Numéro 11 - Novembre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2023

SYNDICAT PROFESSIONNEL

Soc., 22 novembre 2023, n° 22-11.238, (B), FM

Cassation partielle

Action en justice – Conditions – Intérêt collectif de la profession – Atteinte – Applications diverses – Action fondée sur l'application du principe d'égalité de traitement – Cas – Demande d'augmentations générales de salaire revalorisées – Augmentation au regard de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique – Portée

Il résulte de l'article L. 2132-3 du code du travail qu'un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou au regard du principe d'égalité de traitement et demander, outre l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l'intérêt collectif de la profession, qu'il soit enjoint à l'employeur de mettre fin à l'avenir à l'irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte.

Fait une exacte application de ce texte la cour d'appel qui juge que relève de la défense de l'intérêt collectif de la profession, l'action d'un syndicat, fondée sur le principe d'égalité de traitement, tendant d'une part à solliciter des augmentations générales de salaire revalorisées, dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire de l'article L. 2242-8 du code du travail, au regard de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique, et d'autre part, à mettre fin à l'inégalité invoquée, la circonstance que seuls quelques salariés de l'entreprise seraient concernés par la violation du principe d'égalité de traitement alléguée étant sans incidence sur le droit d'agir du syndicat.

Action en justice – Conditions – Intérêt collectif de la profession – Atteinte – Applications diverses – Action fondée sur l'application du principe d'égalité de traitement – Demande tendant à mettre fin à une inégalité – Cas – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 mars 2021), le 15 juillet 2014, le syndicat CGT Gemalto Sud (le syndicat) a saisi la juridiction prud'homale afin qu'il soit jugé que les augmentations générales des salaires au sein de la société Thales Dis France (la société) soient opérées au regard de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique, qu'il soit ordonné, sous astreinte, la rectification des bulletins de salaire sur trois ans, pour obtenir le paiement de dommages-intérêts et, subsidiairement, qu'il soit ordonné une expertise.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action du syndicat tendant à solliciter des augmentations générales de salaire revalorisées au regard de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique

Enoncé du moyen

2. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action du syndicat en ce qu'elle tend à solliciter des augmentations générales de salaire revalorisées au regard de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique, alors « que n'est pas recevable l'action en justice d'un syndicat visant, sous couvert d'un préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession, à défendre en réalité exclusivement les intérêts particuliers de quelques salariés ; qu'en considérant que l'augmentation générale annuelle des salaires basée sur des tranches de salaire pour tous les salariés et non sur la catégorie professionnelle de chaque salarié permet de caractériser une inégalité de traitement en se fondant sur la circonstance que M. [F], M. [M], M. [X], Mme [U] et Mme [D], salariés exerçant tous la fonction d'opérateur relevant de la catégorie « ouvriers » et ayant tous engagé une procédure prud'homale fondée sur le fait qu'ils auraient été victimes d'une inégalité de traitement ou d'une discrimination dès lors qu'une partie de leurs salaires aurait été fixée de manière discrétionnaire par l'employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 2132-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

3. Aux termes de l'article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

4. Il en résulte qu'un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou au regard du principe d'égalité de traitement et demander, outre l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l'intérêt collectif de la profession, qu'il soit enjoint à l'employeur de mettre fin à l'avenir à l'irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte.

5. L'arrêt retient que l'action du syndicat tend, sur le fondement de l'égalité de traitement, à solliciter des augmentations générales de salaire revalorisées dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire de l'article L. 2242-8 du code du travail, au regard de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique.

6. La cour d'appel en a déduit à bon droit que l'action du syndicat, qui tend à la reconnaissance d'une irrégularité au regard du principe de l'égalité de traitement et à mettre fin à cette irrégularité, relève de la défense de l'intérêt collectif de la profession, la circonstance que seuls quelques salariés de l'entreprise seraient concernés par la violation du principe d'égalité de traitement alléguée étant sans incidence sur le droit d'agir du syndicat.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire que les augmentations générales de salaire devront être revalorisées au regard de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique et de condamner l'employeur au paiement d'un euro de dommages-intérêts au syndicat

Enoncé du moyen

8. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que les augmentations générales de salaire devront être revalorisées au regard de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique et de le condamner au paiement d'un euro de dommages-intérêts au syndicat, alors « que la décision unilatérale de l'employeur de procéder à une augmentation générale annuelle des salaires basée sur des tranches de salaire et non sur la catégorie professionnelle des salariés n'est pas contraire au principe d'égalité de traitement ; qu'en jugeant le contraire au motif inopérant que les salaires des opérateurs qui relèvent de la catégorie « ouvriers » dépendent en partie de formations laissées à la libre appréciation de l'employeur, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé une inégalité de traitement, a violé l'article L. 2132-3 du code du travail ensemble le principe d'égalité de traitement. »

Réponse de la Cour

Vu le principe d'égalité de traitement :

9. En application de ce principe, si des mesures peuvent être réservées à certains salariés, c'est à la condition que tous ceux placés dans une situation identique, au regard de l'avantage en cause, aient la possibilité d'en bénéficier, à moins que la différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes, et que les règles déterminant les conditions d'éligibilité à la mesure soient préalablement définies et contrôlables.

10. Pour faire droit à la demande du syndicat, l'arrêt relève, d'abord, qu'au sein de la société, l'évolution de carrière des opérateurs est régie par un système basé sur la comptabilisation de points obtenus par la validation de formations qualifiantes, ensuite, qu'il ressort du guide de gestion des « métiers opérateurs » que la maîtrise d'une compétence suppose que soit respecté un processus comprenant trois étapes : formation, mise en oeuvre, validation et que ce n'est qu'à l'issue de cette troisième étape, en fin de cursus, que l'entreprise reconnaît l'évolution de qualification.

11. Il relève encore que la décision d'engager un opérateur en formation sur une nouvelle compétence est un acte de management réalisé par la hiérarchie et que la validation d'une compétence n'est possible que si la personne a été sélectionnée, si elle a reçu la formation correspondante et si elle a démontré sa capacité à maîtriser la compétence.

12. Il ajoute qu'il ressort du tableau produit par le syndicat, formalisant la décision unilatérale de la société et dont les données ne sont pas contestées par celle-ci, que dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire de l'article L. 2242-8 du code du travail, qui est intervenue les 17 et 29 janvier 2013 et qui a donné lieu à un procès-verbal de désaccord le 11 février 2013, il a été procédé à une augmentation générale annuelle des salaires basée sur des tranches de salaire et non sur la catégorie professionnelle de chaque salarié.

13. Il en déduit que cet élément de fait est susceptible de caractériser une inégalité de traitement.

14. En se déterminant ainsi, sans préciser en quoi le fait de fonder une augmentation générale des salaires sur des tranches de salaire et non sur la catégorie professionnelle des salariés constituerait un élément susceptible de caractériser une inégalité de traitement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que les augmentations générales de salaire devront être revalorisées au regard de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique, en ce qu'il condamne la société Thales Dis France à payer au syndicat CGT Gemalto Sud la somme d'un euro à titre de dommages-intérêts, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, l'arrêt rendu le 5 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

Arrêt rendu en formation mixte.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Cavrois - Avocat général : Mme Berriat (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier -

Textes visés :

Article L. 2132-3 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la recevabilité de l'action en justice d'un syndicat tendant à l'application du principe d'égalité de traitement, à rapprocher : Soc., 12 février 2013, pourvoi n° 11-27.689, Bull. 2013, V, n° 36 (cassation partielle) ; Soc., 22 novembre 2023, pourvoi n° 22-14.807, Bull., (cassation partielle).

Soc., 22 novembre 2023, n° 22-14.807, (B), FM

Cassation partielle

Action en justice – Conditions – Intérêt collectif de la profession – Atteinte – Applications diverses – Action fondée sur l'application du principe d'égalité de traitement – Demande de dommages-intérêts – Cas – Absence de versement d'une prime de treizième mois à certains salariés – Portée

Il résulte de l'article L. 2132-3 du code du travail que si un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou au regard du principe d'égalité de traitement et demander, outre l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l'intérêt collectif de la profession, qu'il soit enjoint à l'employeur de mettre fin à l'irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte, il ne peut prétendre obtenir du juge qu'il condamne l'employeur à régulariser la situation individuelle des salariés concernés, une telle action relevant de la liberté personnelle de chaque salarié de conduire la défense de ses intérêts.

Dès lors, doit être approuvée la cour d'appel qui déclare irrecevable l'action d'un syndicat tendant à ce qu'il soit ordonné à l'employeur de régulariser la situation individuelle des salariés concernés tant pour l'avenir que pour le passé en versant une prime de treizième mois aux salariés n'en bénéficiant pas, cette action collective du syndicat tendant à la modification de la situation individuelle des salariés concernés.

En revanche, encourt la cassation la cour d'appel qui déclare irrecevable l'action d'un syndicat tendant à dire que l'absence de versement d'une prime de treizième mois à certains salariés de la société est constitutive d'une inégalité de traitement avec les salariés bénéficiant d'une telle prime, à dire que cette inégalité de traitement porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par ce syndicat ainsi qu'à condamner l'employeur au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession, cette action collective du syndicat ne tendant pas à obtenir du juge qu'il condamne l'employeur à régulariser la situation individuelle des salariés concernés.

Action en justice – Conditions – Intérêt collectif de la profession – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Action en régularisation de la situation individuelle de salariés – Action en versement d'une prime de treizième mois à des salariés n'en bénéficiant pas – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 février 2022), la société Tui France (la société) a, le 1er juin 2017, absorbé la société Transat et tous les contrats de travail des salariés de cette dernière ont été transférés, en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, à la société qui avait déjà, le 1er janvier 2012, à la suite de plusieurs opérations de fusion-absorption, repris les contrats de travail des salariés des sociétés Marmara et Nouvelles Frontières distribution.

2. La fédération des services CFDT (la fédération) a fait assigner la société devant le tribunal judiciaire en lui demandant de dire que l'absence de versement d'une prime de treizième mois à certains salariés de la société est constitutive d'une inégalité de traitement avec les salariés bénéficiant d'une telle prime, de dire que cette inégalité de traitement porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par la fédération, d'ordonner en conséquence à la société, sous astreinte, de mettre fin à cette inégalité de traitement en versant, à l'avenir, une prime de treizième mois aux salariés n'en bénéficiant pas et en régularisant la situation pour le passé dans la limite de la prescription triennale applicable et de condamner la société à verser à la fédération une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession.

Examen du moyen

Sur le moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer la fédération irrecevable en son action tendant à condamner la société sous astreinte à verser à l'avenir une prime de treizième mois aux salariés n'en bénéficiant pas et à régulariser la situation pour le passé dans la limite de la prescription triennale applicable

Enoncé du moyen

3. La fédération fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en son action tendant à condamner la société sous astreinte à verser à l'avenir une prime de treizième mois aux salariés n'en bénéficiant pas et à régulariser la situation pour le passé dans la limite de la prescription triennale applicable, alors « que le syndicat peut agir en justice pour contraindre l'employeur à mettre fin à une situation illicite ; que pour dire irrecevable la demande, la cour d'appel a retenu que l'application du principe d'égalité de traitement, qui suppose que la situation de chaque salarié soit comparée à celle des salariés placés dans la même situation ou dans une situation équivalente, ne peut faire l'objet d'une appréciation collective et que l'action intentée consiste donc en la revendication d'un droit lié à la personne et appartient à ce seul salarié, de sorte qu'une atteinte à l'intérêt collectif de la profession ne peut pas être revendiquée ; qu'en statuant ainsi, quand l'action de la fédération syndicale tendait à voir ordonner à l'employeur de mettre fin à une inégalité de traitement et relevait donc de la défense de l'intérêt collectif de la profession, la cour d'appel a violé l'article L. 2132-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

5. Il en résulte que si un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou au regard du principe d'égalité de traitement et demander, outre l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l'intérêt collectif de la profession, qu'il soit enjoint à l'employeur de mettre fin à l'irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte, il ne peut prétendre obtenir du juge qu'il condamne l'employeur à régulariser la situation individuelle des salariés concernés, une telle action relevant de la liberté personnelle de chaque salarié de conduire la défense de ses intérêts.

6. La cour d'appel, qui a constaté que l'action de la fédération CFDT tendait à ce qu'il soit ordonné à la société de régulariser la situation individuelle des salariés concernés tant pour l'avenir que pour le passé en versant une prime de treizième mois aux salariés n'en bénéficiant pas, en a exactement déduit l'irrecevabilité de cette action collective dès lors qu'elle tend à la modification de la situation individuelle des salariés concernés.

7. Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli.

Mais sur le moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer la fédération irrecevable en son action tendant à dire que l'absence de versement d'une prime de treizième mois à certains salariés de la société est constitutive d'une inégalité de traitement avec les salariés bénéficiant d'une telle prime, à dire que cette inégalité de traitement porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par la fédération, ainsi qu'à condamner la société au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession

Enoncé du moyen

8. La fédération fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en son action tendant à dire que l'absence de versement d'une prime de treizième mois à certains salariés de la société est constitutive d'une inégalité de traitement avec les salariés bénéficiant d'une telle prime, à dire que cette inégalité de traitement porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par la fédération ainsi qu'à condamner la société au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession, alors « que le syndicat peut agir en justice pour contraindre l'employeur à mettre fin à une situation illicite ; que pour dire irrecevable la demande, la cour d'appel a retenu que l'application du principe d'égalité de traitement, qui suppose que la situation de chaque salarié soit comparée à celle des salariés placés dans la même situation ou dans une situation équivalente, ne peut faire l'objet d'une appréciation collective et que l'action intentée consiste donc en la revendication d'un droit lié à la personne et appartient à ce seul salarié, de sorte qu'une atteinte à l'intérêt collectif de la profession ne peut pas être revendiquée ; qu'en statuant ainsi, quand l'action de la fédération syndicale tendait à voir ordonner à l'employeur de mettre fin à une inégalité de traitement et relevait donc de la défense de l'intérêt collectif de la profession, la cour d'appel a violé l'article L. 2132-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2132-3 du code du travail :

9. Aux termes de ce texte, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

10. Il en résulte qu'un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou au regard du principe d'égalité de traitement et demander, outre l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l'intérêt collectif de la profession, qu'il soit enjoint à l'employeur de mettre fin à l'avenir à l'irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte.

11. Pour déclarer irrecevable l'action de la fédération tendant à dire que l'absence de versement d'une prime de treizième mois à certains salariés de la société est constitutive d'une inégalité de traitement avec les salariés bénéficiant d'une telle prime, à dire que cette inégalité de traitement porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par la fédération ainsi qu'à condamner la société au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession, l'arrêt retient que la fédération, qui ignore la distinction à faire entre gratification et salaire annuel payable sur treize mois, ne revendique pas l'exécution par l'employeur de dispositions conventionnelles mais l'application du principe d'égalité de traitement, qui suppose que la situation de chaque salarié soit comparée à celle de salariés placés dans la même situation ou dans une situation équivalente et qui ne peut donc faire l'objet d'une appréciation collective, de sorte que l'action intentée consiste en la revendication d'un droit lié à la personne du salarié, appartenant donc à ce seul salarié, et ne poursuit pas la réparation d'un préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession.

12. En statuant ainsi, alors que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action et que l'action de la fédération, en ce qu'elle ne tendait pas à obtenir du juge qu'il condamne l'employeur à régulariser la situation individuelle des salariés concernés, était recevable, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable l'action de la fédération des services CFDT tendant à dire que l'absence de versement par la société Tui France d'une prime de treizième mois à certains salariés de la société est constitutive d'une inégalité de traitement avec les salariés bénéficiant d'une telle prime, à dire que cette inégalité de traitement porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par la fédération ainsi qu'à condamner la société Tui France au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession, l'arrêt rendu le 17 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

Arrêt rendu en formation mixte.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Ott - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SARL Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article L. 2132-3 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la recevabilité de l'action en justice d'un syndicat tendant à l'application du principe d'égalité de traitement, à rapprocher : Soc., 12 février 2013, pourvoi n° 11-27.689, Bull. 2013, V, n° 36 (cassation partielle) ; Soc., 22 novembre 2023, pourvoi n° 22-11.238, Bull., (cassation partielle). Sur l'irrecevabilité de l'action en justice d'un syndicat tendant à condamner l'employeur à régulariser la situation individuelle de salariés, à rapprocher : Soc., 20 avril 2023, QPC n° 23-40.003, Bull., (non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel).

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