Numéro 3 - Mars 2024

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2024

POSTES ET COMMUNICATIONS ELECTRONIQUES

Com., 27 mars 2024, n° 22-21.586, (B), FRH

Cassation

Communications électroniques – Communication au public en ligne – Prestataires techniques – Stockage d'informations – Informations à caractère illicite – Retrait – Obligation – Conditions – Détermination

Il résulte de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, en ses dispositions I.2, I.5 et I.7, dans sa rédaction issue de la loi n° 2020-766 du 24 juin 2020, que si l'autorité judiciaire peut prescrire, en référé ou sur requête, à tout hébergeur ou tout fournisseur d'accès à des services de communication au public en ligne, toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d'un tel service, elle ne peut soumettre cet hébergeur ou ce fournisseur d'accès à une obligation générale de surveillance des informations qu'il transmet et stocke ou de recherche des faits ou des circonstances révélant des activités illicites, qui l'obligerait à procéder à une appréciation autonome.

Communications électroniques – Communication au public en ligne – Prestataires techniques – Stockage d'informations – Obligation générale de surveillance et de recherche d'informations illicites – Exclusion – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 6 juillet 2022), s'estimant victime, depuis mars 2021, d'annonces frauduleuses usurpant son identité, diffusées sur le site leboncoin.fr, la société Olivo a assigné en référé l'hébergeur de ce site, la société LBC France (la société LBC), afin d'obtenir la cessation de la diffusion d'annonces faisant apparaître sa dénomination sociale, son RCS et son IBAN aux fins d'établir de faux devis, fausses commandes, portant sur la commercialisation de containers à usage maritime.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

3. La société LBC fait grief à l'arrêt d'interdire, sous astreinte, dans les huit jours de la signification de la décision, la diffusion d'annonces utilisant la dénomination sociale et/ou le numéro RCS et/ou l'IBAN de la société Olivo aux fins d'établir de faux devis, de fausses commandes portant sur la commercialisation de containers à usage maritime, alors :

« 1°/ que les personnes ayant le statut d'hébergeur ne sont pas soumis à une obligation générale de surveiller les informations qu'elles stockent ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites ; qu'ainsi, un juge ne peut imposer à un hébergeur une injonction de supprimer des contenus ou de bloquer l'accès à ceux-ci, lorsque les termes de cette injonction sont de nature à contraindre l'hébergeur à procéder à une appréciation autonome de la licéité des contenus en cause ; qu'en interdisant à la société LBC France, ayant le statut d'hébergeur, « la diffusion d'annonces utilisant la dénomination sociale et/ou le numéro RCS et/ou l'IBAN de la société Olivo aux fins d'établir de faux devis, de fausses commandes portant sur la commercialisation de containers à usage maritime », cependant que les termes mêmes de cette injonction contraignaient précisément la société LBC France à procéder à une appréciation autonome du contenu des annonces litigieuses afin de déterminer si celles-ci utilisaient les éléments spécifiés (dénomination sociale, numéro RCS, IBAN de la société Olivo) « aux fins d'établir de faux devis, de fausses commandes portant sur la commercialisation de containers à usage maritime », la cour d'appel a imposé des obligations excessives à la société LBC France et a ainsi violé l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 sur la confiance dans l'économie numérique ;

2°/ que le juge ne peut imposer à un hébergeur une obligation de surveillance non limitée dans le temps ; qu'en interdisant à la société LBC France « la diffusion d'annonces utilisant la dénomination sociale et/ou le numéro RCS et/ou l'IBAN de la société Olivo aux fins d'établir de faux devis, de fausses commandes portant sur la commercialisation de containers à usage maritime », sans assortir une telle injonction d'une limitation dans le temps, la cour d'appel a encore violé l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 sur la confiance dans l'économie numérique. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. La société Olivo conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit, la société LBC n'ayant ni soutenu dans ses conclusions que la mesure ordonnée par le premier juge aurait eu pour effet de la contraindre à procéder à une appréciation autonome de la licéité des contenus en cause, ni que la mesure ainsi ordonnée imposerait des obligations excessives à l'hébergeur en le contraignant à opérer un contrôle a priori du contenu des annonces qu'il diffuse, ni soutenu que l'obligation qui était mise à sa charge par le premier juge aurait dû être limitée dans le temps.

5. Cependant la société LBC avait invoqué dans ses conclusions l'impossibilité de la soumettre à une obligation générale de surveillance et critiqué les termes de l'interdiction prononcée par le premier juge « de diffusion d'annonces d'utilisateurs créant des comptes en renseignant la dénomination sociale et/ou le numéro unique d'identification (n° RCS) et/ou l'IBAN de la société Olivo (RCS Saint-Etienne n° 302 844 584) aux fins d'établir de faux devis, fausses commandes, portant sur la commercialisation de containers à usage maritime » en faisant valoir qu'il s'agissait d'une charge d'investigation imposant une appréciation subjective de l'illicéité des contenus.

6. Et, le grief relatif à l'absence de limitation dans le temps de la mesure, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, est de pur droit.

7. Les griefs sont donc recevables.

Bien fondé du moyen

Vu l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 en ses dispositions I.2, I.5 et I.7, dans sa rédaction issue de la loi n° 2020-766 du 24 juin 2020 :

8. Il résulte de ces textes que si l'autorité judiciaire peut prescrire, en référé ou sur requête, à tout hébergeur ou tout fournisseur d'accès à des services de communication au public en ligne, toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d'un tel service, elle ne peut soumettre cet hébergeur ou ce fournisseur d'accès à une obligation générale de surveillance des informations qu'il transmet et stocke ou de recherche des faits ou des circonstances révélant des activités illicites, qui l'obligerait à procéder à une appréciation autonome.

9. Pour interdire à la société LBC la diffusion d'annonces utilisant la dénomination sociale et/ou le numéro RCS et/ou l'IBAN de la société Olivo aux fins d'établir de faux devis, de fausses commandes portant sur la commercialisation de containers à usage maritime, l'arrêt retient, par motifs propres, que les éléments produits suffisent à retenir l'existence d'un dommage en terme d'image et de communication subi par la société Olivo et occasionné par le service en ligne géré par la société LBC, et, par motifs adoptés, que des annonces frauduleuses ont continué d'être diffusées sur le site leboncoin.fr en juillet 2021, la publication de ces annonces constituant un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser.

10. En mettant ainsi à la charge de la société LBC un dispositif non seulement non limité dans le temps mais aussi qui, portant sur d'éventuelles annonces à venir, aboutit à la soumettre à une obligation générale de surveillance des informations stockées, l'obligeant à une appréciation autonome du contenu de ces annonces, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 juillet 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Guillou - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier ; SCP Le Griel -

Textes visés :

Article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, en ses dispositions 1.2, 1.5, et 1.7, dans sa rédaction issue de la loi n° 2020-766 du 24 juin 2020.

Rapprochement(s) :

Sur les obligations de l'hébergeur en matière de stockage d'informations, à rapprocher : 1re Civ., 12 juillet 2012, pourvoi n° 11-13.666, Bull. 2012, I, n° 166 (cassation partielle).

1re Civ., 13 mars 2024, n° 22-12.345, (B), FS

Rejet

Communications électroniques – Fournisseur d'accès – Responsabilité – Action en justice – Prescription – Clause d'aménagement conventionnelle – Validité – Exclusion – Non-respect de la limite fixée à l'article 2254 du code civil

Il résulte des articles 14, alinéas 1 et 2, et 15, I, de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique qu'un fournisseur d'accès à un service de communications électroniques est responsable de plein droit à l'égard de son client de la bonne exécution des obligations résultant du contrat et qu'il ne peut s'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité qu'en apportant la preuve que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable, soit à son client, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d'un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure.

Les dispositions prévues à l'article 15, I, précité, étant d'ordre public en ce qu'elles concernent les contrats conclus entre les fournisseurs d'accès à un service de communications électroniques et leurs clients, la liberté contractuelle ne permet pas d'y déroger.

C'est à bon droit qu'une cour d'appel retient qu'une clause comprise dans un contrat cadre conclu entre un fournisseur d'accès à un service de communications électroniques et une association, qui étend la courte prescription de l'article L. 34-2 précité au-delà de son champ d'application, n'institue pas un délai de forclusion fixant un terme au droit d'agir dont est titulaire le créancier d'une obligation pré-déterminée à l'encontre du débiteur de celle-ci, mais a pour objet de réduire conventionnellement le délai de la prescription auquel sont soumises les actions en justice engagées par un client à l'encontre du fournisseur.

Doit être réputée non écrite la clause qui soumet l'action du client à une prescription d'un an après la survenance du fait générateur dès lors que, en raison de la fixation du point de départ du délai d'un an à un tel événement, cette clause réduit la prescription applicable en deçà de la limite fixée par l'article 2254 du code civil.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 janvier 2022), à partir de 2010, l'association ADAPEI-ARIA de Vendée (l'association), ayant pour activité les services aux personnes souffrant de handicap mental, psychique ou physique, a fait appel à la Société française du radiotéléphone (la société SFR), opérateur autorisé à établir et exploiter un réseau de communications ouvert au public, pour assurer l'ensemble des prestations téléphoniques et internet de ses établissements.

2. Le 24 juin 2016, l'association et la société SFR ont conclu un contrat-cadre comprenant des conditions générales de vente dont l'article 7.1 soumettant la société SFR à une obligation générale de moyens et précisant que sa responsabilité ne pourrait être engagée qu'en cas de faute prouvée et l'article 7.4 stipulant que de convention expresse entre les parties, aucune action judiciaire ou réclamation du client, quelle qu'elle soit, ne pourrait être engagée ou formulée contre la société SFR plus d'un an après la survenance du fait générateur.

3. Le 13 décembre 2018, invoquant des dysfonctionnements perturbant son activité entre 2017 et 2018, l'association a assigné la société SFR afin d'obtenir la communication des contrats, leur résolution et la réparation de ses préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et cinquième branches et sur le deuxième moyen, pris en ses première et quatrième branches

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

5. La société SFR fait grief à l'arrêt de réputer non écrit l'article 7.1 des conditions générales de vente des services SFR Business, alors :

« 2°/ qu'en matière de permanence des réseaux l'opérateur doit prendre les dispositions nécessaires pour assurer de manière permanente et continue l'exploitation du réseau et des services de communications électroniques et pour qu'il soit remédié aux effets de la défaillance du système dégradant la qualité du service pour l'ensemble ou une partie des clients, dans les délais les plus brefs (et) prend toutes les mesures de nature à garantir un accès ininterrompu aux services d'urgence », tandis que s'agissant de la disponibilité et la qualité des réseaux et services, il met en oeuvre les équipements et les procédures nécessaires, afin que les objectifs de qualité de service demeurent au niveau prévu par les normes en vigueur en particulier au sein de l'UIT et de l'ETSI, notamment pour ce qui concerne les taux de disponibilité et les taux d'erreur de bout en bout » ; qu'ainsi, à l'exception des services d'urgence, l'article D 98-4 du CPCE n'impose pas aux opérateurs une obligation de résultat, mais une obligation de moyens, à charge pour eux de tout mettre en oeuvre pour diminuer les taux d'erreur et remédier, le cas échéant, à bref délai, aux défaillances éventuelles du réseau ou des services ; qu'en affirmant au contraire que l'article 7-1 des conditions générales mettant à la charge de la société SFR une obligation de moyen contrevient tant aux dispositions tant de l'article D. 98-4 du code des postes et des communications électroniques qui impose des conditions de permanence, de qualité et de disponibilité du réseau et du service », la cour d'appel a violé l'article D 98-4 du code des postes et des télécommunications électroniques dans sa rédaction applicable au litige, ainsi que l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°/ que toute personne physique ou morale exerçant l'activité définie au premier alinéa de l'article 14 de la loi est responsable de plein droit à l'égard de l'acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d'autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci : que ce texte qui renvoie expressément aux obligations résultant du contrat ne modifie pas l'étendue et la nature des obligations contractuelles, mais institue seulement un interlocuteur unique auquel le client pourra s'adresser même si les obligations contractuelles inexécutées incombaient à un autre prestataire ; qu'en décidant que l'article 7-2 des conditions générales de vente soumettant la société SFR à une obligation générale de moyens contrevient aux dispositions de l'article 15 de la loi LCEN du 21 juin 2004, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

4°/ qu'en toute hypothèse, l'article 15 § 1 de la loi dite LCEN du 21 juin 2004 prévoyant une responsabilité de plein droit de l'opérateur n'est pas d'ordre public ; qu'en affirmant que l'article 7-1 des conditions générale soumettant la société SFR à une obligation générale » de moyens, contrevient aux dispositions de l'article 15 de la loi LCEN du 21 juin 2004 qui posent une responsabilité de plein droit de l'opérateur téléphonique quand les parties pouvaient déroger contractuellement à cette règle, la cour d'appel a violé l'article 15 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique, ensemble l'article 6 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte des articles 14, alinéas 1 et 2, et 15, I, de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique qu'un fournisseur d'accès à un service de communications électroniques est responsable de plein droit à l'égard de son client de la bonne exécution des obligations résultant du contrat et qu'il ne peut s'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité qu'en apportant la preuve que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable, soit à son client, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d'un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure.

7. Les dispositions prévues à l'article 15, I, précité, étant d'ordre public en ce qu'elles concernent les contrats conclus entre les fournisseurs d'accès à un service de communications électroniques et leurs clients, la liberté contractuelle ne permet pas d'y déroger.

8. Ayant constaté que la clause prévue à l'article 7.1 soumettait la société SFR à une obligation générale de moyens, la cour d'appel en a déduit à bon droit qu'elle contrevenait aux dispositions de l'article 15, I, de sorte qu'elle devait être réputée non écrite et a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.

9. Le moyen, inopérant en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus.

Sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

10. La société SFR fait grief à l'arrêt de réputer non écrit l'article 7.4 des conditions générales de vente des services SFR Business, alors « que la clause qui institue un terme au droit d'agir du créancier d'une obligation n'est pas un délai de prescription mais un délai de forclusion ; qu'une telle clause est licite ; qu'en décidant au contraire que la société SFR ne pouvait pas prévoir une prescription annale analogue à celle de l'article L. 34-2 du code des postes et communications électroniques » conduisant à étendre de façon générale la courte prescription prévue dans un cas précis par l'article L. 34-2, la cour d'appel a violé les articles 1134 ancien du code civil devenu 1103 du même code, et 1171 du code civil. »

Réponse de la Cour

11. C'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que l'article 7.4 du contrat-cadre, qui étend la courte prescription de l'article L. 34-2 précité au-delà de son champ d'application, n'institue pas un délai de forclusion fixant un terme au droit d'agir dont est titulaire le créancier d'une obligation pré-déterminée à l'encontre du débiteur de celle-ci, mais a pour objet de réduire conventionnellement le délai de la prescription auquel sont soumises les actions en justice engagées par un client à l'encontre de la société SFR.

12. Le moyen n'est pas fondé.

Sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

13. La société SFR fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en toute hypothèse, selon l'article 2254 du code civil, la durée de la prescription peut être abrégée ou allongée par accord des parties mais ne peut être réduite à moins d'un an ni étendue à plus de dix ans ; que l'article 34-2 du code des postes et des communications électroniques instaurant une prescription annale en faveur des opérateurs pour toutes demandes des usagers en restitution du prix de leurs prestations de communications électroniques ne déroge pas à cette règle ; qu'en affirmant au contraire que l'article 7-4 des conditions générales de vente ne pouvait pas étendre cette courte prescription annale au-delà du cas précis prévu à l'article 34-2 du CPCE, la cour d'appel a violé les textes susvisés ainsi que l'article 1171 du code civil. »

Réponse de la Cour

14. Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

15. Selon l'article 2254, alinéa 1er, du code civil, la durée de la prescription peut être abrégée ou allongée par accord des parties. Elle ne peut toutefois être réduite à moins d'un an ni étendue à plus de dix ans.

16. Il s'en déduit que la prescription d'une action ne peut être réduite conventionnellement à moins d'un an à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

17. L'arrêt constate que la clause prévue à l'article 7.4 soumettait l'action du client à une prescription d'un an après la survenance du fait générateur.

18. Il en résulte qu'en raison de la fixation du point de départ du délai d'un an à un tel événement, cette clause réduisait la prescription applicable en deçà de la limite fixée par l'article 2254 du code civil, de sorte qu'elle devait être réputée non écrite.

19. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié de ce chef.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

20. La société SFR fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation, aux torts de la société SFR, des contrats conclus avec l'association, alors :

« 1°/ que pour prononcer la résiliation des contrats aux torts de la société SFR, la cour d'appel a expressément retenu qu'il a été vu supra que la clause décrétant une obligation de moyens de l'opérateur SFR devait être réputée non écrite (et que) la société SFR est donc soumise à une obligation de résultat quant à la fourniture des prestations prévues au contrat, sauf à démontrer un cas de force majeure ou une cause étrangère » ; que dès lors, la censure à intervenir sur le premier moyen, entraînera également, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé la résiliation des contrats, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°/ que pour prononcer la résiliation des contrats aux torts de la société SFR, la cour d'appel s'est fondée sur des incidents antérieurs au 13 décembre 2017, soit au-delà de la durée d'un an avant la délivrance de l'assignation » dans la mesure où la forclusion annale opposée par la société SFR (a) été écartée » ; que dès lors, la censure à intervenir sur le deuxième moyen, entraînera également, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé la résiliation des contrats, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

3°/ que, pour prononcer la résiliation d'un contrat aux torts d'une partie, le juge doit établir que les manquements relevés sont d'une gravité suffisante ; qu'en se bornant à affirmer que l'action de l'ADAPEI en faveur des personnes handicapées nécessite un réseau téléphonique et opérationnel dans l'ensemble de ses établissements, la cour d'appel qui a statué par des motifs généraux impropres à caractériser les éléments et le degré de gravité justifiant la résiliation, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

4°/ que la société SFR avait précisément fait valoir que le nombre et la gravité des incidents qui lui étaient reprochés par l'ADAPEI devaient être relativisés au regard du nombre de lignes concernées par le contrat cadre conclu en juin 2016 (414 lignes mobiles, 904 lignes fixes et 54 groupements de lignes), et de la nécessité de déclarer un incident pour chaque ligne concernée ; qu'en se bornant à comptabiliser le nombre d'incidents prétendument rencontrés par l'ADAPEI au cours de l'année 2017, sans répondre à ces conclusions déterminantes de nature à limiter l'impact et la gravité de ces incidents, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

16. D'une part, les premier et deuxième moyens étant rejetés, le troisième moyen, pris en ses première et deuxième branches, qui invoque une cassation par voie de conséquence, est sans portée.

21. D'autre part, ayant retenu que l'association avait subi des dysfonctionnements récurrents pendant plusieurs mois entre 2017 et 2018 et que l'association avait dû faire face à des coupures à répétition et supporter un service dégradé alors que, pour l'accomplissement de ses missions en faveur des personnes handicapées et la communication avec les organismes sociaux, il était nécessaire qu'elle dispose d'un réseau téléphonique et internet opérationnel dans l'ensemble de ses établissements, la cour d'appel, qui a fait ressortir la gravité du manquement de la société SFR à ses obligations contractuelles et n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Champalaune - Rapporteur : Mme Robin-Raschel - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; Me Haas -

Textes visés :

Articles 14, alinéas 1 et 2, et 15, I, de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique ; article 2254 du code civil.

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