N°8 - Octobre 2022 (Protection des consommateurs)

Lettre de la première chambre civile

Une sélection des arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation (Assistance éducative / Autorité parentale / Droit international privé / Etranger / Professions médicales et paramédicales / Protection des consommateurs).

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Le souscripteur du contrat litigieux avait la qualité de consommateur

1re Civ., 31 août 2022, pourvoi n° 21-11.097 (publié au Bulletin)

Dans sa rédaction issue de la loi n° 2017-203 du 21 février 2017, l’article liminaire du code de la consommation définit le consommateur comme étant « toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole », tandis que le même texte énonce qu’est un professionnel « toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel. »

Un médecin qui effectue une réservation hôtelière en vue de participer à un congrès médical a-t-il la qualité de consommateur ou de professionnel ?

La Cour de justice de l'Union européenne juge que la notion de « professionnel », au sens de l’article 2, sous b), de la directive 2005/29 et de l’article 2, point 2, de la directive 2011/83, est une notion fonctionnelle impliquant d’apprécier si le rapport contractuel s’inscrit dans le cadre des activités auxquelles une personne se livre à titre professionnel (arrêt du 4 octobre 2018, Komisia za zashtita na potrebitelite, C-105-17, point 35), étant observé que le même arrêt (point 37) laisse aux juges nationaux le soin d’apprécier, au cas par cas, en fonction des éléments de fait dont ils disposent, la qualification de professionnel ou de consommateur.

En l’espèce, le contrat hôtelier ne tendait pas, en soi, à l'exercice de la profession de médecin de son souscripteur. Il se situait en amont d’un tel exercice, constitué par la participation au congrès médical.

Dans sa relation avec l'hôtelier, l’auteur de la réservation litigieuse faisait figure de partie réputée faible cherchant à satisfaire un besoin de consommation privée. A ce titre, il devait bénéficier du régime des clauses abusives dont il se prévalait devant les juges du fond.

La première chambre civile de la Cour de cassation censure donc la décision ayant statué en sens contraire.

Précisions sur la notion de contrat conclu à distance

1re Civ., 7 septembre 2022, pourvoi n° 21-13.080 (publié au Bulletin)

L’article L. 221-1, I, du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, définit ainsi le contrat à distance : « tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d'un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu'à la conclusion du contrat. »

Il en résulte que la qualification de contrat à distance suppose un système organisé de vente ou de prestation de services à distance.

Selon le considérant 20 de la directive n° 2011/83/UE relative aux droits des consommateurs, que l'article L. 221-1 précité transpose, « la notion de système organisé de vente ou de prestation de service à distance devrait inclure les systèmes proposés par un tiers autre que le professionnel mais utilisés par ce dernier, par exemple une plate-forme en ligne. Elle ne devrait pas couvrir, cependant, les cas où des sites internet offrent uniquement des informations sur le professionnel, ses biens et/ou ses services ainsi que ses coordonnées. »

Il s’ensuit que n’est pas soumise aux dispositions du code de la consommation une vente conclue à distance, mais sans recours à un système proposé par un tiers autre que le professionnel contractant.

En l’espèce, le contrat litigieux avait certes été conclu sans la présence physique simultanée des parties et au moyen de techniques de communication à distance (sms, téléphone, courriers électroniques), mais en dehors de tout système de vente organisé, tel qu’une plate-forme en ligne utilisée par le professionnel.

La première chambre civile de la Cour de cassation approuve donc les juges du fond d’avoir exclu la qualification de contrat à distance dont se prévalait le consommateur.

Objet du litige et office du juge

1re Civ., 7 septembre 2022, pourvoi n° 21-16.254 (publié au Bulletin)

A l’occasion d’un démarchage à domicile, un entrepreneur individuel a souscrit un contrat aux fins de parution d’une publicité dans un annuaire privé. En l’absence de paiement d’une facture, la société éditrice l'a assigné en paiement.

Quoique conclu entre professionnels, le contrat litigieux était susceptible de relever des dispositions du code de la consommation par application de l’article L. 221-3 de ce code.

Après avoir relevé que le bon de commande ne comportait aucune référence à l'article L. 221-5 du code de la consommation et n'était pas accompagné d'un formulaire de rétractation, le tribunal saisi a prononcé d'office la nullité du contrat sur le fondement de l'article L. 242-1 du même code.

Cette décision est cassée au motif que le tribunal a modifié l’objet du litige.

Si l’article R. 632-1, alinéa 1er, du code de la consommation permet au juge de relever d’office toutes les dispositions de ce code dans les litiges nés de son application, une telle faculté ne l’autorise toutefois pas à modifier l’objet du litige.

Un tel objet est déterminé par les prétentions respectives des parties, conformément à l’article 4 du code de procédure civile.

En application de ce texte, lorsque le défendeur à une action en paiement comparaît sans contester le principe de la dette, le juge ne peut prononcer la nullité du contrat dont procède la créance invoquée.

En l’espèce, le professionnel qui avait souscrit le contrat se bornait à solliciter des délais de paiement, sans contester le principe de la dette, de sorte que le tribunal ne pouvait relever d’office la nullité du contrat souscrit.

La décision rendue par la première chambre civile se situe dans la ligne d’un précédent arrêt ayant jugé que modifiait l'objet du litige une cour d'appel qui rejetait une demande en paiement dont le principe n'était pas contesté (1re Civ., 27 juin 2018, pourvoi n° 17-19.757). 

La demande de déchéance du droit aux intérêts tend aux mêmes fins que celle visant à obtenir la substitution du taux légal à celui de l’intérêt conventionnel

1re Civ., 7 septembre 2022, pourvoi n° 21-16.646 (publié au Bulletin)

L’article 564 du code de procédure civile dispose qu’« à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. »

Selon l’article 565 du même code, « les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent. »

La prétention qui tend, en appel, à obtenir la déchéance du droit aux intérêts du prêteur, alors que seule la substitution du taux légal à celui de l’intérêt conventionnel était sollicitée en première instance, est-elle irrecevable en raison de sa nouveauté ?

On sait que la Cour de cassation exclut la nouveauté d’une prétention formée pour la première fois à hauteur d’appel, lorsque cette prétention tend à obtenir un avantage déjà recherché par le plaideur en première instance.

La demande de substitution du taux légal à celui de l’intérêt conventionnel et celle visant à la déchéance du droit aux intérêts poursuivent le même but, à savoir priver le prêteur de son droit aux intérêts conventionnels. Il s’ensuit que la seconde tend aux mêmes fins que la première, peu important que leur fondement juridique soit différent. 

En l’espèce, la première chambre civile de la Cour de cassation rejette le moyen qui postule le contraire.

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