N°10 - Mai/juin/juillet 2021 (Contrat de travail, rupture)

Lettre de la chambre sociale

Lettre de la chambre sociale

N°10 - Mai/juin/juillet 2021 (Contrat de travail, rupture)

Rupture conventionnelle et indemnité spécifique de rupture

Soc., 5 mai 2021, pourvoi n° 19-24.650, FS-P

Sommaire :

Selon l'avenant du 18 mai 2009 à l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008, l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle prévue par l'article L. 1237-13 du code du travail ne peut pas être d'un montant inférieur à celui de l'indemnité conventionnelle de licenciement, lorsque celle-ci est supérieure à l'indemnité légale de licenciement.

Fait une exacte application de ces dispositions, la cour d'appel qui, constatant que les dispositions d'un accord collectif prévoient une indemnité conventionnelle de licenciement plus favorable que l'indemnité légale de licenciement, retient qu'une salariée ayant signé une convention de rupture, peut prétendre à une indemnité spécifique de rupture dont le montant ne peut être inférieur à l'indemnité conventionnelle de licenciement.

 

Commentaire :

L’indemnité spécifique de rupture ne peut, selon l’article L.1237-13 du code du travail, être d’un montant inférieur à celui de l’indemnité légale de licenciement prévue par l’article L.1237-9 du même code. Des dispositions conventionnelles peuvent toutefois prévoir une indemnité de licenciement d’un montant supérieur à celui de l’indemnité légale. L’avenant du 18 mai 2009 à l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008, prévoit, dans cette hypothèse, que l’indemnité spécifique de rupture ne peut être d’un montant inférieur à celui de l’indemnité conventionnelle de licenciement.

Dans la présente affaire, l’accord collectif applicable dans l’entreprise n’ouvrait le droit à une indemnité de licenciement plus favorable que l’indemnité légale que relativement à certains motifs de licenciement. Le pourvoi soutenait que dans une telle hypothèse, en cas de rupture conventionnelle, le montant de l’indemnité spécifique de rupture ne devait être fixé que par référence avec l’indemnité légale de licenciement, par application de l’article L.1237-13 du code du travail. La chambre sociale rejette le pourvoi, et donne son plein effet à l'avenant à l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008, en considérant que, même dans cette hypothèse, l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle ne peut être d'un montant inférieur à l'indemnité conventionnelle de licenciement plus favorable prévue par cet accord collectif.

Guide interne contraignant et contenu de la lettre de convocation à un entretien préalable à un licenciement disciplinaire

Soc., 27 mai 2021, pourvoi n° 19-16.117, FS-P

Sommaire :

Le guide mémento des règles de gestion RH PX 10 de La Poste constitue un document interne à cette entreprise se bornant à expliciter les règles de droit, à destination des délégataires du pouvoir disciplinaire en charge de les appliquer.

Doit en conséquence être approuvé l'arrêt qui retient que l'absence d'indication des fautes reprochées dans la lettre de convocation du salarié à l'entretien préalable au licenciement, en méconnaissance du point 221 du guide mémento précité, n'est pas de nature à affecter la validité de ladite mesure.

 

Commentaire :

Dans cette affaire, la chambre sociale de la Cour de cassation était invitée à se prononcer pour la première fois sur la question de savoir si le guide mémento des règles de gestion RH PX 10 de La Poste constituait une norme collective contraignante qui s'impose dans l'entreprise La Poste, et dont les dispositions instaureraient alors des garanties de fond pour les salariés.

Elle y répond par la négative en considérant qu’il s'agit d'un document de travail interne, sans valeur normative, puisque le document litigieux ne faisait qu'expliciter les règles légales et conventionnelles applicables aux salariés de la Poste en matière disciplinaire.

Licenciement pour motif économique, plan de sauvegarde de l’emploi et compétence du juge judiciaire

Soc., 27 mai 2021, pourvoi n° 18-26.744, FS-P sur les deux premières branches du pourvoi incident

Sommaire :

Il résulte de l'article L. 1235-7-1 du code du travail que le juge judiciaire demeure compétent pour statuer sur les litiges relatifs à l'application des mesures comprises dans un plan de sauvegarde de l'emploi mais ne peut, dans cet office, méconnaître l'autorité de la chose décidée par l'autorité administrative ayant validé l'accord collectif ou homologué le document élaboré par l'employeur par lequel a été fixé le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, ni l'autorité de la chose jugée par le juge administratif.

Il s'en déduit qu'un salarié peut, au soutien de demandes salariales ou indemnitaires formées contre l'employeur, se prévaloir du défaut de validité de l'accord collectif déterminant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, qui résulte des motifs de la décision du juge administratif annulant la décision de validation de cet accord.

Dès lors que le juge administratif avait annulé la décision de validation d'un accord collectif déterminant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi au motif d'un vice en affectant les conditions de conclusion et le privant de son caractère majoritaire, une cour d'appel a à bon droit écarté l'application des clauses de cet accord.

 

Commentaire :

Par le présent arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation précise l’étendue des pouvoirs du juge judiciaire s’agissant des contentieux individuels que les salariés peuvent engager devant lui à la suite de l’annulation par le juge administratif de la décision de validation d’un accord collectif déterminant le contenu d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), lorsque cette annulation est prononcée au motif d’un vice affectant les conditions de conclusion dudit accord.

La chambre sociale a jugé, le 13 janvier 2021, qu’un tel motif d’annulation par le juge administratif n’emportait pas la nullité du licenciement, faisant ainsi une application littérale des articles L. 1235-10 et L. 1235-11 du code du travail (Soc., 13 janvier 2021, pourvoi n° 19-12.522, publié).

L'arrêt du 27 mai 2021 complète cet arrêt s'agissant des conséquences autres que celles relatives à la validité du licenciement. Ainsi, s'agissant de l'application des mesures que prévoyait le PSE, la Cour décide que, si l’article L. 1235-7-1 du code du travail prohibe tout recours en nullité de cet accord collectif devant le juge judiciaire, les salariés peuvent se prévaloir devant ce juge du défaut de validité de l’accord collectif déterminant le contenu du PSE, dès lors qu’il résulte des motifs de la décision d’annulation du juge administratif que l’administration n’aurait pas dû valider cet accord collectif car il était affecté d’un vice dans ses conditions de négociation de nature à l’entacher de nullité.

Elle entérine en conséquence le raisonnement des juges du fond qui ont écarté l’application des clauses contestées de cet accord, lesquelles étaient relatives à la rémunération perçue pendant le congé de reclassement.

Résiliation judiciaire : examen des griefs quelle que soit leur ancienneté

Soc., 30 juin 2021, pourvoi n° 19-18.533, FS-B

Sommaire :

Le juge, saisi d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, doit examiner l'ensemble des griefs invoqués au soutien de celle-ci, quelle que soit leur ancienneté.

 

Commentaire :

Par cet arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation précise que le juge doit examiner l'ensemble des griefs invoqués au soutien d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.

Par conséquent, une cour d'appel ne peut écarter certains des faits allégués à l'appui de cette demande au motif qu'ils sont prescrits.

Il résulte de la présente solution que l'action en résiliation judiciaire du contrat de travail peut être introduite pendant toute la durée d'exécution du contrat de travail, quelle que soit la date des faits invoqués à l'appui de la demande.

La chambre sociale de la Cour de cassation reprend ainsi une solution déjà appliquée en matière de prise d'acte, dans un arrêt, non publié (Soc., 27 novembre 2019, pourvoi n° 17-31.258, non publié).

Licenciement disciplinaire, prestation de serment et liberté religieuse

Soc., 7 juillet 2021, pourvoi n° 20-16.206, FS-B

Sommaire :

Au regard de la liberté de pensée, de conscience et de religion protégée par l'article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne commet aucune faute une salariée, agent de surveillance de la RATP, qui sollicite, lors de l'audience de prestation de serment, la possibilité de substituer à la formule « je le jure » celle d'un engagement solennel.

Il en résulte que son licenciement, prononcé pour faute au motif du refus de prêter serment et de l'impossibilité consécutive d'obtenir l'assermentation, est sans cause réelle et sérieuse.

 

Commentaire :

Dans cette affaire, examinée par la chambre sociale sur renvoi après cassation (Soc., 1er février 2017, pourvoi n° 16-10.459, Bull. 2017, V, n° 18), une stagiaire de la RATP avait refusé de prononcer la formule “je le jure” débutant la formule d’assermentation nécessaire à son admission définitive, comme agent de surveillance, dans le cadre permanent de la RATP invoquant sa religion catholique.

Le serment n’ayant pas été prêté, la RATP avait licencié la salariée au motif que ce refus de prêter serment, qualifié de fautif par l’employeur, interdisait l’admission au cadre permanent.

S’appuyant sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, la chambre sociale estime que le refus de la salariée n’était pas fautif. Revenant sur l’arrêt précité rendu en 2017, elle juge cependant que le licenciement, n’ayant pas été prononcé en raison des convictions religieuses de la salariée, n’est pas nul, mais l’estime sans cause réelle et sérieuse (l’employeur ne pouvait en effet licencier la salariée pour faute). Elle tranche donc sans renvoi cette question de principe.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.