Numéro 3 - Mars 2024

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2024

APPEL CIVIL

2e Civ., 7 mars 2024, n° 22-11.804, (B), FRH

Rejet

Appelant – Conclusions – Jugement sur le fond – Demande d'annulation – Effet

L'appelant qui demande l'annulation du jugement, pour un autre motif que celui tiré de l'irrégularité de l'acte introductif d'instance, doit conclure subsidiairement au fond. A défaut, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement.

Effet dévolutif – Portée – Jugement sur le fond – Annulation – Demande autre que l'irrégularité de l'acte introductif d'instance – Absence de conclusions sur le fond – Effet

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 septembre 2021), M. [I] a souscrit auprès de la société GE Money Bank (la banque) un prêt garanti par le cautionnement solidaire de la SACCEF, aux droits de laquelle se trouve la Compagnie européenne de garanties et cautions (la caution).

2. Après avoir réglé diverses sommes à la banque, la caution a assigné M. [I] en paiement, sur le fondement de son recours personnel.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. [I] fait grief à l'arrêt, après avoir rejeté la demande en nullité du jugement attaqué, statuant au fond en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, de confirmer ledit jugement en ce qu'il l'avait condamné à payer à la Compagnie européenne de garanties et cautions les sommes de 282 458,75 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2019 et 1 786,43 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 juillet 2019 tout en disant que les intérêts seront capitalisés annuellement conformément à la demande de cette dernière, alors « que lorsque l'appelant saisit la cour d'une demande d'annulation du jugement l'effet dévolutif s'opère pour le tout, c'est-à-dire que l'ensemble des chefs du jugement est soumis à la cour d'appel pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit, sans que l'appelant ait à solliciter à titre subsidiaire la réformation de tels ou tels chefs de ce jugement ; qu'en jugeant, pour dire qu'elle n'était saisie, sur le fond du litige, que par les prétentions d'appel incident formées par la société CEGC, après avoir pourtant rappelé à bon droit que la dévolution s'opérait pour le tout par l'effet de l'appel de M. [I] qui invoquait une cause de nullité du jugement ne mettant pas en jeu la régularité de l'acte introductif d'instance, que l'appelant avait l'obligation de présenter dès ses premières conclusions l'ensemble de ses prétentions sur le fond ce qu'il n'avait pas fait puisqu'il n'avait conclu qu'à la nullité du jugement et à la réouverture des débats, la cour d'appel qui a confirmé le jugement le condamnant sans néanmoins apprécier en fait et en droit le litige dont elle était entièrement saisie, a violé les articles 561, 562 et 910-4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. D'une part, en application de l'article 562 du code de procédure civile, lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement pour un motif autre que l'irrégularité de l'acte introductif d'instance, l'effet dévolutif opère pour le tout.

5. D'autre part, il résulte de l'article 954, alinéa 3, du code de procédure civile que le dispositif des conclusions de l'appelant doit comporter, en vue de l'infirmation ou de l'annulation du jugement frappé d'appel, des prétentions sur le litige, sans lesquelles la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement frappé d'appel.

6. Il en découle que l'appelant qui demande l'annulation du jugement, pour un autre motif que celui tiré de l'irrégularité de l'acte introductif d'instance, doit conclure subsidiairement au fond. À défaut, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement.

7. Ayant relevé que M. [I] ayant invoqué une cause de nullité qui ne mettait pas en jeu la régularité de l'acte introductif d'instance, la dévolution de l'affaire à la cour s'opérait par l'effet de l'appel, que la demande en nullité soit rejetée ou accueillie, que l'appelant avait l'obligation, en vertu de l'article 910-4 du code de procédure civile, de présenter, dès ses premières conclusions, l'ensemble de ses prétentions sur le fond et qu'il n'avait pas satisfait à cette exigence puisqu'il n'avait conclu qu'à la nullité du jugement et à la réouverture des débats, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elle n'était saisie, sur le fond du litige, que par les prétentions d'appel incident formées par la caution.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Bohnert - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SAS Buk Lament-Robillot ; SAS Hannotin Avocats -

Textes visés :

Articles 562 et 954, alinéa 3, du code de procédure civile.

Soc., 13 mars 2024, n° 21-25.827, (B), FS

Cassation partielle

Demande nouvelle – Définition – Exclusion – Cas – Demande tendant aux mêmes fins que la demande initiale – Applications diverses

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 21 octobre 2021), M. [V] a été engagé par la société Piani à compter du 5 décembre 1992 en qualité d'ouvrier exécution manoeuvre. Il exerçait en dernier lieu les fonctions d'ouvrier terrassier.

2. Son contrat de travail a été transféré à la société Forclum Infra Sud-Est, puis à la société Eiffage TP devenue la société Eiffage génie civil.

3. Le salarié a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 21 août 2015.

Examen des moyens

Sur le moyen relevé d'office

4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 564 et 565 du code de procédure civile :

5. Aux termes du premier de ces textes, à peine d'irrecevabilité soulevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

6. Selon le second, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

7. Pour déclarer irrecevable la demande en paiement de l'indemnité spéciale attachée à la qualification de licenciement pour inaptitude professionnelle, l'arrêt retient qu'alors que les prétentions du salarié soumises aux premiers juges consistaient dans l'obtention de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du non-respect par l'employeur de son obligation de reclassement, l'intéressé soutient, pour la première fois en cause d'appel, que son inaptitude a une origine professionnelle et sollicite le versement de l'indemnité spéciale de licenciement égale au double de l'indemnité légale de licenciement par application de l'article L. 1226-14 du code du travail. Il ajoute que la demande en paiement de l'indemnité spéciale attachée à la qualification de licenciement pour inaptitude professionnelle, laquelle n'était pas revendiquée en première instance, constitue une prétention nouvelle en appel qui ne tend pas aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges qui consistaient en une demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour non-respect de l'obligation de reclassement, et qu'elle n'en est ni la conséquence, ni le complément nécessaire.

8. En statuant ainsi, alors que la demande de dommages-intérêts formée devant la cour d'appel par le salarié aux fins d'indemnisation des conséquences de son licenciement en raison d'une inaptitude consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle tendait aux mêmes fins que celle, soumise aux premiers juges, qui visait à obtenir le paiement des indemnités légales propres à la rupture du contrat par l'employeur à raison de son inaptitude au poste, de sorte que la demande d'indemnité spéciale de licenciement était recevable, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt déclarant irrecevable la demande d'indemnité spéciale de licenciement entraîne la cassation des chefs de dispositif déboutant le salarié de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

10. La cassation des chefs de dispositif déclarant irrecevable en cause d'appel la demande de M. [V] en paiement de l'indemnité spéciale de licenciement n'emporte pas cassation des chefs de dispositif condamnant la société aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société Eiffage génie civil à payer à M. [V] la somme de 5 474,43 euros au titre de la somme indûment retenue, l'arrêt rendu le 21 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Salomon - Avocat général : Mme Wurtz - Avocat(s) : SCP Lesourd ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles 564 et 565 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Soc., 1er décembre 2021, pourvoi n° 20-13.339, Bull., (cassation partielle).

2e Civ., 7 mars 2024, n° 22-20.035, (B), FS

Cassation

Procédure avec représentation obligatoire – Déclaration d'appel – Déclaration d'appel remise au greffe par voie électronique – Absence de renvoi exprès à une annexe comportant les chefs de jugement critiqués – Nullité (non)

Selon l'article 901 du code de procédure civile, dans sa version issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022, la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe et contenant notamment, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

En matière de procédure avec représentation obligatoire, l'article 930-1 impose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, la remise des actes de procédure à la juridiction par voie électronique.

Selon l'article 748-1 du code de procédure civile, les envois, remises et notifications des actes de procédure, peuvent être effectués par voie électronique dans les conditions et selon les modalités fixées par le titre XXI du livre 1er du code de procédure civile, sans préjudice des dispositions spéciales imposant l'usage de ce mode de communication et l' article 748-6 de ce code dispose qu'un arrêté du garde des sceaux fixe les conditions relatives aux procédés techniques utilisés.

En application de l'article 4 de l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel, modifié par l'article 2 de l'arrêté du 25 février 2022, lorsqu'un document doit être joint à un acte, ledit acte renvoie expressément à ce document.

Une telle prescription est propre aux dispositions relatives aux procédés techniques utilisés en matière de communication électronique et ne constitue pas une formalité substantielle ou d'ordre public, au sens de l'article 114 du code de procédure civile, dont l'inobservation affecterait l'acte en lui-même.

Dès lors, la circonstance que la déclaration d'appel ne renvoie pas expressément à une annexe comportant les chefs de jugement critiqués ne peut donner lieu à la nullité de l'acte en application de l'article 114 précité. Elle ne saurait davantage, en application de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, priver la déclaration d'appel de son effet dévolutif, une telle conséquence étant disproportionnée au regard du but poursuivi.

Par ailleurs, une déclaration d'appel à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa version issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022, même en l'absence d'empêchement technique.

Acte d'appel – Validité – Conditions – Défaut de renvoi exprès à une annexe – Absence d'effet

Acte de procédure – Transmission par voie électronique – Obligation – Domaine d'application – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 mai 2022), par déclaration du 24 avril 2019, Mme [H] a relevé appel du jugement d'un conseil de prud'hommes dans un litige l'opposant à la Société générale, son employeur.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

2. Mme [H] fait grief à l'arrêt de dire que sa déclaration d'appel du 24 avril 2019 n'emporte pas d'effet dévolutif et de dire en conséquence que la cour d'appel n'est saisie d'aucune demande, alors :

« 1°/ qu'il résulte de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022, dont l'article 6 de ce décret dispose qu'elle est applicable aux instances en cours, que la mention des chefs du jugement expressément critiqués peut figurer dans une annexe à la déclaration d'appel ; que, dès lors, en considérant qu'en l'absence de démonstration d'un empêchement technique ayant justifié le recours à ce procédé, « l'annexe à la déclaration d'appel, qui énonce les chefs de jugement critiqués, n'est pas susceptible de valoir déclaration d'appel », la cour d'appel a violé l'article 901 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022, ensemble l'article 6 de ce décret ;

2°/ que le renvoi exprès de la déclaration d'appel à son annexe n'est pas prévu à peine de nullité ; que la cour d'appel a constaté que l'appelante avait joint à sa déclaration d'appel un document annexe énonçant les chefs du jugement expressément critiqués ; qu'en considérant qu'elle n'avait pas été régulièrement saisie, faute pour la déclaration d'appel de renvoyer expressément à son annexe, la cour d'appel a violé l'article 901 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022 et l'article 2 de l'arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice du 25 février 2022 modifiant l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 901 du code de procédure civile, dans sa version issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022, les articles 748-1, 748-6, 930-1, alinéas 1 et 5, du code de procédure civile et l'article 4 de l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel, modifié par l'article 2 de l'arrêté du 25 février 2022 :

3. Selon le deuxième de ces textes, la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :

1° La constitution de l'avocat de l'appelant ;

2° L'indication de la décision attaquée ;

3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;

4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle.

4. Selon le troisième, les envois, remises et notifications des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que des copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles peuvent être effectués par voie électronique dans les conditions et selon les modalités fixées par le titre XXI du livre 1er du code de procédure civile, sans préjudice des dispositions spéciales imposant l'usage de ce mode de communication.

5. Il résulte du quatrième que les procédés techniques utilisés doivent garantir, dans des conditions fixées par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la justice, la fiabilité de l'identification des parties à la communication électronique, l'intégrité des documents adressés, la sécurité et la confidentialité des échanges, la conservation des transmissions opérées et permettre d'établir de manière certaine la date d'envoi et, celle de la mise à disposition ou celle de la réception par le destinataire. Vaut signature, pour l'application des dispositions du code de procédure civile aux actes que les parties, le ministère public ou les auxiliaires de justice assistant ou représentant les parties notifient ou remettent à l'occasion des procédures suivies devant les juridictions des premier et second degrés, l'identification réalisée, lors de la transmission par voie électronique, selon les modalités prévues au premier alinéa.

6. En matière de procédure avec représentation obligatoire, selon le cinquième, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique. Un arrêté du garde des Sceaux définit les modalités des échanges par voie électronique.

7. Il résulte du dernier que, lorsqu'un document doit être joint à un acte, ledit acte renvoie expressément à ce document. Ce document est communiqué sous la forme d'un fichier séparé du fichier visé à l'article 3. Ce document est un fichier au format PDF, produit soit au moyen d'un dispositif de numérisation par scanner si le document à communiquer est établi sur support papier, soit par enregistrement direct au format PDF au moyen de l'outil informatique utilisé pour créer et conserver le document original sous forme numérique.

8. Il en découle que, si en application de l'article 4 de l'arrêté précité, lorsqu'un document doit être joint à l'acte, ledit acte renvoie expressément à ce document, une telle prescription est propre aux dispositions relatives aux procédés techniques utilisés en matière de communication électronique et ne constitue pas une formalité substantielle ou d'ordre public, au sens de l'article 114 du code de procédure civile, dont l'inobservation affecterait l'acte en lui-même.

9. Aussi, la circonstance que la déclaration d'appel ne renvoie pas expressément à une annexe comportant les chefs de jugement critiqués ne peut donner lieu à nullité de l'acte en application de l'article 114 précité.

10. Par ailleurs, cette circonstance ne saurait davantage priver la déclaration d'appel de son effet dévolutif, une telle conséquence étant disproportionnée au regard du but poursuivi.

11. Enfin, la Cour de cassation a jugé qu'une déclaration d'appel à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022, et ce, même en l'absence d'empêchement technique (Avis de la Cour de cassation, 8 juillet 2022, n° 22-70.005 ; 2e Civ., 26 octobre 2023, pourvoi n° 22-16.185, publié au Bulletin).

12. Pour constater que la cour d'appel n'est saisie d'aucune demande par la déclaration d'appel de Mme [H], l'arrêt retient que la déclaration d'appel ne mentionne pas les chefs du jugement critiqués, lesquels sont uniquement précisés dans une annexe à laquelle elle ne renvoie pas expressément, et qu'aucun cas d'empêchement d'ordre technique à renseigner la déclaration n'est établi.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par fausse application, les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : M. Waguette - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : Me Haas ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 901 du code de procédure civile, dans sa version issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022 ; articles 114, 748-1, 748-6 et 930-1 du code de procédure civile ; article 4 de l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel, modifié par l'article 2 de l'arrêté du 25 février 2022.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 13 janvier 2022, pourvoi n° 20-17.516, Bull. (rejet) ; 2e Civ., 26 octobre 2023, pourvoi n° 22-16.185, Bull. (cassation) ; 2e Civ., 7 mars 2024, pourvoi n° 22-23.522, Bull. (cassation).

2e Civ., 7 mars 2024, n° 22-23.522, (B), FS

Cassation

Procédure avec représentation obligatoire – Déclaration d'appel – Déclaration d'appel remise au greffe par voie électronique – Absence de renvoi exprès à une annexe comportant les chefs de jugement critiqués – Nullité (non)

Selon l'article 901 du code de procédure civile, dans sa version issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022, la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe et contenant notamment, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

En matière de procédure avec représentation obligatoire, l'article 930-1 impose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, la remise des actes de procédure à la juridiction par voie électronique.

Selon l'article 748-1 du code de procédure civile, les envois, remises et notifications des actes de procédure, peuvent être effectués par voie électronique dans les conditions et selon les modalités fixées par le titre XXI du livre 1er du code de procédure civile, sans préjudice des dispositions spéciales imposant l'usage de ce mode de communication et l'article 748-6 de ce code dispose qu'un arrêté du garde des sceaux fixe les conditions relatives aux procédés techniques utilisés.

En application de l'article 4 de l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel, modifié par l'article 2 de l'arrêté du 25 février 2022, lorsqu'un document doit être joint à un acte, ledit acte renvoie expressément à ce document.

Une telle prescription est propre aux dispositions relatives aux procédés techniques utilisés en matière de communication électronique et ne constitue pas une formalité substantielle ou d'ordre public, au sens de l'article 114 du code de procédure civile, dont l'inobservation affecterait l'acte en lui-même.

Dès lors, la circonstance que la déclaration d'appel ne renvoie pas expressément à une annexe comportant les chefs de jugement critiqués ne peut donner lieu à la nullité de l'acte en application de l'article 114 précité. Elle ne saurait davantage, en application de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, priver la déclaration d'appel de son effet dévolutif, une telle conséquence étant disproportionnée au regard du but poursuivi.

Acte d'appel – Validité – Conditions – Défaut de renvoi exprès à une annexe – Absence d'effet

Acte de procédure – Transmission par voie électronique – Obligation – Domaine d'application – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 9 septembre 2022), la société SNCF voyageurs (la société), venant aux droits de la société SNCF mobilités, a relevé appel, le 24 octobre 2019, d'un jugement rendu par un conseil de prud'hommes dans un litige l'opposant à M. [U].

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel et de constater en conséquence que la cour n'était saisie d'aucune demande alors « que la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, notamment, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; qu'une déclaration d'appel à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure, même en l'absence d'empêchement technique, et peu important que la déclaration d'appel à laquelle l'annexe est jointe mentionne en outre expressément l'existence de l'annexe jointe ; qu'en l'espèce, pour constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel et considérer qu'elle n'était saisie d'aucune demande, la cour d'appel a énoncé qu'il résultait de l'article 4 de l'arrêté du 20 mai 2020 tel que modifié par arrêté du 25 février 2022 que « lorsqu'un fichier PDF contenant une annexe est joint à la déclaration d'appel, celle-ci doit renvoyer expressément à ce fichier », que « l'annexe jointe à la déclaration d'appel du 24 octobre 2019, qui ne contient aucun renvoi à une quelconque annexe mentionne que l'objet de l'appel est un « appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués », avant de considérer que l'annexe jointe à la déclaration, non expressément visée dans la déclaration d'appel et contenant les chefs de la décision critiqués, ne saurait prévaloir sur l'acte d'appel « qui doit se suffire à lui-même » ; qu'en statuant ainsi, quand le fait que la déclaration d'appel mentionne ou non l'existence d'une annexe était indifférent, selon l'avis de la Cour de cassation du 8 juillet 2022, nonobstant l'article 4 de l'arrêté du 20 mai 2020, tel que modifié par arrêté du 25 février 2022, la cour d'appel a violé l'article 901 du code de procédure civile et l'article 4 de l'arrêté du 20 mai 2020 tel que modifié par l'arrêté du 25 février 2022, ensemble l'article 6,§ 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 901 du code de procédure civile, dans sa version issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022, les articles 748-1, 748-6, 930-1, alinéas 1 et 5, du code de procédure civile et l'article 4 de l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel, modifié par l'article 2 de l'arrêté du 25 février 2022 :

4. Selon le deuxième de ces textes, la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :

1° la constitution de l'avocat de l'appelant ;

2° l'indication de la décision attaquée ;

3° l'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;

4° les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle.

5. Selon le troisième, les envois, remises et notifications des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que des copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles peuvent être effectués par voie électronique dans les conditions et selon les modalités fixées par le titre XXI du livre 1er du code de procédure civile, sans préjudice des dispositions spéciales imposant l'usage de ce mode de communication.

6. Il résulte du quatrième que les procédés techniques utilisés doivent garantir, dans des conditions fixées par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la justice, la fiabilité de l'identification des parties à la communication électronique, l'intégrité des documents adressés, la sécurité et la confidentialité des échanges, la conservation des transmissions opérées et permettre d'établir de manière certaine la date d'envoi et, celle de la mise à disposition ou celle de la réception par le destinataire. Vaut signature, pour l'application des dispositions du code de procédure civile aux actes que les parties, le ministère public ou les auxiliaires de justice assistant ou représentant les parties notifient ou remettent à l'occasion des procédures suivies devant les juridictions des premier et second degrés, l'identification réalisée, lors de la transmission par voie électronique, selon les modalités prévues au premier alinéa.

7. En matière de procédure avec représentation obligatoire, selon le cinquième, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique. Un arrêté du garde des Sceaux définit les modalités des échanges par voie électronique.

8. Il résulte du dernier que, lorsqu'un document doit être joint à un acte, ledit acte renvoie expressément à ce document. Ce document est communiqué sous la forme d'un fichier séparé du fichier visé à l'article 3. Ce document est un fichier au format PDF, produit soit au moyen d'un dispositif de numérisation par scanner si le document à communiquer est établi sur support papier, soit par enregistrement direct au format PDF au moyen de l'outil informatique utilisé pour créer et conserver le document original sous forme numérique.

9. Il en découle que si, en application de l'article 4 de l'arrêté précité, lorsqu'un document doit être joint à l'acte, ledit acte renvoie expressément à ce document, une telle prescription est propre aux dispositions relatives aux procédés techniques utilisés en matière de communication électronique et ne constitue pas une formalité substantielle ou d'ordre public, au sens de l'article 114 du code de procédure civile, dont l'inobservation affecterait l'acte en lui-même.

10. Aussi, la circonstance que la déclaration d'appel ne renvoie pas expressément à une annexe comportant les chefs de jugement critiqués ne peut donner lieu à la nullité de l'acte en application de l'article 114 précité.

11. Par ailleurs, cette circonstance ne saurait davantage priver la déclaration d'appel de son effet dévolutif, une telle conséquence étant disproportionnée au regard du but poursuivi.

12. Pour retenir que la cour d'appel n'était saisie d'aucun chef de jugement critiqué, l'arrêt relève que la déclaration d'appel mentionne pour seul objet : « appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués » tandis que l'annexe qui lui est jointe, contenant les chefs de la décision critiqués, n'y est pas expressément visée.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par fausse application, les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Vendryes - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix ; SARL Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article 901 du code de procédure civile, dans sa version issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022 ; articles 114, 748-1, 748-6 et 930-1 du code de procédure civile ; article 4 de l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel, modifié par l'article 2 de l'arrêté du 25 février 2022.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 13 janvier 2022, pourvoi n° 20-17.516, Bull. (rejet) ; 2e Civ., 7 mars 2024, pourvoi n° 22-20.035, Bull. (cassation).

2e Civ., 7 mars 2024, n° 21-20.719, (B), FS

Rejet

Procédure avec représentation obligatoire – Péremption d'instance – Suspension – Délai – Point de départ – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 10 juin 2021), le 12 juin 2018, l'association Diaconat protestant a interjeté appel du jugement rendu par un conseil des prud'hommes dans un litige l'opposant à son salarié, M. [F].

2. Par ordonnance du 12 janvier 2021, un conseiller de la mise en état a rejeté l'incident de péremption soulevé par le salarié.

3. Ce dernier a formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt ayant confirmé l'ordonnance.

4. Le président de la conférence des premiers présidents de cours d'appel, le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris et le président du Conseil national des barreaux ont, en application des articles L. 413-3-1 du code de l'organisation judiciaire et 1015-2 du code de procédure civile, déposé chacun une note écrite et les deux derniers ont été entendus à l'audience publique du 19 décembre 2023.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à ce que soit constatée la péremption de l'instance, alors « que l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans ; que la péremption de l'instance, qui tire les conséquences de l'absence de diligences des parties en vue de voir aboutir le jugement de l'affaire et poursuit un but légitime de bonne administration de la justice et de sécurité juridique afin que l'instance s'achève dans un délai raisonnable, ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit à un procès équitable ; qu'en considérant que, même en l'absence avérée de diligence des parties pendant plus de deux ans, la péremption de l'instance n'était pas encourue en l'espèce dans la mesure où la carence du conseiller de la mise en état, qui était seule en cause en l'occurrence, ne saurait entraver le droit d'accès effectif à une juridiction, cependant que le constat d'une péremption de l'instance en raison de l'absence de diligence des parties pendant deux ans ne méconnaît pas le droit à un procès équitable, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 386 du code de procédure civile et par fausse application l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

7. Aux termes de l'article 386 du code de procédure civile, l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.

8. Aux termes de l'article 2 du même code, les parties conduisent l'instance sous les charges qui leur incombent. Il leur appartient d'accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis.

9. Selon l'article 908 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe.

Selon l'article 909 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'intimé dispose d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article précité pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

10. Selon l'article 910-4 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

11. Selon l'article 912 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, le conseiller de la mise en état examine l'affaire dans les quinze jours suivant l'expiration des délais pour conclure et communiquer les pièces. Il fixe la date de la clôture et celle des plaidoiries. Toutefois, si l'affaire nécessite de nouveaux échanges de conclusions, sans préjudice de l'article 910-4, il en fixe le calendrier, après avoir recueilli l'avis des avocats.

12. Jusqu'à présent, la Cour de cassation jugeait, en matière de procédure d'appel avec représentation obligatoire, d'une part, que la péremption de l'instance d'appel est encourue lorsque, après avoir conclu en application des articles 908 et 909 du code de procédure civile, les parties n'ont pas pris d'initiative pour faire avancer l'instance ou obtenir du conseiller de la mise en état la fixation, en application de l'article 912 du code de procédure civile, des débats de l'affaire (2e Civ., 16 décembre 2016, pourvoi n° 15-27.917, Bull. 2016, II, n° 281), d'autre part, que la demande de la partie appelante adressée au président de la formation de jugement en vue, au motif qu'elle n'entend pas répliquer aux dernières conclusions de l'intimé, de la fixation de l'affaire pour être plaidée, interrompt le délai de péremption de l'instance mais ne le suspend pas (2e Civ., 1er février 2018, pourvoi n° 16-17.618, Bull. 2018, II, n° 20).

13. Il y a toutefois lieu de reconsidérer cette jurisprudence.

14. En effet, postérieurement à l'arrêt précité du 16 décembre 2016, le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 a inséré, dans le code de procédure civile, un nouvel article 910-4 qui impose aux parties, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, de présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond.

15. Lorsqu'elles ont accompli, conformément notamment aux dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile, l'ensemble des charges leur incombant dans les délais impartis, sans plus rien avoir à ajouter au soutien de leurs prétentions respectives, les parties n'ont plus de diligence utile à effectuer en vue de faire avancer l'affaire, la direction de la procédure leur échappant alors au profit du conseiller de la mise en état.

16. À cet égard, il ressort des auditions réalisées sur le fondement de l'article 1015-2 du code de procédure civile auxquelles il a été procédé ainsi que des documents transmis en application de l'article L. 431-3-1 du code de l'organisation judiciaire que la demande de fixation de l'affaire à une audience se révèle, dans de nombreux cas, vaine lorsque la cour d'appel saisie se trouve dans l'impossibilité, en raison de rôles d'audience d'ores et déjà complets, de fixer l'affaire dans un délai inférieur à deux ans.

17. Il en découle que lorsque le conseiller de la mise en état n'a pas été en mesure de fixer, avant l'expiration du délai la péremption de l'instance, la date de la clôture ainsi que celle des plaidoiries, il ne saurait être imposé aux parties de solliciter la fixation de la date des débats à la seule fin d'interrompre le cours de la péremption.

18. Il résulte de la combinaison de ces textes, interprétés à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d'accomplir une diligence particulière.

19. En l'espèce, l'arrêt relève que les parties, ayant conclu dans les délais impartis par les articles 908 et 909 du code de procédure civile, n'avaient plus de diligences à accomplir, il appartenait au conseiller de la mise en état de fixer la date de clôture et celle des plaidoiries.

20. La cour d'appel, qui a constaté que les parties avaient accompli les charges procédurales leur incombant et en l'absence de diligences particulières mises à leur charge par le conseiller de la mise en état, en a exactement déduit que la péremption n'était pas acquise.

21. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Bonnet - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : Me Balat -

Textes visés :

Articles 2 et 386 du code de procédure civile ; articles 908, 909, 910-4 et 912 du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 ; article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 7 mars 2024, pourvoi n° 21-19.475, Bull. (annulation) ; 2e Civ., 7 mars 2024, pourvoi n° 21-19.761, Bull. (annulation) ; 2e Civ., 7 mars 2024, pourvoi n° 21-23.230, Bull. (annulation).

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