Numéro 11 - Novembre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2023

CONFLIT DE JURIDICTIONS

1re Civ., 22 novembre 2023, n° 21-25.874, (B), FS

Cassation

Compétence internationale – Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 – Compétence judiciaire en matière de responsabilité parentale – Compétence de l'Etat membre où réside habituellement l'enfant au moment où la juridiction est saisie – Saisine de la juridiction – Critères – Dépôt de l'acte introductif – Assignation régulière du défendeur

Aux termes de l'article 8, § 1, du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, les juridictions d'un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l'égard d'un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie.

Il résulte de l'article 16, § 1, sous a), de ce même règlement qu'une juridiction est réputée saisie par la réalisation d'un seul acte, à savoir le dépôt de l'acte introductif d'instance, dès lors que le demandeur n'a pas omis de prendre les mesures qui lui incombaient pour que l'acte initial soit régulièrement notifié ou signifié au défendeur.

Dès lors, viole ce texte la cour d'appel qui écarte la validité de sa saisine et se déclare incompétente au profit d'une juridiction étrangère ultérieurement saisie, après avoir constaté que le demandeur avait déposé sa requête auprès de la juridiction française puis régulièrement assignée la défenderesse.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 25 octobre 2021), des relations entre M. [S] et Mme [W] est née [T], le 23 octobre 2012, à Nantes.

2. Par requête du 28 mai 2019, M. [S] a saisi le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Nantes aux fins de voir statuer sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale.

3. Le 17 mars 2020, Mme [W] a saisi une juridiction allemande aux mêmes fins.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses sixième, septième, huitième et neuvième branches

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. M. [S] fait grief à l'arrêt de déclarer le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Nantes incompétent et de renvoyer les parties devant la juridiction allemande saisie, alors « que les juridictions d'un État membre de l'Union européenne sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l'égard d'un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie ; qu'une juridiction est réputée saisie à la date à laquelle l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent est déposé auprès de la juridiction, à condition que le demandeur n'ait pas négligé par la suite de prendre les mesures qu'il était tenu de prendre pour que l'acte soit notifié ou signifié au défendeur ; que cette dernière condition est satisfaite lorsque les formalités subséquentes à la requête sont accomplies, peu important les conditions dans lesquelles elles l'ont été ; qu'en se plaçant, pour apprécier la résidence habituelle de l'enfant [T] [S], à la date du 18 septembre 2020, date à laquelle M. [S] a fait signifier la requête qu'il avait déposée au greffe du tribunal de grande instance de Nantes le 28 mai 2019, et non la date de cette requête, au motif inopérant que M. [S] aurait manqué de diligence et fait preuve de négligences dans la conduite de la procédure, la cour d'appel a violé les articles 8 et 16 du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 (Bruxelles II bis), relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 8, § 1, et 16, § 1, sous a), du règlement (CE) n°2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale :

6. Aux termes du premier de ces textes, les juridictions d'un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l'égard d'un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie.

7. Le second dispose :

« Une juridiction est réputée saisie :

a) à la date à laquelle l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent est déposé auprès de la juridiction, à condition que le demandeur n'ait pas négligé par la suite de prendre les mesures qu'il était tenu de prendre pour que l'acte soit notifié ou signifié au défendeur ».

8. Il résulte de ce dernier texte qu'une juridiction est réputée saisie par la réalisation d'un seul acte, à savoir le dépôt de l'acte introductif d'instance, dès lors que le demandeur n'a pas omis de prendre les mesures qui lui incombaient pour que l'acte initial soit régulièrement notifié ou signifié au défendeur.

9. Pour déclarer la juridiction française incompétente au profit de la juridiction allemande saisie, l'arrêt retient que M. [S] a commis de graves négligences en s'abstenant d'aviser le greffe en temps utile de la nouvelle adresse de Mme [W] en Allemagne et d'informer celle-ci de la procédure en cours avant l'assignation qu'il lui a fait délivrer le 18 septembre 2020, date à laquelle l'enfant n'avait plus sa résidence habituelle en France mais en Allemagne, de sorte qu'il n'est pas possible, au regard de l'article 16 du règlement 2201/2003, de considérer que la juridiction française a été valablement saisie par la requête déposée le 28 mai 2019.

10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que M. [S] avait déposé sa requête auprès de la juridiction française puis régulièrement assigné Mme [W], la cour d'appel a violé les textes susvisés.

11. Et en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation du droit de l'Union européenne, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Champalaune - Rapporteur : M. Fulchiron - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SARL Delvolvé et Trichet ; SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés -

Textes visés :

Articles 8, § 1, et 16, § 1, sous a), du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.