N°37 - Mars 2024 (Éditorial)

Lettre de la chambre criminelle

Une sélection commentée des arrêts rendus par la chambre criminelle de la Cour de cassation (Chambre de l'instruction / Confiscation / Conditions de détention indignes / Géolocalisation / Instruction / QPC / Saisies pénales / La lettre, question prioritaire de constitutionnalité).

  • Pénal
  • chambre de l'instruction
  • confiscation
  • instruction
  • saisies

Éditorial

Faty DIOP &

Philippe MALLARD

Conseillers référendaires

Comme lors de la plupart des changements de fonctions, l’arrivée à la Cour de cassation s’accompagne de nombreuses nouveautés, et de la grande inquiétude de ne pas savoir y faire face.

C’est pourquoi cette arrivée en fonctions donne lieu, pour tout conseiller, à la désignation, par le président de la chambre, d’un tuteur qui a la charge de superviser l’ensemble des travaux produits par le nouvel arrivant.

Il s’agit de permettre à celui-ci, à l’occasion du traitement des premiers dossiers qui lui seront attribués, et dont la difficulté ira croissant, d’avoir un interlocuteur privilégié pour échanger sur les difficultés, la façon dont il a pu, ou pas, les résoudre, et sur les doutes qu’il n’a pu dissiper.

Les échanges sont informels et leurs modalités déterminées librement entre le nouvel arrivant et son tuteur, et ont pour but principal la formation du premier, le second ayant ensuite pour mission de l’autoriser à présenter ses travaux, rapports et projets d’arrêts, au doyen de section ou à la chambre, selon le cas.

Cette période de tutorat, qui dure en moyenne 6 mois, peut s’arrêter avant, ou davantage se poursuivre, en fonction des besoins exprimés. Afin que le nouvel arrivant n’ait aucun scrupule à solliciter son tuteur, régulièrement et/ou sur une longue période, ce dernier bénéficie d’une décharge partielle d’activité.

Consacrer autant de temps à cette tâche pourrait sembler un luxe inutile, mais la pratique montre qu’en réalité, chacun y trouve un grand intérêt, et que le temps ainsi passé n’est pas perdu.

Passée la nécessaire période d’étonnement, le nouvel arrivant est en effet rapidement invité à faire montre de ses capacités rédactionnelles et d’assimilation de la technique de cassation jusqu’alors jamais pratiquée dans ses précédentes fonctions. A cet égard, le regard bienveillant et la disponibilité totale du tuteur pour répondre aux nombreuses interrogations qui surgissent au détour de chaque nouveau dossier sont particulièrement appréciables. Différencier un moyen inopérant d’un moyen qui manque en fait, apprécier la profondeur du contrôle de la Cour de cassation, formaliser un arrêt, de rejet ou de cassation, avec la possibilité de ne casser que partiellement ou sans renvoi … autant de concepts jusqu’alors obscurs mais qui, grâce à l’appui apporté par le tuteur, deviennent progressivement accessibles. Et l’on finit un jour par se surprendre à pouvoir répondre soi-même à la question que l’on s’apprêtait à poser à celui-ci. Interroger son tuteur c’est aussi s’engager dans un dialogue itératif et réflexif, source d’enrichissement réciproque.

Mais au-delà des questionnements purement juridiques, le rôle du tuteur est aussi celui de guide, accompagnant le nouvel arrivant dans cette période de découverte de la Cour, de ses pratiques, de ses coutumes et modes de fonctionnement.

Pour le tuteur, cette intervision singulière est l’occasion de questionner ses pratiques, de se réapproprier leurs sources et justifications, et parfois de les remettre en cause lorsqu’un regard nouveau pointe leur manque de pertinence. En effet, lorsqu’un tuteur prend connaissance d’un rapport, nécessairement différent de celui qu’il aurait personnellement rédigé, il doit toujours faire l’effort d’expliquer les modifications qu’il propose, même formelles, car bien souvent, le fond commande la forme : il est aisé d’expliquer qu’une cour d’appel n’a pas « violé » un texte, mais qu’elle n’a pas « justifié » sa décision  ; ça l’est moins de différencier les situations où il faut « casser » de celles où il convient seulement d’« annuler » un arrêt. Mais il arrive que le tuteur peine à exposer les raisons qui imposeraient une rédaction différente, auquel cas il ne peut que se rendre à l’évidence que certaines conventions d’écriture ne présentent pas, ou plus, d’intérêt, ce qu’aura permis de déceler l’échange avec le nouvel arrivant.

Ainsi, le tutorat constitue, dans l’intérêt de tous, un moyen de garantir la qualité des travaux et des décisions rendues, mais également de renforcer les liens entre collègues et favoriser la cohésion, ce qui est inestimable.

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