Numéro 3 - Mars 2024

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2024

PROCEDURE CIVILE

2e Civ., 7 mars 2024, n° 21-19.475, (B), FS

Annulation

Instance – Péremption – Conditions – Exclusion – Cas – Diligences accomplies par les parties dans les délais impartis

Selon les articles 2, 386, 908, 909, 910-4 et 912 du code de procédure civile, ces quatre derniers dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, interprétés à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en matière de procédure d'appel avec représentation obligatoire, lorsqu'elles ont accompli, conformément notamment aux dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile, l'ensemble des charges leur incombant dans les délais impartis, sans plus rien avoir à ajouter au soutien de leurs prétentions respectives, les parties n'ont plus de diligence utile à effectuer en vue de faire avancer l'affaire, la direction de la procédure leur échappant alors au profit du conseiller de la mise en état.

Il en résulte qu'une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d'accomplir une diligence particulière.

Instance – Péremption – Interruption – Acte interruptif – Conditions – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 18 mai 2021), la société Sud espaces verts a relevé appel d'un jugement rendu par un tribunal de commerce dans une instance l'opposant à la société Sud Ouest dépannage.

2. Par une ordonnance du 6 janvier 2021, un conseiller de la mise en état a constaté la péremption de l'instance.

3. La société Sud espaces verts a formé un pourvoi contre l'arrêt ayant confirmé l'ordonnance déférée.

4. Le président de la conférence des premiers présidents de cours d'appel, le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris et le président du Conseil national des barreaux ont, en application des articles L. 431-3-1 du code de l'organisation judiciaire et 1015-2 du code de procédure civile, déposé chacun une note écrite et les deux derniers ont été entendus à l'audience publique du 19 décembre 2023.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société Sud espaces verts fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance du 6 janvier 2021 rendue par un conseiller de la mise en état ayant dit que l'instance était périmée, alors « que, dans le cas où le conseiller de la mise en état ne fixe pas comme il le doit par application de l'article 912 du code de procédure civile, la date de la clôture et celle de l'audience des plaidoiries, aucune disposition ne soumet la partie appelante à une obligation particulière de pallier les effets de l'inertie ou de l'abstention du conseiller de la mise en état ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel, qui ajoute à la loi une charge du procès civil qu'elle ne prévoit pas, a violé les articles 2 et 912 code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 2, 386, 908, 909, 910-4 et 912 du code de procédure civile, ces quatre derniers dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :

6. Aux termes du troisième de ces textes, l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.

7. Aux termes du deuxième, les parties conduisent l'instance sous les charges qui leur incombent. Il leur appartient d'accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis.

8. Selon le quatrième de ces textes, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe.

Selon le cinquième, l'intimé dispose d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

9. Selon le sixième, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

10. Selon le dernier de ces textes, le conseiller de la mise en état examine l'affaire dans les quinze jours suivant l'expiration des délais pour conclure et communiquer les pièces. Il fixe la date de la clôture et celle des plaidoiries. Toutefois, si l'affaire nécessite de nouveaux échanges de conclusions, sans préjudice de l'article 910-4, il en fixe le calendrier, après avoir recueilli l'avis des avocats.

11. Jusqu'à présent, la Cour de cassation jugeait, en matière de procédure d'appel avec représentation obligatoire, d'une part, que la péremption de l'instance d'appel est encourue lorsque, après avoir conclu en application des articles 908 et 909 du code de procédure civile, les parties n'ont pas pris d'initiative pour faire avancer l'instance ou obtenir du conseiller de la mise en état la fixation, en application de l'article 912 du code de procédure civile, des débats de l'affaire (2e Civ., 16 décembre 2016, pourvoi n° 15-27.917, Bull. 2016, II, n° 281), d'autre part, que la demande de la partie appelante adressée au président de la formation de jugement en vue, au motif qu'elle n'entend pas répliquer aux dernières conclusions de l'intimé, de la fixation de l'affaire pour être plaidée, interrompt le délai de péremption de l'instance mais ne le suspend pas (2e Civ., 1er février 2018, pourvoi n° 16-17.618, Bull. 2018, II, n° 20).

12. Il y a toutefois lieu de reconsidérer cette jurisprudence.

13. En effet, postérieurement à l'arrêt précité du 16 décembre 2016, le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 a inséré, dans le code de procédure civile, un nouvel article 910-4 qui impose aux parties, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, de présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond.

14. Lorsqu'elles ont accompli, conformément notamment aux dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile, l'ensemble des charges leur incombant dans les délais impartis, sans plus rien avoir à ajouter au soutien de leurs prétentions respectives, les parties n'ont plus de diligence utile à effectuer en vue de faire avancer l'affaire, la direction de la procédure leur échappant alors au profit du conseiller de la mise en état.

15. À cet égard, il ressort des auditions réalisées sur le fondement de l'article 1015-2 du code de procédure civile auxquelles il a été procédé ainsi que des documents transmis en application de l'article L. 431-3-1 du code de l'organisation judiciaire que la demande de fixation de l'affaire à une audience se révèle, dans de nombreux cas, vaine lorsque la cour d'appel saisie se trouve dans l'impossibilité, en raison de rôles d'audience d'ores et déjà complets, de fixer l'affaire dans un délai inférieur à deux ans.

16. Il en découle que lorsque le conseiller de la mise en état n'a pas été en mesure de fixer, avant l'expiration du délai de péremption de l'instance, la date de la clôture ainsi que celle des plaidoiries, il ne saurait être imposé aux parties de solliciter la fixation de la date des débats à la seule fin d'interrompre le cours de la péremption.

17. Il résulte de la combinaison de ces textes, interprétés à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d'accomplir une diligence particulière.

18. L'arrêt relève qu'aucune diligence n'a été accomplie par l'une ou l'autre des parties depuis la remise des conclusions de l'appelante le 7 septembre 2020.

19. Si c'est conformément à la jurisprudence rappelée au paragraphe 11 que la cour d'appel en a déduit que la péremption était acquise, le présent arrêt qui opère revirement de jurisprudence, immédiatement applicable en ce qu'il assouplit les conditions de l'accès au juge, conduit à l'annulation de l'arrêt attaqué.

20. En conséquence, il y a lieu à annulation de l'arrêt attaqué.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Jollec - Avocat général : M. Adida-Canac - Avocat(s) : SCP Yves et Blaise Capron ; SCP Gury et Maitre -

Textes visés :

Articles 2 et 386 du code de procédure civile ; articles 908, 909, 910-4 et 912 du code de procédure civile dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 ; article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 7 mars 2024, pourvoi n° 21-19.761, Bull. (annulation) ; 2e Civ., 7 mars 2024, pourvoi n° 21-23.230, Bull. (annulation) ; 2e Civ., 7 mars 2024, pourvoi n° 21-20.719, Bull. (rejet) ; 2e Civ., 16 décembre 2016, pourvoi n° 15-27.917, Bull. 2016, II, n° 281 (rejet).

2e Civ., 7 mars 2024, n° 21-20.719, (B), FS

Rejet

Instance – Péremption – Conditions – Exclusion – Cas – Diligences accomplies par les parties dans les délais impartis

Selon les articles 2, 386, 908, 909, 910-4 et 912 du code de procédure civile, ces quatre derniers dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du décret du 6 mai 2017, interprétés à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en matière de procédure d'appel avec représentation obligatoire, lorsqu'elles ont accompli, conformément notamment aux dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile, l'ensemble des charges leur incombant dans les délais impartis, sans plus rien avoir à ajouter au soutien de leurs prétentions respectives, les parties n'ont plus de diligence utile à effectuer en vue de faire avancer l'affaire, la direction de la procédure leur échappant alors au profit du conseiller de la mise en état.

Il en résulte qu'une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d'accomplir une diligence particulière.

Instance – Péremption – Interruption – Acte interruptif – Conditions – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 10 juin 2021), le 12 juin 2018, l'association Diaconat protestant a interjeté appel du jugement rendu par un conseil des prud'hommes dans un litige l'opposant à son salarié, M. [F].

2. Par ordonnance du 12 janvier 2021, un conseiller de la mise en état a rejeté l'incident de péremption soulevé par le salarié.

3. Ce dernier a formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt ayant confirmé l'ordonnance.

4. Le président de la conférence des premiers présidents de cours d'appel, le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris et le président du Conseil national des barreaux ont, en application des articles L. 413-3-1 du code de l'organisation judiciaire et 1015-2 du code de procédure civile, déposé chacun une note écrite et les deux derniers ont été entendus à l'audience publique du 19 décembre 2023.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à ce que soit constatée la péremption de l'instance, alors « que l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans ; que la péremption de l'instance, qui tire les conséquences de l'absence de diligences des parties en vue de voir aboutir le jugement de l'affaire et poursuit un but légitime de bonne administration de la justice et de sécurité juridique afin que l'instance s'achève dans un délai raisonnable, ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit à un procès équitable ; qu'en considérant que, même en l'absence avérée de diligence des parties pendant plus de deux ans, la péremption de l'instance n'était pas encourue en l'espèce dans la mesure où la carence du conseiller de la mise en état, qui était seule en cause en l'occurrence, ne saurait entraver le droit d'accès effectif à une juridiction, cependant que le constat d'une péremption de l'instance en raison de l'absence de diligence des parties pendant deux ans ne méconnaît pas le droit à un procès équitable, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 386 du code de procédure civile et par fausse application l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

7. Aux termes de l'article 386 du code de procédure civile, l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.

8. Aux termes de l'article 2 du même code, les parties conduisent l'instance sous les charges qui leur incombent. Il leur appartient d'accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis.

9. Selon l'article 908 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe.

Selon l'article 909 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'intimé dispose d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article précité pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

10. Selon l'article 910-4 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

11. Selon l'article 912 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, le conseiller de la mise en état examine l'affaire dans les quinze jours suivant l'expiration des délais pour conclure et communiquer les pièces. Il fixe la date de la clôture et celle des plaidoiries. Toutefois, si l'affaire nécessite de nouveaux échanges de conclusions, sans préjudice de l'article 910-4, il en fixe le calendrier, après avoir recueilli l'avis des avocats.

12. Jusqu'à présent, la Cour de cassation jugeait, en matière de procédure d'appel avec représentation obligatoire, d'une part, que la péremption de l'instance d'appel est encourue lorsque, après avoir conclu en application des articles 908 et 909 du code de procédure civile, les parties n'ont pas pris d'initiative pour faire avancer l'instance ou obtenir du conseiller de la mise en état la fixation, en application de l'article 912 du code de procédure civile, des débats de l'affaire (2e Civ., 16 décembre 2016, pourvoi n° 15-27.917, Bull. 2016, II, n° 281), d'autre part, que la demande de la partie appelante adressée au président de la formation de jugement en vue, au motif qu'elle n'entend pas répliquer aux dernières conclusions de l'intimé, de la fixation de l'affaire pour être plaidée, interrompt le délai de péremption de l'instance mais ne le suspend pas (2e Civ., 1er février 2018, pourvoi n° 16-17.618, Bull. 2018, II, n° 20).

13. Il y a toutefois lieu de reconsidérer cette jurisprudence.

14. En effet, postérieurement à l'arrêt précité du 16 décembre 2016, le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 a inséré, dans le code de procédure civile, un nouvel article 910-4 qui impose aux parties, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, de présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond.

15. Lorsqu'elles ont accompli, conformément notamment aux dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile, l'ensemble des charges leur incombant dans les délais impartis, sans plus rien avoir à ajouter au soutien de leurs prétentions respectives, les parties n'ont plus de diligence utile à effectuer en vue de faire avancer l'affaire, la direction de la procédure leur échappant alors au profit du conseiller de la mise en état.

16. À cet égard, il ressort des auditions réalisées sur le fondement de l'article 1015-2 du code de procédure civile auxquelles il a été procédé ainsi que des documents transmis en application de l'article L. 431-3-1 du code de l'organisation judiciaire que la demande de fixation de l'affaire à une audience se révèle, dans de nombreux cas, vaine lorsque la cour d'appel saisie se trouve dans l'impossibilité, en raison de rôles d'audience d'ores et déjà complets, de fixer l'affaire dans un délai inférieur à deux ans.

17. Il en découle que lorsque le conseiller de la mise en état n'a pas été en mesure de fixer, avant l'expiration du délai la péremption de l'instance, la date de la clôture ainsi que celle des plaidoiries, il ne saurait être imposé aux parties de solliciter la fixation de la date des débats à la seule fin d'interrompre le cours de la péremption.

18. Il résulte de la combinaison de ces textes, interprétés à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d'accomplir une diligence particulière.

19. En l'espèce, l'arrêt relève que les parties, ayant conclu dans les délais impartis par les articles 908 et 909 du code de procédure civile, n'avaient plus de diligences à accomplir, il appartenait au conseiller de la mise en état de fixer la date de clôture et celle des plaidoiries.

20. La cour d'appel, qui a constaté que les parties avaient accompli les charges procédurales leur incombant et en l'absence de diligences particulières mises à leur charge par le conseiller de la mise en état, en a exactement déduit que la péremption n'était pas acquise.

21. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Bonnet - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : Me Balat -

Textes visés :

Articles 2 et 386 du code de procédure civile ; articles 908, 909, 910-4 et 912 du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 ; article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 7 mars 2024, pourvoi n° 21-19.475, Bull. (annulation) ; 2e Civ., 7 mars 2024, pourvoi n° 21-19.761, Bull. (annulation) ; 2e Civ., 7 mars 2024, pourvoi n° 21-23.230, Bull. (annulation).

2e Civ., 7 mars 2024, n° 21-23.230, (B), FS

Annulation

Instance – Péremption – Conditions – Exclusion – Cas – Diligences accomplies par les parties dans les délais impartis

Selon les articles 2, 386, 908, 909, 910-4 et 912 du code de procédure civile, ces quatre derniers dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, interprétés à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en matière de procédure d'appel avec représentation obligatoire, lorsqu'elles ont accompli, conformément notamment aux dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile, l'ensemble des charges leur incombant dans les délais impartis, sans plus rien avoir à ajouter au soutien de leurs prétentions respectives, les parties n'ont plus de diligence utile à effectuer en vue de faire avancer l'affaire, la direction de la procédure leur échappant alors au profit du conseiller de la mise en état.

Il en résulte qu'une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d'accomplir une diligence particulière.

Instance – Péremption – Interruption – Acte interruptif – Conditions – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 septembre 2021), M. [V] a relevé appel, le 28 juin 2018, d'un jugement rendu dans une instance l'opposant à la société Eurocar.

2. Par ordonnance du 4 mai 2021, un conseiller de la mise en état a constaté la péremption de l'instance.

3. M. [V] a formé un pourvoi contre l'arrêt ayant confirmé l'ordonnance déférée.

4. Le président de la conférence des premiers présidents de cours d'appel, le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris et le président du Conseil national des barreaux ont, en application des articles L. 431-3-1 du code de l'organisation judiciaire et 1015-2 du code de procédure civile, déposé chacun une note écrite et les deux derniers ont été entendus à l'audience publique du 19 décembre 2023.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

5. M. [V] fait grief à l'arrêt de constater la péremption de l'instance, alors :

« 1°/ que l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligence pendant deux ans ; que ce délai ne court plus lorsque les parties ne sont plus tenues d'aucune diligence ; qu'en vertu de l'article 910-4 de procédure civile les parties sont tenues de concentrer leurs prétentions dans leurs premières écritures, en conséquence, une fois le délai pour conclure dépassé, l'affaire est en état d'être jugée et les parties n'ont plus de diligences à accomplir ; qu'en opposant la péremption de l'instance quand les parties avaient conclu avant l'expiration des délais pour conclure et qu'elles avaient concentré leurs prétentions dans leurs écritures ce qui impliquait que l'affaire était en état d'être jugée et qu'il appartenait au conseiller de la mise en état de prononcer la clôture et de fixer l'audience, la cour d'appel a violé les articles 2, 386, 912 et 910-4 ensembles du code de procédure civile ;

2°/ qu'en jugeant « qu'il n'incombait pas au conseiller de la mise en état de faire progresser l'instance » quand l'article 912 du code de procédure civile oblige le conseiller de la mise en état à examiner l'affaire dans un délai de quinze jours à compter de l'expiration des délais pour conclure et communiquer les pièces et à fixer la date de la clôture et celle des plaidoiries, la cour d'appel a violé l'article 912 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 2, 386, 908, 909, 910-4 et 912 du code de procédure civile, ces quatre derniers dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :

6. Aux termes du troisième de ces textes, l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.

7. Aux termes du deuxième, les parties conduisent l'instance sous les charges qui leur incombent. Il leur appartient d'accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis.

8. Selon le quatrième de ces textes, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe.

Selon le cinquième, l'intimé dispose d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

9. Selon le sixième, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

10. Selon le dernier de ces textes, le conseiller de la mise en état examine l'affaire dans les quinze jours suivant l'expiration des délais pour conclure et communiquer les pièces. Il fixe la date de la clôture et celle des plaidoiries. Toutefois, si l'affaire nécessite de nouveaux échanges de conclusions, sans préjudice de l'article 910-4, il en fixe le calendrier, après avoir recueilli l'avis des avocats.

11. Jusqu'à présent, la Cour de cassation jugeait, en matière de procédure d'appel avec représentation obligatoire, d'une part, que la péremption de l'instance d'appel est encourue lorsque, après avoir conclu en application des articles 908 et 909 du code de procédure civile, les parties n'ont pas pris d'initiative pour faire avancer l'instance ou obtenir du conseiller de la mise en état la fixation, en application de l'article 912 du code de procédure civile, des débats de l'affaire (2e Civ., 16 décembre 2016, pourvoi n° 15-27.917, Bull. 2016, II, n° 281), d'autre part, que la demande de la partie appelante adressée au président de la formation de jugement en vue, au motif qu'elle n'entend pas répliquer aux dernières conclusions de l'intimé, de la fixation de l'affaire pour être plaidée, interrompt le délai de péremption de l'instance mais ne le suspend pas (2e Civ., 1er février 2018, pourvoi n° 16-17.618, Bull. 2018, II, n° 20).

12. Il y a toutefois lieu de reconsidérer cette jurisprudence.

13. En effet, postérieurement à l'arrêt précité du 16 décembre 2016, le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 a inséré, dans le code de procédure civile, un nouvel article 910-4 qui impose aux parties, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, de présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond.

14. Lorsqu'elles ont accompli, conformément notamment aux dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile, l'ensemble des charges leur incombant dans les délais impartis, sans plus rien avoir à ajouter au soutien de leurs prétentions respectives, les parties n'ont plus de diligence utile à effectuer en vue de faire avancer l'affaire, la direction de la procédure leur échappant alors au profit du conseiller de la mise en état.

15. À cet égard, il ressort des auditions réalisées sur le fondement de l'article 1015-2 du code de procédure civile auxquelles il a été procédé ainsi que des documents transmis en application de l'article L. 431-3-1 du code de l'organisation judiciaire que la demande de fixation de l'affaire à une audience se révèle, dans de nombreux cas, vaine lorsque la cour d'appel saisie se trouve dans l'impossibilité, en raison de rôles d'audience d'ores et déjà complets, de fixer l'affaire dans un délai inférieur à deux ans.

16. Il en découle que lorsque le conseiller de la mise en état n'a pas été en mesure de fixer, avant l'expiration du délai de péremption de l'instance, la date de la clôture ainsi que celle des plaidoiries, il ne saurait être imposé aux parties de solliciter la fixation de la date des débats à la seule fin d'interrompre le cours de la péremption.

17. Il résulte de la combinaison de ces textes, interprétés à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d'accomplir une diligence particulière.

18. L'arrêt relève qu'aucune diligence n'a été accomplie par l'une ou l'autre des parties depuis les conclusions de l'intimée du 21 décembre 2018.

19. Si c'est conformément à la jurisprudence rappelée au paragraphe 11 que la cour d'appel en a déduit que la péremption était acquise, le présent arrêt qui opère revirement de jurisprudence, immédiatement applicable en ce qu'il assouplit les conditions de l'accès au juge, conduit à l'annulation de l'arrêt attaqué.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : M. Cardini - Avocat général : M. Adida-Canac - Avocat(s) : SCP Françoise Fabiani - François Pinatel ; SCP Bouzidi et Bouhanna -

Textes visés :

Articles 2 et 386 du code de procédure civile ; articles 908, 909, 910-4 et 912 du code de procédure civile dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 ; article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 7 mars 2024, pourvoi n° 21-19.761, Bull. (annulation) ; 2e Civ., 7 mars 2024, pourvoi n° 21-19.475, Bull. (annulation) ; 2e Civ., 7 mars 2024, pourvoi n° 21-20.719, Bull. (rejet) ; 2e Civ., 16 décembre 2016, pourvoi n° 15-27.917, Bull. 2016, II, n° 281 (rejet).

2e Civ., 7 mars 2024, n° 21-19.761, (B), FS

Annulation

Instance – Péremption – Conditions – Exclusion – Cas – Diligences accomplies par les parties dans les délais impartis

Selon les articles 2, 386, 908, 909, 910-4 et 912 du code de procédure civile, ces quatre derniers dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, interprétés à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en matière de procédure d'appel avec représentation obligatoire, lorsqu'elles ont accompli, conformément notamment aux dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile, l'ensemble des charges leur incombant dans les délais impartis, sans plus rien avoir à ajouter au soutien de leurs prétentions respectives, les parties n'ont plus de diligence utile à effectuer en vue de faire avancer l'affaire, la direction de la procédure leur échappant alors au profit du conseiller de la mise en état.

Il en résulte qu'une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d'accomplir une diligence particulière.

Instance – Péremption – Interruption – Acte interruptif – Conditions – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 9 mars 2021), Mme [J] a relevé appel d'un jugement rendu dans une instance l'opposant au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 4] et à la société L'Immobilière des Hautes-Alpes.

2. Par ordonnance du 6 octobre 2020, un conseiller de la mise en état a constaté la péremption de l'instance.

3. Mme [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt ayant confirmé l'ordonnance déférée.

4. Le président de la conférence des premiers présidents de cours d'appel, le bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 5] et le président du Conseil national des barreaux ont, en application des articles L. 431-3-1 du code de l'organisation judiciaire et 1015-2 du code de procédure civile, déposé chacun une note écrite et les deux derniers ont été entendus à l'audience publique du 19 décembre 2023.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Mme [J] fait grief à l'arrêt de juger que l'instance d'appel est périmée, alors « que lorsque les parties ont accompli l'ensemble des diligences mises à leur charge par les articles 908 et 909 du code de procédure civile, la cour d'appel est tenue de procéder à la fixation de l'affaire sans qu'elles aient à la requérir ni à accomplir une quelconque autre diligence ; que dès lors, le délai nécessaire à la fixation de l'affaire, qui est de la seule responsabilité de la juridiction, ne peut être sanctionné par une mesure de péremption qui ne préjudicie qu'aux parties ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 386 du code de procédure civile, 6, § 1, et 13 de la Convention des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 2, 386, 908, 909, 910-4 et 912 du code de procédure civile, ces quatre derniers dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :

6. Aux termes du troisième de ces textes, l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.

7. Aux termes du deuxième, les parties conduisent l'instance sous les charges qui leur incombent. Il leur appartient d'accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis.

8. Selon le quatrième de ces textes, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe.

Selon le cinquième, l'intimé dispose d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

9. Selon le sixième, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

10. Selon le dernier de ces textes, le conseiller de la mise en état examine l'affaire dans les quinze jours suivant l'expiration des délais pour conclure et communiquer les pièces. Il fixe la date de la clôture et celle des plaidoiries. Toutefois, si l'affaire nécessite de nouveaux échanges de conclusions, sans préjudice de l'article 910-4, il en fixe le calendrier, après avoir recueilli l'avis des avocats.

11. Jusqu'à présent, la Cour de cassation jugeait, en matière de procédure d'appel avec représentation obligatoire, d'une part, que la péremption de l'instance d'appel est encourue lorsque, après avoir conclu en application des articles 908 et 909 du code de procédure civile, les parties n'ont pas pris d'initiative pour faire avancer l'instance ou obtenir du conseiller de la mise en état la fixation, en application de l'article 912 du code de procédure civile, des débats de l'affaire (2e Civ., 16 décembre 2016, pourvoi n° 15-27.917, Bull. 2016, II, n° 281), d'autre part, que la demande de la partie appelante adressée au président de la formation de jugement en vue, au motif qu'elle n'entend pas répliquer aux dernières conclusions de l'intimé, de la fixation de l'affaire pour être plaidée, interrompt le délai de péremption de l'instance mais ne le suspend pas (2e Civ., 1er février 2018, pourvoi n° 16-17.618, Bull. 2018, II, n° 20).

12. Il y a toutefois lieu de reconsidérer cette jurisprudence.

13. En effet, postérieurement à l'arrêt précité du 16 décembre 2016, le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 a inséré, dans le code de procédure civile, un nouvel article 910-4 qui impose aux parties, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, de présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond.

14. Lorsqu'elles ont accompli, conformément notamment aux dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile, l'ensemble des charges leur incombant dans les délais impartis, sans plus rien avoir à ajouter au soutien de leurs prétentions respectives, les parties n'ont plus de diligence utile à effectuer en vue de faire avancer l'affaire, la direction de la procédure leur échappant alors au profit du conseiller de la mise en état.

15. À cet égard, il ressort des auditions réalisées sur le fondement de l'article 1015-2 du code de procédure civile auxquelles il a été procédé ainsi que des documents transmis en application de l'article L. 431-3-1 du code de l'organisation judiciaire que la demande de fixation de l'affaire à une audience se révèle, dans de nombreux cas, vaine lorsque la cour d'appel saisie se trouve dans l'impossibilité, en raison de rôles d'audience d'ores et déjà complets, de fixer l'affaire dans un délai inférieur à deux ans.

16. Il en découle que lorsque le conseiller de la mise en état n'a pas été en mesure de fixer, avant l'expiration du délai de péremption de l'instance, la date de la clôture ainsi que celle des plaidoiries, il ne saurait être imposé aux parties de solliciter la fixation de la date des débats à la seule fin d'interrompre le cours de la péremption.

17. Il résulte de la combinaison de ces textes, interprétés à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d'accomplir une diligence particulière.

18. L'arrêt relève qu'aucune diligence n'a été accomplie par l'une ou l'autre des parties depuis le 18 octobre 2016.

19. Si c'est conformément à la jurisprudence rappelée au paragraphe 11 que la cour d'appel en a déduit que la péremption était acquise, le présent arrêt qui opère revirement de jurisprudence, immédiatement applicable en ce qu'il assouplit les conditions de l'accès au juge, conduit à l'annulation de l'arrêt attaqué.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Jollec - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Gury et Maitre -

Textes visés :

Articles 2 et 386 du code de procédure civile ; articles 908, 909, 910-4 et 912 du code de procédure civile dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 ; article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 7 mars 2024, pourvoi n° 21-23.230, Bull. (annulation) ; 2e Civ., 7 mars 2024, pourvoi n° 21-19.475, Bull. (annulation) ; 2e Civ., 7 mars 2024, pourvoi n° 21-20.719, Bull. (rejet) ; 2e Civ., 16 décembre 2016, pourvoi n° 15-27.917, Bull. 2016, II, n° 281 (rejet).

2e Civ., 7 mars 2024, n° 22-10.337, (B), FRH

Cassation partielle

Procédure de la mise en état – Conseiller de la mise en état – Ordonnance du conseiller de la mise en état – Voies de recours – Déféré – Pouvoirs – Etendue – Détermination – Portée

Il résulte des articles 914 et 916 du code de procédure civile que si de nouveaux moyens de défense peuvent être opposés à l'occasion du déféré pour contester l'ordonnance du conseiller de la mise en état, la cour d'appel, statuant sur déféré, ne peut connaître de prétentions qui n'ont pas été soumises au conseiller de la mise en état.

Encourt dès lors la cassation, l'arrêt rendu sur déféré d'une décision d'un conseiller de la mise en état, qui constate la caducité de la déclaration d'appel alors que les intimés n'avaient pas invoqué cette caducité devant le conseiller de la mise en état.

Procédure de la mise en état – Conseiller de la mise en état – Compétence – Etendue – Fin de non-recevoir – Limites

Il résulte des articles 126, 789, 6°, dans sa version issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, 908 et 961 du code de procédure civile, que si le conseiller de la mise en état, ou la cour d'appel statuant sur déféré, est compétent pour statuer sur des fins de non-recevoir touchant à la procédure d'appel, l'examen de ces fins de non-recevoir implique que les parties n'aient plus la possibilité de déposer de nouvelles conclusions après cet examen. Or, il résulte de l'article 961 du code de procédure civile, que la fin de non-recevoir tirée de l'absence des indications mentionnées à l'article 960 du même code, peut être régularisée jusqu'au jour du prononcé de la clôture, ou, en l'absence de mise en état, jusqu'à l'ouverture des débats. Dès lors, seule la cour d'appel, saisie au fond, est compétente pour connaître des fins de non-recevoir des articles 960 et 961 du code de procédure civile. Encourt donc la cassation l'arrêt rendu sur le déféré formé contre l'ordonnance d'un conseiller de la mise en état qui se prononce sur l'irrecevabilité des conclusions de l'appelant ne portant mention d'aucun organe représentant les personnes morales appelantes.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 15 novembre 2021), Mme [U] [X] épouse [T], M. [G] [T], Mme [O] [T] et M. [A] [T] (les consorts [T]) ont assigné les sociétés civiles immobilières Le Souleiha du Cordie, le Clos de la Bourdette, Saint Jean de L'Hers, Saint Jean du Parc, Saint Jean l'Ormeau, Saint Jean Montaudran, Sodere et la société Télé Montaudran, dans lesquelles ils détiennent des parts au titre de la succession de [W] [X], ainsi que le gestionnaire de ces biens, la société Cabinet l'immeuble, et son gérant M. [C] afin d'obtenir le versement de dividendes et de dommages et intérêts.

2. Les sociétés civiles immobilières Le Souleiha du Cordie, le Clos de la Bourdette, Saint Jean de L'Hers, Saint Jean du Parc, Saint Jean l'Ormeau, Saint Jean Montaudran, Sodere, la société Télé Montaudran, la société Cabinet l'immeuble et M. [C] ont fait appel, par déclaration du 3 avril 2019, du jugement d'un tribunal de grande instance les ayant condamnés à verser diverses sommes aux consorts [T].

3. Les consorts [T] ont déféré à la cour d'appel l'ordonnance d'un conseiller de la mise en état ayant déclaré nulle la déclaration d'appel de la société Télé Montaudran et ayant rejeté les demandes tendant à voir déclarer l'appel des autres sociétés irrecevables.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La société Cabinet l'immeuble, M. [C], les sociétés civiles immobilières Le Souleiha du Cordie, le Clos de la Bourdette, Saint Jean de L'Hers, Saint Jean du Parc, Saint Jean l'Ormeau, Saint Jean Montaudran, Sodere et la société Télé Montaudran font grief à l'arrêt de constater la caducité de la déclaration d'appel formée le 5 avril 2019 dans leur intérêt, alors « que si de nouveaux moyens de défense peuvent être opposés à l'occasion du déféré pour contester l'ordonnance du conseiller de la mise en état, la cour d'appel statuant sur déféré ne peut connaître de prétentions qui n'ont pas été soumises au conseiller de la mise en état ; qu'en énonçant que la caducité de l'appel pourrait être invoquée pour la première fois devant la cour d'appel statuant sur le déféré formé contre l'ordonnance du conseiller de la mise en état, la cour d'appel a violé les articles 914 et 916 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. Les défendeurs contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit.

6. Cependant, le moyen, ne se prévalant d'aucun fait qui n'ait été constaté par la cour d'appel, est de pur droit et peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation.

7. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 914 et 916 du code de procédure civile :

8. Il résulte de ces textes que si de nouveaux moyens de défense peuvent être opposés à l'occasion du déféré pour contester l'ordonnance du conseiller de la mise en état, la cour d'appel, statuant sur déféré, ne peut connaître de prétentions qui n'ont pas été soumises au conseiller de la mise en état.

9. Pour constater la caducité de la déclaration d'appel formée le 5 avril 2019, l'arrêt retient que les consorts [T] ont soulevé pour la première fois en déféré la caducité de l'appel, prétention qui peut effectivement être présentée à tout moment de la procédure d'appel, en ce compris devant la formation de déféré.

10. En statuant ainsi, alors que les intimés n'avaient pas invoqué la caducité de l'appel devant le conseiller de la mise en état, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

11. La société Cabinet l'immeuble, M. [C], les sociétés civiles immobilières Le Souleiha du Cordie, le Clos de la Bourdette, Saint Jean de L'Hers, Saint Jean du Parc, Saint Jean l'Ormeau, Saint Jean Montaudran, Sodere et la société Télé Montaudran font le même grief à l'arrêt, alors « que saisie par le déféré formé contre l'ordonnance d'un conseiller de la mise en état, la cour d'appel, statuant dans le champ de compétence d'attribution de ce dernier, ne pouvait pas se prononcer sur l'irrecevabilité de conclusions prévue à l'article 961 du code de procédure civile, et partant ne pouvait prononcer la caducité de l'appel sur le fondement de l'irrecevabilité des conclusions pour absence de mention de l'organe qui représente légalement la personne morale ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 126, 908, 960, alinéa 2, 961 et 914 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

12. Les défendeurs contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit.

13.Cependant, le moyen, ne se prévalant d'aucun fait qui n'ait été constaté par la cour d'appel, est de pur droit et peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation.

14. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 126, 789, 6°, dans sa version issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, 908, 960, alinéa 2, 961 et 914 du code de procédure civile :

15. Aux termes du premier de ces textes, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

16. Il résulte du cinquième que les conclusions des parties ne sont pas recevables tant que les indications mentionnées à l'alinéa 2 de l'article 960 n'ont pas été fournies.

17. Selon le troisième, à peine de caducité de la déclaration d'appel, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de celle-ci pour remettre ses conclusions au greffe.

18. Aux termes du deuxième, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir. Ce texte est applicable, par renvoi de l'article 907 du code de procédure civile, devant le conseiller de la mise en état, sans que l'article 914 du même code n'en restreigne l'étendue (Avis de la Cour de cassation, 11 octobre 2022, n° 22-70.010).

19. Il en résulte que si le conseiller de la mise en état, ou la cour d'appel statuant sur déféré, est compétent pour statuer sur des fins de non-recevoir touchant à la procédure d'appel, l'examen de ces fins de non-recevoir implique que les parties n'aient plus la possibilité de déposer de nouvelles conclusions après l'examen par le juge de ces fins de non-recevoir.

20. Or, il résulte du cinquième de ces textes, que la fin de non-recevoir tirée de l'absence des indications mentionnées à l'article 960 du même code, peut être régularisée jusqu'au jour du prononcé de la clôture, ou, en l'absence de mise en état, jusqu'à l'ouverture des débats.

21. Dès lors, seule la cour d'appel, saisie au fond, est compétente pour connaître des fins de non-recevoir des articles 960 et 961 du code de procédure civile.

22. Pour constater la caducité de la déclaration d'appel formée le 5 avril 2019, l'arrêt retient que les uniques conclusions déposées dans l'intérêt des sociétés appelantes ne portent mention d'aucun organe les représentant ni aucune formule même générale, qu'elles n'ont jamais été régularisées avant le dépôt des conclusions aux fins de voir constater la caducité de l'appel pas plus que celles prises en leur nom au cours de l'instance de déféré ne portent de telles indications, de sorte qu'au moment de statuer sur la question de leur caducité, lesdites écritures n'ont jamais été reprises pour faire figurer le nom de l'organe représentant les personnes morales appelantes et que les conclusions étant irrecevables, sont sans portée pour faire échec à la caducité de l'appel.

23. En statuant ainsi, alors que saisie par le déféré formé contre une ordonnance d'un conseiller de la mise en état, la cour d'appel qui n'avait pas le pouvoir de prononcer l'irrecevabilité des conclusions de l'appelant au regard des articles 960 et 961 précités, et par voie de conséquence, la caducité de l'appel, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme l'ordonnance rendue le 7 décembre 2020 par le conseiller de la mise en état de la 1re chambre civile, section 2, de la cour d'appel de Toulouse, constate la caducité de la déclaration d'appel formée le 5 avril 2019 dans l'intérêt de la Société civile immobilière Le Souleiha du Cordie, de la Société civile immobilière Saint Jean l'Ormeau, de la société civile immobilière Sodere, de la Société civile immobilière Saint Jean Montaudran, de la Société civile immobilière Saint Jean de l'Hers, de la Société civile immobilière Saint Jean du Parc, de la société civile immobilière Le Clos de la Bourdette et la société Cabinet l'immeuble ainsi que de M. [C], condamne la société Cabinet l'immeuble et M. [C] aux dépens de déféré et de l'instance d'appel et condamne la société Cabinet l'immeuble et M. [N] [C] à payer à Mme [U] [X] épouse [T], M. [A] [T], M. [G] [T] et Mme [O] [T], chacun, la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700, alinéa 1er, 1°, du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 15 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Bohnert - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Boutet et Hourdeaux -

Textes visés :

Articles 914 et 916 du code de procédure civile ; articles 126, 789, 6°, dans sa version issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, 908, 960 et 961 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 4 mars 2021, pourvoi n° 19-15.695, Bull. (rejet) ; 2e Civ., 31 janvier 2019, pourvoi n° 17-22.765, Bull. (cassation partielle sans renvoi).

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