Numéro 3 - Mars 2024

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2024

EMPLOI

Soc., 13 mars 2024, n° 22-20.031, (B), FS

Rejet

Contrats aidés – Contrat d'accompagnement dans l'emploi – Mention du contrat – Motif du recours au contrat – Concurrence entre deux motifs – Règle applicable – Détermination – Cas – Portée

Il résulte de ce que, d'une part, un contrat d'accompagnement dans l'emploi peut, par exception au régime de droit commun des contrats à durée déterminée, être conclu pour pourvoir un emploi lié à l'activité normale et permanente des collectivités, organismes, personnes morales et sociétés concernés, d'autre part, la seule mention « contrat d'accompagnement dans l'emploi », qui fait référence aux dispositions légales destinées à favoriser le recrutement de certaines catégories de personnes sans emploi, suffit à satisfaire à l'exigence de définition du motif du contrat à durée déterminée prévue par la loi, que, lorsqu'en sus de la mention « contrat d'accompagnement dans l'emploi », un contrat de travail contient un des motifs de recours au contrat à durée déterminée visés à l'article L. 1242-2 du code du travail, il y a lieu de retenir comme seul motif de recours celui relatif au contrat aidé.

Doit dès lors être approuvée la cour d'appel qui, ayant relevé qu'était produit un contrat de travail à durée déterminée dont le titre était « Contrat de travail à durée déterminée CAE à temps partiel avec terme précis », en a déduit que la seule mention dans le corps du contrat d'un « accroissement temporaire d'activité suite à une nouvelle activité » n'était pas de nature à remettre en cause la qualification de contrat de travail à durée déterminée.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 30 septembre 2021), M. [N] a été engagé en qualité de chauffeur, affecté au ramassage scolaire, pour la période du 14 avril 2016 au 25 juillet 2017, par l'association Transport rural à la demande Gironde (l'association), suivant contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE), à temps partiel, soumis à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950.

2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 19 janvier 2018 à l'effet d'obtenir la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée, son repositionnement conventionnel et diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

3. Par jugement du 21 mars 2018, l'association a été placée en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire par jugement du 19 octobre suivant.

La société Jean Denis Silvestri - Bernard Baujet a été désignée en qualité de liquidatrice.

4. L'AGS CGEA de [Localité 3] est intervenue à l'instance.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée et du surplus de ses demandes, alors « que le motif du recours mentionné dans le contrat à durée déterminée fixe les limites du litige au cas où la qualification du contrat se trouve contestée ; qu'en l'espèce, M. [N] faisait valoir que son contrat d'accompagnement dans l'emploi mentionnait comme motif un « accroissement temporaire d'activité », motif qui était fictif, de sorte que son contrat devait être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée ; qu'en retenant pour débouter le salarié de sa demande, par motif propre, que « la seule mention dans le corps du contrat d'un « accroissement temporaire d'activité suite à une nouvelle activité » n'est pas de nature à remettre en cause dans un tel contexte la qualification de contrat de travail à durée déterminée, puisqu'il est constant que celui-ci a été conclu dans le cadre de la politique de l'emploi alors en vigueur et qu'il s'inscrit dès lors dans le cadre des dispositions spécifiques de l'article L. 1242-3,1° du code du travail » et, par motif adopté, que « la présence de CAE sur un CDD se suffit à lui-même », quand il lui appartenait, dès lors que le contrat mentionnait comme motif de recours au contrat à durée déterminée un « accroissement temporaire d'activité » de vérifier si ce motif était réel, la cour d'appel a violé les articles L. 1242-2 et L. 1242-3 dans leur rédaction applicable en la cause, ensemble l'article L. 1242-12 du code du travail. »

Réponse de la Cour

7. Un contrat d'accompagnement dans l'emploi peut, par exception au régime de droit commun des contrats à durée déterminée, être contracté pour pourvoir un emploi lié à l'activité normale et permanente des collectivités, organismes, personnes morales et sociétés concernés.

8. La seule mention « contrat d'accompagnement dans l'emploi », qui fait référence aux dispositions de l'article L. 1242-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020, suffit à satisfaire à l'exigence de définition du motif du contrat à durée déterminée prévue à l'article L. 1242-2 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.

9. Il en résulte que, lorsqu'en sus de la mention « contrat d'accompagnement dans l'emploi », un contrat de travail contient un des motifs de recours au contrat à durée déterminée visés à l'article L. 1242-2 du code du travail, il y a lieu de retenir comme seul motif de recours celui relatif au contrat aidé.

10. Ayant relevé qu'était produit un contrat de travail à durée déterminée dont le titre était « Contrat de travail à durée déterminée CAE à temps partiel avec terme précis », la cour d'appel en a déduit à bon droit, sans être tenue de procéder à une vérification que ses constatations rendaient inopérante, que la seule mention dans le corps du contrat d'un « accroissement temporaire d'activité suite à une nouvelle activité » n'était pas de nature à remettre en cause la qualification de contrat de travail à durée déterminée, puisqu'il était constant que celui-ci avait été conclu au titre de la politique de l'emploi alors en vigueur et qu'il s'inscrivait dès lors dans le cadre des dispositions spécifiques de l'article L. 1242-3, 1°, du code du travail.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

12. Le salarié fait le même grief à l'arrêt, alors « que c'est à l'employeur de justifier de la régularité du contrat d'accompagnement dans l'emploi, et notamment de l'effectivité des mesures d'accompagnement professionnel, lorsque celle-ci est contestée par le salarié ; qu'en l'espèce, M. [N] faisait valoir, à l'appui de sa demande de requalification de son contrat d'accompagnement dans l'emploi en un contrat à durée indéterminée, qu'il n'avait pas bénéficié d'actions d'accompagnement professionnel et de formation et que, en particulier, son tuteur officiel n'avait pas joué de rôle d'accompagnement réel, de sorte que le recours au CUI-CAE avait été purement fictif ; qu'en relevant, pour débouter le salarié de sa demande, qu'« aucun élément n'établit que le tutorat contractuellement prévu et assuré conformément aux dispositions légales parmi les salariés qualifiés de l'entreprise, en la personne de Mme [H] [G], ait été « purement fictif » comme l'affirme l'appelant qui ne produit aucune pièce justificative de ses dires », la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le salarié, a violé les articles L. 5134-20, R. 5134-38 et R. 5134-39 du code du travail. »

Réponse de la Cour

13. Après avoir constaté que le salarié revenait sur les conditions d'exécution du contrat et faisait valoir l'absence d'accompagnement professionnel pour soutenir que les conditions de recours au contrat d'accompagnement dans l'emploi n'avaient pas été respectées, ce qui justifierait, selon lui, la requalification en contrat de travail à durée indéterminée, la cour d'appel a relevé qu'alors que le contrat de travail mentionnait le recours à un tuteur et qu'étaient produites les attestations des formations dispensées durant l'embauche, aucun élément n'établissait que l'employeur avait violé les dispositions spécifiques permettant le recours au contrat d'accompagnement dans l'emploi en vue de la réinsertion de chômeurs de longue durée, le salarié se bornant, sur ce point, à diverses affirmations.

14. La cour d'appel, qui a ainsi retenu, sans inverser la charge de la preuve, que la réalité des actions de formation et de tutorat exigées dans le cadre du contrat d'accompagnement dans l'emploi était établie, a pu déduire de ces motifs que l'employeur avait satisfait à son obligation de formation et d'accompagnement.

15. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

16. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour non-respect de l'article L. 3123-16 du code du travail, alors « que l'horaire de travail du salarié à temps partiel ne peut comporter, au cours d'une même journée, plus d'une interruption d'activité ou une interruption supérieure à deux heures ; que toutefois, une convention ou un accord collectif de branche étendu, ou agréé en application de l'article L. 314-6 du code de l'action sociale et des familles, ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut déroger à ces dispositions en définissant les amplitudes horaires pendant lesquelles les salariés doivent exercer leur activité et leur répartition dans la journée de travail, moyennant des contreparties spécifiques et en tenant compte des exigences propres à l'activité exercée ; que l'article 20 de l'accord du 18 avril 2002 rattaché à la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires du transport prévoit que « Compte tenu de la nature de l'activité, notamment du personnel roulant, et afin de définir une meilleure adaptation à la variation de la charge de travail, les parties signataires conviennent que les horaires des salariés à temps partiel peuvent comporter, au cours d'une même journée, au maximum 3 vacations séparées chacune d'une interruption d'activité qui peut être supérieure à 2 heures » et qu'« en contrepartie, les salariés à temps partiel bénéficient d'une garantie de rémunération correspondant à un temps de travail effectif de - 2 heures en cas de service à 1 vacation ;

- 3 heures en cas de service à 2 vacations ;

- 4h30 en cas de service à 3 vacations » ; qu'en l'espèce en énonçant que « la contrepartie, librement définie par les partenaires sociaux sous la forme d'une garantie de rémunération, impliquait donc que M. [N], dont le service comportait deux vacations, soit rémunéré pour un temps de travail effectif de trois heures » et que « ainsi que cela résulte des dispositions contractuelles, le temps de travail prévu et payé selon l'organisation convenue par les parties de deux vacations journalières était de 4,8 heures, de telle sorte que, sans que le salarié puisse utilement invoquer le caractère prétendument fictif de la contrepartie, la garantie de rémunération conventionnellement prévue en cas d'organisation du travail pluri-journalière était respectée », quand une telle interprétation de l'accord revenait à n'accorder aucune contrepartie spécifique au salarié dont le temps de travail était au minimum de 4,8 heures par jour et qui subissait une interruption d'activité de plus de deux heures, puisque la rémunération de ses heures travaillées était nécessairement supérieure à la garantie de rémunération, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-16 du code du travail dans sa version applicable au litige et l'article 20 de l'accord du 18 avril 2002 rattaché à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950. »

Réponse de la Cour

17. Aux termes de l'article L. 3123-16 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'horaire de travail du salarié à temps partiel ne peut comporter, au cours d'une même journée, plus d'une interruption d'activité ou une interruption supérieure à deux heures. Toutefois, une convention ou un accord collectif de branche étendu, ou agréé en application de l'article L. 314-6 du code de l'action sociale et des familles, ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut déroger à ces dispositions en définissant les amplitudes horaires pendant lesquelles les salariés doivent exercer leur activité et leur répartition dans la journée de travail, moyennant des contreparties spécifiques et en tenant compte des exigences propres à l'activité exercée.

18. Selon l'article 7.2 « Coupures » de l'accord du 18 avril 2002 relatif à l'ARTT, attaché à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, étendu par arrêté du 22 décembre 2003, les temps non considérés dans les paragraphes 4.1, 4.2, 4.3 et 4.4 de l'article 4, inclus dans l'amplitude de la journée de travail constituent des coupures qui n'entrent pas dans le décompte du temps de travail effectif. Ces coupures, inhérentes aux contraintes de l'exercice du métier de conducteur, sont indemnisées en fonction du lieu et selon des modalités définies à l'article 7.3 « Indemnisation des coupures et de l'amplitude ».

19. Aux termes de l'article 20 du même accord, compte tenu de la nature de l'activité, notamment du personnel roulant, et afin de définir une meilleure adaptation à la variation de la charge de travail, les parties signataires conviennent que les horaires des salariés à temps partiel peuvent comporter, au cours d'une même journée, au maximum 3 vacations séparées chacune d'une interruption d'activité qui peut être supérieure à 2 heures.

En contrepartie, les salariés à temps partiel bénéficient d'une garantie de rémunération correspondant à un temps de travail effectif de :

- 2 heures en cas de service à 1 vacation ;

- 3 heures en cas de service à 2 vacations ;

- 4 h 30 en cas de service à 3 vacations.

20. Selon l'article 25 du même accord, compte tenu de la part prépondérante prise par le transport scolaire dans l'ensemble des activités régulières assurées par les entreprises de transport de voyageurs, il convient d'adapter, pour les conducteurs embauchés pour travailler les jours d'ouverture des établissements scolaires, des garanties et modalités spécifiques en application de l'article 14 de la loi du 19 janvier 2000 dite Aubry II.

Les conducteurs concernés par ces dispositions sont dénommés ci-dessous « conducteurs scolaires ».

Les conducteurs scolaires bénéficient de la garantie de travail journalière liée au nombre de vacations prévues à l'article 20 ci-dessus ainsi que des dispositions de l'article 7.3 relatives à l'indemnisation des coupures et de l'amplitude.

21. Il résulte de ces dispositions que la garantie de rémunération prévue par l'accord de branche en contrepartie des dérogations aux limites légales relatives aux interruptions d'activité que l'horaire de travail du salarié à temps partiel peut comporter, au cours d'une même journée, consiste en une garantie de travail, c'est-à-dire dans la rémunération d'heures a minima selon les seuils et vacations fixés, ne s'ajoutant pas aux heures de travail accomplies par les salariés concernés.

22. La cour d'appel a d'abord relevé que le contrat de travail stipulait que la durée du travail hebdomadaire de vingt-quatre heures serait répartie du lundi au vendredi de 7h à 9h24 et de 16h à 18h24.

23. Ensuite, après avoir rappelé les dispositions de l'article 20 de l'accord du 18 avril 2002, elle a exactement énoncé que la contrepartie, librement définie par les partenaires sociaux sous la forme d'une garantie de rémunération, impliquait que le salarié, dont le service comportait deux vacations, soit rémunéré pour un temps de travail effectif de trois heures.

24. Ayant constaté que le temps de travail prévu et payé selon l'organisation convenue par les parties de deux vacations journalières était de 4,8 heures, elle en a déduit à bon droit que la garantie de rémunération conventionnellement prévue en cas d'organisation du travail pluri-journalière n'avait pas été méconnue et que le salarié devait être débouté de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour non-respect de l'article L. 3123-16 du code du travail.

25. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Techer - Avocat général : Mme Molina - Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet -

Textes visés :

Articles L. 5134-20 et L. 5134-24 du code du travail ; article L. 3123-16 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ; articles 7.2, 20 et 25 de l'accord de réduction du temps de travail du 18 avril 2002, annexé à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950.

Rapprochement(s) :

Sur le principe selon lequel un contrat d'accompagnement dans l'emploi peut être conclu pour pourvoir un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'employeur, à rapprocher : Soc., 7 juin 2023, pourvoi n° 22-10.702, Bull., (rejet).

2e Civ., 21 mars 2024, n° 22-13.533, (B), FRH

Rejet

Travailleurs privés d'emploi – Garantie de ressources – Allocation d'assurance – Service de l'allocation – Interruption – Mise en oeuvre – Pouvoir – Titulaire – Détermination

L'article 25 du règlement annexé à la convention du 6 mai 2011 relative à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage confère aux institutions gestionnaires du régime d'assurance-chômage un pouvoir propre de faire cesser le paiement de l'allocation d'assurance en cas d'extinction ou d'absence du droit à celle-ci.

Fait une exacte application de ce texte la cour d'appel qui, après avoir relevé que l'allocataire a établi, lors de la demande d'allocation, une déclaration ne mentionnant pas l'exercice de mandats sociaux pourtant incompatibles avec l'obligation de recherche d'emploi, décide que Pôle emploi, qui n'avait pu détecter le caractère inexact de la déclaration qu'après l'envoi de l'avis de prise en charge, était fondé à ne pas mettre en paiement l'allocation.

Travailleurs privés d'emploi – Garantie de ressources – Allocation d'assurance – Bénéfice – Conditions – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 17 décembre 2020), Mme [T] (l'allocataire), se déclarant privée d'emploi, a sollicité sa prise en charge au titre de l'assurance chômage auprès de Pôle emploi Provence-Alpes-Côte d'Azur (Pôle emploi).

2. Pôle emploi ne lui ayant versé aucune allocation malgré l'envoi le 17 février 2012 d'un avis de prise en charge au titre de l'allocation d'aide au retour à l'emploi, l'allocataire a saisi un tribunal de grande instance aux fins d'obtenir le paiement d'allocations chômage à compter d'avril 2012.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, et sur le troisième moyen

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui, pour le premier, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation et, pour le second, est irrecevable.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'allocataire fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande, alors « que la sanction du demandeur d'emploi pour fausse déclaration, dont la suppression de manière temporaire ou définitive du revenu de remplacement, suppose une décision du préfet (avant le 1er janvier 2019) ou du directeur de Pôle emploi (depuis le 1er janvier 2019), prise à l'issue d'une procédure contradictoire spécifique ; qu'il s'ensuit que, confronté à une absence de service de ce revenu par Pôle emploi sans engagement préalable de cette procédure ni prononcé ou simple annonce d'une sanction, le juge saisi par le demandeur d'emploi d'une demande en paiement ne peut lui-même directement décider, sur proposition de Pôle emploi, de la suppression du droit aux allocations pour fausse déclaration et doit faire droit à la demande en paiement qui lui est soumise, à charge pour Pôle emploi de recourir à la procédure de sanction idoine et d'obtenir le cas échéant, après prononcé d'une éventuelle sanction, la restitution de l'indu ; qu'en l'espèce, Pôle emploi, après l'avoir informée de son admission au bénéfice de l'allocation d'aide de retour à l'emploi (ARE) d'un montant journalier de 107,43 euros, calculé sur un salaire journalier brut moyen de 211,39 euros et ce à compter du 1er avril 2012, n'a pas servi les allocations ainsi annoncées, et ce sans exposer les raisons l'incitant à une telle inertie ni recourir à la moindre procédure de sanction laquelle, en raison de la date des faits, impliquait l'intervention du préfet et le respect de la procédure contradictoire réglementaire alors en vigueur ; qu'en faisant elle-même directement application du dispositif de sanction prévu à l'article L. 5426-2 du code du travail, en lieu et place de Pôle emploi qui n'avait pas même informé l'allocataire qu'il refusait de lui servir les allocations pour cause de fausse déclaration, la cour d'appel, excédant ses pouvoirs, a violé les articles L. 5426-2, R. 5412-1, R. 5426-3 et R. 5426-6 et suivants du code du travail, dans leur version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article 25 du règlement annexé à la convention du 6 mai 2011 relative à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage, le paiement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi cesse notamment à la date à laquelle une déclaration inexacte ou une attestation mensongère ayant eu pour effet d'entraîner le versement d'allocations intégralement indues est détectée.

6. Ce texte confère aux institutions gestionnaires du régime d'assurance-chômage un pouvoir propre de faire cesser le paiement de l'allocation d'assurance en cas d'extinction ou d'absence du droit à l'allocation.

7. Ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que l'allocataire a établi, lors de la demande d'allocation, une déclaration ne mentionnant pas l'exercice de mandats sociaux pourtant incompatibles avec l'obligation de recherche d'emploi et que Pôle emploi n'a détecté, qu'après l'envoi de l'avis de prise en charge, le caractère inexact de cette déclaration qui aurait eu pour effet d'entraîner le versement d'allocations intégralement indues, la cour d'appel a exactement décidé, sans excéder ses pouvoirs, que Pôle emploi, qui a été placé dans l'impossibilité de vérifier la situation exacte de l'allocataire, était fondé à ne pas mettre en paiement ces allocations.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

9. L'allocataire fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ qu'une simple omission ou une abstention ne constitue pas une fausse déclaration s'il n'est pas établi que le demandeur d'emploi a délibérément donné des informations inexactes dans le but d'être ou de demeurer inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi ; que l'exercice par l'allocataire de mandats sociaux non rémunérés ne caractérisant pas une activité professionnelle, cette dernière avait répondu par la négative à la question de la demande d'allocation remplie le 31 janvier 2012 et ainsi rédigée : « exercez-vous une activité professionnelle (salariée ou non) ? » ; qu'il ne résultait pas davantage de l'exercice de ces mandats qu'elle ait eu nécessairement conscience d'être inscrite au registre du commerce et des sociétés (RCS), raison pour laquelle elle avait répondu « non » à la question posée à cet égard ; qu'elle n'avait plus la qualité de présidente de la société Bobinage maintenance service depuis le 27 décembre 2011, ce qui s'évinçait des propres conclusions de Pôle emploi, de sorte qu'elle n'avait pas à déclarer ce mandat le 31 janvier 2012 ; qu'elle n'avait en outre rien pu dissimuler s'agissant de la contrepartie au titre de la clause de non-concurrence dès lors qu'aucune question ne lui avait été posée à ce titre et qu'en tout état de cause, elle soutenait sans être contredite qu'elle n'avait jamais perçu l'indemnisation prévue ; qu'elle n'avait enfin commis aucun mensonge en disant travailler depuis 1993, le certificat de travail produit ayant bien fait la distinction entre le mandat social et le contrat de travail sur la totalité de la période concernée ; qu'en considérant cependant qu'en répondant par la négative aux questions précitées, en s'abstenant de faire état de l'indemnité de non-concurrence et en déclarant une telle ancienneté, elle s'était rendue coupable d'une fausse déclaration, la cour d'appel a violé les articles L. 5421-2 et L. 5426-2 du code du travail ;

2°/ que la fausse déclaration pour obtenir des allocations chômage n'est caractérisée que si celles-ci ne sont pas dues ; qu'en se bornant à déduire une prétendue fausse déclaration des réponses négatives apportées par l'allocataire aux questions posées, du défaut d'évocation de la contrepartie de la clause de non-concurrence et de l'annonce d'une ancienneté remontant à 1993, motifs impropres à caractériser à eux seuls que les allocations chômage n'étaient pas dues, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant sa décision de base légale au regard des articles L. 5421-2 et L. 5426-2 du code du travail ;

3°/ que l'activité bénévole compatible avec la recherche effective et permanente d'un emploi n'est pas réductible au bénévolat entendu comme l'engagement dans une action au service d'un tiers ou de la communauté ; qu'il s'ensuit que la gérance d'une société peut constituer une activité bénévole si elle n'est pas rémunérée ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont considéré que l'activité bénévole ne se définit pas seulement par l'absence de rémunération ou de contrepartie financière et doit, en outre, être désintéressée dans son intention et son résultat de sorte que ne peut constituer une telle activité la gérance exercée dans le cadre d'une société à caractère familial dès lors qu'elle profite à cette seule société et non à autrui ou à la collectivité ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé les articles L. 5421-2, L. 5425-8 et L. 5426-2 du code du travail ;

4°/ qu'en s'abstenant de caractériser en quoi les mandats sociaux exercés l'auraient conduit à manquer, du fait de son indisponibilité, à l'obligation de rechercher de manière effective et permanente un emploi, seule circonstance de nature à justifier une sanction, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à exclure le droit aux prestations de l'allocataire, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 5421-2 et L. 5426-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

10. Selon les articles L. 5421-1 et L. 5421-2 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige, les travailleurs involontairement privés d'emploi ou dont le contrat de travail a été rompu conventionnellement, aptes au travail et recherchant un emploi, ont droit à un revenu de remplacement.

11. L'arrêt relève que l'allocataire n'a pas déclaré, lors de sa demande de revenu de remplacement, ses activités de directrice générale et de présidente de deux sociétés ainsi que celle de co-gérante d'une Earl, exercée depuis le 17 février 2012.

12. Il énonce, par motifs propres et adoptés, que cette activité de gérante et de mandataire sociale de diverses sociétés ne recouvre pas une situation de bénévolat dès lors, qu'exercée dans le cadre de sociétés à caractère familial, elle lui est profitable, peu important qu'aucune rémunération ne lui ait été servie, et précise que la première société est une holding familiale à vocation financière qui détient 15 % des parts de la seconde société, laquelle a procédé au licenciement de l'allocataire.

13. En l'état de ces énonciations et constatations, faisant ressortir que les activités exercées par l'allocataire étaient incompatibles avec l'obligation de recherche d'emploi, de telle sorte que celle-ci ne pouvait prétendre au bénéfice de l'allocation d'assurance chômage, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision.

14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : M. Pédron - Avocat général : Mme Tuffreau - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Boullez -

Textes visés :

Article 25 du règlement annexé à la convention du 6 mai 2011 relative à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage.

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