N°10 - Mai/juin/juillet 2021 (Représentation des salariés)

Lettre de la chambre sociale

Lettre de la chambre sociale

N°10 - Mai/juin/juillet 2021 (Représentation des salariés)

Elections professionnelles : recevabilité à demander, dans la même déclaration, l’annulation des élections non encore tenues, subséquente à celle d’un protocole d’accord préélectoral

Soc., 12 mai 2021, pourvoi n° 19-23.428, F-P sur le premier moyen

Sommaire :

L'article R. 2314-24 du code du travail prévoit que lorsque la contestation porte sur la régularité de l'élection ou sur la désignation de représentants syndicaux, la déclaration n'est recevable que si elle est faite dans les quinze jours suivant cette élection ou cette désignation.

Il résulte de ce texte que celui qui saisit le tribunal d'instance, avant les élections, d'une demande d'annulation du protocole préélectoral, est recevable à demander, dans la même déclaration, l'annulation des élections à venir en conséquence de l'annulation du protocole préélectoral sollicitée, sans avoir à réitérer cette demande après les élections.

Doit dès lors être cassée la décision du tribunal d'instance qui, pour déclarer irrecevable la demande d'annulation des élections professionnelles qui se sont tenues en application d'un protocole d'accord préélectoral contesté formée par un syndicat  relève que cette demande a été formulée avant les élections alors que  le délai pour une telle contestation n'était pas encore ouvert et que le syndicat n'a pas formé de demande d'annulation des élections dans le délai de 15 jours suivant celles-ci.

 

Commentaire :

Si tout processus électoral peut faire l’objet d’un litige préélectoral, la chambre sociale juge traditionnellement que, si les élections ont lieu entre temps, et qu’elles ne sont pas contestées dans le délai de quinze jours qui suivent, elles sont purgées de tout vice, et par conséquent la procédure judiciaire préélectorale perd son objet (Soc., 4 juillet 2018, pourvoi n° 17-21.100, publié).

Il importe donc que les parties qui ont introduit une instance en préélectoral complètent leur demande par une requête en annulation des élections si elles veulent éviter la caducité de leur instance préélectorale.

La question posée ici était de savoir si la requête en annulation des élections pouvait être effectuée de manière anticipée, avant même que les élections aient eu lieu.

La cour de cassation répond par l’affirmative, le syndicat témoignant ainsi de son souhait d’aller jusqu’au bout de sa contestation, quels que soient les résultats des élections.

Conditions de validité de la désignation d’un adhérent d’une organisation syndicale en qualité de délégué syndical

Soc., 9 juin 2021, pourvoi n° 19-24.678, F-P

Sommaire :

En application de l'article L. 2143-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, lorsque tous les élus ou tous les candidats ayant obtenu au moins 10% des voix qu'elle a présentés aux dernières élections professionnelles ont renoncé à être désignés délégué syndical, l'organisation syndicale peut désigner comme délégué syndical l'un de ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement ou l'un de ses anciens élus ayant atteint la limite de trois mandats successifs au comité social et économique.

Cette renonciation des élus et candidats de l’organisation syndicale doit être antérieure à la désignation par celle-ci de l’un de ses adhérents ou de l’un de ses anciens élus en qualité de délégué syndical.

 

Commentaire :

Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, il résulte de l’article L. 2143-3, alinéa 1, du code du travail, qu’une organisation syndicale qui présente des candidats aux dernières élections professionnelles doit en principe choisir comme délégué syndical parmi ceux de ses candidats qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des élections professionnelles.

L’alinéa 2 de ce même article, modifié par la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014, puis par la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, prévoit les conditions dans lesquelles, par exception, le syndicat peut élargir le cercle des personnes pouvant être désignées délégué syndical. Il peut ainsi s’agir d’un candidat d’un autre syndicat et à défaut, d’un adhérent ou d’un ancien élu.

La chambre sociale s’était déjà prononcée dans un arrêt du 8 juillet 2020 sur l’application de cet alinéa 2 (Soc., 8 juillet 2020, pourvoi n° 19-14.605, publié).

Par le présent arrêt, elle précise simplement que, formellement, la renonciation de l’ensemble des candidats et élus à être désignés délégués syndicaux doit intervenir antérieurement à la désignation d’un non candidat.

Etablissements distincts : critères de caractérisation (deux arrêts)

Soc., 9 juin 2021, pourvoi n° 19-23.153, FS-P+R

Sommaire :

Selon l'article L. 2313-4 du code du travail, en l'absence d'accord conclu dans les conditions mentionnées aux articles L. 2313-2 et L. 2313-3 du même code, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques est fixé compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel.

Il en résulte que caractérise au sens de ce texte un établissement distinct l'établissement qui présente, notamment en raison de l'étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable, une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l'exécution du service.

Lorsqu'ils sont saisis d'un recours dirigé contre la décision unilatérale de l'employeur, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (direccte), par une décision motivée, et le tribunal judiciaire se fondent, pour apprécier l'existence d'établissements distincts au regard du critère d'autonomie de gestion ainsi défini, sur les documents relatifs à l'organisation interne de l'entreprise que fournit l'employeur, et sur les documents remis par les organisations syndicales à l'appui de leur contestation de la décision unilatérale prise par ce dernier.

La centralisation de fonctions support ou l'existence de procédures de gestion définies au niveau du siège ne sont pas de nature à exclure en elles-mêmes l'autonomie de gestion des responsables d'établissement.

Il appartient en conséquence au tribunal judiciaire de rechercher, au regard des éléments produits tant par l'employeur que par les organisations syndicales, si les directeurs des établissements concernés ont effectivement une autonomie de décision suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l'exécution du service, et si la reconnaissance à ce niveau d'établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques est de nature à permettre l'exercice effectif des prérogatives de l'institution représentative du personnel.

Prive dès lors sa décision de base légale le tribunal qui, pour rejeter la demande d'annulation de la décision du direccte, se contente de retenir que cette décision vise les textes applicables dans leur dernier état, les décisions rendues, les écritures communiquées et la procédure suivie, qu'elle a été rendue après une étude sérieuse des éléments fournis par les parties, qu'elle est en outre motivée en droit, en ce qu'elle rappelle les critères essentiels pour les appliquer à la situation de fait et qu'en particulier l'autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l'exécution du service a été bien prise en compte dans l'analyse de la situation de l'entreprise.

 

Soc., 9 juin 2021, pourvoi n° 19-23.745, FS-P+R

Sommaire :

Selon l'article L. 2313-4 du code du travail, en l'absence d'accord conclu dans les conditions mentionnées aux articles L. 2313-2 et L. 2313-3 du même code, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques est fixé compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel.

Il en résulte que caractérise au sens de ce texte un établissement distinct l'établissement qui présente, notamment en raison de l'étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable, une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l'exécution du service.

Lorsqu'ils sont saisis d'un recours dirigé contre la décision unilatérale de l'employeur, le direccte, par une décision motivée, et le tribunal judiciaire se fondent, pour apprécier l'existence d'établissements distincts au regard du critère d'autonomie de gestion ainsi défini, sur les documents relatifs à l'organisation interne de l'entreprise que fournit l'employeur, et sur les documents remis par les organisations syndicales à l'appui de leur contestation de la décision unilatérale prise par ce dernier.

La centralisation de fonctions support ou l'existence de procédures de gestion définies au niveau du siège ne sont pas de nature à exclure en elles-mêmes l'autonomie de gestion des responsables d'établissement.

Il appartient dès lors au tribunal judiciaire de rechercher, au regard des éléments produits tant par l'employeur que par les organisations syndicales, si les directeurs des établissements concernés ont effectivement une autonomie de décision suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l'exécution du service, et si la reconnaissance à ce niveau d'établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques est de nature à permettre l'exercice effectif des prérogatives de l'institution représentative du personnel.

 

Commentaire commun aux deux arrêts :

La chambre sociale de la Cour de cassation apporte des précisions relatives aux éléments permettant de retenir l'existence d'établissements distincts pour la mise en place d'un comité social et économique au regard de la notion d'autonomie de gestion.

Dans la première affaire dont était saisie la chambre sociale, en l'absence d'accord entre l'employeur et les organisations syndicales concernant le nombre et le périmètre des établissements distincts, l'employeur avait décidé unilatéralement la mise en place d'un comité social et économique (CSE) unique.

Sur recours des organisations syndicales, le 22 mars 2019, le directeur régional des entreprises, de l'économie, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (direccte) avait fixé à trois le nombre des établissements distincts.

Saisi d'une contestation de cette décision par l'employeur, le tribunal d'instance avait, par un jugement du 17 septembre 2019, débouté la société de sa demande aux motifs que la décision motivée de l'autorité administrative avait été adoptée après une étude sérieuse des éléments fournis par les parties, que les critères légaux avaient été pris en compte dans l'analyse de la situation de l'entreprise et qu'ainsi il n'y avait pas lieu de l'annuler ou de la modifier.

Dans la seconde affaire, à l’inverse, le direccte, saisi du recours de l’ensemble des organisations syndicales contre la décision unilatérale de l’employeur fixant à sept le nombre d’établissements distincts, avait décidé, par décision motivée du 20 septembre 2019, que l’entreprise (une association comptant environ 250 salariés et onze établissements) n’était constituée que d’un seul et unique établissement car, en substance, en dépit de larges délégations de pouvoirs, les directeurs d’établissement ne disposaient pas d’une véritable autonomie de décision et que du fait des effectifs des établissements (certains comptant moins de vingt salariés), la charge des élus aux comités sociaux et économiques ne reposerait que sur un seul titulaire dans deux des sept établissements et sur deux personnes uniquement dans les quatre autres, cette situation pouvant être considérée comme ne permettant pas l’exercice effectif et complet des prérogatives de l’institution représentative du personnel.

Le tribunal d’instance a annulé la décision du direccte et validé la décision de l’employeur, considérant que les directeurs des sept établissements avaient une autonomie de gestion suffisante.

Censurant ces décisions, la chambre sociale a d'abord rappelé, conformément à sa jurisprudence, qu'en application de l'article L. 2313-4 du code du travail, caractérise un établissement distinct l'établissement qui présente, notamment en raison de l'étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable, une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l'exécution du service et que la centralisation de fonctions support ou l'existence de procédures de gestion définies au niveau du siège ne sont pas de nature à exclure en elles-mêmes l'autonomie de gestion des responsables d'établissement (Soc., 19 décembre 2018, pourvoi n° 18-23.655, publié et au Rapport annuel), ensuite, que la centralisation de fonctions support et l'existence de procédures de gestion définies au niveau du siège ne sont pas de nature à exclure l'autonomie de gestion des responsables d'établissement (Soc., 11 décembre 2019, pourvoi n° 19-17.298, publié et Soc., 22 janvier 2020, pourvoi n° 19-12.011, publié).

Elle a également rappelé qu'en application de l'article L. 2313-5 du code du travail, relèvent de la compétence du tribunal d'instance, en dernier ressort, à l'exclusion de tout autre recours, les contestations élevées contre la décision de l'autorité administrative fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts et qu'il appartient en conséquence au tribunal d'examiner l'ensemble des contestations, qu'elles portent sur la légalité externe ou sur la légalité interne de la décision du direccte et, s'il les dit mal fondées, de confirmer la décision, s'il les accueille partiellement ou totalement, de statuer à nouveau, par une décision se substituant à celle de l'autorité administrative, sur les questions demeurant en litige Soc., 19 décembre 2018, pourvoi n° 18-23.655, publié et au Rapport annuel).

Mais la chambre sociale a surtout, en s'inscrivant dans la continuité de sa propre jurisprudence en matière d'institutions représentatives du personnel, tant plus ancienne (Soc., 18 février 1982, pourvoi n° 81-60.856, Bulletin des arrêts Cour de Cassation Chambre sociale, n°118) que récente (Soc., 25 novembre 2020, pourvoi n° 19-18.681, publié, concernant le comité d'entreprise), précisé les contours de la notion d'établissement distinct. Elle a en effet affirmé que le niveau auquel devait se situer la reconnaissance d'établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques devait être de nature à permettre l'exercice effectif des prérogatives de l'institution représentative du personnel. Elle a d'ailleurs, ce faisant, statué en adoptant une position similaire à celle du Conseil d'Etat lorsqu'il avait à connaître du contentieux relatif au découpage électoral (CE, 1er juin 1979, n° 10777, Siemens).

Elle a également, à l'occasion de ces affaires, précisé que la décision par laquelle l'autorité administrative fixe le nombre et le périmètre des établissements distincts et qui fait l'objet d'un recours devant le juge judiciaire, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux, doit être motivée.

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