Numéro 11 - Novembre 2023

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

PEINES

Crim., 22 novembre 2023, n° 23-80.772, (B), FRH

Rejet

Peine correctionnelle – Peine d'emprisonnement sans sursis prononcée par la juridiction correctionnelle – Aménagement de peine – Aménagement ab initio – Impossibilité – Placement en détention provisoire du prévenu dans une procédure distincte

Fait une juste application des dispositions de l'article 132-25 du code pénal la cour d'appel qui retient que le placement en détention provisoire du prévenu, dans une procédure distincte, rend impossible l'aménagement de la peine.

M. [G] [I] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, en date du 23 janvier 2023, qui, pour non-représentation d'enfant et soustraction d'enfant par ascendant, l'a condamné à deux mois d'emprisonnement et a prononcé sur les intérêts civils.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [G] [I] a été poursuivi des chefs de non-représentation de son enfant mineure, la prévention visant la méconnaissance d'une ordonnance de non-conciliation rendue le 15 décembre 2019, en réalité 2014, et de soustraction de l'enfant, à l'occasion du prononcé d'une ordonnance de placement provisoire.

3. Par jugement du 6 octobre 2022, le tribunal correctionnel l'a relaxé et a rejeté les demandes des parties civiles.

4. Le procureur de la République a relevé appel, ainsi que Mme [H] [T] et [1], parties civiles.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen

5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [I] coupable du délit de non-représentation d'enfant à une personne ayant le droit de le réclamer, fait commis du 29 avril 2021 au 12 mai 2021 en application du jugement de divorce du 27 mai 2016, lequel reprend les dispositions de l'ordonnance de non-conciliation du 15 décembre 2014, alors :

« 1°/ que les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis, à moins que le prévenu n'accepte d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention ; qu'en l'espèce, M. [I] était cité à comparaître devant le tribunal correctionnel sur le fondement d'une méconnaissance de l'ordonnance de non-conciliation du 15 décembre 2014, et il ne pouvait donc être jugé sans qu'il l'ait expressément accepté sur le fondement d'une violation des dispositions du jugement de divorce prononcé le 27 mai 2016, cet acte reprendrait-il les dispositions de l'ordonnance de non-conciliation s'agissant du régime des droits de visite et d'hébergement du père sur les enfants mineurs ; en l'absence de tout accord le prévenu pour être jugé au regard d'un titre de représentation totalement nouveau, qui ne constitue pas le fondement initial des poursuites, la cour d'appel a violé les articles 388 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et les droits de la défense et excédé son pouvoir ;

2°/ qu'il ne résulte pas de l'arrêt attaqué que la substitution de jugement de divorce à l'ordonnance de non-conciliation ait fait l'objet d'une discussion contradictoire ; la cour d'appel a encore violé les textes et principes précités ;

3°/ qu'en outre, les faits qui procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu contre le même prévenu à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elles concomitantes ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a déclaré M. [I] à la fois coupable de non-représentation d'enfant mais aussi de soustraction d'enfant par ascendant des mains de la personne chargée de sa garde, s'agissant des mêmes faits de non-représentation d'enfant et de la même intention coupable, méconnaissant ainsi le principe non bis in idem et les articles 227-5 et 227-7 du code pénal. »

Réponse de la Cour

7. En condamnant le prévenu pour non-représentation d'enfant, fait commis du 29 avril au 12 mai 2021, en application du jugement de divorce du 27 mai 2016, lequel reprend les dispositions de l'ordonnance de non-conciliation du 15 décembre 2014 relatives à l'exercice du droit de visite et d'hébergement, l'arrêt attaqué n'a pas retenu à l'encontre du prévenu un fait nouveau, non visé par l'acte de poursuite, mais s'est borné à rectifier l'erreur contenue dans ce dernier à propos de l'élément préalable à la constitution de l'infraction, en s'assurant que la décision applicable était exécutoire.

8. Par ailleurs, il résulte des pièces de procédure que le tribunal ayant relaxé le prévenu au motif que la décision méconnue n'était pas celle visée à la prévention, le ministère public ayant relevé appel, la substitution critiquée a été mise dans le débat et a fait l'objet d'une discussion contradictoire devant la cour d'appel, ainsi que le confirment les notes d'audience.

9. Ainsi, les griefs tirés de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 388 du code de procédure pénale ne sont pas fondés.

10. En outre, en déclarant le prévenu coupable, d'une part, de non-représentation d'enfant, s'agissant de faits commis du 29 avril au 12 mai 2021, à l'égard de Mme [H] [T], d'autre part, de soustraction d'enfant commise le 17 mai 2021, au titre d'une ordonnance de placement provisoire et au préjudice du président du conseil départemental, l'arrêt attaqué s'est prononcé sur deux faits distincts et n'a pas méconnu le principe invoqué par le moyen.

11. Celui-ci doit, dès lors, être rejeté.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en qu'il a condamné M. [I] à la peine de deux mois d'emprisonnement sans aménagement, alors « que le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard des faits de l'espèce, de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur et de sa situation matérielle, familiale et sociale ainsi que du caractère inadéquat de toute autre sanction ; dans le cas où la peine n'est pas supérieure à six mois, le juge qui décide de ne pas l'aménager doit en outre motiver spécialement sa décision en établissant que la personnalité ou la situation du condamné ne permet pas cet aménagement, ou en constatant une impossibilité matérielle ; en considérant en l'espèce que seule une peine d'emprisonnement est adéquate sans même envisager une mesure alternative, tel un prononcé avec sursis, ni motiver le refus d'aménagement de la peine prononcée autrement que par l'état actuel de détention du condamné, la cour d'appel a violé l'article 132-19 du code pénal et les articles 132-25 du même code, 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

13. Pour condamner le prévenu à une peine de deux mois d'emprisonnement, l'arrêt attaqué expose d'abord sa situation familiale, sociale, ses antécédents judiciaires, relève qu'il est placé en détention provisoire depuis le 21 janvier 2022 à l'occasion d'une information relative à des faits criminels et souligne la gravité des infractions commises.

14. Les juges ajoutent qu'il est sans ressources, ce qui exclut le prononcé d'une amende, voire de jours-amende, que sa situation actuelle et la gravité des faits ne permet pas d'envisager le recours à une peine de travail d'intérêt général ou l'exécution d'un stage, que seule une peine d'emprisonnement est adéquate en ce qu'il convient de donner au prévenu un signal clair, ferme et simple.

15. Ils énoncent encore que M. [I] est actuellement détenu, ce qui ne permet pas d'envisager un quelconque aménagement de la peine dès son prononcé.

16. En statuant ainsi la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

17. En effet, d'une part, elle a indiqué en quoi la peine prononcée était indispensable et toute autre sanction manifestement inadéquate.

18. D'autre part, elle a justement retenu que la situation du condamné, placé en détention provisoire à l'occasion d'une autre procédure, rendait impossible l'aménagement de la peine.

19. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : M. Turbeaux - Avocat général : Mme Viriot-Barrial - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 132-25 du code pénal.

Crim., 22 novembre 2023, n° 23-81.085, (B), FS

Rejet

Peines correctionnelles – Emprisonnement sans sursis – Mandat de dépôt à effet différé assorti de l'exécution provisoire – Effets

Le mandat de dépôt à effet différé assorti de l'exécution provisoire a pour conséquence l'incarcération du prévenu à la date fixée par le procureur de la République. Cette incarcération se poursuit jusqu'à ce que la décision de condamnation soit exécutoire. Elle s'effectue sous le régime de la détention provisoire, dès lors que l'exécution provisoire d'une peine d'emprisonnement n'est prévue ni par l'article 471 du code de procédure pénale ni par aucune autre disposition législative.

M. [W] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-14, en date du 17 janvier 2023, qui a prononcé sur sa requête en incident contentieux d'exécution.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par arrêt du 22 novembre 2022, la cour d'appel de Paris a condamné M. [W] [Z] à une peine de quatre ans d'emprisonnement dont un an avec sursis probatoire, et prononcé un mandat à effet différé, assorti de l'exécution provisoire.

3. M. [Z] a formé un pourvoi contre cette décision le 22 novembre 2022, en cours d'instruction.

4. Il a, par ailleurs, saisi la cour d'appel d'une requête en difficulté d'exécution, le 19 décembre 2022, tendant à faire juger que son pourvoi en cassation suspendait l'exécution du mandat de dépôt à effet différé assorti de l'exécution provisoire.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que le pourvoi formé le 22 novembre 2022 n'a pas d'effet suspensif sur l'exécution du mandat de dépôt à effet différé, assorti de l'exécution provisoire, prononcé le 22 novembre 2022 et a dit que le mandat de dépôt à effet différé doit s'exécuter en application des dispositions de l'article D. 45-2-7 du code de procédure pénale au besoin avec le recours de la force publique, alors « que pendant les délais du recours en cassation et, s'il y a eu recours, jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour de cassation, il est sursis à l'exécution de l'arrêt de la cour d'appel, sauf en ce qui concerne les condamnations civiles, et à moins que la cour d'appel ne confirme le mandat décerné par le tribunal en application de l'article 464-1 ou de l'article 465, premier alinéa, ou ne décerne elle-même mandat sous les mêmes conditions et selon les mêmes règles ; que n'étant pas régi par les articles 465 et 464-1 précités, et ne constituant pas une mesure de sûreté destinée à être exécutée nonobstant l'effet suspensif d'un pourvoi en cassation, comme le sont les mandats de dépôt ou d'arrêt, mais une modalité d'exécution de la peine à laquelle le pourvoi en cassation fait obstacle, le mandat de dépôt à effet différé ne peut être mis à exécution en cas de pourvoi en cassation, fusse-t-il assorti de l'exécution provisoire ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 464-2 et 569 du code de procédure pénale, ensemble la présomption d'innocence garantie par les articles 6, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et le principe que la liberté individuelle garantie par l'article 66 de la Constitution ne saurait être entravée par une rigueur non nécessaire. »

Réponse de la Cour

6. Pour rejeter la requête de M. [Z], l'arrêt attaqué énonce que son pourvoi en cassation contre la décision de condamnation n'a pas d'effet suspensif, dès lors que le mandat de dépôt à effet différé décerné contre lui est assorti de l'exécution provisoire.

Les juges ajoutent qu'en application de l'article 464-2 du code de procédure pénale, le mandat de dépôt à effet différé peut être assorti de l'exécution provisoire lorsque la durée totale de l'emprisonnement ferme attaché à la peine prononcée est supérieure à un an, et que les conditions de l'article 465 du même code sont réunies, ce qui est le cas en l'espèce. Ils retiennent que l'exécution provisoire ainsi décidée doit conduire à l'incarcération du prévenu, comme le prévoient les articles D. 45-2-1 à D. 45-2-9 et D. 48-2-4 à D. 48-2-8 du code de procédure pénale.

7. Ils relèvent que les dispositions légales attachent des conséquences identiques au mandat de dépôt et au mandat de dépôt à effet différé assorti de l'exécution provisoire, lequel présente le caractère d'une mesure de sûreté, compte tenu de l'obligation qu'il impose au condamné de se présenter dans un établissement pénitentiaire pour y être incarcéré, sous peine d'y être contraint par la force publique.

8. Ils en déduisent que l'absence d'effet suspensif du pourvoi en cassation, prévu aux articles 465 et 569 du code de procédure pénale, s'attache tant au mandat de dépôt qu'au mandat de dépôt à effet différé assorti de l'exécution provisoire, tout en énonçant que les effets d'une mesure de sûreté ne sont pas suspendus par un pourvoi en cassation.

9. C'est à tort que la cour d'appel s'est fondée sur les articles 465 et 569 du code de procédure pénale pour considérer que l'exécution du mandat de dépôt à effet différé assorti de l'exécution provisoire n'était pas suspendue par le pourvoi en cassation.

10. En effet, ces dispositions ne s'appliquent qu'au mandat de dépôt.

11. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, pour les motifs qui suivent.

12. Le mandat de dépôt à effet différé assorti de l'exécution provisoire a pour conséquence l'incarcération du prévenu à la date fixée par le procureur de la République. Cette incarcération se poursuit jusqu'à ce que la décision de condamnation soit exécutoire.

13. Elle s'effectue sous le régime de la détention provisoire, dès lors que l'exécution provisoire d'une peine d'emprisonnement n'est prévue ni par l'article 471 du code de procédure pénale ni par aucune autre disposition législative.

14. Le moyen ne peut, dès lors, être admis.

15. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : Mme Guerrini - Avocat général : M. Courtial - Avocat(s) : SCP Sevaux et Mathonnet -

Textes visés :

Article 471 du code de procédure pénale.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.