Numéro 11 - Novembre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2023

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE

1re Civ., 14 novembre 2023, n° 23-14.577, (B), FRH

QPC - Irrecevabilité

Code de la santé publique – Article L. 1221-14, alinéa 8, issu de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 – Inapplicabilité au litige – Irrecevabilité

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 mars 2023), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 9 décembre 2020, n° 19-20.315), après avoir reçu des transfusions sanguines, Mme [P] a été contaminée par le virus de l'hépatite C et a sollicité, devant la juridiction administrative, le paiement d'une provision par l'Établissement français du sang (l'EFS) dont le versement a été mis à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM), légalement substitué à celui-ci.

L'ONIAM a conclu une transaction avec les consorts [P] qui l'avaient saisi d'une demande d'indemnisation amiable complémentaire.

2. Parallèlement, le 22 février 2010, l'EFS a assigné en garantie la société AXA France IARD, venant aux droits et obligations du Groupe Drouot (la société AXA), en sa qualité d'assureur de responsabilité civile du centre départemental de transfusion sanguine de [Localité 3] (le CDTS) au titre de la fourniture d'un produit sanguin transfusé à Mme [P].

L'ONIAM s'est substitué à l'EFS et a sollicité le remboursement par la société AXA des sommes versées aux consorts [P].

3. La cour d'appel de renvoi a condamné la société AXA à rembourser à l'ONIAM l'intégralité des sommes versées aux consorts [P].

Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité

4. A l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 2 mars 2023 par cette cour, la société AXA a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité suivantes portant sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du huitième alinéa de l'article L. 1221-14, du code de la santé publique, issu de l'article 39 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 :

1°/ - « Le huitième alinéa de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, tel qu'issu de l'article 39 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020, qui dispose que « l'office et les tiers payeurs, subrogés dans les droits de la victime, bénéficient dans le cadre de l'action mentionnée au septième alinéa du présent article de la présomption d'imputabilité dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

Les assureurs à l'égard desquels il est démontré que la structure qu'ils assurent a fourni au moins un produit sanguin labile ou médicament dérivé du sang, administré à la victime, et dont l'innocuité n'est pas démontrée, sont solidairement tenus de garantir l'Office et les tiers payeurs pour l'ensemble des sommes versées et des prestations prises en charge », en ce qu'il aboutit à faire peser sur l'assureur actionné par l'ONIAM ou le tiers payeur la charge de l'intégralité de la créance de réparation de la victime d'une contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C, excédant la part contributive de son assuré, est-il contraire au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? »

2°/ - « Le huitième alinéa de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, tel qu'issu de l'article 39 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020, qui dispose que « l'Office et les tiers payeurs, subrogés dans les droits de la victime, bénéficient dans le cadre de l'action mentionnée au septième alinéa du présent article de la présomption d'imputabilité dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

Les assureurs à l'égard desquels il est démontré que la structure qu'ils assurent a fourni au moins un produit sanguin labile ou médicament dérivé du sang, administré à la victime, et dont l'innocuité n'est pas démontrée, sont solidairement tenus de garantir l'Office et les tiers payeurs pour l'ensemble des sommes versées et des prestations prises en charge », en ce qu'il aboutit à faire peser sur l'assureur actionné par l'ONIAM ou le tiers payeur la charge de l'intégralité de la créance de réparation de la victime d'une contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C, est-il contraire à la liberté contractuelle garantie par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? »

3°/ - « Le huitième alinéa de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, tel qu'issu de l'article 39 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020, qui dispose que « l'Office et les tiers payeurs, subrogés dans les droits de la victime, bénéficient dans le cadre de l'action mentionnée au septième alinéa du présent article de la présomption d'imputabilité dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

Les assureurs à l'égard desquels il est démontré que la structure qu'ils assurent a fourni au moins un produit sanguin labile ou médicament dérivé du sang, administré à la victime, et dont l'innocuité n'est pas démontrée, sont solidairement tenus de garantir l'Office et les tiers payeurs pour l'ensemble des sommes versées et des prestations prises en charge », en ce que les recours en contribution que pourrait engager l'assureur ainsi actionné à l'encontre des autres fournisseurs et de leurs éventuels assureurs seraient soumis à la démonstration, en pratique quasiment impossible, d'une faute et seraient en tout état de cause dépourvus d'efficacité en présence de fournisseurs non identifiés ou non assurés, laissant ainsi définitivement à la charge de l'assureur actionné par l'ONIAM ou les tiers payeurs une part d'indemnisation excédant celle de son assuré, est-il contraire au droit à un recours juridictionnel effectif, garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? »

Examen des questions prioritaires de constitutionnalité

Sur la recevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité, examinée d'office, après avis donné aux parties, dans les conditions prévues à l'article 1015 du code de procédure civile :

5. La disposition dont la constitutionnalité est contestée est le huitième alinéa de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique.

6. L'article L. 1221-14 a été créé par le I de l'article 67 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008. Il a mis à la charge de l'ONIAM l'indemnisation des victimes de contamination transfusionnelles par le virus de l'hépatite C et prévu une procédure amiable d'indemnisation. Il a été déclaré applicable aux actions juridictionnelles engagées à compter du 1er juin 2010, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée. Il a été modifié par le I de l'article 72 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 ayant notamment donné à l'ONIAM la possibilité de demander à être garanti des sommes versées par les assureurs des structures de transfusion sanguine reprises par l'EFS.

7. Les actions juridictionnelles en cours au 1er juin 2010 ont été soumises à des dispositions transitoires édictées au IV de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 prévoyant une substitution de l'ONIAM à l'EFS et la possibilité pour le demandeur de solliciter un sursis à statuer pour bénéficier de la procédure amiable instaurée. Ces dispositions ont été complétées par le II de l'article 72 de la loi du 17 décembre 2012 ayant également donné la possibilité à l'ONIAM de solliciter la garantie des assureurs des structures reprises par l'EFS.

8. Le huitième alinéa de l'article L. 1221-14 a été ajouté par le I de l'article 39 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020. Cet alinéa précise les conditions des recours de l'ONIAM contre les assureurs des structures de transfusion sanguine reprises par l'EFS ayant fourni des produits sanguins administrés aux victimes et dont l'innocuité n'a pas été démontrée et ouvre un tel recours aux tiers payeurs.

9. Cependant, selon le II de l'article 39, ces dispositions ne s'appliquent, comme les autres dispositions de l'article L. 1221-14, qu'aux actions juridictionnelles engagées à compter du 1er juin 2010, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, de sorte que demeurent applicables, pour les actions antérieurement engagées, les dispositions transitoires précitées.

10. Dès lors que l'action en garantie de la société AXA a été intentée le 22 février 2010 par l'EFS, auquel l'ONIAM s'est ensuite substitué, la disposition contestée n'est pas applicable au litige.

11. Les questions prioritaires de constitutionnalité sont donc irrecevables.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DÉCLARE IRRECEVABLES les questions prioritaires de constitutionnalité.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Champalaune - Rapporteur : Mme Bacache-Gibeili - Avocat général : M. Poirret (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Sevaux et Mathonnet -

Textes visés :

Article L. 1221-14, alinéa 8, du code de la santé publique, issu de l'article 39 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020.

Soc., 15 novembre 2023, n° 23-14.979, (B), FS

QPC - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Statuts professionnels particuliers – Journaliste professionnel – Statut – Application – Correspondant de presse – Egalité devant la loi – Article L. 7111-3 du code du travail – Caractères nouveau et sérieux (défaut) – Non-renvoi au Conseil constitutionnel

Faits et procédure

1. A compter du 1er novembre 2011 jusqu'au mois de décembre 2016, M. [M] a fourni à la société Nice Matin, devenue la société Groupe Nice Matin (la société), des reportages photographiques en contrepartie d'une rémunération sous forme d'honoraires dont les relevés portaient la mention « correspondant local de presse ».

2. Le 1er mars 2018, M. [M] a saisi la juridiction prud'homale afin que soit reconnue l'existence d'un contrat de travail et que la rupture de la relation soit considérée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le Syndicat national des journalistes (le syndicat) est intervenu à l'instance.

3. La société a soulevé l'incompétence matérielle du conseil de prud'hommes en soutenant que M. [M] avait le statut de correspondant local de presse et qu'il était à ce titre un travailleur indépendant.

4. Par jugement du 4 décembre 2018, le conseil de prud'hommes de Nice s'est déclaré incompétent pour connaître du litige et a renvoyé les parties devant le tribunal de grande instance de Nice.

5. Par arrêt du 12 septembre 2019, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a infirmé le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nice le 4 décembre 2018, dit que la juridiction prud'homale était compétente, que M. [M] était lié par un contrat de travail, évoqué l'affaire sur le fond et renvoyé à une audience ultérieure.

6. Par arrêt rendu le 23 février 2023, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, statuant sur renvoi après cassation (Soc., 29 septembre 2021, pourvoi n° 19-23.492), a infirmé le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nice le 4 décembre 2018 en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau et y ajoutant, elle a dit que M. [M] avait collaboré avec la société Nice Matin devenue la société Groupe Nice Matin sous le statut de correspondant local de presse, dit qu'il n'avait pas été lié avec la société par un contrat de travail, rejeté l'intégralité des demandes au titre de l'existence d'un contrat de travail, rejeté la demande de dommages-intérêts du syndicat.

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

7. A l'occasion du pourvoi qu'ils ont formé contre l'arrêt rendu le 23 février 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, M. [M] et le syndicat ont, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée : « le second alinéa de l'article L. 7111-3 du code du travail n'est-il pas contraire au principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, d'une part, en ce qu'il crée une inégalité de traitement entre le correspondant de presse et le journaliste professionnel en exigeant du correspondant pour qu'il puisse être assimilé à un journaliste professionnel et bénéficier de la présomption de contrat de travail posée par l'article L. 7112-1 du code du travail qu'il justifie non seulement remplir les conditions posées par l'alinéa 1 de l'article L. 7111-3 pour être journaliste professionnel mais aussi de la fixité de ses revenus, et, d'autre part, en ce que, tel qu'il est interprété de façon constante par la Cour de cassation, il crée une inégalité de traitement entre le correspondant local de presse et les personnes physiques dont l'activité donne lieu à immatriculation sur les registres ou répertoires énumérés par l'article L. 8221-6 du code du travail dès lors que le correspondant local de presse ne peut revendiquer l'existence d'un contrat de travail que dans les conditions prévues par l'article L. 7111-3 du code du travail tandis qu'il suffit pour les personnes physiques immatriculées aux registres du commerce ou des métiers de prouver, pour renverser la présomption de non-salariat, qu'elles fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard du donneur d'ordre ? »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

8. L'article L. 7111-3, alinéa 2, du code du travail qui détermine les conditions dans lesquelles un correspond local de presse est assimilé à un journaliste professionnel est applicable au litige.

9. Il n'a pas déjà été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

10. Cependant, d'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

11. D'autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux.

12. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et l'autre cas la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

13. Concernant la première partie de la question, par la loi du 29 mars 1935 relative au statut professionnel des journalistes, dont sont issues les dispositions contestées, le législateur a mis en place un régime spécifique pour les journalistes compte tenu de la nature particulière de leur travail. Dans ce but, le législateur a entendu réserver la protection qu'offre le statut aux personnes répondant à la définition du journaliste professionnel comme étant toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources.

Le législateur a également assimilé aux journalistes professionnels les collaborateurs directs de la rédaction, rédacteurs-traducteurs, sténographes-rédacteurs, rédacteurs-réviseurs, reporters-dessinateurs, reporters-photographes, à l'exclusion des agents de publicité et de tous ceux qui n'apportent, à un titre quelconque, qu'une collaboration occasionnelle.

14. Pour ce qui est du correspondant, qu'il travaille sur le territoire français ou à l'étranger, le législateur l'assimile à un journaliste s'il perçoit des rémunérations fixes et répond à la définition du journaliste professionnel.

15. Cette différence de traitement tenant à la fixité des rémunérations est justifiée par l'objectif d'exclure du champ de la protection offerte par le statut de journaliste professionnel les correspondants qui n'exercent qu'à titre occasionnel.

En cela, la différence de traitement est en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

16. Concernant le second aspect de la question, le correspondant local de presse qui revendique l'existence d'un contrat de travail de journaliste n'est pas placé dans la même situation qu'un travailleur indépendant qui revendique l'existence d'un contrat de travail de droit commun lorsqu'il soutient qu'il fournit des prestations dans des conditions qui le placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard du donneur d'ordre.

17. En effet, les règles particulières applicables à une personne exerçant en qualité de correspondant local de presse pour invoquer l'existence d'un contrat de travail en qualité de journaliste, sont justifiées par l'objectif poursuivi par le législateur de garantir l'indépendance des journalistes en prenant en compte les conditions particulières dans lesquelles s'exerce la profession ainsi que par celui de réserver la protection offerte par le statut de journaliste professionnel aux personnes qui répondent aux conditions qu'il détermine.

En cela la différence de situation se trouve en rapport direct avec la loi qui l'établit.

18. En conséquence, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Ala - Avocat général : Mme Molina - Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet ; SCP Richard -

Textes visés :

Article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; article L. 7111-3 du code du travail.

Soc., 15 novembre 2023, n° 23-14.806, (B), FS

QPC - Renvoi au Conseil constitutionnel

Travail réglementation, durée du travail – Repos et congés – Congés payés – Acquisition des droits à congés payés – Travail effectif – Suspension du contrat de travail pour cause de maladie non professionnelle – Droit à la santé et au repos – Articles L. 3141-3 et L. 3141-5, 5°, du code du travail – Caractères nouveau et sérieux – Renvoi au Conseil constitutionnel

Faits et procédure

1. Mme [J] a été engagée en qualité d'employée commerciale par la société Mazagran services, le 12 octobre 2009.

2. Elle a été placée en arrêt de travail pour maladie non professionnelle du 10 novembre 2014 au 30 décembre 2014, puis pour accident du travail du 31 décembre 2014 au 13 novembre 2016 et à nouveau pour cause de maladie non professionnelle du 19 novembre 2016 au 17 novembre 2019.

3. Le 16 janvier 2020, la salariée a été licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.

4. Le 16 décembre 2020, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité

5. A l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2022 par la cour d'appel de Bourges, la salariée a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées :

« 1°/ Les articles L. 3141-3 et L. 3141-5, 5°, du code du travail portent-ils atteinte au droit à la santé et au repos garanti par le onzième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 en ce qu'ils ont pour effet de priver, à défaut d'accomplissement d'un travail effectif, le salarié en congé pour une maladie d'origine non professionnelle de tout droit à l'acquisition de congés payés et le salarié en congé pour une maladie d'origine professionnelle de tout droit à l'acquisition de congés au-delà d'une période d'un an ?

2°/ L'article L. 3141-5, 5°, du code du travail porte-il atteinte au principe d'égalité garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 en ce qu'il introduit, du point de vue de l'acquisition des droits à congés payés des salariés dont le contrat de travail est suspendu en raison de la maladie, une distinction selon l'origine professionnelle ou non professionnelle de la maladie, qui est sans rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ? »

Examen des questions prioritaires de constitutionnalité

6. Les dispositions contestées sont applicables au litige, qui concerne les conditions d'acquisition de droits à congé payé d'une salariée pour les périodes pendant lesquelles, soit elle n'a pas exécuté de travail effectif en raison de son état de santé, soit son arrêt de travail n'a pas été assimilé à du travail effectif.

7. Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

8. La première question présente un caractère sérieux en ce que, en cas d'absence du salarié de l'entreprise en raison d'un arrêt de travail pour cause de maladie, cause indépendante de sa volonté, l'article L. 3141-3 du code du travail exclut tout droit à congé payé lorsque l'arrêt de travail a une origine non professionnelle et l'article L. 3141-5, 5°, du même code ne permet pas l'acquisition de droit à congé payé au-delà d'une période ininterrompue d'un an en cas d'arrêt de travail pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle.

9. La seconde question posée présente également un caractère sérieux en ce que l'article L. 3141-5, 5°, du code du travail traite de façon différente au regard du droit à congé payé les salariés en situation d'arrêt de travail pour cause de maladie, selon l'origine, professionnelle ou non, de la situation de santé qui a justifié l'arrêt de travail.

10. En conséquence, il y a lieu de les renvoyer au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

RENVOIE au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : M. Flores - Avocat général : Mme Berriat (premier avocat général) - Avocat(s) : Me Haas ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ; article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 ; articles L. 3141-3 et L. 3141-5, 5°, du code du travail.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.