Numéro 11 - Novembre 2023

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

INSTRUCTION

Crim., 29 novembre 2023, n° 23-81.825, (B), FS

Cassation partielle sans renvoi

Clôture – Renvoi aux fins de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité – Echec de la mesure – Effets – Retrait des pièces ou mentions de pièces se référant à la demande ou à l'accord de renvoi en CRPC – Procédure

Il se déduit des articles 180-1, 495-14 et 6, § 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que, lorsque, à la suite d'une information judiciaire, la personne n'a pas accepté la ou les peines proposées ou lorsque le président du tribunal judiciaire ou le juge délégué par lui n'a pas homologué la proposition du procureur de la République, la demande ou l'accord de la personne mise en examen aux fins de renvoi de l'affaire au procureur de la République en vue d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ainsi que les pièces ou mentions de pièces s'y référant, doivent être retirées du dossier de l'information judiciaire se poursuivant par suite de la caducité de l'ordonnance de renvoi en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Le retrait des mentions de pièces se référant à la déclaration ou l'accord de la personne mise en examen s'effectue par voie de cancellation.

Il appartient au juge d'instruction chargé de l'information de saisir la chambre de l'instruction dans les conditions des articles 170 et 173 du code de procédure pénale, aux fins de retrait des pièces ou mentions de pièces précitées. La chambre de l'instruction procède ainsi qu'il est dit aux articles 170-1, 194 et suivants du code de procédure pénale. Le retrait s'opère dans les conditions du dernier alinéa de l'article 174 du code de procédure pénale.

Encourt la cassation l'arrêt de la chambre de l'instruction qui rejette le moyen pris de la nullité du versement et du maintien dans le dossier de l'information du courrier adressé par la personne mise en examen au juge d'instruction aux fins de mise en oeuvre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et des mentions de pièces du dossier de l'information s'y référant, alors qu'il lui appartenait d'ordonner le retrait de cette demande, ainsi que la cancellation des mentions de pièces s'y référant.

M. [J] [H] a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 4 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 2e section, en date du 21 mars 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de corruption d'agents publics étrangers et complicité d'abus de confiance, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.

Par ordonnance en date du 30 mai 2023, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. A la suite d'un rapport en date du 11 avril 2012 par lequel TRACFIN informait l'autorité judiciaire de mouvements créditeurs suspects opérés sur un compte ouvert au [1] au nom de M. [G] [V] et des investigations subséquentes diligentées par la division nationale des investigations financières et fiscales, une information judiciaire a été ouverte, le 15 novembre 2013, contre personne non dénommée, des chefs de corruption d'agents publics étrangers, blanchiment en bande organisée de corruption d'agents publics étrangers, complicité et recel de ces délits.

3. Le 26 février 2016, le procureur de la République financier a requis l'extension de l'information judiciaire à des faits susceptibles de caractériser les infractions d'abus de biens sociaux commis courant 2009 et 2010, au préjudice de la société [2], résultant de la sous-facturation de ses prestations pour les campagnes électorales de M. [N] [Y] au Togo et de M. [E] [T] en Guinée-Conakry, abus de confiance commis courant 2009 et 2010, au préjudice de la société [4], s'agissant du paiement par cette société à la société [2] d'une facture de 300 000 euros pour une prestation relative à la campagne électorale de M. [Y] et d'une facture de 100 000 euros pour une prestation relative à la campagne électorale de M. [T], et faux et usage commis en 2010 s'agissant de l'établissement de factures de la société [2] de 300 000 euros et 100 000 euros sur la société [4] pour des prestations effectuées en réalité au bénéfice des campagnes électorales de MM. [Y] et [T].

4. Le 25 avril 2018, un réquisitoire supplétif a élargi la saisine à des faits d'abus de confiance commis courant 2009 et 2010 au préjudice de la société [4] s'agissant du financement à hauteur de 70 000 euros de la rédaction d'un ouvrage consacré à M. [T].

5. Le 25 avril 2018, MM. [C] [W], directeur général du groupe [H], [J] [H], président du groupe éponyme, et [G] [V], directeur du pôle international de la société [2], ont été mis en examen.

6. Le 12 décembre 2018, la société [H], devenue [H] [5], a également été mise en examen.

7. Par courriers des 7 et 12 janvier 2021, MM. [W], [H] et [V] ont reconnu les faits qui leur sont reprochés et demandé au juge d'instruction la mise en oeuvre de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

8. Par courrier du 7 janvier 2021, la société [H] [5] a déclaré accepter la qualification des faits pour lesquels elle a été mise en examen et sollicité la mise en oeuvre d'une procédure de convention judiciaire d'intérêt public.

9. Le même jour, le juge d'instruction a sollicité les réquisitions du procureur de la République financier, lequel a requis la mise en oeuvre des procédures précitées.

10. Le 5 février 2021, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi des personnes physiques mises en examen aux fins de mise en oeuvre de comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité et d'une convention judiciaire d'intérêt public s'agissant de la personne morale.

11. Les procédures de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ont été mises en oeuvre par le procureur de la République financier et les personnes mises en examen.

12. Le 26 février 2021, le jugé délégué par le président du tribunal judiciaire a rendu trois ordonnances de refus d'homologation des peines proposées par le procureur de la République financier.

13. Le 9 février 2021, le procureur de la République financier et les sociétés [H] [5] et [3], société mère du groupe [H], ont conclu une convention judiciaire d'intérêt public.

14. Le 26 février 2021, le juge désigné par le président du tribunal judiciaire a rendu une ordonnance de validation de cette convention.

15. Cette convention et l'ordonnance de validation ont fait l'objet des formalités de publication prévues par l'article 41-1-2 du code de procédure pénale.

16. Selon procès-verbal du 25 février 2022, le juge d'instruction a versé au dossier de l'information la convention judiciaire d'intérêt public et l'ordonnance de validation de celle-ci.

17. Par déclarations au greffe du 19 janvier 2022, MM. [W] et [H] ont demandé au juge d'instruction de leur octroyer le statut de témoin assisté et d'ordonner le non-lieu.

18. Le 21 février 2022, le procureur de la République financier a requis le rejet de ces demandes.

19. Ces demandes ont été rejetées par ordonnances du juge d'instruction du 23 février 2022.

20. Le 25 février 2022, le juge d'instruction a notifié aux parties l'avis de fin d'information et rendu l'ordonnance de soit-communiqué aux fins de règlement.

21. Par requête en date du 24 mai 2022, M. [H] a saisi la chambre de l'instruction d'une requête en nullité de pièces de la procédure.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen, pris en ses première et deuxième branches

22. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

23. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a refusé d'annuler l'ordonnance de validation de la convention judiciaire d'intérêt public de la société [H], a refusé d'annuler son versement au dossier, a refusé de constater l'atteinte à la présomption d'innocence et à l'équité globale de la procédure emportant sa nullité ab initio et a rejeté la demande en annulation des poursuites et partant de l'intégralité des pièces de la procédure, alors :

« 1°/ que le principe de la présomption d'innocence est méconnu si une déclaration officielle ou une décision judiciaire concernant un prévenu contient une déclaration claire, faite en l'absence de condamnation définitive, selon laquelle la personne concernée, a commis l'infraction en question ; qu'une telle atteinte préalable au jugement sur le fond de la personne concernée ne permet plus à la procédure de se poursuivre dans les conditions du procès équitable ; qu'en l'espèce l'ordonnance de validation de la convention judiciaire d'intérêt public passée entre la société [H] et le parquet affirme que M. [H] aurait organisé un pacte de corruption, mentionne les termes de leur reconnaissance de culpabilité pour des faits de corruption et des faits d'abus de confiance ; que ces informations n'étaient pas nécessaires à la validation de la convention judiciaire d'intérêt public passée par la seule personne morale puisque l'ordonnance, qui n'emporte pas déclaration de culpabilité, a pour seul objet de vérifier le bien-fondé du recours à cette procédure, la régularité de son déroulement, la conformité du montant de l'amende et sa proportionnalité ; que dès lors cette ordonnance publiée dans un communiqué de presse et sur les sites internet des ministères de la justice et du budget, affirmant la culpabilité de M. [H] et mentionnant la reconnaissance qu'il en aurait faite avant toute décision au fond définitive selon laquelle il aurait commis les infractions qui lui sont reprochées a porté une atteinte irrémédiable à la présomption d'innocence interdisant toute poursuite de cette dernière dans des conditions garantissant les principes essentiels d'équité et de loyauté de la procédure ; qu'elle affecte la procédure dans son ensemble ; que l'arrêt attaqué a ainsi violé la présomption d'innocence, l'article préliminaire du code de procédure pénale, l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, les articles 47 et 48 de la Charte européenne des droits fondamentaux, et l'article 4, § 1, de la directive 2016/343 du Parlement européen et du Conseil ;

2°/ que l'atteinte portée à la présomption d'innocence par l'ordonnance d'homologation de la convention judiciaire d'intérêt public et sa publication ne pouvait être invoquée par le mis en examen avant ladite ordonnance et sa publication ; qu'il était dès lors recevable à faire valoir la nullité des actes antérieurs, la procédure en son entier étant affectée par la violation de ce principe essentiel à l'équité de la procédure ; qu'en déclarant irrecevable le moyen tiré de l'irrégularité des pièces antérieures à ladite ordonnance d'homologation et à son versement au dossier l'arrêt attaqué a violé les articles 174 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 47 et 48 de la Charte des droits fondamentaux. »

Réponse de la Cour

24. Le moyen est infondé.

25. En effet, l'atteinte alléguée à la présomption d'innocence qui résulterait de la seule publication de l'ordonnance de validation de la convention judiciaire d'intérêt public, conclue entre le procureur de la République financier et les sociétés [H] [5] et [3], n'est pas de nature à entacher la procédure d'une quelconque irrégularité, dès lors qu'à la supposer établie, cette atteinte serait le fait du juge désigné par le président du tribunal judiciaire ayant validé la convention judiciaire d'intérêt public, autorité extérieure à la procédure diligentée à l'encontre du demandeur par suite de la disjonction des poursuites.

Mais sur les premier et deuxième moyens, et le troisième moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé des moyens

26. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité, en tant notamment qu'elle visait le versement et le maintien dans la procédure de l'ordonnance D 846 portant non-lieu partiel et renvoi aux fins de mise en oeuvre de procédures de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) et de convention judiciaire d'intérêt public (CJIP), et des courriers adressés par la défense au magistrat instructeur pour solliciter la mise en oeuvre de ces procédures (D 838, D 839, D 840 et D 841), alors :

« 1°/ qu'il résulte des dispositions combinées des articles 495-14, alinéa 2, et 180-1 du code de procédure pénale, qu'en cas de non-homologation de la CRPC, le procès-verbal prévu à l'alinéa 1er de l'article 495-14 « ne peut être transmis à la juridiction de jugement, et ni le ministère Public, ni les parties ne peuvent faire état devant cette juridiction des déclarations faites audit document remis au cours de la procédure »; il en résulte qu'en cas d'échec de la CRPC, l'intégralité des pièces relatives à cette procédure incidente doit être écartée du dossier d'information en cours, et que leur versement à ce dossier qui porte directement atteinte à la présomption d'innocence et au droit de ne pas s'auto-incriminer, doit être annulé ; ces dispositions visent l'ensemble des demandes ou accords et déclarations faites en vue d'une CRPC ; les courriers par lesquels la défense sollicite ou accepte le recours à la CRPC, ainsi que l'ordonnance par laquelle le juge d'instruction accède à la demande et renvoie le dossier au ministère public ; en refusant d'ordonner la nullité du versement en procédure de ces pièces au dossier d'instruction en cours, la chambre de l'instruction a violé les articles 180, 180-1, 495-7, 495-8, 495-13 et 495-14 du code de procédure pénale, les droits de la défense et la présomption d'innocence, l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 4, paragraphe 1, de la directive UE 2016/343 du Parlement européen et du Conseil en date du 9 mars 2016 ;

2°/ que même dans l'hypothèse où la loi interdit à la juridiction de jugement de se référer à telle ou telle déclaration d'une personne mise en cause, le juge de la régularité de la procédure a l'obligation, lorsqu'il en est requis, d'écarter et d'annuler des pièces portant trace d'une auto-incrimination irrégulière ; la chambre de l'instruction a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les textes et principes susvisé. »

27. Le deuxième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité visant notamment les réquisitions du ministère public, cotées D 911, D 914, D 919 et D 922, alors :

« 1°/ qu'en cas d'échec de la procédure de CRPC, aucune référence à la reconnaissance des faits ou à l'acceptation de la qualification pénale retenue ne peut figurer dans les actes postérieurs ; la chambre de l'instruction a violé les articles 180-1 et 495-14 du code de procédure pénale, ainsi que la présomption d'innocence et les droits de la défense ;

2°/ que même dans l'hypothèse où la loi interdit à la juridiction de jugement de se référer à telle ou telle déclaration d'une personne mise en cause, le juge de la régularité de la procédure a l'obligation, lorsqu'il en est requis, d'écarter et d'annuler des pièces portant trace d'une auto-incrimination irrégulière ; la chambre de l'instruction a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les textes et principes susvisé. »

28. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a refusé d'annuler l'acte portant versement à la procédure de l'ordonnance validant la CJIP conclue avec les sociétés [H] [5] et [3], alors :

« 3°/ que l'inclusion - inutile et étrangère à la procédure de CJIP - dans l'ordonnance de validation de cette convention, des termes des courriers par lesquels la défense avait sollicité de son côté une CRPC, et l'affirmation que dans ce courrier, le mis en examen « reconnaissait les faits et leur qualification juridique dans les termes suivants (...) » constituaient une violation de la présomption d'innocence et de l'interdiction de faire figurer au dossier les éléments relatifs à la CRPC ayant échoué ; en effet, le refus parallèle d'homologation des CRPC entraînait interdiction de la transmission des pièces afférentes au juge d'instruction, et de toute mention des déclarations faites pendant la procédure de CRPC ; en intégrant ces déclarations dans la validation de la CJIP, sans aucune nécessité pour celle-ci, l'ordonnance de validation a violé ces interdictions et était entachée d'excès de pouvoir ; son versement à la procédure était donc nul et en prétendant que les moyens de défaut d'impartialité du magistrat ayant validé la CJIP et de la violation de la présomption d'innocence seraient inopérants, la chambre de l'instruction a violé la présomption d'innocence, les droits de la défense, l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, les articles préliminaire, 173, 174, 180-1, 495-14 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

29. Les moyens sont réunis.

Sur les moyens, en ce qu'ils portent sur les pièces et mentions de pièces relatives à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité de MM. [W] et [V]

30. Les moyens sont irrecevables en ce que le demandeur est sans qualité pour invoquer l'atteinte portée à la présomption d'innocence et aux droits de la défense de MM. [W] et [V].

Sur les moyens, en ce qu'ils portent sur les pièces et mentions de pièces relatives à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité du demandeur

Vu les articles préliminaire, 180-1 et 495-14 du code de procédure pénale, et 6, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme :

31. Selon les premier et dernier de ces textes, toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. Il s'en déduit le droit de cette personne de ne pas contribuer à sa propre incrimination.

32. En application du deuxième, si le juge d'instruction estime que les faits constituent un délit, que la personne mise en examen reconnaît les faits et qu'elle accepte la qualification pénale retenue, il peut, à la demande ou avec l'accord du procureur de la République ou du mis en examen, prononcer par ordonnance le renvoi de l'affaire au procureur de la République aux fins de mise en oeuvre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

La demande ou l'accord du ministère public et des parties prévus au premier alinéa, qui doivent faire l'objet d'un écrit ou être mentionnés par procès-verbal, peuvent être recueillis au cours de l'information ou à l'occasion de la procédure de règlement prévue à l'article 175 du code de procédure pénale.

33. Il résulte du troisième qu'en cas de mise en oeuvre d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, lorsque la personne n'a pas accepté la ou les peines proposées ou lorsque le président du tribunal judiciaire n'a pas homologué la proposition du procureur de la République, le procès-verbal des formalités accomplies en application des articles 495-8 à 495-13 du code de procédure pénale ne peut être transmis à la juridiction d'instruction ou de jugement, et ni le ministère public, ni les parties ne peuvent faire état devant cette juridiction des déclarations faites ou des documents remis au cours de la procédure.

34. Tel que rédigé, ce texte ne prohibe pas la transmission de la demande ou de l'accord de la personne mise en examen aux fins de renvoi de l'affaire au procureur de la République aux fins de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, prévu par l'article 180-1 du code de procédure pénale, alors que ces actes impliquent que la personne mise en examen a reconnu les faits qui lui sont reprochés et accepté la qualification pénale retenue, non plus que la transmission des pièces ou mentions de pièces s'y référant.

35. Il ne prohibe pas non plus la transmission de l'ordonnance de renvoi en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité qui, en application de l'article 180-1 précité, est seulement frappée de caducité en cas d'échec de cette procédure.

36. Il résulte cependant des travaux préparatoires de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, dont sont issues les dispositions de l'article 495-14 du code de procédure pénale, que leur objet est d'éviter que la reconnaissance de sa culpabilité par la personne ayant fait l'objet de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et l'acceptation de la peine proposée par le procureur de la République ne nuisent à l'exercice des droits de la défense devant la juridiction saisie. Or, cet objectif ne peut être atteint lorsque figurent au dossier de la procédure transmis à la juridiction d'instruction ou de jugement des pièces dont il se déduit que le prévenu a reconnu les faits qui lui sont reprochés et accepté la qualification pénale retenue. Il en va ainsi de la demande ou de l'accord de la personne mise en examen, faisant l'objet d'un écrit ou figurant dans un procès-verbal, aux fins de renvoi de l'affaire en procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

37. Par ailleurs, une telle transmission méconnaîtrait la présomption d'innocence et le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination qui en découle.

38. Tel n'est en revanche pas le cas de la présence dans le dossier de la procédure de l'ordonnance de renvoi en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité qui renseigne seulement sur l'existence de cette procédure, dont l'échec peut être imputable à la circonstance que la personne poursuivie n'a pas reconnu les faits qui lui sont reprochés en présence de son avocat, dans les conditions de l'article 495-8 du code de procédure pénale.

39. Enfin, la présence de certains actes au dossier de la procédure ne peut être sanctionnée par leur annulation qui, selon les termes de l'article 170 du code de procédure pénale, ne peut porter que sur une pièce ou un acte de la procédure.

En effet, ne répondent pas à cette qualification, d'une part, l'écrit adressé par la personne mise en examen au juge d'instruction par lequel elle demande le renvoi de l'affaire au procureur de la République aux fins de mise en oeuvre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, en ce que cet écrit a été établi par une partie, d'autre part, les actes juridictionnels susceptibles de se référer à cet écrit, tels que l'ordonnance aux fins de renvoi en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Par ailleurs, les actes ou pièces de la procédure, au sens de l'article 170 du code de procédure pénale, se référant à l'écrit de la personne mise en examen aux fins de mise en oeuvre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ne sauraient être annulés dès lors qu'ils sont intrinsèquement réguliers.

40. Il s'en déduit le principe suivant.

41. Lorsque, à la suite d'une information judiciaire, la personne n'a pas accepté la ou les peines proposées ou lorsque le président du tribunal judiciaire ou le juge délégué par lui n'a pas homologué la proposition du procureur de la République, la demande ou l'accord de la personne mise en examen aux fins de renvoi de l'affaire au procureur de la République en vue d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ainsi que les pièces ou mentions de pièces s'y référant, doivent être retirées du dossier de l'information judiciaire se poursuivant par suite de la caducité de l'ordonnance de renvoi en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

42. Le retrait des mentions de pièces se référant à la déclaration ou l'accord de la personne mise en examen s'effectue par voie de cancellation.

43. Il appartient au juge d'instruction chargé de l'information de saisir la chambre de l'instruction dans les conditions des articles 170 et 173 du code de procédure pénale, aux fins de retrait des pièces ou mentions de pièces précitées.

La chambre de l'instruction procède ainsi qu'il est dit aux articles 170-1, 194 et suivants du code de procédure pénale.

Le retrait s'opère dans les conditions du dernier alinéa de l'article 174 du code de procédure pénale.

44. En l'espèce, pour rejeter le moyen pris de la nullité du versement et du maintien dans le dossier de l'information du courrier adressé par M. [H] au juge d'instruction aux fins de mise en oeuvre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, et de l'ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi aux fins de mise en oeuvre de cette procédure et d'une convention judiciaire d'intérêt public, l'arrêt retient que cette ordonnance a été rendue conformément aux demandes des personnes mises en examen formalisées par courriers de leurs avocats remis au magistrat instructeur, lesquels ont été rédigés spontanément et en parfaite connaissance de leurs implications juridiques, de sorte qu'ils ne peuvent porter atteinte à la présomption d'innocence.

45. Les juges ajoutent que le deuxième alinéa de l'article 495-14 du code de procédure pénale ne vise que le procès-verbal des formalités accomplies en application des articles 495-8 à 495-13, ainsi que les déclarations ou les documents remis à cette occasion, garanties essentielles et suffisantes reconnues par le Conseil constitutionnel, de sorte qu'il n'y a pas lieu à retirer ou à annuler en tant que tels les actes antérieurs à l'ordonnance de renvoi, y compris les actes, quelle que soit leur forme, sollicitant le renvoi en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

46. Les juges énoncent par ailleurs, pour écarter le moyen pris de la nullité du versement et du maintien dans le dossier de l'information des réquisitions du procureur de la République financier relatives aux demandes présentées par M. [H] afin que lui soit octroyé le statut de témoin assisté et que soit ordonné le non-lieu, que ces pièces se bornent à faire référence aux demandes formulées par les courriers sollicitant le renvoi en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, dont les termes sont repris par le ministère public et correspondent aux éléments figurant antérieurement à l'ordonnance de renvoi.

47. Les juges énoncent enfin, pour dire n'y avoir lieu d'annuler le versement au dossier de l'ordonnance de validation de la convention judiciaire d'intérêt public conclue entre le procureur de la République financier et les sociétés [H] [5] et [3], qu'en application de l'article 41-1-2 du code de procédure pénale, cette ordonnance, le montant de l'amende d'intérêt public et la convention elle-même sont soumis à publication sur les sites internet des ministères de la justice et des finances, de sorte qu'est inopérante la demande d'annulation du versement à la procédure d'une copie de ces pièces, et ce d'autant plus que le pourvoi formé à l'encontre de la décision de validation par le procureur de la République financier a été déclaré non admis par ordonnance du 12 avril 2021 rendue par le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation, et qu'il ne peut y avoir lieu à annulation d'une décision juridictionnelle.

48. Les juges ajoutent que la référence au courrier de janvier 2021, établi par les avocats de la personne mise en examen et à la demande de celle-ci, ne saurait affecter la présomption d'innocence de M. [H], ce courrier ne pouvant constituer un acte de procédure irrégulier ou susceptible de porter atteinte à la présomption d'innocence de l'intéressé, de nature à justifier en tant que telle l'annulation du versement de la convention judiciaire d'intérêt public et de l'ordonnance de validation de cette convention dans la présente procédure.

49. Ils énoncent aussi que l'ordonnance de validation reprend l'exposé des faits de l'ordonnance de renvoi, la motivation propre de cette ordonnance ne faisant pas référence à d'autres personnes que les sociétés [H] [5] et [3].

50. En se déterminant ainsi, alors qu'il lui appartenait d'ordonner le retrait du dossier de l'information de la demande présentée par M. [H] aux fins de renvoi du dossier au procureur de la République financier aux fins de mise en oeuvre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ainsi que la cancellation des mentions de pièces s'y référant, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé.

51. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

52. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 21 mars 2023, mais en ses seules dispositions ayant dit n'y avoir lieu au retrait du dossier de l'information de la demande de M. [H] de renvoi en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, et, par voie de cancellation, des mentions de pièces s'y référant, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

ORDONNE le retrait du dossier de l'information des pièces et mentions de pièces suivantes, dans ce dernier cas par voie de cancellation :

 - La pièce cotée D 839 ;

 - A la cote D 844/3, les mots « Vu les courriers de [C] [W] et [J] [H] en date du 7 janvier 2021 » ;

 - A la cote D 845/2, les mots « Vu la demande de M. [J] [H] formalisée par courrier du 7 janvier 2021 aux fins de mise en œuvre d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, » et « Attendu qu'aux termes de l'information judiciaire, [J] [H], [C] [W] et [G] [V], tous trois mis en examen, ont reconnu, par courriers des 07 et 12 janvier 2021, les faits qui leurs sont reprochés et acceptent la qualification pénale retenue ; que les personnes mises en examen ont demandé ou accepté le renvoi aux fins de mise en œuvre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. » ;

 - A la cote D 845/4, les mots « Attendu que les personnes mises en examen reconnaissent les faits et acceptent la qualification pénale retenue ; » ;

 - A la cote D 845/5, les mots « Attendu que les mis en examen ont donné par écrit leur accord à la mise en œuvre de cette procédure ; » ;

 - A la cote D 846/2, les mots « Vu la demande de M. [J] [H] formalisée par courrier du 7 janvier 2021 aux fins de mise en oeuvre d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, » ;

 - A la cote D 846/29, les mots « Le 7 janvier 2021, M. [H] adressait au magistrat instructeur une demande de mise en oeuvre de CRPC. » ;

 - A la cote D 846/31, à partir des mots « M. [J] [H], mis en examen pour complicité d'abus de confiance, a indiqué dans un courrier du 7 janvier 2021 qu'il reconnaissait les faits et la qualification juridique dans les termes suivants : » et jusqu'à « Pour toutes ces raisons, qui sont celles qui motivent un entrepreneur responsable, [J] [H] a décidé de mettre un terme à cette procédure, qui a déjà causé des préjudices considérables au groupe, en reconnaissant les faits tels que qualifiés par le magistrat instructeur, pour opter pour une procédure de CRPC. » ;

 - A la cote D 846/33, à partir des mots « M. [H], mis en examen pour corruption d'agent public étranger, a indiqué dans un courrier du 7 janvier 2021 qu'il reconnaissait les faits et la qualification juridique dans les termes suivants : » et jusqu'à « Pour toutes ces raisons, qui sont celles qui motivent un entrepreneur responsable, [J] [H] a décidé de mettre un terme à cette procédure, qui a déjà causé des préjudices considérables au groupe, en reconnaissant les faits tels que qualifiés par le magistrat instructeur, pour opter pour une procédure de CRPC » ;

 - A la cote D 846/35, les mots « Attendu que [H] [J] a demandé ou accepté le renvoi aux fins de mise en œuvre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité » ;

 - A la cote D 908/5, les mots « M. [H], mis en examen pour corruption d'agent public étranger, a indiqué dans un courrier du 7 janvier 2021 qu'il reconnaissait les faits et la qualification juridique dans les termes suivants : « S'agissant du Togo, au vu des explications qui lui ont été fournies, il prend acte de ce que la concomitance entre le règlement des prestations de communication et la conclusion d'avenants au contrat de concession permet à la justice de l'analyser comme révélant des faits de corruption. » ;

 - A la cote D 908/6, les mots « Soucieux de l'avenir du groupe et de chacun de ses collaborateurs, [J] [H] a fait réformer en profondeur les procédures de compliance pour éviter toute démarche critiquable ou inadaptée dans les années à venir ». » et « M. [J] [H], mis en examen pour complicité d'abus de confiance, a indiqué dans un courrier du 7 janvier 2021 qu'il reconnaissait les faits et la qualification juridique dans les termes suivants : » ;

 - A la cote D 908/7, à partir des mots « [J] [H], dont la seule et unique priorité est l'avenir des sociétés du groupe, souhaite mettre fin à la procédure pénale en cours. » et jusqu'à « S'agissant d'[E] [T] dont il a toujours expliqué qu'il était une connaissance de 30 ans, il reconnaît, au vu des éléments qui lui ont été exposés, que la prudence aurait commandé de s'abstenir d'intervenir dans le cadre de la publication du livre. » » ;

 - A la cote D 911/2, les mots « Ils précisent par ailleurs qu'ils ne sont pas tenus par leur précédente demande d'orientation de la procédure vers une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, celle-ci ne valant pas reconnaissance des faits et de leur qualification juridique, mais participant d'une volonté d'abréger la procédure pénale afin de préserver les intérêts du groupe [H]. » ;

 - Aux cotes D 911/2 et D 911/3, à partir des mots « - mis en examen des chefs de corruption d'agent public étranger et d'abus de confiance depuis le 25 avril 2018, [J] [H] est seul à l'initiative d'une demande de mise en œuvre d'une comparution sur reconnaissance de culpabilité - finalisée dans un courrier du 7 janvier 2021 adressé au magistrat instructeur - en vertu de laquelle il reconnaît les faits et leur qualification dans les termes suivants : » et jusqu'à « Pour toutes ces raisons, qui sont celles qui motivent un entrepreneur responsable, [J] [H] a décidé de mettre un terme à cette procédure, qui a déjà causé des préjudices considérables au groupe, en reconnaissant les faits tels que qualifiés par le magistrat instructeur, pour opter pour une procédure de CRPC » ;

 - A la cote D 914/2, les mots « Ils précisent par ailleurs qu'ils ne sont pas tenus par leur précédente demande d'orientation de la procédure vers une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, celle-ci ne valant pas reconnaissance des faits et de leur qualification juridique, mais participant d'une volonté d'abréger la procédure pénale afin de préserver les intérêts du groupe [H] » ;

 - Aux cotes D 914/2 et D 914/3, à partir des mots « - mis en examen des chefs de corruption d'agent public étranger et d'abus de confiance depuis le 25 avril 2018, [J] [H] est seul à l'initiative d'une demande de mise en oeuvre d'une comparution sur reconnaissance de culpabilité - finalisée dans un courrier du 7 janvier 2021 adressé au magistrat instructeur - en vertu de laquelle il reconnaît les faits et leur qualification dans les termes suivants : » et jusqu'à « Pour toutes ces raisons, qui sont celles qui motivent un entrepreneur responsable, [J] [H] a décidé de mettre un terme à cette procédure, qui a déjà causé des préjudices considérables au groupe, en reconnaissant les faits tels que qualifiés par le magistrat instructeur, pour opter pour une procédure de CRPC » ;

ORDONNE le retour du dossier à la chambre de l'instruction pour retrait des pièces et cancellation des mentions de pièces précitées qui seront classées au greffe de la cour d'appel, dans les conditions du dernier alinéa de l'article 174 du code de procédure pénale ;

DIT qu'à l'issue, la chambre de l'instruction fera retour du dossier au juge d'instruction pour poursuite de l'information judiciaire conformément à la loi ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : M. Ascensi - Avocat général : M. Valat - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Articles 170, 170-1, 173, 174, 180-1, 194 et 495-14 du code de procédure pénale ; article 6, § 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Crim., 22 novembre 2023, n° 22-86.715, (B) (R), FS

Cassation

Expertise – Expertise médicale ou psychologique – Recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle – Nullité – Modalités

L'article 706-71 du code de procédure pénale, qui s'applique à tous les actes accomplis au cours de la procédure, limite l'usage de la télécommunication audiovisuelle aux cas qu'il prévoit.

Il en résulte qu'à l'occasion de l'examen par un expert auquel se réfère l'article 164, alinéa 3, du code de procédure pénale, l'usage de la visioconférence est interdit.

La méconnaissance de cette règle, relative à l'établissement et à l'administration de la preuve, est une cause de nullité de l'expertise que toute partie a qualité pour invoquer, et qui fait nécessairement grief.

Méconnait l'article 706-71 du code précité la chambre de l'instruction qui rejette l'exception de nullité, présentée par la personne mise en examen, de l'expertise psychiatrique qui la concerne, qui fait valoir que l'examen été réalisé par un moyen de télécommunication audiovisuelle.

M. [E] [L] a formé des pourvois contre les arrêts de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 28 octobre 2022, dans l'information suivie contre lui du chef de meurtre :

 - l'arrêt n° 997, qui a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure ;

 - l'arrêt n° 1002, qui a confirmé l'ordonnance de refus de mesure d'instruction complémentaire rendue par le juge d'instruction.

Par ordonnance du 16 janvier 2023, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. [F] [Y] a été victime de violences le 21 juillet 2021, dont il est décédé trois jours plus tard.

3. Une information a été ouverte. M. [E] [L] et quatre autres personnes ont été mis en examen, pour meurtre, le 30 juillet 2021.

4. Le juge d'instruction a ordonné des expertises psychiatriques des personnes mises en examen.

Les entretiens entre l'expert et ces dernières se sont déroulés en visioconférence.

5. M. [L] a sollicité une contre-expertise.

6. Par ordonnance du 3 mai 2022, le juge d'instruction a rejeté cette demande.

7. M. [L] a relevé appel. Il a déposé, en outre, le 16 mai suivant, une requête en annulation de toutes les pièces relatives à l'expertise susvisée.

Examen des moyens

Sur les premier et troisième moyens

Enoncé des moyens

8. Le premier moyen, dirigé contre l'arrêt n° 997, le critique en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure, alors « que le procureur général doit déposer ses réquisitions au plus tard la veille de l'audience de la chambre de l'instruction devant laquelle la procédure est écrite ; que le ministère public étant une partie nécessaire au procès pénal, le respect de cette exigence s'impose à peine de nullité, et sa méconnaissance peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation ; qu'en l'état des mentions de l'arrêt, qui se limitent à faire état des réquisitions écrites du procureur général en date du 9 juin 2022 sans préciser que ces réquisitions ont été déposées au dossier de la procédure au plus tard la veille de l'audience, la chambre de l'instruction a violé les articles 194 et 197 du code de procédure pénale. »

9. Le troisième moyen fait le même reproche à l'arrêt n° 1002.

Réponse de la Cour

10. Les moyens sont réunis.

11. Il résulte des articles 194, alinéa 1er, et 197, alinéa 3, du code de procédure pénale que le procureur général doit déposer ses réquisitions au plus tard la veille de l'audience de la chambre de l'instruction, devant laquelle la procédure est écrite.

12. Cette exigence s'impose à peine de nullité et sa méconnaissance peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation.

13. Les arrêts attaqués visent les réquisitions du procureur général en date du 9 juin 2022 et les avis, adressés par ce magistrat, respectivement les 22 et 25 juillet, aux avocats et aux parties, les informant de ce que le dossier de la procédure sera examiné par la chambre de l'instruction à son audience du 18 octobre 2022.

14. Malgré ces mentions incomplètes, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer, par ailleurs, que le greffe de la chambre de l'instruction a adressé à l'avocat de M. [L], sur sa demande, le 17 octobre 2022, la copie des deux réquisitoires du 9 juin 2022.

15. Si les mentions de l'arrêt attaqué et les constatations qui précèdent n'établissent pas que les réquisitions du procureur général ont été déposées au dossier de la procédure la veille de l'audience, le demandeur ne saurait s'en faire un grief dès lors qu'il en a eu connaissance en temps utile.

16. Les moyens ne sont en conséquence pas fondés.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

17. Le deuxième moyen, dirigé contre l'arrêt n° 997, le critique en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure, alors :

« 1°/ qu'il ne peut être recouru au cours de la procédure pénale à un moyen de communication audiovisuelle que dans les cas et selon les modalités prévues par la loi ; que si les médecins ou psychologues experts chargés d'examiner la personne mise en examen, le témoin assisté ou la partie civile sont autorisés par l'article 164 du code de procédure pénale à leur poser des questions pour l'accomplissement de leur mission hors la présence du juge et des avocats, aucune disposition légale ne leur permet d'avoir recours pour ce faire à un moyen de télécommunication audiovisuelle ; qu'est par suite entachée d'une irrégularité qui fait nécessairement grief l'expertise psychiatrique au cours de laquelle l'entretien avec le mis en examen a eu lieu au moyen d'un procédé de communication audiovisuelle ; qu'en écartant la nullité de l'expertise dont elle constatait qu'elle n'avait donné lieu à un entretien avec le mis en examen que par visioconférence, la chambre de l'instruction a violé les articles 164, 706-71 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ qu'eu égard à l'importance que représente dans le cadre d'une expertise psychiatrique et pour les droits de la défense l'entretien prévu par l'article 164 du code de procédure pénale au cours duquel l'expert peut poser des questions au mis en examen, est entachée d'une irrégularité qui fait nécessairement grief l'expertise psychiatrique au cours de laquelle cet entretien a eu lieu par un moyen de communication audiovisuelle ; qu'en écartant la nullité de l'expertise au motif inopérant que l'entretien entre un expert psychiatre et la personne mise en examen ne constitue pas un acte de procédure, la chambre de l'instruction a violé les articles 164 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

3°/ que les parties ne peuvent, à compter de la notification de la décision ordonnant une expertise, que demander au juge d'instruction de modifier ou de compléter les questions posées à l'expert ou d'adjoindre à l'expert ou aux experts déjà désignés un expert de leur choix ; qu'en retenant qu'aucune atteinte à l'exercice des droits de la défense ne peut résulter de ce que l'entretien entre l'expert psychiatre et son client a eu lieu par un moyen de communication audiovisuelle dès lors que la défense n'a émis aucune observation ou protestation lorsque lui a été notifiée la décision ordonnant l'expertise et mentionnant l'autorisation donnée à l'expert de procéder à l'examen du mis en examen par visioconférence, la chambre de l'instruction a violé les articles 161-1 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 706-71 du code de procédure pénale :

18. Selon le premier alinéa de ce texte, issu de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, il peut être recouru au cours de la procédure pénale, aux fins d'une bonne administration de la justice, si le magistrat en charge de la procédure ou le président de la juridiction l'estime justifié, dans les cas et modalités prévus par cet article, à un moyen de télécommunication audiovisuelle.

19. Il s'ensuit, d'une part, que l'usage d'un moyen de télécommunication audiovisuelle est limité aux cas prévus par le texte.

20. D'autre part, cette disposition s'applique à tous les actes accomplis au cours de la procédure.

21. Dès lors, le texte susvisé interdit le recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle à l'occasion de l'examen de la personne mise en examen, du témoin assisté ou de la partie civile par les médecins et psychologues experts, auquel se réfère l'article 164, alinéa 3, du code de procédure pénale.

22. Constitue une violation des règles relatives à l'établissement et à l'administration de la preuve en matière pénale la méconnaissance dudit texte, qui impose que l'examen d'une personne soit réalisé par l'expert, en sa présence, de sorte que toute partie qui y a intérêt a qualité pour invoquer la nullité tirée de la méconnaissance de ces dispositions.

23. Une telle irrégularité fait nécessairement grief aux parties concernées.

24. En écartant la demande d'annulation de l'expertise psychiatrique du demandeur, dont l'examen a été réalisé par visioconférence, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé.

25. La cassation est, par conséquent, encourue.

Portée et conséquences de la cassation

26. La cassation de l'arrêt qui a rejeté la demande d'annulation aura pour conséquence d'entraîner celle de l'arrêt qui a confirmé le rejet de la demande de contre-expertise.

27. Il n'y a donc pas lieu d'examiner le quatrième moyen dirigé contre ce dernier arrêt.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt n° 997 susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 28 octobre 2022 ;

CASSE et ANNULE, par voie de conséquence, l'arrêt n° 1002 de ladite chambre de l'instruction, du même jour ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite des arrêts annulés.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : M. Turbeaux - Avocat général : Mme Bellone - Avocat(s) : SCP Sevaux et Mathonnet -

Textes visés :

Articles 164 et 706-71 du code de procédure pénale.

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