Numéro 3 - Mars 2024

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2024

COURS ET TRIBUNAUX

2e Civ., 21 mars 2024, n° 22-13.906, (B), FRH

Rejet

Composition – Règles communes – Irrégularité – Contestation – Moment – Détermination

Selon l'article 430, alinéa 2, du code de procédure civile, les contestations afférentes à la régularité de la composition de la juridiction doivent être présentées, à peine d'irrecevabilité, dès l'ouverture des débats ou dès la révélation de l'irrégularité si celle-ci survient postérieurement.

Dès lors, est irrecevable le moyen de la caisse pris de l'irrégularité de la composition de la juridiction qui n'a pas été soulevé devant le tribunal, dès l'ouverture des débats, au cours desquels la caisse était représentée.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Boulogne-sur-mer, 28 janvier 2022), rendu en dernier ressort, M. [B] (l'assuré), après contestation par un courrier du 10 avril 2020 des retenues opérées par la caisse de mutualité sociale agricole du Nord-Pas-de-Calais (la caisse) sur les indemnités journalières qu'elle lui avait versées, dont la caisse a accusé réception le 29 mai 2020, a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief au jugement de déclarer le recours formé par l'assuré recevable et de la condamner au paiement d'une certaine somme en règlement des indemnités journalières, alors « que le pôle social du tribunal judiciaire statue en formation collégiale ; que dans le cas où la formation collégiale est incomplète, l'audience est reportée à une date ultérieure, sauf accord des parties pour que le président statue seul après avoir recueilli, le cas échéant, l'avis de l'assesseur présent ; que l'audience ne pouvant être reportée plus d'une fois, dans le cas où, à la deuxième audience, la formation collégiale ne peut à nouveau siéger au complet, le président statue seul après avoir recueilli, le cas échéant, l'avis de l'assesseur présent ; qu'en statuant à juge unique au prétexte que la formation collégiale ne pouvait siéger au complet, sans indiquer que les parties avaient donné leur accord pour que l'audience ne soit pas reportée et pour que le président statue seul, le tribunal, qui n'a pas constaté que l'audience avait déjà été reportée une première fois, a violé l'article L. 218-1 alinéa du code de l'organisation judiciaire, dans sa version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 1, du même code.

5. Selon l'article 430, alinéa 2, du code de procédure civile, les contestations afférentes à la régularité de la composition de la juridiction doivent être présentées, à peine d'irrecevabilité, dès l'ouverture des débats ou dès la révélation de l'irrégularité si celle-ci survient postérieurement.

6. Il résulte des énonciations du jugement que le moyen pris de l'irrégularité de la composition de la juridiction n'a pas été soulevé devant le tribunal, dès l'ouverture des débats, au cours desquels la caisse était représentée.

7. Le moyen est, dès lors, irrecevable.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

8. La caisse fait grief au jugement de déclarer le recours formé par l'assuré recevable, alors « que la contestation portée devant le directeur de l'organisme de sécurité sociale ne vaut pas saisine de la commission de recours amiable, qui est un organe distinct, et ne fait pas obstacle à ce que la forclusion soit opposée à l'assuré ; qu'en l'espèce, le conseil de l'assuré, le 10 avril 2020, s'est adressé au directeur de la caisse afin de lui demander de communiquer les éléments sur la base desquels les diverses retenues avaient été opérées ou de procéder à leur annulation ; qu'en considérant qu'une telle interpellation du directeur de la caisse valait saisine de la commission de recours amiable dès lors que la caisse avait répondu, le 29 mai 2020, qu'elle accusait réception du recours amiable et que le dossier allait faire l'objet d'une instruction au terme de laquelle il serait examiné par la commission de recours amiable, le tribunal a violé les articles L. 142-4 et R. 142-1 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable. »

Réponse de la Cour

9. Selon l'article L. 142-4 du code de la sécurité sociale, les recours contentieux formés en matière d'application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole sont précédés d'un recours préalable.

10. Selon l'article R. 142-1-A, I, du code de la sécurité sociale, sous réserve des dispositions particulières prévues par la section 2 du chapitre 2 du titre IV du livre I et des autres dispositions législatives ou réglementaires applicables, la motivation des décisions prises par les autorités administratives et les organismes de sécurité sociale ainsi que les recours préalables mentionnés à l'article L. 142-4 du même code, sont régis par les dispositions du code des relations du public avec l'administration.

11. Aux termes de l'article L. 114-2 du code des relations du public avec l'administration, lorsqu'une demande est adressée à une administration incompétente, cette dernière la transmet à l'administration compétente et en avise l'intéressé.

12. Le jugement constate que dans un courrier daté du 29 mai 2020, la caisse a qualifié de recours amiable le courrier adressé par le conseil de l'assuré en indiquant : « Nous accusons réception en date du 10 avril 2020 de votre recours amiable. Votre dossier va faire l'objet d'une instruction au terme de laquelle il sera examiné par la Commission de Recours Amiable ». Il retient que la caisse ne saurait reprocher à l'assuré, sans se contredire elle-même, de s'être fié au contenu de ce courrier.

13. De ces constatations et énonciations, le tribunal a exactement déduit que l'assuré ayant exercé un recours amiable préalable le 10 avril 2020 avant de saisir la juridiction, son recours était recevable.

14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : M. Rovinski - Avocat général : Mme Pieri-Gauthier - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 430, alinéa 2, du code de procédure civile ; articles R. 142-1-A, I, L. 114-2 et L. 142-4 du code de la sécurité sociale.

2e Civ., 7 mars 2024, n° 22-10.337, (B), FRH

Cassation partielle

Cour d'appel – Ordonnance déférée à la cour d'appel – Pouvoirs – Etendue – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 15 novembre 2021), Mme [U] [X] épouse [T], M. [G] [T], Mme [O] [T] et M. [A] [T] (les consorts [T]) ont assigné les sociétés civiles immobilières Le Souleiha du Cordie, le Clos de la Bourdette, Saint Jean de L'Hers, Saint Jean du Parc, Saint Jean l'Ormeau, Saint Jean Montaudran, Sodere et la société Télé Montaudran, dans lesquelles ils détiennent des parts au titre de la succession de [W] [X], ainsi que le gestionnaire de ces biens, la société Cabinet l'immeuble, et son gérant M. [C] afin d'obtenir le versement de dividendes et de dommages et intérêts.

2. Les sociétés civiles immobilières Le Souleiha du Cordie, le Clos de la Bourdette, Saint Jean de L'Hers, Saint Jean du Parc, Saint Jean l'Ormeau, Saint Jean Montaudran, Sodere, la société Télé Montaudran, la société Cabinet l'immeuble et M. [C] ont fait appel, par déclaration du 3 avril 2019, du jugement d'un tribunal de grande instance les ayant condamnés à verser diverses sommes aux consorts [T].

3. Les consorts [T] ont déféré à la cour d'appel l'ordonnance d'un conseiller de la mise en état ayant déclaré nulle la déclaration d'appel de la société Télé Montaudran et ayant rejeté les demandes tendant à voir déclarer l'appel des autres sociétés irrecevables.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La société Cabinet l'immeuble, M. [C], les sociétés civiles immobilières Le Souleiha du Cordie, le Clos de la Bourdette, Saint Jean de L'Hers, Saint Jean du Parc, Saint Jean l'Ormeau, Saint Jean Montaudran, Sodere et la société Télé Montaudran font grief à l'arrêt de constater la caducité de la déclaration d'appel formée le 5 avril 2019 dans leur intérêt, alors « que si de nouveaux moyens de défense peuvent être opposés à l'occasion du déféré pour contester l'ordonnance du conseiller de la mise en état, la cour d'appel statuant sur déféré ne peut connaître de prétentions qui n'ont pas été soumises au conseiller de la mise en état ; qu'en énonçant que la caducité de l'appel pourrait être invoquée pour la première fois devant la cour d'appel statuant sur le déféré formé contre l'ordonnance du conseiller de la mise en état, la cour d'appel a violé les articles 914 et 916 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. Les défendeurs contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit.

6. Cependant, le moyen, ne se prévalant d'aucun fait qui n'ait été constaté par la cour d'appel, est de pur droit et peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation.

7. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 914 et 916 du code de procédure civile :

8. Il résulte de ces textes que si de nouveaux moyens de défense peuvent être opposés à l'occasion du déféré pour contester l'ordonnance du conseiller de la mise en état, la cour d'appel, statuant sur déféré, ne peut connaître de prétentions qui n'ont pas été soumises au conseiller de la mise en état.

9. Pour constater la caducité de la déclaration d'appel formée le 5 avril 2019, l'arrêt retient que les consorts [T] ont soulevé pour la première fois en déféré la caducité de l'appel, prétention qui peut effectivement être présentée à tout moment de la procédure d'appel, en ce compris devant la formation de déféré.

10. En statuant ainsi, alors que les intimés n'avaient pas invoqué la caducité de l'appel devant le conseiller de la mise en état, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

11. La société Cabinet l'immeuble, M. [C], les sociétés civiles immobilières Le Souleiha du Cordie, le Clos de la Bourdette, Saint Jean de L'Hers, Saint Jean du Parc, Saint Jean l'Ormeau, Saint Jean Montaudran, Sodere et la société Télé Montaudran font le même grief à l'arrêt, alors « que saisie par le déféré formé contre l'ordonnance d'un conseiller de la mise en état, la cour d'appel, statuant dans le champ de compétence d'attribution de ce dernier, ne pouvait pas se prononcer sur l'irrecevabilité de conclusions prévue à l'article 961 du code de procédure civile, et partant ne pouvait prononcer la caducité de l'appel sur le fondement de l'irrecevabilité des conclusions pour absence de mention de l'organe qui représente légalement la personne morale ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 126, 908, 960, alinéa 2, 961 et 914 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

12. Les défendeurs contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit.

13.Cependant, le moyen, ne se prévalant d'aucun fait qui n'ait été constaté par la cour d'appel, est de pur droit et peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation.

14. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 126, 789, 6°, dans sa version issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, 908, 960, alinéa 2, 961 et 914 du code de procédure civile :

15. Aux termes du premier de ces textes, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

16. Il résulte du cinquième que les conclusions des parties ne sont pas recevables tant que les indications mentionnées à l'alinéa 2 de l'article 960 n'ont pas été fournies.

17. Selon le troisième, à peine de caducité de la déclaration d'appel, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de celle-ci pour remettre ses conclusions au greffe.

18. Aux termes du deuxième, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir. Ce texte est applicable, par renvoi de l'article 907 du code de procédure civile, devant le conseiller de la mise en état, sans que l'article 914 du même code n'en restreigne l'étendue (Avis de la Cour de cassation, 11 octobre 2022, n° 22-70.010).

19. Il en résulte que si le conseiller de la mise en état, ou la cour d'appel statuant sur déféré, est compétent pour statuer sur des fins de non-recevoir touchant à la procédure d'appel, l'examen de ces fins de non-recevoir implique que les parties n'aient plus la possibilité de déposer de nouvelles conclusions après l'examen par le juge de ces fins de non-recevoir.

20. Or, il résulte du cinquième de ces textes, que la fin de non-recevoir tirée de l'absence des indications mentionnées à l'article 960 du même code, peut être régularisée jusqu'au jour du prononcé de la clôture, ou, en l'absence de mise en état, jusqu'à l'ouverture des débats.

21. Dès lors, seule la cour d'appel, saisie au fond, est compétente pour connaître des fins de non-recevoir des articles 960 et 961 du code de procédure civile.

22. Pour constater la caducité de la déclaration d'appel formée le 5 avril 2019, l'arrêt retient que les uniques conclusions déposées dans l'intérêt des sociétés appelantes ne portent mention d'aucun organe les représentant ni aucune formule même générale, qu'elles n'ont jamais été régularisées avant le dépôt des conclusions aux fins de voir constater la caducité de l'appel pas plus que celles prises en leur nom au cours de l'instance de déféré ne portent de telles indications, de sorte qu'au moment de statuer sur la question de leur caducité, lesdites écritures n'ont jamais été reprises pour faire figurer le nom de l'organe représentant les personnes morales appelantes et que les conclusions étant irrecevables, sont sans portée pour faire échec à la caducité de l'appel.

23. En statuant ainsi, alors que saisie par le déféré formé contre une ordonnance d'un conseiller de la mise en état, la cour d'appel qui n'avait pas le pouvoir de prononcer l'irrecevabilité des conclusions de l'appelant au regard des articles 960 et 961 précités, et par voie de conséquence, la caducité de l'appel, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme l'ordonnance rendue le 7 décembre 2020 par le conseiller de la mise en état de la 1re chambre civile, section 2, de la cour d'appel de Toulouse, constate la caducité de la déclaration d'appel formée le 5 avril 2019 dans l'intérêt de la Société civile immobilière Le Souleiha du Cordie, de la Société civile immobilière Saint Jean l'Ormeau, de la société civile immobilière Sodere, de la Société civile immobilière Saint Jean Montaudran, de la Société civile immobilière Saint Jean de l'Hers, de la Société civile immobilière Saint Jean du Parc, de la société civile immobilière Le Clos de la Bourdette et la société Cabinet l'immeuble ainsi que de M. [C], condamne la société Cabinet l'immeuble et M. [C] aux dépens de déféré et de l'instance d'appel et condamne la société Cabinet l'immeuble et M. [N] [C] à payer à Mme [U] [X] épouse [T], M. [A] [T], M. [G] [T] et Mme [O] [T], chacun, la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700, alinéa 1er, 1°, du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 15 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Bohnert - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Boutet et Hourdeaux -

Textes visés :

Articles 914 et 916 du code de procédure civile ; articles 126, 789, 6°, dans sa version issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, 908, 960 et 961 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 4 mars 2021, pourvoi n° 19-15.695, Bull. (rejet) ; 2e Civ., 31 janvier 2019, pourvoi n° 17-22.765, Bull. (cassation partielle sans renvoi).

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