Numéro 11 - Novembre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2023

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL

Soc., 29 novembre 2023, n° 22-18.555, n° 22-18.556, n° 22-18.557, n° 22-18.558, n° 22-18.559, n° 22-18.560, n° 22-18.561, n° 22-18.562, n° 22-18.563, n° 22-18.564 et suivants, (B), FRH

Rejet

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952 – Avenant n° 3 du 16 juin 1955 relatif aux ingénieurs et cadres – Article 14.3 – Indemnité de congédiement – Calcul – Assiette – Détermination – Portée

Selon l'article 14.3 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955 relatif aux ingénieurs et cadres, modifié par l'accord du 3 mars 1970, attaché à la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952, l'indemnité conventionnelle de licenciement est calculée sur la base de la rémunération totale mensuelle prenant notamment en compte les primes de toute nature y compris les participations au chiffre d'affaires ou aux résultats, à la seule exclusion des gratifications exceptionnelles.

Doit être approuvée la cour d'appel, qui, après avoir constaté que l'article 9.3.1. du plan de mobilité et de départ volontaire signé dans l'entreprise stipulait que le salaire brut mensuel de référence servant d'assiette à l'indemnité d'accompagnement versée au salarié, à la suite de la rupture d'un commun accord de son contrat de travail pour motif économique, était déterminé conformément à l'article 14.3 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955, relevant que les primes perçues au titre de l'intéressement, de l'abondement et de la participation constituaient non seulement des primes de toute nature mais également des participations au chiffre d'affaires ou aux résultats de la société et qu'il n'était ni allégué, ni justifié qu'elles étaient des gratifications exceptionnelles, en a déduit que ces primes devaient être prises en considération dans la détermination du salaire de référence de l'indemnité d'accompagnement.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 22-18.555 à 22-18.567 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Paris, 12 mai 2022), M. [M] et douze autres salariés de la société Air liquide France industrie, ayant signé un protocole de rupture d'un commun accord pour motif économique de leur contrat de travail, ont saisi la juridiction prud'homale afin de solliciter que les sommes perçues au cours de l'année 2013 au titre de la participation, de l'intéressement et de l'abondement soient prises en compte dans l'assiette de calcul du salaire de référence pour la détermination de leur indemnité d'accompagnement versée dans le cadre d'un plan de mobilité et de départ volontaire.

3. Les relations de travail étaient régies par la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 3 décembre 1952.

4. La Fédération nationale CFE-CGC des syndicats du personnel d'encadrement des industries chimiques et connexes (le syndicat) est intervenue volontairement à l'instance.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief aux arrêts de le condamner à payer aux salariés des sommes à titre de rappels d'indemnités conventionnelles et supra conventionnelles, de frais irrépétibles, ainsi que de dire que l'action du syndicat est recevable et de le condamner à lui verser des dommages-intérêts et des indemnités au titre des frais irrépétibles, alors :

« 1°/ qu'aux termes des articles L. 3325-1 et L. 3312-4, les sommes versées par l'employeur au titre de la participation des salariés aux résultats de l'entreprise et de l'intéressement ne constituent pas des salaires et n'ont pas en conséquence à être prises en compte dans le calcul des indemnités légales de rupture du contrat ; que si le régime d'ordre public absolu de la participation et de l'intéressement n'interdit pas aux partenaires sociaux d'assimiler les sommes versées par l'employeur dans le cadre de ces dispositifs à des éléments de rémunération pour le calcul de certaines indemnités de rupture, encore faut-il que l'accord collectif conclu prévoie expressément une telle assimilation ; qu'en l'absence de dispositions conventionnelles procédant à une telle assimilation, les sommes versées au titre de la participation, de l'intéressement et de l'abondement ne peuvent être incluses dans l'assiette de calcul des indemnités conventionnelles de rupture ; que l'article 14 de l'annexe ingénieurs et cadres de la convention collective des industries chimiques prévoit que « la base de calcul de l'indemnité de congédiement est la rémunération totale mensuelle gagnée par le cadre pendant le mois précédant le préavis de congédiement » ou, si elle est plus favorable « la moyenne des rémunérations mensuelles des 12 mois précédant le préavis de congédiement » ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que « il est vrai que l'intéressement, la participation et l'abondement n'existaient pas lors de la création de l'article 14 de l'avenant n° 3 en 1955 » ; qu'en se fondant néanmoins, pour retenir que l'assiette de calcul de l'indemnité d'accompagnement inclut les sommes allouées au salarié au titre de la participation, de l'intéressement et de l'abondement, sur le motif inopérant selon lequel lors des différentes révisions de la convention collective « les parties à la convention collective applicable n'ont pas eu pour intention d'exclure du champ de l'article 14 de l'avenant n° 3 les sommes issues de dispositifs collectifs d'origine légale tels que la participation, l'intéressement ou l'abondement », cependant que les sommes versées dans le cadre du régime légal de la participation et de l'intéressement ne sont pas expressément visées dans le texte de la convention collective, la cour d'appel a violé le principe de faveur, ensemble l'article 14 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955 de la convention collective des industries chimiques ;

2°/ que l'interprétation d'une disposition obscure d'un accord collectif doit tenir compte des autres dispositions de l'accord qui peuvent la compléter, la préciser ou l'éclairer ; que l'article 14 de l'avenant relatif aux ingénieurs et cadres de la convention collective des industries chimiques définit d'abord l'assiette de calcul de l'indemnité de licenciement comme « la rémunération mensuelle totale gagnée par le salarié » puis vise, dans la liste des différents éléments qui composent cette rémunération individuelle, les « participations au chiffre d'affaires ou aux résultats » ; qu'il en résulte que ces « participations au chiffre d'affaires ou aux résultats » constituent les éléments de rémunération variable liés au chiffre d'affaires ou aux résultats ; qu'en retenant qu'« il se déduit de la formulation large de ces stipulations que les parties à cet avenant ont entendu, d'une part, ne pas se limiter à la notion de salaire dont il n'est d'ailleurs pas fait référence et, d'autre part, retenir aussi bien les éléments de rémunération collectifs qu'individuels », affirmant ainsi que l'article 14 renvoie aux sommes versées dans le cadre des dispositions légaux de la participation, de l'intéressement et d'abondement pour la fixation de l'assiette des indemnités conventionnelles de rupture, la cour d'appel a violé l'article 14 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955 de la convention collective des industries chimiques ;

3°/ que l'interprétation d'un accord collectif au moment de son application ne doit pas avoir pour effet d'en modifier la portée, ni de lui conférer un objet social différent de celui qu'il poursuivait lors de sa conclusion ; que les dispositifs légaux de l'intéressement et de la participation ont été créés respectivement en 1959 et 1967 ; qu'avant cette date, les sommes versées par l'employeur au salarié, pour l'associer aux résultats de l'entreprise, constituaient des éléments de salaire ; qu'en conséquence, l'article 14 de l'avenant ingénieurs et cadres de la convention collective des industries chimiques, qui résulte d'un avenant du 16 juin 1955, avait nécessairement pour objet, lors de son adoption, d'inclure dans l'assiette de l'indemnité de congédiement les éléments de rémunération variable liés au chiffre d'affaires ou aux résultats de l'entreprise ; que la création, postérieurement à l'adoption de ce texte, des dispositifs légaux de participation et d'intéressement visant à associer les salariés aux résultats de l'entreprise, par le versement de sommes qui ne constituent pas un salaire, n'a pu avoir pour effet de modifier l'objet de ces dispositions conventionnelles ; qu'en retenant que les sommes versées au titre de l'intéressement, de la participation et de l'abondement devaient être inclues dans l'assiette des indemnités conventionnelles de rupture, peu important que la définition de cette assiette résulte d'un texte antérieur à la création du régime légal de la participation et de l'intéressement, la cour d'appel a violé l'article 14 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955 de la convention collective nationale des industries chimiques ;

4°/ que le juge ne peut modifier l'interprétation de dispositions conventionnelles en considération de la loi en vigueur au moment de leur application que lorsque l'effet utile de cette loi ou les nécessités économiques et sociales qu'elle exprime le commandent ; qu'ainsi, si le juge peut donner au texte conventionnel un sens que les parties signataires n'avaient pu envisager lors de l'adoption de ce texte, en se fondant sur des dispositions légales entrées en vigueur après la conclusion de cet accord collectif, c'est uniquement pour éviter que la loi nouvelle ne soit privée d'effet utile ; qu'en l'espèce, la loi qui a créé les dispositifs de la participation, de l'intéressement et de l'abondement a expressément prévu que les sommes versées par l'employeur dans le cadre de ces dispositifs ne constituent pas des salaires et ne sont pas soumises au régime légal du salaire ; qu'en conséquence ni l'objet de la loi qui a créé ces dispositifs, ni l'effet utile des dispositions légales ne justifient d'interpréter les dispositions conventionnelles antérieures, qui définissent l'assiette de calcul de l'indemnité de licenciement en fonction de la rémunération mensuelle totale gagnée par le salarié comprenant les « participations au chiffre d'affaires ou aux résultats », comme incluant les sommes versées par l'employeur au titre de la participation, de l'intéressement ou de l'abondement ; qu'en retenant néanmoins que « l'intéressement, l'abondement et la participation sont des dispositifs dont l'objectif est d'associer les salariés aux résultats de leur entreprise. Il s'en déduit que les primes perçues en application de ces dispositions constituent non seulement « des primes de toute nature » mais également des « participations au chiffre d'affaires ou aux résultats » de la société ALFI » et « qu'il n'est ni allégué, ni justifié que les primes litigieuses constituent des « gratifications exceptionnelles »", la cour d'appel a violé l'article 14 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955 de la convention collective nationale des industries chimiques ;

5°/ qu'en se fondant sur les motifs impropres selon lesquels « si l'employeur soutient que, contrairement aux ingénieurs et aux cadres, les primes relatives à l'épargne salariale ne sont pas incluses dans l'assiette de calcul de l'indemnité de licenciement des salariés non cadres et non ingénieurs au seul motif que les stipulations les concernant de la convention collective applicable et relatives à cette assiette ne font pas référence à l'expression « participations au chiffre d'affaires ou aux résultats », la société ALFI n'allègue ni ne justifie que cette différence de traitement, à la supposer établie, est étrangère à toute considération de nature professionnelle » et selon lesquels « s'il est vrai que la fixation du quantum des primes litigieuses nécessite que soit préalablement déterminé le résultat de l'exercice de référence, il n'est nullement justifié par l'employeur de l'impossibilité alléguée de prendre en considération les primes liées à l'année 2013 au titre de l'indemnité d'accompagnement fixée en 2014 », cependant que ces circonstances ne justifiaient pas que la participation, l'intéressement et l'abondement soient intégrées dans l'assiette de calcul de l'indemnité d'accompagnement au sens du texte conventionnel en vigueur, la cour d'appel a violé l'article 14 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955 de la convention collective des industries chimiques. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article 14.3 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955 relatif aux ingénieurs et cadres, modifié par l'accord du 3 mars 1970, attaché à la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952, l'indemnité conventionnelle de licenciement est calculée sur la base de la rémunération totale mensuelle prenant notamment en compte les primes de toute nature y compris les participations au chiffre d'affaires ou aux résultats, à la seule exclusion des gratifications exceptionnelles.

7. Après avoir constaté que l'article 9.3.1. du plan de mobilité et de départ volontaire signé dans l'entreprise stipulait que le salaire brut mensuel de référence servant d'assiette à l'indemnité d'accompagnement versée au salarié, à la suite de la rupture d'un commun accord de son contrat de travail pour motif économique, était déterminé conformément à l'article 14.3 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955, la cour d'appel, qui a relevé que les primes perçues au titre de l'intéressement, de l'abondement et de la participation constituaient non seulement des primes de toute nature mais également des participations au chiffre d'affaires ou aux résultats de la société et qui a constaté qu'il n'était ni allégué, ni justifié qu'elles étaient des gratifications exceptionnelles, en a exactement déduit que ces primes devaient être prises en considération dans la détermination du salaire de référence de l'indemnité d'accompagnement.

8. Le moyen, qui, pris en ses troisième et quatrième branches, manque par le fait qui lui sert de base, et qui, pris en sa cinquième branche, critique des motifs surabondants, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Thomas-Davost - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet -

Textes visés :

Article 14.3 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955 relatif aux ingénieurs et cadres, modifié par l'accord du 3 mars 1970, attaché à la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952.

Soc., 29 novembre 2023, n° 22-13.367, (B), FS

Rejet

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 – Accord du 28 mars 1997 – Article 3 – Congé de fin d'activité – Décision du salarié de quitter l'entreprise – Effets – Prise d'acte de la rupture – Conditions – Office du juge – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 13 janvier 2022), M. [V] a été engagé en qualité de chauffeur-livreur poids-lourds, le 1er janvier 2014, par la société Frevial.

2. Après acceptation de sa demande de prise en charge au titre du congé de fin d'activité, le salarié a démissionné le 28 décembre 2017 à effet du 1er février 2018. Parallèlement, il avait saisi la juridiction prud'homale le 29 juin 2017 afin de solliciter des dommages-intérêts liés au retard dans la délivrance des attestations de salaire à la caisse primaire d'assurance maladie et a demandé ensuite à ce que cette démission s'analyse en une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Examen des moyens

Sur le second moyen

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de requalifier la rupture du contrat résultant du congé de fin d'activité en prise d'acte de la rupture, de dire que celle-ci s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de le condamner à payer au salarié des sommes à titre d'indemnité de préavis, des congés payés, d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'ordonner à l'employeur de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées au salarié, dans la limite de deux mois, alors :

« 1°/ que conformément à l'article III.1 de l'accord sur le congé de fin d'activité du 28 mars 1997, le départ en congés fin d'activité s'effectue à la seule initiative du salarié et sa décision s'analyse en une démission ; qu'ainsi seule une démission, à l'exclusion de tout autre mode de rupture du contrat de travail, peut justifier le départ d'un salarié en congé de fin d'activité ; qu'en retenant que le départ en congé de fin d'activité du salarié pouvait s'analyser en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail, ensemble l'article III de l'accord sur le congé de fin d'activité du 28 mars 1997 ;

2°/ que si la démission du salarié peut être requalifiée en prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, c'est à la condition que sa décision soit équivoque ; que tel ne saurait être le cas lorsque la décision du salarié de démissionner est justifiée par l'octroi d'un congé de fin d'activité ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail, ensemble l'article III de l'accord sur le congé de fin d'activité du 28 mars 1997. »

Réponse de la Cour

5. La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission.

6. Selon l'article 3 de l'accord du 28 mars 1997 relatif au congé de fin d'activité à partir de 55 ans, attaché à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, la décision du salarié de quitter l'entreprise dans le cadre du régime du congé de fin d'activité entraîne la rupture du contrat de travail et s'analyse en une démission.

7. Ces dispositions ne s'opposent pas à ce qu'un salarié remette en cause sa démission en raison de faits ou manquements imputables à son employeur.

8. La cour d'appel, qui a constaté qu'il existait des circonstances antérieures et contemporaines à cette démission la rendant équivoque, a, à bon droit, jugé qu'il convenait de l'analyser en une prise d'acte de la rupture.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Valéry - Avocat général : M. Juan - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Claire Leduc et Solange Vigand -

Textes visés :

Article 3 de l'accord du 28 mars 1997 relatif au congé de fin d'activité à partir de 55 ans, attaché à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950.

Rapprochement(s) :

Sur d'autres applications de la possibilité de requalifier la décision du salarié de quitter l'entreprise en prise d'acte de la rupture du contrat de travail, à rapprocher : Soc., 17 novembre 2010, pourvoi n° 08-45.647, Bull. 2010, V, n° 264 (rejet) ; Soc., 20 octobre 2015, pourvoi n° 14-17.473, Bull. 2015, V, n° 198 (cassation partielle), et l'arrêt cité.

Soc., 29 novembre 2023, n° 22-13.871, (B), FS

Cassation

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Presse – Convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976 – Article 25 – Salaires – Treizième mois – Montant – Calcul – Absences pour maladie – Prise en compte (non) – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Lorient, 25 janvier 2022), rendu en dernier ressort, M. [C] a été engagé par la société Le Télégramme à compter du 16 février 1987. Dans le dernier état de la relation de travail, il occupait, en qualité de journaliste, un emploi de rédacteur.

2. La relation de travail est soumise à la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976, refondue le 27 octobre 1987.

3. Après plusieurs arrêts de travail pour accident ou maladie d'origine non professionnelle, le salarié a été absent de façon continue à compter du 1er août 2018. Il a été licencié le 28 janvier 2020.

4. Le 26 avril 2021, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'un rappel de prime de treizième mois au titre des années 2017, 2018 et 2019.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief au jugement de le débouter de l'ensemble de ses demandes aux fins, notamment, de condamnation de l'employeur à lui payer certaines sommes à titre de rappel de salaire sur les primes de treizième mois pour les années 2017, 2018 et 2019, au titre des intérêts de retard et à titre d'indemnité de procédure, alors « que l'article 25 de la convention collective nationale des journalistes étendue par arrêté du 2 février 1988 précise qu'« à la fin du mois de décembre, tout journaliste professionnel percevra à titre de salaire, en une seule fois, sauf accord particulier, une somme égale au salaire du mois de décembre » ; que, sauf dispositions contraires, l'employeur ne peut réduire le montant d'une prime de treizième mois au prorata du temps de présence effectif du salarié, en raison de la suspension du contrat de travail consécutive à la maladie de celui-ci ; qu'il s'ensuit que l'employeur, qui relève de ladite convention, ne peut décider de modalités d'attribution moins favorables aux salariés en soumettant l'octroi de la prime de treizième mois à une présence effective, et ne peut déduire une absence pour maladie que si l'accord collectif prévoyant le versement de la prime de treizième mois l'y autorise ; qu'en jugeant, pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de prime conventionnelle de treizième mois, que l'employeur avait fait application d'une pratique plus avantageuse que les dispositions conventionnelles en allouant une prime de treizième mois basée sur le temps de présence effectif du salarié, cependant qu'il avait constaté que l'article 25 de la convention collective des journalistes ne prévoyait pas de réduction de la prime au prorata du temps de présence effectif, le conseil de prud'hommes n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 25 de la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1979 (en réalité 1976), ensemble l'article L. 2262-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 25 de la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976, refondue le 27 octobre 1987 :

6. Aux termes de ce texte, à la fin du mois de décembre, tout journaliste professionnel percevra à titre de salaire, en une seule fois, sauf accord particulier, une somme égale au salaire du mois de décembre. Pour les collaborateurs employés à titre occasionnel ou ayant un salaire mensuel variable, le montant de ce treizième mois correspondra à 1/12 des salaires perçus au cours de l'année civile ; il sera versé dans le courant du mois de janvier de l'année suivante.

En cas de licenciement ou de démission en cours d'année, il sera versé au titre de ce salaire, dit « mois double » ou « treizième mois », un nombre de 1/12 égal au nombre de mois passés dans l'entreprise depuis le 1er janvier et basé sur le dernier salaire reçu.

Les journalistes professionnels engagés en cours d'année recevront fin décembre un nombre de douzièmes égal au nombre de mois passés dans l'entreprise. Dans tous les cas ces 1/12 ne seront dus qu'après 3 mois de présence. Pour les collaborateurs salariés employés à titre occasionnel, les douzièmes ne seront dus qu'à ceux qui auront collaboré à 3 reprises différentes ou dont le salaire aura atteint au cours de l'année civile au moins 3 fois le montant minimum fixé par les barèmes de la forme de presse considérée. Toute fraction de mois égale ou supérieure à 15 jours est comptée pour 1 mois. Si le journaliste professionnel entre dans une entreprise le 1er novembre d'une année civile, il recevra 2/12 le 1er février suivant. S'il entre le 1er décembre, 1/12 le 1er mars suivant.

7. Il en résulte que, sauf exception prévue par ce texte, tout journaliste professionnel perçoit, à titre de treizième mois, le salaire convenu du mois de décembre sans condition de présence effective.

8. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des primes de treizième mois pour les années 2017, 2018 et 2019, le jugement relève qu'au regard du tableau de calculs de simulation produit par l'employeur, le salaire de l'intéressé aurait été, en tenant compte des absences pour maladie, de 691,03 euros en décembre 2017, de 1 605,04 euros en décembre 2018 et de zéro euro en décembre 2019. Il retient qu'en conséquence, au titre du treizième mois, le salarié aurait dû percevoir ces mêmes sommes respectivement en décembre 2017, en décembre 2018 et en décembre 2019. Il constate, au vu de ses bulletins de salaire, qu'il a perçu 2 367,99 euros en décembre 2017, 2 282,23 euros en décembre 2018 et 481,23 euros en décembre 2019. Il en conclut que, s'agissant du treizième mois, l'employeur a mis en place une pratique mieux disante que les dispositions conventionnelles.

9. En statuant ainsi, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 25 janvier 2022, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Lorient ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Vannes.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Techer - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article 25 de la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976, refondue le 27 octobre 1987.

Rapprochement(s) :

Sur l'interprétation de l'article 25 de la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976 quant à la situation d'un journaliste stagiaire, à rapprocher : Soc., 12 juin 2014, pourvoi n° 12-29.751, Bull. 2014, V, n° 144 (cassation).

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