N°1 - Juin 2020 (Détention provisoire)

Lettre de la chambre criminelle

De la nécessité de délivrer au plus vite un permis de communiquer à l’avocat

Crim., 7 janvier 2020, pourvoi n° 19-86.465

Crim., 19 février 2020, pourvoi n°19-87.545

Crim., 10 mars 2020, pourvoi n°19-87.757

L’effectivité des droits de la défense commande que le juge d’instruction délivre au plus vite au conseil, c'est-à-dire mette à sa disposition, un permis de communiquer avec son client détenu.

Au demeurant, ce permis peut être délivré d'office dès la décision d'incarcération provisoire.

En conséquence, est illégal le placement en détention provisoire d’une personne mise en examen dont le conseil n’a pu assurer la défense, faute de délivrance par le juge d’instruction d’un permis de communiquer demandé durant le temps de l’incarcération provisoire de celle-ci.

Cependant, dans le cas où un tel permis a été délivré, il appartient au conseil, s’il estime n’être pas en mesure d’effectuer les démarches nécessaires pour retirer celui-ci et s’entretenir, en temps utile, avec son client avant le débat préalable sur le placement en détention, de solliciter un report de ce débat, si ce report est légalement possible. 

État d'urgence sanitaire : pas de prolongation de la détention provisoire sans contrôle du juge

Crim., 26 mai 2020, pourvoi n°20-81.971

Crim., 26 mai 2020, pourvoi n°20-81.910

Afin de faire face à la propagation de l’épidémie de covid-19, le Gouvernement a adopté une disposition prévoyant la prolongation de plein droit des « délais maximums de détention provisoire ».

Cette disposition doit s'interpréter comme signifiant qu'est prolongée, sans intervention judiciaire, pour les durées qu’elle  prévoit, toute période de détention provisoire venant à expiration. Il est ainsi mis à fin à l’insécurité juridique induite par les divergences d’analyse des juridictions, qui étaient confrontées à des difficultés majeures d'interprétation.

Cependant, il convenait de vérifier la conformité de ce texte à la Constitution et à la Convention européenne des droits de l'homme.

Selon l’article 66 de la Constitution, l’autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle. Dès lors, il existe un risque sérieux d’inconstitutionnalité de la loi qui a autorisé le Gouvernement à modifier ainsi les règles de la détention provisoire, ce qui justifie que le Conseil constitutionnel en soit saisi par une question prioritaire de constitutionnalité (Crim., 26 mai  2020, QPC n°20-81.971 et Crim., 26 mai 2020, QPC n°20-81.910).

Par ailleurs, en vertu de l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme, l’intervention du juge judiciaire lors de la prolongation d’une détention provisoire est nécessaire comme garantie contre l’arbitraire. En conséquence, la prolongation automatique des titres de détention n’est compatible avec ce principe qu’à la condition qu’un juge judiciaire examine à bref délai, s’il ne l’a déjà fait, la nécessité de la détention en cause. Dans toutes les hypothèses où un tel contrôle du juge n’a pu ou ne peut plus être exercé, la personne détenue doit être libérée.

Est ainsi rappelé solennellement le principe qu’il appartient au juge judiciaire, rempart contre la détention arbitraire, de contrôler toute prolongation de celle-ci.

Pour aller plus loin, voir la notice explicative.

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