Numéro 3 - Mars 2024

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2024

INFORMATIQUE

Com., 6 mars 2024, n° 22-18.818, (B), FS

Rejet

Ordinateur – Logiciel – Mise à disposition d'une copie et conclusion d'un contrat de licence d'utilisation – Qualification – Vente

L'article L. 122-6, 3°, du code de la propriété intellectuelle doit être interprété en ce sens que la mise à disposition d'une copie d'un logiciel par téléchargement et la conclusion d'un contrat de licence d'utilisation y afférent, visant à rendre ladite copie utilisable par le client de manière permanente moyennant le paiement d'un prix, implique le transfert du droit de propriété de cette copie et doit être qualifiée de vente.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 12 mai 2022), rendu sur renvoi après cassation (Com, 20 décembre 2020, pourvoi n° 19-16.542), le 29 mars 2013, la société Overlap a passé commande auprès de la société ETC Métrologie devenue la société Tech Data, aux droits de laquelle vient la société TD Synnex France (le fournisseur), de différents logiciels pour un montant total de 468 124,28 euros. Elle les a aussitôt livrés à la société Euriware, devenue la société Capgemini Technology services (le client final).

2. La société Overlap ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 11 juin 2013 et 11 juin 2014, le fournisseur, qui n'avait pas été payé de ses factures, s'est prévalu d'une clause de réserve de propriété et a adressé à l'administrateur judiciaire de la société Overlap une demande de revendication des logiciels ou à défaut de la créance de prix. Un arrêt du 19 mai 2016 a irrévocablement admis la revendication de créance de prix.

3. Le fournisseur a assigné le client final en paiement de la somme de 468 124,28 euros.

4. La société GE Capital Factofrance, devenue la société Factofrance (l'affactureur), qui avait conclu le 9 avril 2008 avec la société Overlap un contrat d'affacturage portant sur les créances que celle-ci détenait sur ses clients, est volontairement intervenue à l'instance pour réclamer le paiement de la somme de 507 531,39 euros au titre des factures dues par le client final à la société Overlap, aux droits de laquelle l'affactureur soutenait être conventionnellement subrogé.

Examen des moyens

Sur le moyen unique du pourvoi incident

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen unique du pourvoi principal

Enoncé du moyen

6. L'affactureur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de la somme de 380 605,99 euros, alors :

« 1°/ que peuvent être revendiqués, s'ils se retrouvent en nature au moment de l'ouverture de la procédure, les biens vendus avec une clause de réserve de propriété, ainsi que le prix ou la partie du prix de ces biens qui n'a été ni payé, ni réglé en valeur, ni compensé entre le débiteur et l'acheteur à la date du jugement ouvrant la procédure ; que l'octroi de licences portant sur les logiciels ne relève pas de la vente, car il n'y a pas de transfert de propriété sur celui-ci, mais du contrat de louage de choses ; qu'en décidant au contraire, pour débouter la société Factofrance de sa demande en règlement de sa créance de 380 605,99 euros, que « la fourniture d'une clé d'activation permettant le téléchargement du logiciel constitue un acte de vente par ETC du droit d'utilisation de ce logiciel, qui rentre dans les biens tels que prévus au sens de l'article L. 624-16 du code de commerce » et qu'en conséquence « ETC, cédant des licences d'utilisation des logiciels, est fondée à solliciter l'application de la clause de réserve de propriété sur cette cession de droit d'utilisation de ses logiciels », la cour d'appel a violé les articles L. 624-16 et L. 624-18 du code de commerce ensemble les articles 1709 et 1713 du code civil à la lumière des directives n° 2019/770 et n° 2019/771 du 20 mai 2019 ;

2°/ que la cour d'appel a elle-même relevé que selon les conditions générales de vente de la société ETC Métrologie acceptées par la société Overlap, « concernant les logiciels, il est rappelé qu'aucun droit de propriété n'est transféré au client, lequel bénéficie du seul droit d'utilisation conformément aux dispositions de la licence jointe au support » et qu'en décidant au contraire que « ETC, cédant des licences d'utilisation des logiciels, est fondée à solliciter l'application de la clause de réserve de propriété sur cette cession de droit d'utilisation de ses logiciels », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé l'article 1134 devenu 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. Selon l'article L. 122-6, 3°, du code de la propriété intellectuelle, sous réserve des dispositions de l'article L. 122-6-1, le droit d'exploitation appartenant à l'auteur d'un logiciel comprend le droit d'effectuer et d'autoriser la mise sur le marché à titre onéreux ou gratuit, y compris la location, du ou des exemplaires d'un logiciel par tout procédé. Toutefois, la première vente d'un exemplaire d'un logiciel dans le territoire d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen par l'auteur ou avec son consentement épuise le droit de mise sur le marché de cet exemplaire dans tous les Etats membres à l'exception du droit d'autoriser la location ultérieure d'un exemplaire.

8. Ces dispositions assurant la transposition de l'article 4, paragraphe 2 de la directive 2009/24/CE du 23 avril 2009 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur, il y a lieu de les interpréter à la lumière de cet article.

9. Interprétant l'article 4 de la directive 2009/24/CE, la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt du 3 juillet 2012, Usedsoft, C - 128/11) juge que, selon une définition communément admise, la vente est une convention par laquelle une personne cède, moyennant le paiement d'un prix, à une autre personne ses droits de propriété sur un bien corporel ou incorporel lui appartenant (point 42), et que, dans le cas particulier de la vente d'une copie d'un logiciel informatique, le téléchargement d'une copie d'un programme d'ordinateur et la conclusion d'un contrat de licence d'utilisation se rapportant à celle-ci forment un tout indivisible car le téléchargement d'une copie d'un tel programme est dépourvu d'utilité si ladite copie ne peut pas être utilisée par son détenteur. Ces deux opérations doivent, dès lors, être examinées dans leur ensemble aux fins de leur qualification juridique (point 44). Elle retient que la mise à disposition d'une copie d'un logiciel informatique, au moyen d'un téléchargement, et la conclusion d'un contrat de licence d'utilisation y afférent, visant à rendre ladite copie utilisable par les clients, de manière permanente, et moyennant le paiement d'un prix destiné à permettre au titulaire du droit d'auteur d'obtenir une rémunération correspondant à la valeur économique de la copie de l'oeuvre dont il est propriétaire, impliquent le transfert du droit de propriété de cette copie (points 45 et 46).

La Cour de justice a confirmé sa jurisprudence dans les arrêts du 12 octobre 2016 (Ranks et al.c./ Microsoft corp. et al., C - 166/15) et du 16 septembre 2021 (Software incubator, C - 410/19).

10. Il en résulte que l'article L. 122-6, 3°, du code de la propriété intellectuelle doit être interprété en ce sens que la mise à disposition d'une copie d'un logiciel par téléchargement et la conclusion d'un contrat de licence d'utilisation y afférente visant à rendre ladite copie utilisable par le client de manière permanente moyennant le paiement d'un prix implique le transfert du droit de propriété de cette copie.

11. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois principal et incident.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Lévis ; SAS Buk Lament-Robillot ; SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix -

Textes visés :

Article L. 122-6, 3°, du code de la propriété intellectuelle.

Com., 6 mars 2024, n° 22-23.657, (B), FS

Rejet

Ordinateur – Logiciel – Mise à disposition d'une copie et conclusion d'un contrat de licence d'utilisation – Qualification – Vente

L'article L. 122-6, 3°, du code de la propriété intellectuelle doit être interprété en ce sens que la mise à disposition d'une copie d'un logiciel par téléchargement et la conclusion d'un contrat de licence d'utilisation y afférent, visant à rendre ladite copie utilisable par le client de manière permanente moyennant le paiement d'un prix, implique le transfert du droit de propriété de cette copie et doit être qualifiée de vente.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Factofrance du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société BCM, en la personne de M. [C] [G], prise en qualité d'administrateur judiciaire de la société Overlap.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 octobre 2022), la société ETC Métrologie, devenue la société Tech Data, aux droits de laquelle vient la société TD Synnex France (le fournisseur), a fourni, le 26 avril 2013, à la société Overlap, pour un montant de 450 169,41 euros, des logiciels, que cette dernière avait commandés pour la société Evolium (le client final), à laquelle elle les a ensuite fournis.

3. La société Overlap ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 11 juin 2013 et 11 juin 2014, le fournisseur, qui n'avait pas été payé de ses factures, s'est prévalu d'une clause de réserve de propriété et a adressé à l'administrateur judiciaire de la société Overlap une demande de revendication des logiciels, ou à défaut leur prix. Un arrêt du 19 mai 2016 a irrévocablement admis la revendication de créance de prix.

4. Le fournisseur, soutenant être propriétaire de la créance de prix à l'encontre du sous-acquéreur, a assigné le client final en paiement de la somme de 427 254,84 euros.

5. La société GE Capital Factofrance, devenue la société Factofrance (l'affactureur), qui avait conclu le 9 avril 2008 avec la société Overlap un contrat d'affacturage portant sur les créances que celle-ci détenait sur ses clients, est volontairement intervenue à l'instance pour réclamer au client final la somme de 478 862,89 euros au titre des factures dues par ce dernier à la société Overlap, aux droits de laquelle elle soutient être conventionnellement subrogée.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. L'affactureur fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation du client final à lui payer la somme de 202 291,04 euros outre les intérêts, de condamner le client final à payer au fournisseur la somme de 276 571,85 euros outre intérêts et, en conséquence, de rejeter sa demande de condamnation du client final à lui payer la somme globale de 478 862,89 euros outre intérêts au taux légal, alors :

« 1°/ que peuvent être revendiqués, s'ils se retrouvent en nature au moment de l'ouverture de la procédure, les biens vendus avec une clause de réserve de propriété, ainsi que le prix ou la partie du prix de ces biens qui n'a été ni payé, ni réglé en valeur, ni compensé entre le débiteur et l'acheteur à la date du jugement ouvrant la procédure ; que l'octroi de licences portant sur les logiciels ne relève pas de la vente, car il n'y a pas de transfert de propriété sur celui-ci, mais du contrat de louage de choses ; qu'en décidant au contraire, pour faire droit à la demande concurrente de la société Tech Data France devenue TD Synnex France sur la somme de 276 571,85 euros, que « la vente du droit d'utilisation des logiciels sous la forme d'une licence constituée d'un numéro unique appelé clé d'activation, constitue une vente dont l'objet entre dans les biens tels que visés à l'article L. 624 -16 du code de commerce » et que « dès lors, Tech Data est fondée à solliciter l'application de la clause de réserve de propriété pour cette cession de droit d'utilisation de ses logiciels, droit dont Evolium est sous-acquéreur », la cour d'appel a violé les articles L. 624-16 et L. 624-18 du code de commerce ensemble les articles 1709 et 1713 du code civil à la lumière des directives n° 2019/770 et n° 2019/771 du 20 mai 2019 ;

2°/ que la clause de réserve de propriété invoquée par la société Tech Data France, résultant de l'article 11 des conditions générales de vente applicables, se bornait à réserver « la propriété des matériels et des supports de logiciels jusqu'au payement complet du prix » ; qu'en décidant pourtant que la société « Tech Data est fondée à solliciter l'application de la clause de réserve de propriété pour cette cession de droit d'utilisation de ses logiciels », sans s'expliquer comme elle y était pourtant invitée sur la limitation de l'objet de la clause de réserve de propriété aux seuls « supports de logiciels », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 devenu 1103 du code civil ;

3°/ que selon les termes de l'article 6 des conditions générales de vente invoquées par la société Tech Data France à l'appui de sa demande concurrente, « l'utilisateur final se verra accorder une licence non exclusive d'utilisation de logiciels conformément aux conditions standard d'utilisation desdits logiciels établies par les éditeurs. Cette licence ne peut être transférée, par quelque moyen que ce soit, à un tiers sans l'accord préalable et écrit de l'éditeur.

L'Utilisateur final ne peut reproduire, modifier, divulguer le logiciel, sans l'accord préalable et écrit de l'éditeur » ; qu'en décidant pourtant qu'il y aurait « vente du droit d'utilisation des logiciels » et que la société « Tech Data est fondée à solliciter l'application de la clause de réserve de propriété pour cette cession de droit d'utilisation de ses logiciels », sans s'expliquer sur l'exclusion contractuelle de toute vente des licences de logiciels par l'article 6 des conditions générales de vente, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 devenu 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. Selon l'article L. 122-6, 3°, du code de la propriété intellectuelle, sous réserve des dispositions de l'article L. 122-6-1, le droit d'exploitation appartenant à l'auteur d'un logiciel comprend le droit d'effectuer et d'autoriser la mise sur le marché à titre onéreux ou gratuit, y compris la location, du ou des exemplaires d'un logiciel par tout procédé. Toutefois, la première vente d'un exemplaire d'un logiciel dans le territoire d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen par l'auteur ou avec son consentement épuise le droit de mise sur le marché de cet exemplaire dans tous les Etats membres à l'exception du droit d'autoriser la location ultérieure d'un exemplaire.

8. Ces dispositions assurant la transposition de l'article 4, paragraphe 2 de la directive 2009/24/CE du 23 avril 2009 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur, il y a lieu de les interpréter à la lumière de cet article.

9. Interprétant l'article 4 de la directive 2009/24/CE, la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt du 3 juillet 2012, Usedsoft, C - 128/11) juge que, selon une définition communément admise, la vente est une convention par laquelle une personne cède, moyennant le paiement d'un prix, à une autre personne ses droits de propriété sur un bien corporel ou incorporel lui appartenant (point 42), et que, dans le cas particulier de la vente d'une copie d'un logiciel informatique, le téléchargement d'une copie d'un programme d'ordinateur et la conclusion d'un contrat de licence d'utilisation se rapportant à celle-ci forment un tout indivisible car le téléchargement d'une copie d'un tel programme est dépourvu d'utilité si ladite copie ne peut pas être utilisée par son détenteur. Ces deux opérations doivent, dès lors, être examinées dans leur ensemble aux fins de leur qualification juridique (point 44). Elle retient que la mise à disposition d'une copie d'un logiciel informatique, au moyen d'un téléchargement, et la conclusion d'un contrat de licence d'utilisation y afférent, visant à rendre ladite copie utilisable par les clients, de manière permanente, et moyennant le paiement d'un prix destiné à permettre au titulaire du droit d'auteur d'obtenir une rémunération correspondant à la valeur économique de la copie de l'oeuvre dont il est propriétaire, impliquent le transfert du droit de propriété de cette copie (points 45 et 46).

La Cour de justice a confirmé sa jurisprudence dans les arrêts du 12 octobre 2016 (Ranks et al.c./ Microsoft corp. et al., C - 166/15) et du 16 septembre 2021 (Software incubator, C - 410/19).

10. Il en résulte que l'article L. 122-6, 3°, du code de la propriété intellectuelle doit être interprété en ce sens que la mise à disposition d'une copie d'un logiciel par téléchargement et la conclusion d'un contrat de licence d'utilisation y afférente visant à rendre ladite copie utilisable par le client de manière permanente moyennant le paiement d'un prix implique le transfert du droit de propriété de cette copie.

11. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Lévis ; SCP Célice, Texidor, Périer ; SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix -

Textes visés :

Article L. 122-6, 3°, du code de la propriété intellectuelle.

Com., 6 mars 2024, n° 22-22.651, (B), FS

Rejet

Ordinateur – Logiciel – Mise à disposition d'une copie par téléchargement et conclusion d'un contrat de licence – Qualification – Vente

L'article L. 122-6, 3°, du code de la propriété intellectuelle doit être interprété en ce sens que la mise à disposition d'une copie d'un logiciel par téléchargement et la conclusion d'un contrat de licence d'utilisation y afférent, visant à rendre ladite copie utilisable par le client de manière permanente moyennant le paiement d'un prix, implique le transfert du droit de propriété de cette copie et doit être qualifiée de vente.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 juin 2022), le 9 avril 2008, la société Factofrance GE, devenue la société Factofrance, a conclu avec la société Overlap un contrat d'affacturage par lequel cette dernière transférait à la première, par subrogation, la propriété de ses créances à l'égard de sa clientèle.

La société Overlap ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 11 juin 2013 et 11 juin 2014, la société Arrow ECS, son fournisseur de matériel informatique (le fournisseur), a, en application de la clause de réserve de propriété insérée au contrat, revendiqué auprès de l'administrateur judiciaire de la société Overlap divers biens, services et logiciels et, à défaut, leur prix.

La demande a été déclarée bien fondée et la société Factofrance a été déclarée irrecevable à intervenir à la procédure en revendication.

2. La société Factofrance ayant obtenu par subrogation le paiement de certaines créances à l'égard de sous-acquéreurs, le fournisseur, se présentant comme le réel titulaire des créances du prix de revente, l'a assignée en restitution de diverses sommes.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La société Factofrance fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au fournisseur la somme de 601 001,97 euros, alors :

« 1°/ que la clause de réserve de propriété doit avoir été convenue entre les parties dans un écrit au plus tard au moment de la livraison ; que la cour d'appel a elle-même relevé que le contrat-cadre signé entre la société Arrow et la société Overlap le 27 décembre 2012 « ne prévoit pas l'application d'une clause de réserve de propriété dans les relations commerciales entre les parties » ; qu'en décidant pourtant que la société Arrow pourrait opposer à la procédure collective de la société Overlap une clause de réserve de propriété, malgré l'absence d'écrit, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé l'article L. 624-16 du code de commerce ensemble l'article 2368 du code civil ;

2°/ que la clause de réserve de propriété doit avoir été convenue entre les parties dans un écrit au plus tard au moment de la livraison ; que la cour d'appel après avoir relevé que l'article 5 des anciennes conditions générales de vente de la société Arrow contenait une clause de réserve de propriété et que « le contrat-cadre ne contient aucune disposition visant à annuler les accords précédemment conclus entre les parties », en a déduit que « les parties n'ont pas entendu remettre en cause leurs accords antérieurs, notamment l'application des dispositions de l'article 5 des CGV de la société Arrow signées par la société Overlap » ; qu'en statuant de la sorte lorsque le maintien implicite d'une ancienne clause de réserve de propriété lui faisait perdre son caractère écrit, et la rendait donc inopposable à la procédure collective de la société Overlap, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé de plus fort l'article L. 624-16 du code de commerce ensemble l'article 2368 du code civil ;

3°/ qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était pourtant invitée, s'il n'y avait pas de doute sur l'existence d'une clause de réserve de propriété écrite portée à la connaissance de la société Overlap au plus tard au jour de la livraison de la marchandise, en l'état des factures produites initialement par la société Arrow, dénuées de conditions générales au verso, et des conditions générales ensuite produites sur une feuille volante, sans signature de la société Overlap, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 624-16 du code de commerce et 2368 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. L'arrêt relève que les conditions générales de vente de la société Arrow ECS contiennent une clause de réserve de propriété en leur article 5, qu'elles figurent systématiquement au verso des factures, ainsi que sur le site internet du fournisseur et, de manière spécifique, que la clause de réserve de propriété figure dans les conditions générales de vente signées par la société Overlap le 2 mai 2012, qui l'a donc acceptée avant la livraison des biens.

L'arrêt retient ensuite que si le contrat-cadre signé entre les sociétés Arrow ECS et Overlap le 27 décembre 2012 ne mentionne pas l'application d'une clause de réserve de propriété, l'article 2.4 de son annexe 1 stipule que les achats effectués restent régis par les conditions convenues entre les parties.

5. De ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel, qui n'avait pas à se livrer à la recherche invoquée à la troisième branche, que ses constatations rendaient inopérante, a déduit à bon droit l'existence d'une clause de réserve de propriété opposable à la société Factofrance.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. La société Factofrance fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que peuvent être revendiqués, s'ils se retrouvent en nature au moment de l'ouverture de la procédure, les biens vendus avec une clause de réserve de propriété, ainsi que le prix ou la partie du prix de ces biens qui n'a été ni payé, ni réglé en valeur, ni compensé entre le débiteur et l'acheteur à la date du jugement ouvrant la procédure ; que l'octroi de licences portant sur les logiciels ne relève pas de la vente, car il n'y a pas de transfert de propriété sur celui-ci, mais du contrat de louage de choses ; qu'en décidant au contraire, pour faire droit à la demande de revendication de la société Arrow sur les sommes de 324 180,04 euros et 11 289,35 euros, que « la mise à disposition d'une copie d'un logiciel par téléchargement et la conclusion d'un contrat de licence d'utilisation y afférente visant à rendre ladite copie utilisable par le client, de manière permanente, et moyennant le paiement du prix destiné à permettre au titulaire du droit d'auteur d'obtenir une rémunération correspondant à la valeur économique de la copie de l'oeuvre dont il est propriétaire, impliquent le transfert du droit de propriété de cette copie », la cour d'appel a violé les articles L. 624- 16 et L. 624-18 du code de commerce ensemble les articles 1709 et 1713 du code civil à la lumière des directives n° 2019/770 et n° 2019/771 du 20 mai 2019 ;

2°/ que la cour d'appel a elle-même relevé que selon les propres termes des conditions générales de vente invoquées par la société Arrow, « la clause de réserve de propriété exclut le transfert de la propriété des logiciels » ; qu'en décidant au contraire qu'il y aurait un transfert de la propriété de la copie des logiciels et que la clause de réserve de propriété serait ainsi applicable aux licences de logiciels, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé l'article 1134 devenu 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. Selon l'article L. 122-6, 3°, du code de la propriété intellectuelle, sous réserve des dispositions de l'article L. 122-6-1, le droit d'exploitation appartenant à l'auteur d'un logiciel comprend le droit d'effectuer et d'autoriser la mise sur le marché à titre onéreux ou gratuit, y compris la location, du ou des exemplaires d'un logiciel par tout procédé. Toutefois, la première vente d'un exemplaire d'un logiciel dans le territoire d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen par l'auteur ou avec son consentement épuise le droit de mise sur le marché de cet exemplaire dans tous les Etats membres à l'exception du droit d'autoriser la location ultérieure d'un exemplaire.

8. Ces dispositions assurant la transposition de l'article 4, paragraphe 2 de la directive 2009/24/CE du 23 avril 2009 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur, il y a lieu de les interpréter à la lumière de cet article.

9. Interprétant l'article 4 de la directive 2009/24/CE, la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt du 3 juillet 2012, Usedsoft, C - 128/11) juge que, selon une définition communément admise, la vente est une convention par laquelle une personne cède, moyennant le paiement d'un prix, à une autre personne ses droits de propriété sur un bien corporel ou incorporel lui appartenant (point 42), et que, dans le cas particulier de la vente d'une copie d'un logiciel informatique, le téléchargement d'une copie d'un programme d'ordinateur et la conclusion d'un contrat de licence d'utilisation se rapportant à celle-ci forment un tout indivisible car le téléchargement d'une copie d'un tel programme est dépourvu d'utilité si ladite copie ne peut pas être utilisée par son détenteur. Ces deux opérations doivent, dès lors, être examinées dans leur ensemble aux fins de leur qualification juridique (point 44). Elle retient que la mise à disposition d'une copie d'un logiciel informatique, au moyen d'un téléchargement, et la conclusion d'un contrat de licence d'utilisation y afférent, visant à rendre ladite copie utilisable par les clients, de manière permanente, et moyennant le paiement d'un prix destiné à permettre au titulaire du droit d'auteur d'obtenir une rémunération correspondant à la valeur économique de la copie de l'oeuvre dont il est propriétaire, impliquent le transfert du droit de propriété de cette copie (points 45 et 46).

La Cour de justice a confirmé sa jurisprudence dans les arrêts du 12 octobre 2016 (Ranks et al.c./ Microsoft corp. et al., C-166/15) et du 16 septembre 2021 (Software incubator, C-410/19).

10. Il en résulte que l'article L. 122-6, 3°, du code de la propriété intellectuelle doit être interprété en ce sens que la mise à disposition d'une copie d'un logiciel par téléchargement et la conclusion d'un contrat de licence d'utilisation y afférente visant à rendre ladite copie utilisable par le client de manière permanente moyennant le paiement d'un prix implique le transfert du droit de propriété de cette copie.

11. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Lévis ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article L. 122-6, 3°, du code de la propriété intellectuelle.

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