Numéro 2 - Février 2024

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

URBANISME

Crim., 14 février 2024, n° 23-84.093, (B), FRH

Rejet

Plan d'occupation des sols – Plan local d'urbanisme – Infraction – Affectation de constructions à un usage contraire

La personne détenue doit être informée de l'existence du recours formé par le procureur de la République contre la décision déclarant bien fondée sa requête relative aux conditions indignes de détention, afin de préserver le caractère équitable de la procédure.

M. [R] [O] a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Paris, en date du 21 février 2023, qui a prononcé sur sa requête portant sur les conditions de détention.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [R] [O] exécute plusieurs peines d'emprisonnement au centre pénitentiaire de [Localité 1] (94).

3. Par requête du 16 janvier 2023, M. [O] a saisi le juge de l'application des peines afin de faire reconnaître le caractère indigne de ses conditions de détention, et qu'il y soit remédié.

4. Par ordonnance du 6 février 2023, le juge de l'application des peines a déclaré sa requête bien fondée.

5. Cette ordonnance a été notifiée, le 7 février 2023, au condamné et au procureur de la République, lequel, le même jour, en a relevé appel suspensif.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

6. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a déclaré non fondée la requête de M. [O] portant sur ses conditions de détention, alors :

« 1°/ que l'appel formé par le ministère public contre la décision du juge d'application des peines ayant déclaré bien fondée une requête portant sur des conditions indignes de détention doit être porté à la connaissance du détenu ou de son avocat ; qu'en se prononçant sur l'appel interjeté par le ministère public contre l'ordonnance du 6 février 2023 par laquelle le juge d'application des peines du tribunal judiciaire de Créteil a déclaré bien fondée la requête de M. [O], sans que cet appel n'ait été porté à la connaissance du détenu ou de son avocat, qui n'ont ainsi pas eu la possibilité de faire valoir leurs observations, la présidente de la chambre d'application des peines a méconnu les articles préliminaire et 803-8 du code de procédure pénale et 3 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

8. La Cour de cassation a jugé que le caractère équitable et contradictoire de la procédure applicable aux requêtes relatives aux conditions indignes de détention, ainsi que l'équilibre des droits des parties, était préservé lorsqu'un demandeur, informé du recours formé par le procureur de la République contre la décision déclarant bien fondée sa requête, n'a pas sollicité que les éventuelles observations de l'appelant lui soient communiquées, et n'en a pas obtenu communication (Crim., 16 novembre 2022, pourvoi n° 22-80.807, publié au Bulletin).

9. Lorsque, à l'inverse, la personne détenue n'est pas informée de l'existence de ce recours, le caractère équitable de la procédure n'est plus assuré de manière suffisante.

En effet, la faculté offerte à la personne de solliciter les observations du ministère public, et à son avocat de consulter le dossier, n'est pas effective, si l'une et l'autre ne sont pas avisés de l'utilité d'user de leurs droits, à l'occasion d'un recours dont ils n'ont pas connaissance.

10. En l'espèce, M. [O] indique ne pas avoir eu connaissance de l'appel formé par le procureur de la République contre l'ordonnance ayant déclaré sa requête bien fondée.

11. Cependant, il ne saurait s'en faire un grief, dès lors qu'il résulte des pièces de procédure, dont la Cour de cassation a le contrôle, que le greffe du juge de l'application des peines a transmis à l'administration pénitentiaire copie de la déclaration d'appel du procureur de la République, aux fins de notification à M. [O], qui a refusé de se rendre auprès de l'agent chargé d'y procéder.

12. Le grief n'est en conséquence pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

13. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a déclaré non fondée la requête portant sur ses conditions de détention, alors :

« 1°/ que saisi d'une requête tendant à faire cesser des conditions de détention indignes, le juge doit d'abord s'attacher à déterminer l'espace personnel dont le détenu dispose en cellule, qui est le facteur déterminant de l'analyse qu'il portera ensuite sur les autres conditions de détention ; qu'en écartant le bien-fondé de la requête de M. [O], sans avoir consacré aucun motif à l'espace personnel dont ce dernier disposait dans sa cellule, pour lequel la requête exposait qu'il était inférieur à 4 m2, la présidente de la chambre d'application des peines a méconnu les articles 803-8 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que le juge doit procéder à une analyse globale des conditions de détention afin de déterminer si, dans leur ensemble, les conditions dénoncées ne sont pas indignes ; qu'en s'attachant cependant, pour dire non fondée sa requête, à apprécier de manière isolée chacune des conditions de détention dénoncées par M. [O], sans procéder à une analyse globale, la présidente de la chambre d'application des peines a méconnu les articles 803-8 et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ que des conditions de détention peuvent être qualifiées d'indignes nonobstant l'absence de répercussion immédiate sur la santé du détenu ; qu'en écartant l'indignité des conditions d'hygiène de la détention de M. [O] à raison de ce qu'il ne démontrait pas que le faible nombre de douche par semaine et l'absence de lunette fermée sur les toilettes en cellule auraient un retentissement sur sa santé, la présidente de la chambre d'application des peines a méconnu l'article 803-8 du code de procédure pénale ;

4°/ qu'un détenu ne peut se voir opposer que les dégradations dont il est personnellement responsable ; qu'en écartant l'indignité des conditions de promenade de M. [O] à raison de ce que la situation permanente de saleté de la cour serait entretenue par les détenus eux-mêmes qui se rendraient responsable de cet état, sans caractériser aucun acte de dégradation dont le détenu se serait rendu responsable, la présidente de la chambre d'application des peines a méconnu les articles 803-8 et 593 du code de procédure pénale ;

5°/ que la présidente de la chambre d'application des peines qui, après avoir constaté que M. [O] ne bénéficiait que de trois douches par semaine, que les toilettes de sa cellule n'étaient pas équipés d'une lunette fermée, que la fenêtre de cette cellule fermait mal, que son évier était vétuste et mal fixé et qu'il ne bénéficiait que de deux heures par jour hors de sa cellule, dans des cours insalubres, a néanmoins écarté l'indignité des conditions de détention, a méconnu l'article 803-8 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

14. Pour rejeter la requête, l'ordonnance attaquée énonce que le demandeur n'établit pas qu'il souffrirait personnellement d'un faible nombre de douches hebdomadaires, en particulier par des retentissements sur sa santé, ou serait affecté à titre personnel, et ajoute que ce nombre apparaît conforme au règlement intérieur, qui satisfait aux exigences de l'article R. 321-5 du code pénitentiaire, une douche étant également proposée après chaque séance de sport, et les infrastructures étant entretenues et nettoyées chaque jour.

15. Le juge ajoute, concernant les sanitaires, que l'absence de dispositif de lunette fermée ne constitue pas en elle-même une circonstance caractérisant des conditions indignes, cet élément n'étant pas d'une absolue nécessité pour garantir l'hygiène, dans la mesure où un nettoyage quotidien permet de maintenir la propreté de cet espace dont l'aération est effectuée par le biais d'une fenêtre suffisamment large, aucune fuite n'ayant par ailleurs été constatée par le juge de l'application des peines lors de sa visite.

16. Il retient que les éléments de confort élémentaire sont présents, notamment un point d'eau fonctionnel en cellule, et deux couvertures en cas de besoin, et relève que, même si la fenêtre de la cellule ferme mal, la température avait été mesurée à 21 degrés au mois de janvier.

17. Il concède que le nettoyage des cours de promenade est insuffisant, déplore que cette situation permanente de saleté soit entretenue par les détenus eux-mêmes, et rappelle qu'il appartient à l'administration pénitentiaire d'y remédier. Il considère néanmoins que, la période de promenade étant très limitée dans la journée, l'état d'hygiène de la cour ne peut à lui seul être constitutif de conditions indignes de détention, d'autant que ces lieux ont pour finalité un minimum d'exercice physique et que s'asseoir n'apparaît pas comme une priorité. Il précise que M. [O] a d'ailleurs indiqué lors de son audition qu'il profitait des moments de promenade pour y faire du sport, et que l'administration pénitentiaire a prévu d'importants travaux de rénovation des cours de promenade.

18. Il en conclut que non seulement M. [O] ne démontre pas en quoi il souffre personnellement ou serait affecté à titre personnel par les prétendues conditions indignes qu'il relève, même cumulées, retenues par le juge de l'application des peines, mais surtout, que les lacunes constatées n'atteignent pas un seuil de gravité tel qu'il puisse être considéré que les conditions de détention actuelles de l'intéressé soient contraires à la dignité de la personne humaine.

19. En l'état de ces motifs dénués d'insuffisance, le président de la chambre de l'application des peines a justifié sa décision.

20. Dès lors, le moyen ne saurait être accueilli.

21. Par ailleurs, l'ordonnance est régulière en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : M. Mallard - Avocat général : M. Petitprez - Avocat(s) : Me Laurent Goldman -

Textes visés :

Articles L. 151-9, L. 480-4 et L. 610-1 du code de l'urbanisme.

Crim., 27 février 2024, n° 23-82.639, (B), FRH

Cassation partielle

Plan d'occupation des sols – Plan local d'urbanisme – Infraction – Affectation de constructions à un usage contraire

Le fait d'affecter à une utilisation contraire aux dispositions du plan local d'urbanisme des constructions régulièrement édifiées en vue d'une autre affectation constitue une violation de ce plan et le délit prévu à l'article L. 610-1 du code de l'urbanisme.

La commune de [Localité 2], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Nancy, chambre correctionnelle, en date du 30 mars 2023, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de MM. [N] [Y] et [R] [U] du chef d'infraction au code de l'urbanisme.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Des sociétés dirigées par MM. [N] [Y] et [R] [U] ont acquis, sur le territoire de la commune de [Localité 2] (la commune), des parcelles supportant des immeubles préexistants, situées dans l'enceinte d'un ancien site industriel.

3. MM. [Y] et [U] ont utilisé les immeubles ainsi acquis pour développer une activité artisanale.

4. Des procès-verbaux d'infraction ont été dressés, à l'initiative de la commune, considérant que le plan local d'urbanisme interdisait l'exercice d'une telle activité dans la zone où se situaient ces parcelles et MM. [Y] et [U] ont été poursuivis du chef d'infraction aux dispositions du plan local d'urbanisme.

5. Le tribunal correctionnel les a déclarés coupables, condamnés, chacun, à 1 500 euros d'amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.

6. Les deux prévenus et le procureur de la République ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a débouté la commune de l'ensemble de ses demandes, alors « que l'article 486 du code de procédure pénale dispose que la minute du jugement mentionne les noms des magistrats qui l'ont rendu ; que tout jugement doit établir par lui-même la preuve de la régularité de la composition de la juridiction qui l'a rendu ; qu'en l'espèce, si l'arrêt mentionne le nom des trois magistrats composant la cour lors des débats ", il omet en revanche de mentionner la composition de la cour lors du délibéré, en sorte qu'il ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale et a violé les articles 486 et 592 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

8. L'arrêt attaqué mentionne la composition de la cour d'appel lors des débats, président de chambre, M. Totaro, conseillers, Mme Girod et M. Hiernard, puis indique que la cour a mis l'affaire en délibéré et le président a déclaré que l'arrêt serait rendu à l'audience publique du 30 mars 2023, et enfin que, le 30 mars 2023, le président M. Vincent Totaro, en audience publique, a donné lecture de l'arrêt.

9. Il se déduit de ces mentions que ce sont les trois magistrats qui étaient présents lors des débats qui en ont délibéré.

10. Dès lors, le moyen doit être écarté.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a débouté la commune de l'ensemble de ses demandes, alors « qu'en application de l'article L. 151-9 du code de l'urbanisme, la réglementation locale délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger et peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées ; que l'article UE1 du plan local d'urbanisme de la commune de [Localité 2] vise au titre des occupations et utilisations du sol interdites les constructions à usage artisanal et prohibe ce faisant l'affection d'une construction à un usage artisanal ; qu'en exigeant que les prévenus aient réalisé une construction à usage artisanal lorsque la violation de l'article UE1 peut résulter de l'affectation d'une construction à un usage artisanal et en retenant l'absence de violation de l'article UE1 précité quand elle constatait que les procès-verbaux de constat d'infraction avaient fait apparaître que la destination initiale de l'usine [1], de nature industrielle, avait été modifiée sans autorisation pour l'exercice dans ses locaux, par les prévenus, d'activités à caractère artisanal (arrêt, p. 2), la chambre des appels correctionnels a violé l'article UEI précité et les articles L. 480-1, L. 151-9 et L. 610-1 du code de l'urbanisme. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 151-9, L. 480-4 et L. 610-1 du code de l'urbanisme :

12. Il se déduit de ces textes que le fait d'affecter à une utilisation contraire aux dispositions du plan local d'urbanisme des constructions régulièrement édifiées en vue d'une autre affectation constitue une violation de ce plan et le délit prévu à l'article L. 610-1 du code de l'urbanisme.

13. Pour relaxer les prévenus, l'arrêt attaqué énonce qu'aux termes de l'article UE1 du plan local d'urbanisme, ce sont les constructions à usage artisanal ou industriel qui sont interdites et non toute activité artisanale ou industrielle, comme indiqué par la partie civile.

14. Les juges ajoutent qu'aucun élément du dossier n'établit que les deux prévenus aient effectué une quelconque construction à usage artisanal sur les parcelles que leurs sociétés occupaient.

15. Ils en déduisent que la partie civile doit être déboutée de l'ensemble de ses demandes.

16. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.

17. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

18. La cassation, prononcée sur le seul pourvoi de la partie civile, sera limitée aux dispositions civiles, la décision ayant acquis force de chose jugée en ce qui concerne l'action publique.

Les autres dispositions seront donc maintenues.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nancy, en date du 30 mars 2023, mais en ses seules dispositions relatives à l'action civile, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Metz, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nancy et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : M. Rouvière - Avocat général : M. Quintard - Avocat(s) : SCP Sevaux et Mathonnet -

Textes visés :

Articles L. 151-9, L. 480-4 et L. 610-1 du code de l'urbanisme.

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