Numéro 3 - Mars 2024

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2024

REPRESENTATION DES SALARIES

Soc., 6 mars 2024, n° 22-13.672, (B) (R), FS

Cassation

Cadre de la représentation – Unité économique et sociale – Révision – Négociation de l'accord – Organisations syndicales habilitées – Détermination – Portée

Il résulte des articles L. 2313-8 et L. 2313-9 du code du travail que l'accord collectif portant reconnaissance d'une unité économique et sociale, dont l'objet est essentiellement de mettre en place un comité social et économique selon les règles de droit commun prévues par le code du travail, ne constitue ni un accord interentreprises qui permet la mise en place, dans les conditions prévues par l'article L. 2313-9 du code du travail, d'un comité social et économique spécifique entre des entreprises d'un même site ou d'une même zone et dont les attributions seront définies par l'accord interentreprises, ni un accord interentreprises permettant de définir les garanties sociales des salariés de ces entreprises dans les conditions prévues par les articles L. 2232-36 à L. 2232-38 du code du travail.

La Cour de cassation juge qu'une unité économique et sociale ne pouvant être reconnue qu'entre des entités juridiques distinctes prises dans l'ensemble de leurs établissements et de leur personnel, toutes les organisations syndicales représentatives présentes dans ces entités doivent être invitées à la négociation portant sur la reconnaissance entre elles d'une unité économique et sociale (Soc., 10 novembre 2010, pourvoi n° 09-60.451, Bull. 2010, V, n° 256).

Elle juge également que la reconnaissance ou la modification conventionnelle d'une unité économique et sociale ne relève pas du protocole d'accord préélectoral mais de l'accord collectif signé, aux conditions de droit commun, par les syndicats représentatifs au sein des entités faisant partie de cette unité économique et sociale (Soc., 14 novembre 2013, pourvoi n° 13-12.712, Bull. 2013, V, n° 266, publié au Rapport annuel).

En conséquence, doit être censuré l'arrêt qui déboute un syndicat représentatif dans une des entités appelées à composer l'unité économique et sociale envisagée, de sa demande d'enjoindre à une société, agissant pour le compte de l'unité économique et sociale, de l'inviter à la négociation de l'accord portant révision de l'unité économique et sociale, aux motifs que ce syndicat n'avait pas franchi aux dernières élections professionnelles le seuil de 10 % des suffrages exprimés à l'échelle de l'ensemble des entreprises concernées par l'accord envisagé, alors que les articles L. 2232-36 à L. 2232-38 du code du travail n'étaient pas applicables.

Cadre de la représentation – Unité économique et sociale – Reconnaissance – Reconnaissance résultant d'un accord collectif – Négociation de l'accord – Organisations syndicales habilitées – Détermination – Portée

Cadre de la représentation – Unité économique et sociale – Reconnaissance – Reconnaissance résultant d'un accord collectif – Validité – Conditions – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 janvier 2022) et les pièces de la procédure, la société Capgemini et plusieurs de ses filiales constituent depuis 1984 une unité économique et sociale (l'UES Capgemini).

Le périmètre de celle-ci a été modifié à plusieurs reprises et, en dernier lieu, le 30 juillet 2014, le 16 juin 2017 et le 11 janvier 2019.

2. A la suite de l'acquisition du groupe Altran par le groupe Capgemini, la société Capgemini France, agissant pour le compte de l'ensemble des sociétés composant l'UES Capgemini, a engagé le 13 novembre 2020 une négociation portant sur l'éventuelle extension du périmètre de l'UES Capgemini aux sociétés du groupe Altran.

3. Le 20 janvier 2021, le syndicat Les Indépendants engagés UNSA (le syndicat UNSA) a saisi le tribunal judiciaire, selon la procédure à jour fixe, afin d'ordonner à la société Capgemini France, agissant pour le compte des sociétés de l'UES Capgemini, de l'inviter à la négociation ouverte le 13 novembre 2020 et portant sur la modification de la configuration de l'UES Capgemini.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

4. Le syndicat UNSA fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors :

« 3°/ qu'une unité économique et sociale ne pouvant être reconnue qu'entre des entités juridiques distinctes prises dans l'ensemble de leurs établissements et de leur personnel, toutes les organisations syndicales représentatives présentes dans ces entités doivent être invitées à la négociation portant sur la reconnaissance entre elles d'une unité économique et sociale ou sur la modification de celle existant déjà ; qu'en statuant dès lors comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles L. 2232-37 et L. 2232-38 du code du travail, ensemble l'article L. 2313-8 du code du travail ;

4°/ que l'accord du 11 janvier 2019 portant sur la configuration de l'UES Capgemini prévoit qu'en cas d'acquisition de sociétés ou de prise de participation majoritaire au capital d'une société ou de partenariat avec une société tierce, les signataires de l'accord actualiseront le périmètre de l'UES Capgemini par voie d'avenant ; que l'accord prévoit encore que la direction s'engage à convoquer les organisations syndicales représentatives en cas d'acquisition de sociétés ou de prise de participation majoritaire par le groupe en France, pour négocier un avenant sur l'intégration dans l'UES ; que la cour d'appel a constaté que l'accord négocié litigieux est relatif à la révision du périmètre de l'UES Capgemini ; qu'en jugeant, au motif erroné et en tous les cas inopérants que l'accord aurait constitué un accord interentreprises, que le syndicat Lien-UNSA, dont la représentativité dans le périmètre de l'UES existante et tel que résultant de l'accord du 11 janvier 2019 n'était pas contestée, n'avait pas à être invité à la négociation de l'avenant à cet accord pour actualiser le périmètre de l'UES, la cour d'appel a violé l'accord collectif du 11 janvier 2019, ensemble l'article L. 2313-8 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2313-8 et L. 2313-9 du code du travail :

5. Aux termes de l'article L. 2313-8 du code du travail figurant dans la sous section 2 intitulée « Mise en place du comité social et économique au niveau de l'unité économique et sociale », lorsqu'une unité économique et sociale regroupant au moins onze salariés est reconnue par accord collectif ou par décision de justice entre plusieurs entreprises juridiquement distinctes, un comité social et économique commun est mis en place. Des comités sociaux et économiques d'établissement et un comité social et économique central d'entreprise sont constitués dans les unités économiques et sociales comportant au moins deux établissements. Un accord d'entreprise conclu au niveau de l'unité économique et sociale dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2232-12 détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts.

En l'absence d'un tel accord et en l'absence de délégué syndical désigné au niveau de l'unité économique et sociale, un accord entre les entreprises regroupées au sein de l'unité économique et sociale et le comité social et économique, adopté à la majorité des membres titulaires élus de la délégation du personnel du comité, peut déterminer le nombre et le périmètre des établissements distincts.

En l'absence d'accord d'entreprise ou d'accord conclu avec le comité social et économique, l'un des employeurs mandatés par les autres fixe le nombre et le périmètre des établissements distincts, compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel.

En cas de litige portant sur cette décision, le nombre et le périmètre des établissements distincts sont fixés par l'autorité administrative du siège de l'entreprise qui a pris la décision dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. Lorsqu'elle intervient dans le cadre d'un processus électoral global, la saisine de l'autorité administrative suspend ce processus jusqu'à la décision administrative et entraîne la prorogation des mandats des élus en cours jusqu'à la proclamation des résultats du scrutin.

La décision de l'autorité administrative peut faire l'objet d'un recours devant le juge judiciaire, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux.

6. Aux termes de l'article L. 2313-9 du code du travail figurant dans la sous section 3 intitulée « Mise en place du comité social et économique interentreprises », lorsque la nature et l'importance de problèmes communs aux entreprises d'un même site ou d'une même zone le justifient, un accord collectif interentreprises conclu entre les employeurs des entreprises du site ou de la zone et les organisations syndicales représentatives au niveau interprofessionnel ou au niveau départemental peut mettre en place un comité social et économique interentreprises.

L'accord définit :

1° Le nombre de membres de la délégation du personnel du comité social et économique interentreprises ;

2° Les modalités de leur élection ou désignation ;

3° Les attributions du comité social et économique interentreprises ;

4° Les modalités de fonctionnement du comité social et économique interentreprises.

L'accord collectif peut également décider que dans les entreprises d'au moins onze salariés du site ou de la zone ayant mis en place un comité social et économique, un membre de la délégation du personnel de chaque comité social et économique participe aux réunions mensuelles.

7. Il résulte de ces deux dispositions que l'accord collectif portant reconnaissance d'une unité économique et sociale, dont l'objet est essentiellement de mettre en place un comité social et économique selon les règles de droit commun prévues par le code du travail, ne constitue ni un accord interentreprises qui permet la mise en place, dans les conditions prévues par l'article L. 2313-9 du code du travail, d'un comité social et économique spécifique entre des entreprises d'un même site ou d'une même zone et dont les attributions seront définies par l'accord interentreprises, ni un accord interentreprises permettant de définir les garanties sociales des salariés de ces entreprises dans les conditions prévues par les articles L. 2232-36 à L. 2232-38 du code du travail.

8. La Cour de cassation juge qu'une unité économique et sociale ne pouvant être reconnue qu'entre des entités juridiques distinctes prises dans l'ensemble de leurs établissements et de leur personnel, toutes les organisations syndicales représentatives présentes dans ces entités doivent être invitées à la négociation portant sur la reconnaissance entre elles d'une unité économique et sociale (Soc., 10 novembre 2010, pourvoi n° 09-60.451, Bull. 2010, V, n° 256).

9. Elle juge également que la reconnaissance ou la modification conventionnelle d'une unité économique et sociale ne relève pas du protocole d'accord préélectoral mais de l'accord collectif signé, aux conditions de droit commun, par les syndicats représentatifs au sein des entités faisant partie de cette unité économique et sociale (Soc., 14 novembre 2013, pourvoi n° 13-12.712, Bull. 2013, V, n° 266, publié au Rapport annuel).

10. En l'espèce, l'arrêt retient que l'accord négocié entre des entreprises juridiquement distinctes est relatif à la révision du périmètre de l'UES Capgemini et à l'UES à instituer entre les sociétés composant l'UES Capgemini, les sociétés de l'UES Altran et la société Altran Connected solutions, que, négocié entre des entreprises juridiquement distinctes, il constitue un accord interentreprises dans les termes de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, que cet accord relève donc du régime des articles L. 2232-36 et L. 2232-37 du code du travail, que les organisations syndicales ayant vocation à participer à la négociation sont celles qui, par cumul des voix obtenues au niveau de chacune des entreprises concernées, soit à l'échelle de l'ensemble des entreprises concernées, ont franchi le seuil de 10 %, sans qu'il y ait lieu de faire de distinction entre la représentativité des organisations présentes au niveau de l'UES Capgemini et au niveau des entreprises entrantes, et que le syndicat UNSA n'avait pas franchi aux dernières élections professionnelles le seuil de 10 % des suffrages exprimés à l'échelle de l'ensemble des entreprises concernées.

11. En statuant ainsi, alors que l'accord de révision d'un accord portant reconnaissance d'une unité économique et sociale ne constitue pas un accord interentreprises, de sorte que, les articles L. 2232-36 à L. 2232-38 du code du travail n'étant pas applicables, le syndicat UNSA devait être invité à la négociation de l'accord portant révision de l'unité économique et sociale, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Ollivier - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet ; SCP Fabiani-Pinatel ; SCP Spinosi -

Textes visés :

Articles L. 2313-8, L. 2313-9, L. 2232-36 à L. 2232-38 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur le principe selon lequel la reconnaissance et la modification conventionnelles de l'unité économique et sociale doivent être dissociées du processus électoral, à rapprocher : Soc., 14 novembre 2013, pourvoi n° 13-12.712, Bull. 2013, V, n° 266 (rejet), et l'arrêt cité. Sur la règle selon laquelle une unité économique et sociale ne peut être reconnue qu'entre des entités juridiques distinctes prises dans l'ensemble de leurs établissements et de leur personnel, à rapprocher : Soc., 10 novembre 2010, pourvoi n° 09-60.451, Bull. 2010, V, n° 256 (rejet).

Soc., 20 mars 2024, n° 23-18.331, (B), FRH

Cassation partielle sans renvoi

Comité social et économique – Représentant syndical au comité social et économique – Désignation – Délégué syndical – Exclusion – Entreprise de moins de cinquante salariés – Portée

Il résulte de la combinaison des articles L. 2143-3, L. 2143-6, L. 2143-22, L.2312-1 et L. 2314-2 du code du travail que le législateur n'a prévu la possibilité de désigner un représentant syndical au comité social et économique distinct du délégué syndical que dans les entreprises de plus de trois cents salariés et que, dans les entreprises de moins de cinquante salariés dans lesquelles la désignation d'un délégué syndical en application des dispositions de droit commun de l'article L. 2143-3 du code du travail est exclue, les dispositions de l'article L. 2143-22 ne sont pas applicables. Il en est de même de la désignation dérogatoire, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, d'un délégué syndical résultant d'une disposition conventionnelle, telle que l'article 8 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.

Comité social et économique – Représentant syndical au comité social et économique – Désignation – Membre de droit – Délégué syndical – Possibilité – Entreprise de moins de cinquante salariés – Exclusion – Portée

Délégué syndical – Désignation – Conditions – Effectif de l'entreprise – Entreprise de plus de trois cent salariés – Désignation du représentant syndical – Représentant distinct du délégué syndical – Désignation – Possibilité

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Chambéry, 5 juillet 2023), le syndicat Union départementale FO-Savoie a notifié, le 7 juin 2023, à l'association [4] [Adresse 5] (l'association), qui emploie moins de cinquante salariés, la désignation de Mme [Y] en qualité de représentant syndical au comité social et économique (CSE), laquelle salariée a été désignée en même temps par ce même syndicat en qualité de délégué syndical par application de l'article 8 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.

2. Le 21 juin 2023, l'employeur a saisi le tribunal judiciaire aux fins d'annuler la désignation en qualité de représentant syndical au comité social et économique de la salariée, dont elle précise ne pas contester la désignation en tant que délégué syndical.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'association fait grief au jugement de rejeter sa demande tendant à annuler la désignation de la salariée comme représentante syndicale au comité social et économique, à dire de nul effet la désignation et le mandat de représentante syndicale au comité social et économique de la salariée et à ce qu'il lui soit fait interdiction d'exercer des fonctions et attributions de représentante syndicale au CSE en son sein, alors « que dans une entreprise de moins de cinquante salariés, le salarié désigné comme délégué syndical ne peut pas être investi du mandat de représentant syndical, même s'il ne figure pas parmi les représentants élus au CSE ; qu'en validant la désignation comme représentant syndical au CSE, de Mme [Y] qui avait été désignée comme délégué syndical, en application de l'article 8 de la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées au 15 mars 1966, sans être élue au CSE et y avoir voix délibérative, et qui n'était pas exposée à un cumul incompatible en qualité de représentant syndical avec voix consultative, le tribunal a violé les articles L. 2314-2, L. 2143-3, L. 2143-6 et L. 2143-22 du code du travail, ensemble l'article 8 de la Convention collective nationale des établissements et services personnes inadaptées du 15 mars 1966. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2314-2, L. 2143-3, L. 2143-6 et L. 2143-22 du code du travail :

4. Aux termes de l'article L. 2314-2 du code du travail, sous réserve des dispositions applicables dans les entreprises de moins de trois cents salariés, prévues à l'article L. 2143-22, chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement peut désigner un représentant syndical au comité. Il assiste aux séances avec voix consultative. Il est choisi parmi les membres du personnel de l'entreprise et doit remplir les conditions d'éligibilité au comité social et économique fixées à l'article L. 2314-19.

5. Selon l'article L. 2143-22 du même code, dans les entreprises de moins de trois cents salariés et dans les établissements appartenant à ces entreprises, le délégué syndical est, de droit, représentant syndical au comité social et économique.

Le délégué syndical est, à ce titre, destinataire des informations fournies au comité social et économique.

6. Aux termes de l'article L. 2143-3 du même code, chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement d'au moins cinquante salariés, qui constitue une section syndicale, désigne parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli à titre personnel et dans leur collège au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants, dans les limites fixées à l'article L. 2143-12, un ou plusieurs délégués syndicaux pour la représenter auprès de l'employeur.

La désignation d'un délégué syndical peut intervenir lorsque l'effectif d'au moins cinquante salariés a été atteint pendant douze mois consécutifs.

7. Enfin, selon l'article L. 2143-6 du code du travail, dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs dans l'établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un membre de la délégation du personnel au comité social et économique comme délégué syndical. Sauf disposition conventionnelle, ce mandat n'ouvre pas droit à un crédit d'heures.

Le temps dont dispose le membre de la délégation du personnel au comité social et économique pour l'exercice de son mandat peut être utilisé dans les mêmes conditions pour l'exercice de ses fonctions de délégué syndical.

8. Par ailleurs, selon l'article L. 2312-1 du code du travail, les attributions du comité social et économique sont définies en fonction de l'effectif des entreprises, celles du comité social et économique des entreprises de moins de cinquante salariés étant définies par la section II du chapitre, notamment l'article L. 2312-5, tandis que celles du comité social et économique dans les entreprises d'au moins cinquante salariés sont définies à la section III du même chapitre.

9. Il résulte de la combinaison de ces textes que le législateur n'a prévu la possibilité de désigner un représentant syndical au comité social et économique distinct du délégué syndical que dans les entreprises de plus de trois cents salariés et que, dans les entreprises de moins de cinquante salariés dans lesquelles la désignation d'un délégué syndical en application des dispositions de droit commun de l'article L. 2143-3 du code du travail est exclue, les dispositions de l'article L. 2143-22 ne sont pas applicables.

La désignation dérogatoire, maintenue par le législateur, d'un membre de l'institution représentative du personnel prévue dans les entreprises de moins de cinquante salariés comme délégué syndical, sans crédit d'heures de délégation supplémentaire, en application des dispositions de l'article L. 2143-6 du même code, n'a pas pour conséquence de rendre applicable la possibilité de désigner un représentant syndical auprès du comité social et économique des entreprises de moins de cinquante salariés. Il en est de même de la désignation dérogatoire, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, d'un délégué syndical résultant d'une disposition conventionnelle, telle que l'article 8 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.

10. Pour rejeter la demande en annulation de la désignation de la salariée en qualité de représentant syndical au comité social et économique, le jugement, après avoir constaté que l'association emploie moins de cinquante salariés, retient que si le cumul entre les mandats de délégué syndical désigné en vertu de l'article L. 2143-6 du code du travail et de représentant syndical au comité social et économique dans les entreprises de moins de cinquante salariés est exclu, ce n'est que parce qu'un salarié ne peut pas siéger simultanément dans le même comité social et économique en qualité à la fois de membre élu, titulaire ou suppléant, et de représentant syndical auprès de celui-ci, compte tenu de l'impossibilité d'exercer, en même temps, les fonctions délibératives qui sont les siennes en sa qualité d'élu et les fonctions consultatives liées à son mandat de représentant syndical, lorsqu'il est désigné par une organisation syndicale. Constatant que la salariée a été désignée en qualité de délégué syndical en application de l'article 8 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, le jugement ajoute que la salariée n'a pas déjà voix délibérative au comité social et économique et ne risque donc pas un cumul incompatible en qualité de représentant syndical avec voix consultative.

11. En statuant ainsi, le tribunal a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute l'association [4] [Adresse 5] de ses demandes tendant à voir annulée la désignation du 7 juin 2023 par le syndicat Union départementale FO-Savoie de Mme [Y] en qualité de représentant syndical au comité social et économique, dire de nul effet la désignation et le mandat de représentant syndical au comité social et économique de Mme [Y] et à ce qu'il soit fait interdiction à celle-ci d'exercer des fonctions et attributions de représentant syndical au comité social et économique au sein de l'[4] [Adresse 5], le jugement rendu le 5 juillet 2023, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Chambéry ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Annule la désignation du 7 juin 2023 de Mme [Y] par le syndicat Union départementale FO-Savoie en qualité de représentant syndical au comité social et économique de l'association [4] [Adresse 5].

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Ott - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Boullez -

Textes visés :

Articles L. 2314-2, L. 2143-3, L. 2143-6 et L. 2143-22 du code du travail.

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