Numéro 3 - Mars 2024

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2024

PROTECTION DES CONSOMMATEURS

Com., 13 mars 2024, n° 22-19.900, (B), FRH

Rejet

Cautionnement – Principe de proportionnalité – Critère d'appréciation – Biens et revenus déclarés – Prise en compte d'une fiche de renseignements signée postérieurement à la souscription (non)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 8 mars 2022), par un acte du 17 mars 2004, la société Becam TP (la société) a ouvert un compte courant dans les livres de la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 3] (la banque).

2. Par un acte du 4 juillet 2008, la banque a consenti à la société un crédit de trésorerie à durée indéterminée, par débit du compte courant, d'un montant de 80 000 euros, garanti par le cautionnement solidaire de M. [G] dans la limite d'une somme de 40 000 euros.

3. La société ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné en paiement la caution, qui lui a opposé la disproportion manifeste de son engagement à ses biens et revenus.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de ses demandes formées au titre de l'engagement de caution souscrit par M. [G] le 4 juillet 2008, alors « que la caution qui a rempli, à la demande de la banque, une fiche de renseignements relative à ses revenus et charges annuels et à son patrimoine, dépourvue d'anomalies apparentes sur les informations déclarées ne peut, ensuite, soutenir que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu'elle a déclarée au créancier ; que si cette fiche de renseignements doit être établie à une époque contemporaine de la conclusion du contrat de cautionnement, elle n'a pas à lui être nécessairement antérieure ni concomitante, et peut ainsi lui être postérieure, sauf à ce que la caution démontre que sa situation a évolué entre la conclusion du contrat de cautionnement et l'établissement de la fiche d'informations ; qu'en refusant en conséquence de tenir compte de la fiche de renseignements établie par M. [G] le 11 août 2008, au seul motif qu'elle avait été établie postérieurement à la conclusion du cautionnement le 4 juillet 2008, sans constater que la caution invoquait et démontrait que sa situation patrimoniale aurait évolué entre ces deux dates, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-4 du code de la consommation en sa rédaction applicable au litige, devenu l'article L. 332-1 du même code. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

6. Si ce texte n'impose pas au créancier, sauf anomalies apparentes, de vérifier les déclarations fournies par la caution, à qui il incombe de prouver la disproportion manifeste de son engagement à ses biens et revenus, le créancier a le devoir de s'enquérir de la situation patrimoniale de cette dernière, avant la souscription du cautionnement, de sorte qu'il ne peut être tenu compte, pour l'appréciation de la disproportion, d'une fiche de renseignements signée postérieurement.

7. C'est, dès lors, à bon droit que la cour d'appel a retenu que, pour l'appréciation de la disproportion manifeste du cautionnement du 4 juillet 2008, la banque ne pouvait pas se prévaloir des déclarations faites par M. [G] dans la fiche de renseignements qu'il lui a remise le 11 août 2008, soit plus d'un mois après la souscription de son engagement.

8. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Graff-Daudret - Avocat général : M. Bonthoux - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix -

Textes visés :

Article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

1re Civ., 13 mars 2024, n° 22-24.349, (B), FS

Rejet

Crédit à la consommation – Contrat de crédit – Encadré prévu à l'article L. 311-18 du code de la consommation – Informations sur les caractéristiques essentielles du contrat – Montant de l'échéance – Détermination – Portée

Il résulte des articles L. 311-18 et L. 311-48, alinéa 1, du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et de l'article R. 311-5 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2016-884 du 29 juin 2016, que le montant de l'échéance qui figure dans l'encadré inséré au début du contrat, lequel informe l'emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit sous peine de déchéance du prêteur du droit aux intérêts, doit inclure le coût des frais liés à l'exécution du contrat de crédit lorsque ceux-ci sont amortissables.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 31 mars 2022), suivant offre acceptée le 29 septembre 2015, la société Creatis (la banque) a consenti à M. [E] et Mme [C] (les emprunteurs) un crédit à la consommation.

2. A la suite de la défaillance des emprunteurs, la banque a prononcé la déchéance du terme et les a assignés en paiement.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La banque fait grief à l'arrêt de prononcer la déchéance du droit aux intérêts conventionnels et de condamner solidairement les emprunteurs à lui payer la seule somme de 12 428,72 euros, alors « que l'encadré mentionné à l'article L. 311-18 du code de la consommation indique, à l'exclusion de toute autre information, celles énumérées à l'article R. 311-5, 2° du code de la consommation ; que le montant de l'échéance qui figure dans l'encadré au titre des informations sur les caractéristiques essentielles du contrat de crédit n'inclut ni le coût mensuel de l'assurance souscrite par l'emprunteur accessoirement à ce contrat, ni le montant des frais liés à l'exécution du contrat de crédit qui fait l'objet d'une mention spéciale dans ledit encadré ; qu'en retenant que les mentions figurant en page 2 du contrat, précisant le montant des échéances hors assurance facultative, ne suffisent pas à informer chacun des co-emprunteurs de manière claire et précise sur le montant de l'échéance mensuelle à verser, le tableau d'amortissement mentionnant des mensualités de 519,30 euros chacune qui ne sont pas évoquées dans l'encadré, aucune référence n'y étant faite au montant d'une mensualité assurances et frais inclus et à leur nombre sur les 96 mensualités annoncées, pour en déduire que le formalisme du contrat ne satisfait pas aux exigences des articles L. 311-18 et R. 311-5 du code de la consommation, quand ni le montant de l'assurance facultative ni celui des frais ne devait être inclus dans le montant de l'échéance, de sorte que l'encadré ne devait pas mentionner des échéances incluant les montants de l'assurance facultative et/ou des frais, la cour d'appel a violé lesdits textes dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte des articles L. 311-18 et L. 311-48, alinéa 1er, du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, qu'un encadré, inséré au début du contrat, informe l'emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit, sous peine de déchéance du prêteur du droit aux intérêts.

5. Selon l'article R. 311-5 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2016-884 du 29 juin 2016, doivent être mentionnés dans cet encadré, à l'exclusion de toute autre information :

d) Le montant, le nombre et la périodicité des échéances que l'emprunteur doit verser et, le cas échéant, l'ordre dans lequel les échéances seront affectées aux différents soldes dus fixés à des taux débiteurs différents aux fins du remboursement. Pour les découverts, il est indiqué le montant et la durée de l'autorisation que l'emprunteur doit rembourser ;

g) Tous les frais liés à l'exécution du contrat de crédit, dont, le cas échéant, les frais de tenue d'un ou plusieurs comptes destinés à la mise à disposition des fonds ou au paiement des échéances de crédit et les frais liés à l'utilisation d'un instrument de paiement déterminé, ainsi que les conditions dans lesquelles ces frais peuvent être modifiés.

6. Il s'en déduit que le montant de l'échéance qui figure dans l'encadré au titre des informations sur les caractéristiques essentielles du contrat de crédit doit inclure le coût des frais liés à l'exécution du contrat de crédit lorsque ceux-ci sont amortissables.

7. La cour d'appel, qui a relevé que les frais liés à l'exécution du contrat de crédit figurant dans le tableau d'amortissement n'étaient pas inclus dans le montant des échéances mensuelles mentionné dans l'encadré a, par ce seul motif, abstraction faite du motif erroné mais surabondant tiré du défaut d'inclusion de l'assurance facultative, exactement retenu que le contrat ne satisfaisait pas aux exigences des textes précités et en a déduit, à bon droit, que la déchéance du droit aux intérêts conventionnels devait être prononcée.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Champalaune - Rapporteur : Mme Kloda - Avocat général : Mme Cazaux-Charles - Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux -

Textes visés :

Articles L. 311-18 et L. 311-48, alinéa 1, du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ; article R. 311-5 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.

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