Numéro 3 - Mars 2024

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2024

EXPROPRIATION

3e Civ., 7 mars 2024, n° 23-12.754, (B), FS

Cassation partielle sans renvoi

Ordonnance d'expropriation – Identité de l'exproprié – Propriétaire décédé avant l'arrêt de cessibilité – Recherche des héritiers – Nécessité – Portée

Le juge de l'expropriation, tenu de vérifier que toutes les formalités prescrites par la loi ont été accomplies, doit refuser de prononcer le transfert de propriété lorsque l'autorité expropriante n'a pas justifié des formalités accomplies afin de rechercher les héritiers des propriétaires décédés antérieurement à l'arrêté de cessibilité.

La seule mention de recherches infructueuses des héritiers sur le certificat d'affichage en mairie est insuffisante pour en caractériser l'existence.

Faits et procédure

1. Mmes [X] et [G] [O] se sont pourvues en cassation contre l'ordonnance du juge de l'expropriation du département du Var du 30 décembre 2022 ayant ordonné le transfert de propriété, au profit de la métropole [Localité 5] Provence Méditerranée, d'une parcelle leur appartenant.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

2. Mmes [O] font grief à l'ordonnance de déclarer expropriée immédiatement pour cause d'utilité publique au profit de la métropole [Localité 5] Provence Méditerranée la parcelle cadastrée [Cadastre 4] pour une emprise de 281 m² leur appartenant et d'envoyer la métropole en possession de cette parcelle, alors « que l'expropriant adresse aux propriétaires figurant sur la liste établie conformément à l'article R. 131-3, par lettre recommandée avec avis de réception, une notification individuelle du dépôt du dossier d'enquête parcellaire en mairie ; que lorsque le propriétaire est décédé antérieurement à l'enquête parcellaire et que l'autorité expropriante a connaissance du décès, il lui appartient d'adresser la notification prévue aux héritiers de celui-ci, et, à cet effet, d'engager et de justifier des démarches entreprises et des demandes de renseignement effectuées pour identifier ces derniers ; qu'en l'espèce, il ne résulte pas du dossier transmis au juge de l'expropriation que, tout en ayant connaissance du décès de [W] [O] bien avant l'ouverture de l'enquête publique parcellaire, la métropole [Localité 5] Provence Méditerranée, autorité expropriante, ait accompli les diligences nécessaires pour identifier ses héritiers et ainsi leur notifier le dépôt du dossier d'enquête parcellaire en mairie, empêchant ainsi ceux-ci de pouvoir faire valoir leurs observations lors de l'enquête ; qu'en prononçant, dans ces conditions, l'expropriation au préjudice de Mmes [O], héritières de [W] [O], le juge de l'expropriation a violé les articles R. 131-6 et R. 221-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. »

Réponse de la Cour

Vu les articles R. 131-3, 2°, R. 131-6 et R. 221-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique :

3. Selon le deuxième de ces textes, notification individuelle du dépôt du dossier de l'enquête parcellaire à la mairie est faite par l'expropriant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, aux propriétaires figurant sur la liste établie conformément à l'article R. 131-3, lorsque leur domicile est connu d'après les renseignements recueillis par l'expropriant ou à leurs mandataires, gérants, administrateurs ou syndics.

En cas de domicile inconnu, la notification est faite en double copie au maire, qui en fait afficher une, et, le cas échéant, aux locataires et aux preneurs à bail rural.

4. La liste des propriétaires est établie, en application du premier des textes précités, à l'aide d'extraits des documents cadastraux délivrés par le service du cadastre ou des renseignements délivrés par le directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques, au vu du fichier immobilier ou par tous autres moyens.

5. Selon le troisième, le préfet transmet au greffe de la juridiction du ressort dans lequel sont situés les biens à exproprier un dossier qui comprend notamment les copies des pièces justifiant de l'accomplissement des formalités tendant aux notifications individuelles prévues à l'article R. 131-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Si le dossier ne comprend pas toutes les pièces, le juge demande au préfet de les lui faire parvenir dans un délai d'un mois.

6. Il en résulte que le juge de l'expropriation, tenu de vérifier que toutes les formalités prescrites par la loi ont été accomplies, doit refuser de prononcer le transfert de propriété lorsque l'autorité expropriante n'a pas justifié des formalités accomplies afin de rechercher les héritiers des propriétaires décédés antérieurement à l'arrêté de cessibilité (3e Civ, 27 novembre 1991, pourvoi n° 89-70.304, Bull. 1991, III, n° 295).

7. Pour déclarer expropriée immédiatement pour cause d'utilité publique au profit de la métropole [Localité 5] Provence Méditerranée la parcelle cadastrée [Cadastre 4] pour une emprise de 281 m² appartenant à Mmes [O] et envoyer la métropole en possession de cette parcelle, l'ordonnance vise le certificat du maire de [Localité 5] en date du 30 octobre 2021 attestant de l'affichage en mairie de la notification de l'enquête parcellaire concernant [W] [O], propriétaire n'ayant pu être touché.

8. En statuant ainsi, alors que l'expropriant avait connaissance du décès de [W] [O], survenu le 27 novembre 2020, avant l'ouverture de l'enquête parcellaire et qu'il n'était pas justifié de recherches pour identifier ses héritiers, la seule mention de recherches infructueuses sur le certificat d'affichage en mairie étant insuffisante pour en caractériser l'existence, le juge de l'expropriation a violé les textes susvisés.

Portée et conséquence de la cassation

9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle déclare partiellement expropriée au profit de la métropole Toulon Provence Méditerranée la parcelle cadastrée [Cadastre 4], l'ordonnance rendue le 30 décembre 2022, entre les parties, par le juge de l'expropriation du département du Var, siégeant au tribunal judiciaire de Toulon ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Brun - Avocat général : M. Burgaud - Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh ; SCP Boutet et Hourdeaux -

Textes visés :

Articles R. 131-3, 2°, R. 131-6 et R. 221-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 2 février 2005, pourvoi n° 04-70.018, Bull. 2005, III, n° 25 (cassation sans renvoi) et l'arrêt cité.

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