N°19 - Avril 2022 (Éditorial de Bertrand de Lamy, conseiller à la Cour de cassation en service extraordinaire )

Lettre de la chambre criminelle

Une sélection des arrêts rendus par la chambre criminelle de la Cour de cassation (Cumul de qualification / Détention provisoire / Environnement / Responsabilité pénale / Travail dissimulé / Vie privée / Visite domiciliaire / QPC)

  • Pénal
  • recel
  • détention provisoire
  • environnement et pollution
  • protection de la nature et de l'environnement
  • responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle
  • société
  • travail réglementation (travail dissimulé et des étrangers...)
  • droit du travail
  • atteinte a la vie privée
  • atteintes au respect de la vie privée et de la présomption d'innocence
  • domicile

Bertrand de Lamy, conseiller à la Cour de cassation en service extraordinaire

Le pas est franchi. Remplissant les conditions de recevabilité et après avoir été entendu par les chefs des juridictions du ressort de son lieu d’habitation, puis auditionné par le Conseil supérieur de la magistrature, la nouvelle tombe : on est nommé conseiller à la Cour de cassation en service extraordinaire.

La dénomination de la fonction ne coïncide pas exactement avec le premier résultat produit par le cliquetis du clavier de son ordinateur. Et l’on repense aux étudiants à qui l’on demandait de commenter une décision en trois heures, lorsqu’on a mis trois jours à rédiger son premier arrêt en se rendant bien compte qu’il y a dans la formulation que l’on propose, disons, quelque chose d’inédit…

Le professeur des facultés de droit qui arrive à la Cour de cassation est en effet, à la fois, en terrain connu et en terra incognita comme un explorateur d’antan qui a atteint les frontières d’un monde restant à découvrir.

La lecture des mémoires des avocats aux Conseils, des avis des avocats généraux et des rapports sur des cas précédents ramènent à des connaissances et à des automatismes. Les noms d’universitaires jalonnent les lectures ainsi que les arrêts de référence que l’on a fait étudier.

La recherche, la réflexion et la rédaction individuelles des rapports ainsi que des projets d’arrêt ne sont pas sans rappeler sa première vie professionnelle. On y est également seul mais sans être cependant isolé ; les échanges entre conseillers sont fréquents pouvant suggérer une lecture éclairante, aider d’expérience à affiner une méthode de travail ou renseigner sur la technique de cassation dans laquelle on entre pas à pas.

Puis viennent ces moments de grande stimulation intellectuelle et d’écoute que sont l’audience et le délibéré. Chacun expose, dans la salle où l’on se retire, son analyse du problème pour la conforter, l’éprouver, la nuancer voire la réorienter parce que le dossier est une matière vivante et la décision, le fruit d’une réflexion collective.

La réflexion est également nourrie par d’autres exercices qu’il s’agisse des travaux produits sur différents thèmes par les groupes de travail et bientôt des premières rencontres de la Chambre criminelle. Elles réuniront l’Ecole et le Palais pour de libres échanges sur des jurisprudences qui ont vocation à continuer à s’écrire.

L’un des grands étonnements de celui qui a une connaissance académique du droit pénal et qui, sans avoir labouré toute l’immense matière, a essayé de défricher avec ses étudiants quelques champs disciplinaires, réside dans le nombre de questions inédites qui viennent devant la Chambre criminelle. Est-il besoin de souligner combien la Question Prioritaire de Constitutionnalité et le droit européen ouvrent le droit pénal à d’autres territoires ? Mais la surprise tient aussi au droit pénal lui-même : soit que l’affaire se présente sur le fondement d’une disposition qui n’est encore jamais venue quai de l’Horloge ou qui s’est faite oublier des juridictions ; soit que le moyen présenté place cette disposition sous un jour nouveau et la donne à voir d’un autre œil ; soit encore que le hasard des faits renvoie au droit une interrogation sur son interprétation alors que l’on pensait la page écrite.

Cet étonnement est un moteur de la curiosité intellectuelle qui est aussi au cœur de l’enseignement du droit comme des recherches dont il est l’objet. Il est alors dans l’ordre des choses que, de la même façon que des professeurs vont à la Cour de cassation, des conseillers aient un attrait pour l’enseignement universitaire ou le goût de la publication. L’article du président Canivet – « Des "professeurs-juges" aux "juges professeurs" » paru aux mélanges Ponsard – revient ici à l’esprit : « Il y a des passages croisés entre l’Université et la Cour de cassation parce que la pensée juridique intègre, dans une culture unique, la réflexion fondamentale et la création jurisprudentielle. »

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