N°10 - Mai/juin/juillet 2021 (Action en justice)

Lettre de la chambre sociale

Lettre de la chambre sociale

N°10 - Mai/juin/juillet 2021 (Action en justice)

CDD : prescription de l’action en requalification fondée sur la violation du délai de carence

Soc., 5 mai 2021, pourvoi n° 19-14.295, FS-P sur le premier moyen

Sommaire :

Selon les dispositions de l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Aux termes de l'article L. 1244-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, un employeur ne peut conclure avec le même salarié des contrats à durée déterminée successifs que dans quatre hypothèses : pour remplacer des salariés absents, pour des emplois saisonniers ou pour des emplois pour lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir aux contrats à durée indéterminée, pour remplacer l'une des personnes mentionnées aux 4° et 5°de l'article L. 1242-2 du code du travail.

Il en résulte, d'une part, que la conclusion de contrats à durée déterminée pour un surcroît d'activité n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 1244-1 du code du travail, d'autre part, que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, fondée sur le non-respect du délai de carence entre deux contrats successifs prévu à l'article L. 1244-3 du code du travail, court à compter du premier jour d'exécution du second de ces contrats.

 

Commentaire :

La chambre sociale de la Cour de cassation statue pour la première fois sur le point de départ du délai de prescription applicable à l'action en requalification d’un contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, sur le fondement de la violation par l'employeur du délai de carence de l'article L. 1244-3 du code du travail, entre deux contrats à durée déterminée successifs.

Elle juge que le point de départ de cette action court à compter du premier jour d’exécution du second de ces contrats. Cette solution permet de déterminer avec certitude la connaissance par le salarié du non-respect du délai de carence par l’employeur et s’inscrit ainsi dans la continuité des arrêts du 3 mai 2018 (Soc., 3 mai 2018, pourvoi n° 16-26.437, Bull. 2018, V, n° 68) et du 29 janvier 2020 (Soc., 29 janvier 2020, pourvoi n° 18-15.359, publié) relatifs au point de départ du délai de prescription de l’action en requalification d’un contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, en application de l’article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013.

Elle rappelle également que l'employeur est tenu d’appliquer un délai de carence entre le terme d’un contrat à durée déterminée motivé par un accroissement temporaire d'activité, lequel ne rentre pas dans le champ d'application de l'article L. 1244-1 du code du travail, et la conclusion d’un second contrat à durée déterminée (Soc., 30 septembre 2014, pourvoi n° 13-18.162, Bull. 2014, V, n° 217 et Soc., 10 octobre 2018, pourvoi n° 17-18.294, publié).

Contrat de mission : prescription de l’action en requalification fondée sur le motif du recours

Soc., 30 juin 2021, pourvoi n° 19-16.655, FS-B sur le premier moyen

Sommaire :

Selon l'article L.1471-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Aux termes de l'article L.1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

Selon l'article L.1251-40 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire, en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

Il résulte de la combinaison de ces textes que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat de mission à l'égard de l'entreprise utilisatrice en contrat à durée indéterminée fondée sur le motif du recours au contrat de mission énoncé au contrat a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats de mission, le terme du dernier contrat et que le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

 

Commentaire :

La chambre sociale de la Cour de cassation se prononce pour la première fois sur le point de départ du délai de prescription applicable à l'action en requalification de contrats de mission en un contrat à durée indéterminée à l'égard de l'entreprise utilisatrice, sous l'empire des dispositions de l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013. 

La chambre sociale transpose ici au travail intérimaire la solution adoptée dans l’arrêt du 29 janvier 2020 (Soc., 29 janvier 2020, pourvoi n° 18-15.359, publié ) à propos de l'action en requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

Contrat de travail à temps partiel et prescription triennale de l’action en requalification en contrat de travail à temps complet et de l’action en contestation de la classification professionnelle contractuelle

Soc., 30 juin 2021, pourvoi n° 19-10.161, FS-B

Sommaire n° 1 :

La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, la demande de rappel de salaire fondée sur la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet est soumise à la prescription triennale de l'article L. 3245-1 du code du travail.

 

Sommaire n° 2 :

La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, la demande de rappel de salaire fondée sur une contestation de la classification professionnelle est soumise à la prescription triennale de l'article L. 3245-1 du code du travail.

 

Commentaire :

Là encore, la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle que la détermination du délai de prescription dépend de la nature de la créance objet de la demande appliqué, en l’espèce, à une demande de rappel de salaire fondée sur la requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet et à une demande de rappel de salaire fondée sur une contestation de la classification professionnelle.

S'agissant de la demande de rappel de salaire fondée sur la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, elle précise que cette demande est soumise à la prescription triennale. Elle reprend ainsi une solution déjà appliquée mais avec une autre rédaction, dans deux arrêts non publiés (Soc.,19 décembre 2018, pourvoi n°16-20.522 ; Soc., 9 septembre 2020, pourvoi n°18-24.831). Elle considère que l'action en requalification n'est qu'un moyen au soutien de la demande de rappel de salaire et non une demande à part entière, à la différence de l'action en requalification d'un CDD en CDI, qui est soumise à la prescription biennale de l'article L.1471-1 du code du travail.

S'agissant de la demande de rappel de salaire fondée sur une contestation de la classification professionnelle de la salariée, la chambre se prononce pour la première fois sur cette question et décline la même solution.

Prescription triennale de l’action en paiement d’un rappel de salaire fondée sur l’invalidité d’une convention de forfait en jours

Soc., 30 juin 2021, pourvoi n° 18-23.932, FS-B

Sommaire :

La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, l'action en paiement d'un rappel de salaire fondée sur l'invalidité d'une convention de forfait en jours est soumise à la prescription triennale prévue par l'article L. 3245-1 du code du travail.

 

Commentaire :

Par le présent arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation réaffirme la solution dégagée par un précédent arrêt (Soc., 27 mars 2019, pourvoi n° 17-23.375 et 17-23.314, publié), par lequel elle avait décidé que le salarié, dont la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires n'était pas prescrite, était recevable à contester la validité de la convention de forfait annuel en jours stipulée dans son contrat de travail.

La formulation retenue dans le présent arrêt est toutefois différente, et s'appuie sur le principe prétorien selon lequel la détermination du délai de prescription dépend de la nature de la créance objet de la demande (Ass. plén., 10 juin 2005, pourvoi n° 03-18.922, Bull. 2005, Ass. Plén, n° 6 ; Ch. mixte., 26 mai 2006, pourvoi n° 03-16.800, Chambre mixte, 26 mai 2006, Bull. 2006, Ch. mixte, n° 3).

Fixer le point de départ du délai de prescription de l'action en nullité ou en inopposabilité de la convention de forfait en jours au jour de sa signature aurait abouti à ce qu'après l'acquisition de la prescription, le salarié soit soumis à une convention de forfait illicite sans disposer de droit d'action pour remettre en cause le forfait en jours ou obtenir un rappel de salaire.

De même, retenir un tel point de départ aurait été contraire à la position du Comité européen des droits sociaux, qui a pu considérer le dispositif légal français de forfait en jours comme insuffisamment protecteur du respect des durées raisonnables de travail.

Durée et point de départ du délai de prescription de l’action en réparation résultant d’une discrimination et de droits nés d’un compte épargne temps

Soc., 30 juin 2021, pourvoi n° 19-14.543, FS-B

Sommaire 1 :

L’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination. Les dommages-intérêts réparent l’entier préjudice résultant de la discrimination pendant toute sa durée.

Viole la loi la cour d’appel qui applique à la demande en paiement de la gratification afférente à la médaille du travail le délai de prescription de deux ans prévu par l’article L. 1471-1 du code du travail, alors que l’action était fondée sur des faits de discrimination.

 

Sommaire 2 :

L’action relative à l’utilisation des droits affectés sur un compte épargne-temps, acquis en contrepartie du travail, a une nature salariale et relève de la prescription triennale de l’article L. 3245-1 du code du travail.

 

Commentaire :

Par cet arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation décline une nouvelle fois le principe selon lequel la détermination du délai de prescription dépend de la nature de la créance objet de la demande.

Toutefois, elle procède pour la première fois une application distributive des délais de prescription applicables à des demandes de nature différente.

Ainsi, elle juge qu’une demande de versement de gratification afférente à la médaille du travail, fondée sur des faits de discrimination à raison de l'âge relève de la prescription quinquennale de l'article L. 1134-5 du code du travail dans la mesure où cette action a pour objet de réparer un préjudice né de ces faits.

Puis, elle considère que la demande de monétisation de jours placés sur un CET, ayant sa cause dans la prestation de travail, la nature de la monétisation est salariale. Elle en déduit qu’il convient d’appliquer la prescription triennale. 

Durée de la prescription de l’action en réparation résultant d’une atteinte au principe d’égalité de traitement

Soc., 30 juin 2021, pourvoi n° 20-12.960, FS-B

Sommaire :

Lorsque le salarié invoque une atteinte au principe d’égalité de traitement, la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance objet de sa demande.

Fait l’exacte application de la loi la cour d’appel qui, ayant constaté que la demande de rappel de salaire était fondée, non pas sur une discrimination mais sur une atteinte au principe d’égalité de traitement, a décidé que cette demande relevait de la prescription triennale.

 

Commentaire :

Par cet arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation décline une nouvelle fois le principe selon lequel la détermination du délai de prescription dépend de la nature de la créance objet de la demande appliqué, en l’espèce, à une demande de rappel de salaire.

Elle juge, qu'en dépit de la parenté des concepts d'atteinte au principe d'égalité de traitement et de la discrimination, le délai de prescription quinquennale applicable en matière de discrimination n'est pas applicable à une demande salariale fondée sur une atteinte au principe d'égalité de traitement.

Cette décision s'inscrit dans la continuité de la jurisprudence de la chambre qui a toujours affirmé que ces deux notions étaient bien distinctes. Si le salarié avait sollicité des dommages-intérêts pour atteinte au principe d'égalité de traitement, la solution aurait été différente (Soc., 27 novembre 2019, pourvoi n° 16-26.209, non publié). 

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