 11 - Novembre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2023

BAIL D'HABITATION

3e Civ., 16 novembre 2023, n° 22-19.422, (B), FS

Rejet

Bail soumis à la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 – Preneur – Obligations – Restitution de la chose louée en fin de bail – Dégradations – Preuve – Etat des lieux de sortie non contradictoire – Portée – Détermination

Il résulte de l'article 3-2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 qu'un état des lieux de sortie établi unilatéralement par le bailleur, sans recours à un commissaire de justice, et dont le défaut de contradiction est dû à sa carence, ne peut faire la preuve de dégradations imputables au locataire.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire d'Orléans, 25 mars 2022), rendu en dernier ressort, locataires d'un logement dont M. [Y] (le bailleur) est propriétaire, M. [C] et Mme [E] (les locataires), après avoir libéré les lieux le 1er août 2020 à l'issue d'un congé, ont saisi le tribunal en restitution du dépôt de garantie.

2. Le bailleur s'est opposé à la demande en invoquant des désordres locatifs.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. Le bailleur fait grief au jugement de le condamner au paiement d'une certaine somme au titre de la restitution du dépôt de garantie et des majorations de retard, alors « que le juge ne peut refuser d'évaluer le préjudice dont il a constaté l'existence en son principe ; qu'en condamnant M. [Y] à restituer aux locataires la somme prélevée par lui en sa qualité de bailleur sur le dépôt de garantie au titre des dégradations locatives, après avoir constaté la réalité de celles-ci quant au défaut d'entretien du jardin consistant en l'absence de désherbage « surtout autour des massifs » en raison du caractère global de la facture produite au titre des travaux de jardinage qui ne permettrait pas d'évaluer le coût exact « du nettoyage des parterres et massifs » visé dans celle-ci, le tribunal qui devait évaluer lui-même le préjudice dont il constatait l'existence, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 7, c, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article 3-2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, si l'état des lieux ne peut être établi contradictoirement et amiablement par les parties ou par un tiers mandaté par elle, il est établi par un huissier de justice, devenu commissaire de justice, sur l'initiative de la partie la plus diligente, à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire.

5. La Cour de cassation décide qu'un constat d'huissier de justice, même non contradictoirement dressé, vaut à titre de preuve dès lors qu'il est soumis à la libre discussion des parties (1re Civ., 12 avril 2005, pourvoi n° 02-15.507, Bull. 2005, I, n° 181).

6. Il s'en déduit qu'un état des lieux de sortie établi unilatéralement par le bailleur, sans recours à un commissaire de justice, et dont le défaut de contradiction est dû à sa carence, ne peut faire la preuve de dégradations imputables au locataire.

7. Le tribunal a constaté que le bailleur, qui avait connaissance du départ des lieux des locataires, ne démontrait pas avoir tenté d'établir amiablement l'état des lieux de sortie de manière contradictoire et n'avait pas fait appel à un huissier de justice.

8. Il en résulte que l'état des lieux de sortie invoqué par le bailleur ne pouvait faire la preuve des dégradations qui y sont listées et qui seraient imputables aux locataires.

9. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense, et substitué à celui critiqué, conformément à l'article 620, alinéa 1, du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée de ce chef.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

10. Le bailleur fait grief au jugement de rejeter sa demande de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral, alors « que la cassation qui sera prononcée sur le premier moyen de cassation, qui reproche au tribunal d'avoir condamné M. [Y] à verser à M. [C] et Mme [E] la somme de 1 539,60 euros au titre de la restitution du dépôt de garantie et des majorations de retard entraînera, par voie de conséquence et par application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure du jugement attaqué en ce qu'il a débouté M. [Y] de sa demande d'indemnisation au titre de son préjudice moral. »

Réponse de la Cour

11. Le rejet du premier moyen rend sans portée le second moyen qui invoque une cassation par voie de conséquence.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Grall - Avocat général : M. Sturlèse - Avocat(s) : SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier ; SCP Zribi et Texier -

Textes visés :

Article 3-2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 2 octobre 1996, pourvoi n° 94-21.486, Bull. 1996, III, n° 200 (cassation partielle).

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