N°8 - Octobre 2022 (Editorial)

Lettre de la première chambre civile

Une sélection des arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation (Assistance éducative / Autorité parentale / Droit international privé / Etranger / Professions médicales et paramédicales / Protection des consommateurs).

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Editorial

De Domitille Duval-Arnould,

doyenne de la première chambre civile

 

Cher lecteur,

Peut-être avez-vous quelques interrogations sur le rôle des doyens de la chambre et des sections, auxquelles il est ici possible de répondre.

La première chambre civile, divisée en trois sections connaissant chacune de contentieux distincts1, comporte un doyen par section, le plus ancien d’entre eux à la Cour étant, en outre, doyen de la chambre. Le doyen est un conseiller expérimenté, qui connaît bien la technique de cassation et la jurisprudence de sa section. Il n’est plus nécessairement le plus ancien conseiller dès lors que, depuis le décret n°2019-213 du 20 mars 2019, il est désigné par le premier président, sur proposition du président de chambre, avec lequel il forme un véritable « tandem ».

Lorsqu’un pourvoi est attribué à la première chambre civile et, suivant le contentieux concerné, à l’une de ses trois sections, son examen est confié par le doyen de section à un conseiller-rapporteur, qui peut être un conseiller ou un conseiller référendaire. Durant la phase d’examen du pourvoi, le conseiller-rapporteur peut échanger avec le doyen, notamment en cas de difficultés et d'hésitations dans le traitement des pourvois attribués, sur le fond comme sur la technique de cassation. Le doyen s'efforce de le conseiller et l'aider. Cette tâche est particulièrement importante pour les conseillers récemment nommés à la Cour de cassation, le doyen pouvant, en outre, être désigné comme tuteur de ceux-ci.

Si le conseiller-rapporteur a estimé qu’il n’y avait pas lieu de statuer par une décision de rejet spécialement motivée, conformément à l’article 1014 du code de procédure civile, et que les parties ont contesté cette orientation, via des observations de leur avocat, le doyen examine la pertinence de celles-ci et s’il y a lieu de maintenir l’orientation préconisée ou d’envisager un arrêt motivé.

Dans les autres cas, à l’issue du dépôt par le conseiller-rapporteur de ses travaux, comportant, d’une part, un rapport objectif, communiqué aux parties et préconisant, en règle générale, une orientation en formation restreinte ou de section, d’autre part, un ou plusieurs projets d’arrêt ainsi qu’un avis personnel en faveur d’une cassation de l’arrêt attaqué ou d’un rejet du pourvoi, faisant part, le cas échéant, de ses hésitations, et une fois la date d’audience fixée, ces travaux sont examinés par le doyen qui revoit le ou les projet(s) d’arrêt établi(s), effectue les modifications qu’il estime utiles sur le fond comme sur la forme, peut échanger avec le rapporteur sur la ou les solutions envisagées et prépare des observations écrites sur le pourvoi en vue de la conférence. Il lui incombe notamment de bien appréhender, à la lumière de ses connaissances et de son expérience, les conséquences des réponses proposées ou de celles qui paraissent envisageables et de veiller à la sécurité juridique et à la cohérence de la jurisprudence de la chambre.

La conférence, tenue trois semaines avant l’audience, réunit le président de la chambre, qui examine lui aussi les travaux des conseillers-rapporteurs et peut également apporter des modifications au(x) projet(s) d’arrêt établi(s), et le doyen. Ceux-ci examinent l’ensemble des pourvois audiencés et décident de valider ou non la proposition du conseiller rapporteur. Ils peuvent lui demander, le cas échéant, de préparer un ou plusieurs autres projets dans un sens différent ou une rédaction alternative et également modifier l’orientation préconisée. Un renvoi en formation plénière de la chambre, en assemblée plénière de la Cour ou en chambre mixte peut aussi être décidé par le président de la chambre. A l’issue de la conférence, les observations écrites préparées par le doyen, comportant l’avis de celle-ci, pour chacun des pourvois, sont transmises à l’ensemble de la section, ce qui permet de favoriser les échanges entre les membres de la section d’ici l’audience. Le parquet général est destinataire d’un compte rendu de conférence, qui ne comporte pas la solution préconisée par la conférence, s’agissant d’un élément du délibéré. Le conseiller-rapporteur établit alors, au vu des observations et des modifications apportées au(x) projet(s) d’arrêt, le ou les projets d’arrêt qui seront examinés à l’audience, voire un rapport complémentaire et les autres diligences demandées, tels que des avis aux parties sur l’éventualité de relever un moyen d’office ou de rejeter un moyen par substitution de motif de pur droit ou encore de casser l’arrêt sans prononcer de renvoi (article 1015 du code de procédure civile).

L’avis de la conférence est un élément du délibéré dont il est possible de s’écarter même si, lorsque le pourvoi est examiné en formation restreinte, composée du président, du doyen et du rapporteur, cet avis est majoritaire. Cependant, si le rapporteur est d’un avis contraire à celui de la conférence et qu’il entend maintenir sa position, l’usage est de réorienter l’examen du pourvoi en formation de section afin de recueillir l’avis d’un plus grand nombre de conseillers.

Lorsque le pourvoi est orienté en formation de section comportant une dizaine de conseillers, le doyen donne son avis en délibéré après le conseiller rapporteur qui est le premier à prendre la parole pour présenter les aspects essentiels du pourvoi et la réponse qui a sa préférence. S’expriment ensuite, par ordre d’ancienneté, les conseillers, puis les conseillers référendaires qui n’ont voix délibérative que dans les pourvois qu’ils rapportent (et, par conséquent, voix consultative dans les autres pourvois). Le président donne son avis le dernier. Les échanges sont ensuite assez libres et plusieurs tours de table peuvent avoir lieu : cela permet ainsi aux conseillers de redonner leur avis après avoir entendu les observations de tous les membres de la chambre et donc, le cas échéant, d’évoluer ; cela peut permettre également d’arrêter une solution et une rédaction qui soient les plus consensuelles possibles.

Le doyen de chambre siège, en outre, aux assemblées plénières et chambres mixtes de la Cour de cassation avec le président de la chambre et un ou deux autres conseillers de la chambre.

Par ailleurs, le doyen de la première chambre civile, a, avec les deux autres doyens de section, d’autres missions qui se sont progressivement intensifiées et sont notamment liées à la très grande diversité des contentieux traités par la chambre. Ils sont ainsi en lien constant avec les doyens des autres chambres et procèdent à de nombreux échanges informels, à leur initiative ou à celle des doyens des autres chambres, sur des questions qui peuvent concerner plusieurs chambres ou dont la réponse serait susceptible d’impacter des contentieux d’autres chambres. Ces échanges très fructueux peuvent permettre de bien appréhender toutes les conséquences des réponses envisagées, de prévenir des divergences éventuelles de jurisprudence et d’adopter d’emblée des solutions et rédactions consensuelles. Les doyens peuvent également représenter la chambre dans des colloques ou manifestations.

La première section de la première chambre civile, via son doyen, assure, en outre, un lien étroit avec la cinquième chambre du Conseil d’Etat au titre du contentieux de la responsabilité hospitalière et de l’indemnisation au titre de la solidarité nationale dont elles ont l’une et l’autre la charge. Ce contentieux est, en effet, partagé entre juridictions judiciaire et administrative qui appliquent les mêmes textes du code de la santé publique. La première section et la cinquième chambre s’efforcent donc, dans toute la mesure du possible, d’apporter des réponses convergentes aux questions soulevées par les pourvois et se concertent mutuellement dès qu’elles sont saisies d’une question nouvelle. Ce dialogue informel est très enrichissant et stimulant. Depuis une dizaine d’années, les deux chambres publient en commun un document qui analyse leurs jurisprudences à destination des juges du fond des deux ordres de juridiction : la Lettre de la responsabilité hospitalière et médicale.

Ainsi les doyens de la première chambre civile ont-ils le souci constant, dans un esprit de dialogue et de concertation, d’aboutir à des solutions communes, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la Cour de cassation, de manière à éviter des divergences de jurisprudence, sources d’incompréhension pour les justiciables.

 


1 V. sur la répartition l’éditorial de la Lettre n°5 (janvier 2022)

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