Numéro 3 - Mars 2024

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2024

SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES

2e Civ., 21 mars 2024, n° 21-20.256, (B), FRH

Rejet

Décès – Capital décès – Bénéficiaires – Droit de priorité – Délai pour l'invoquer – Inopposabilité – Cas – Carence du représentant légal de l'enfant mineur

Il résulte de la combinaison des articles L. 361-1, L. 361-4, R. 361-4 et R. 361-5 du code de la sécurité sociale que le délai d'un mois, imposé par le dernier de ces textes aux personnes qui étaient à la charge effective, totale et permanente de l'assuré, décédé, pour invoquer la priorité en vue du versement du capital décès ouverte au deuxième, n'est pas opposable au descendant mineur de celui-ci, en cas de carence de son représentant légal.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Créteil, 25 mai 2021), rendu en dernier ressort, Mme [L] [M] (la représentante légale) a adressé, le 23 mars 2018, à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne (la caisse) une demande de versement du capital décès pour le compte de son fils mineur, [B] [A] [M] [D] (l'ayant droit), à la suite du décès de [Z] [P] [D] (l'assuré), survenu le 27 mai 2017.

2. La caisse ayant rejeté sa demande au motif qu'elle était tardive et que le capital décès avait été versé à deux autres enfants de l'assuré, la représentante légale de l'ayant droit a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. La caisse fait grief au jugement d'accueillir le recours et de la condamner à verser à la représentante légale de l'ayant droit le capital décès à hauteur de la quote-part de celui-ci, alors « qu'en toute hypothèse, le capital-décès est versé par priorité aux personnes qui étaient au jour du décès, à la charge effective, totale et permanente de l'assuré, appelées bénéficiaires prioritaires ; qu'un bénéficiaire prioritaire qui omet de se manifester dans le mois suivant le jour du décès ne peut prétendre au capital-décès si d'autres bénéficiaires ont fait valoir leur qualité de bénéficiaires prioritaires dans ce même délai d'un mois ; qu'en l'espèce, elle exposait, sans être contredite, que deux enfants s'étaient manifestés dans le délai d'un mois suivant le décès de l'assuré pour revendiquer leur qualité de bénéficiaire prioritaire et que l'ayant droit s'était prévalu de sa qualité de bénéficiaire prioritaire plus d'un an après le décès de l'assuré ; qu'en jugeant que la caisse ne pouvait écarter la demande de l'ayant droit en lui opposant l'irrespect du délai d'un mois pour faire valoir sa qualité de bénéficiaire prioritaire, quand le fait que d'autres bénéficiaires prioritaires aient fait prévaloir leur qualité dans le respect dudit délai d'un mois était de nature à justifier le rejet de cette demande, le tribunal a violé les articles L. 361-1, L. 361-4 et R. 361-5 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article R. 361-5 du code de la sécurité sociale, les personnes qui se trouvent à la charge effective, totale et permanente de l'assuré décédé disposent d'un délai d'un mois pour invoquer la priorité en vue du versement du capital décès ouverte à l'article L. 361-4 du même code.

6. Selon l'article R. 361-4 du code de la sécurité sociale, lorsque le droit au paiement du capital prévu aux articles L. 361-1 à L. 361-4 du même code est ouvert aux descendants mineurs, la demande est formée par le représentant légal.

En cas de carence du représentant légal, un juge forme la demande et désigne la personne ou l'établissement qui doit recevoir en dépôt, pour le compte des mineurs, les sommes qui reviennent à ceux-ci.

7. Il résulte de la combinaison de ces textes que le délai d'un mois imposé par l'article R. 361-5 du code de la sécurité sociale n'est pas opposable au descendant mineur de l'assuré en cas de carence de son représentant légal.

8. Le jugement relève que l'ayant droit, mineur, était à la charge effective, totale et permanente de l'assuré jusqu'à son décès et que la représentante légale de l'ayant droit a présenté tardivement la demande de versement du capital décès, de sorte que le délai prévu par l'article R. 361-5 du code de la sécurité sociale ne pouvait être opposé à l'ayant droit.

9. Par ce motif de pur droit, substitué d'office à celui critiqué par le moyen, dans les conditions prévues par l'article 620, alinéa 1er, du code de procédure civile et après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code, la décision attaquée se trouve légalement justifiée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : M. Pédron - Avocat général : M. Gaillardot - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés -

Textes visés :

Articles L. 361-1, L. 361-4, R. 361-4 et R. 361-5 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

Soc., 15 janvier 1976, pourvoi n° 74-13.804, Bull. 1976, V, n° 32 (rejet) ; Soc., 20 janvier 2000, pourvoi n° 98-12.495, Bull. 2000, V, n° 34 (rejet).

2e Civ., 21 mars 2024, n° 21-18.015, (B), FRH

Rejet

Maladie – Indemnité journalière – Calcul – Base de calcul – Salaires effectivement perçus durant la période précédant l'interruption effective de travail

Il résulte des articles L. 313-1, R. 313-1 et R. 313-3 du code de la sécurité sociale que le droit aux indemnités journalières de l'assurance maladie s'apprécie sur la base des salaires effectivement versés durant la période précédant l'interruption de travail.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 12 avril 2021), la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3]-[Localité 5] (la caisse) a refusé à M. [P] (l'assuré), gérant salarié de la société [4], le versement d'indemnités journalières au titre de l'assurance maladie pour un arrêt maladie du 12 juillet 2016.

2. L'assuré a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'assuré fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande, alors « que pour avoir droit aux indemnités journalières de l'assurance maladie, l'assuré peut justifier que le montant des cotisations dues au titre des assurances maladie, maternité, invalidité et décès assises sur les rémunérations qu'il a perçues pendant les six mois civils précédents est au moins égale au montant des mêmes cotisations dues pour un salaire égal à 1015 fois la valeur du salaire minimum de croissance au premier jour de la période de référence ; qu'il doit être tenu compte des rémunérations perçues postérieurement à la date de référence lorsqu'elles consistent en des rappels de salaire correspondant à un travail effectué au cours de la période de référence ; qu'en énonçant que les rémunérations ou cotisations payées postérieurement au premier jour de l'arrêt de travail, même pour une période antérieure, ne peuvent être prises en compte, la cour d'appel a violé l'article R. 313-3 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article L. 313-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, applicable au litige, pour avoir droit aux indemnités journalières de l'assurance maladie, l'assuré social doit justifier, au cours d'une période de référence, soit avoir perçu des rémunérations soumises à cotisations, au sens de l'article L. 242-1, au moins égales à un montant fixé par référence au salaire minimum de croissance, soit avoir effectué un nombre minimum d'heures de travail salarié ou assimilé.

5. Selon les articles R. 313-1 et R. 313-3 du même code, le premier, dans sa rédaction issue du décret n° 2015-1865 du 30 décembre 2015, le second dans sa rédaction issue du décret n° 2015-86 du 30 janvier 2015, applicables au litige, pour avoir droit aux indemnités journalières de l'assurance maladie pendant les six premiers mois d'interruption de travail, l'assuré social doit justifier, au jour de l'interruption de travail, soit que le montant des cotisations dues au titre de l'assurance maladie assises sur les rémunérations qu'il a perçues pendant les six mois civils précédents est au moins égal au montant des mêmes cotisations dues pour un salaire égal à 1015 fois la valeur du salaire minimum de croissance au premier jour de la période de référence, soit avoir effectué au moins 150 heures de travail salarié ou assimilé au cours des trois mois civils ou des quatre-vingt-dix jours précédents.

6. Il résulte de ces textes que le droit aux indemnités journalières de l'assurance maladie s'apprécie sur la base des salaires effectivement versés durant la période précédant l'interruption de travail.

7. Ayant énoncé que les conditions d'ouverture du droit aux indemnités journalières s'apprécient au premier jour de I'arrêt de travail, la cour d'appel a exactement retenu que les rappels de salaires versés postérieurement à cette date ne devaient pas être pris en compte, de sorte que l'assuré, qui ne remplissait aucune des deux conditions alternatives de l'article R. 313-3 du code de la sécurité sociale, ne pouvait bénéficier du versement d'indemnités journalières.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Lerbret-Féréol - Avocat général : Mme Pieri-Gauthier - Avocat(s) : SCP Zribi et Texier ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles L. 313-1, R. 313-1 et R. 313-3 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 22 janvier 2009, pourvoi n° 07-21.504, Bull. 2009, II, n° 30 (rejet) ; 2e Civ., 8 octobre 2020, pourvoi n° 19-21.128, Bull. (cassation sans renvoi).

2e Civ., 21 mars 2024, n° 22-11.242, (B), FRH

Cassation

Maladie – Interruption de travail – Prolongation – Cas – Indemnité journalière – Versement – Conditions – Détermination – Portée

Il résulte des articles L. 321-1 et L. 162-4-1 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, que le versement des indemnités journalières est subordonné à la constatation par le médecin traitant d'une incapacité de travail, au vu des éléments médicaux qu'il identifie. Cette incapacité doit être constatée par certificat médical. Il en est de même en cas de prolongation de l'arrêt de travail initial.

Viole ces textes le tribunal qui retient qu'un assuré peut bénéficier d'indemnités journalières au titre d'une affection de longue durée dont il était établi, par expertise, que l'assuré demeurait atteint en dépit d'un arrêt de travail délivré pour une pathologie distincte, dès lors que cette affection n'avait pas fait l'objet d'une prescription médicale de prolongation.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Troyes, 24 décembre 2021), rendu en dernier ressort, et les productions, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube (la caisse) a notifié à M. [X] (l'assuré), un indu d'indemnités journalières pour la période du 20 juin au 31 octobre 2018.

2. L'assuré a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen relevé d'office

3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles L. 321-1 et L. 162-4-1 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, applicable au litige :

4. Il résulte de ces textes que le versement des indemnités journalières est subordonné à la constatation par le médecin traitant d'une incapacité de travail, au vu des éléments médicaux qu'il identifie. Cette incapacité doit être constatée par certificat médical. Il en est de même en cas de prolongation de l'arrêt de travail initial.

5. Pour annuler l'indu d'indemnités journalières litigieux, le jugement constate que l'assuré bénéficiait d'un arrêt de travail au titre d'une affection de longue durée du 4 octobre 2017 au 6 juillet 2018, lorsqu'il a fait l'objet d'un autre arrêt de travail pour une pathologie distincte à partir du 20 juin 2018. Il retient que l'expertise judiciaire établit que l'affection de longue durée justifiait toujours des arrêts de travail postérieurement au 6 juillet 2018, de sorte que l'assuré était toujours légitime à percevoir l'indemnisation de l'arrêt de travail au titre de cette affection. Il en déduit que c'est à tort que la caisse a procédé à un nouveau calcul de ses droits à indemnité journalière en appliquant un nouveau délai de carence et en retenant une nouvelle période de référence au regard de l'arrêt de travail prescrit le 20 juin 2018.

6. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'arrêt de travail prescrit en raison de l'affection de longue durée dont était atteint l'assuré n'avait pas fait l'objet d'une prescription médicale de prolongation postérieurement au 6 juillet 2018, le tribunal a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 24 décembre 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Troyes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : M. Labaune - Avocat général : Mme Tuffreau - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article L. 321-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 ; Article L. 162-4-1 du code de la sécurité sociale.

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