Numéro 2 - Février 2024

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

PRESSE

Crim., 28 février 2024, n° 24-81.179, (B), FRH

Rejet

Enregistrement sonore ou audiovisuel d'une audience – Audience en matière pénale – Ordonnance du premier président de la cour d'appel – Refus – Recours – Formes

Le recours en annulation de l'ordonnance du premier président d'une cour d'appel refusant l'enregistrement audiovisuel d'une audience en matière pénale, formé en application de l'article 6 du décret n° 2022-462 du 31 mars 2022 pris pour l'application de l'article 1er de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire, est examiné par la chambre criminelle de la Cour de cassation, selon les règles qui lui sont applicables.

Le recours formé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au premier président de la Cour de cassation ne répond pas aux conditions de l'article 6 du décret n° 2022-462 du 31 mars 2022, aux termes duquel il est fait par déclaration au greffe.

En application des articles 6 du décret n° 2022-462 du 31 mars 2022 et 584 et suivants du code de procédure pénale, le mémoire qui ne porte pas la signature du demandeur n'est pas recevable et ne saisit pas la Cour de cassation des moyens qu'il pourrait contenir.

Enregistrement sonore ou audiovisuel d'une audience – Audience en matière pénale – Ordonnance du premier président de la cour d'appel – Refus – Motifs exempts d'erreur manifeste d'appréciation – Validité

N'encourt pas la censure l'ordonnance du premier président d'une cour d'appel refusant l'enregistrement audiovisuel d'une audience en matière pénale par des motifs exempts d'erreur manifeste d'appréciation.

La société [1] a formé un recours en annulation de l'ordonnance du premier président de la cour d'appel de Paris, en date du 26 janvier 2024, qui a refusé l'enregistrement audiovisuel d'une audience devant la cour d'appel.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure ce qui suit.

2. La société de production [1] a sollicité l'autorisation d'enregistrer et de diffuser l'audience de « délibéré » de l'affaire dite « [K] » qui se tiendra le 5 mars 2024 devant la chambre 2-14 de la cour d'appel de Paris.

Examen de la recevabilité du recours et du mémoire personnel

3. Selon l'article 6 du décret n° 2022-462 du 31 mars 2022 pris pour l'application de l'article 1er de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire, le recours contre la décision du premier président d'une cour d'appel rejetant une demande d'enregistrement audiovisuel d'une audience de cette juridiction est formé, instruit et jugé selon les règles applicables devant la juridiction appelée à statuer. Devant la Cour de cassation, il est fait par simple déclaration au greffe de cette cour.

4. Lorsque le recours est formé contre le refus d'enregistrement d'une audience en matière pénale, il est examiné par la chambre criminelle, selon les règles qui lui sont applicables. Il en résulte que le recours formé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au premier président de la Cour de cassation ne répond pas aux conditions de ce texte.

5. Au surplus, en application des articles 6 précité et 584 et suivants du code de procédure pénale, le mémoire qui ne porte pas la signature du demandeur n'est pas recevable et ne saisit pas la Cour de cassation des moyens qu'il pourrait contenir.

6. Cependant, cette interprétation inédite de l'article 6 du décret n° 2022-462 du 31 mars 2022 ne saurait être appliquée au présent recours sans porter atteinte au principe de prévisibilité juridique dont il résulte que tout justiciable doit pouvoir connaître, à partir du libellé de la disposition pertinente, au besoin à l'aide de l'interprétation qui en est donnée par les tribunaux et le cas échéant après avoir recouru à des conseils éclairés, les règles de procédure applicables à son action.

7. En conséquence, le recours et le mémoire personnel doivent être en l'espèce déclarés recevables.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a refusé l'enregistrement audiovisuel de l'audience de « délibéré » de l'affaire dite « [K] » qui se tiendra le 5 mars 2024 devant la chambre 2-14 de la cour d'appel de Paris, alors :

1°/ qu'en refusant l'enregistrement de l'audience au motif que « la captation de la seule audience de délibéré, et non de l'intégralité des débats, ne permettra pas d'expliquer le fonctionnement de la justice ou le déroulement d'une audience aux citoyens », cependant que ni la loi ni le décret n'imposent que la procédure soit captée et diffusée dans son intégralité, et que l'objet de la loi n'est pas « d'expliquer le fonctionnement de la justice ou le déroulement d'une audience aux citoyens » mais de leur faire connaître l'activité de la justice et de les faire accéder aux audiences, le premier président s'est prononcé par des motifs impropres et n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 1er de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 ;

2°/ qu'en se bornant à apprécier si l'angle d'approche du documentaire revêt une véritable intention pédagogique et en reconnaissant par ailleurs que « l'intérêt informatif d'un documentaire sur un dossier concernant des faits de délinquance financière ne peut être remis en cause », le premier président a méconnu l'article 1er de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 ;

3°/ qu'en considérant que les conditions relatives aux modalités d'enregistrement et de diffusion des images d'audience ne sont pas remplies au motif que la note d'intention présente un dispositif d'enregistrement particulièrement lourd impliquant quatre personnes dans la salle, sans préciser la nature du matériel dont l'usage est envisagé, et que ce dispositif n'apparaît pas de nature à préserver la sérénité et la solennité de l'audience, sans prendre en considération que la note d'intention indiquait que la production reste flexible sur ce point et peut réduire le nombre de personnes présentes si cela est nécessaire, le premier président n'a pas justifié sa décision.

Réponse de la Cour

9. Pour refuser l'enregistrement audiovisuel de l'audience de la cour d'appel de Paris du 5 mars 2024, l'ordonnance attaquée énonce que, si l'intérêt informatif d'un documentaire sur un dossier concernant des faits de délinquance financière ne peut être remis en cause, les circonstances de la demande ne permettent pas de s'assurer qu'elle s'inscrit dans le cadre de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire dont l'objectif est de mieux faire connaître des citoyens l'activité de la justice.

10. Elle retient que la demande de captation, qui concerne uniquement l'audience au cours de laquelle la décision de la cour d'appel, prise à l'issue de plusieurs jours de débats non enregistrés, sera rendue, ne permettra pas d'expliquer le fonctionnement de la justice ou le déroulement d'une audience aux citoyens.

11. Le premier président relève qu'au regard de la note d'intention, l'angle d'approche du sujet est très subjectif et ne permet pas de s'assurer que celui-ci revêt une véritable intention pédagogique en lien avec le fonctionnement de l'institution judiciaire, ni même avec l'éventuel enjeu historique du sujet.

12. Il ajoute que les conditions relatives aux modalités d'enregistrement et de diffusion des images d'audience ne sont pas remplies, la note d'intention présentant un dispositif d'enregistrement particulièrement lourd qui n'apparaît pas de nature à préserver la sérénité et la solennité de l'audience.

13. En statuant ainsi, par des motifs exempts d'erreur manifeste d'appréciation, le premier président a justifié sa décision.

14. Dès lors, le moyen doit être écarté.

15. Par ailleurs, l'ordonnance est régulière en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le recours.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : Mme Fouquet - Avocat général : M. Bougy -

Textes visés :

Article 1er de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 ; article 6 du décret n° 2022-462 du 31 mars 2022 ; articles 584 et suivants du code de procédure pénale ; article 1er de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021.

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