N°4 - Avril / juin 2021 (Impôts et taxes)

Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

N°4 - Avril / juin 2021 (Impôts et taxes)

Droits de mutation à titre gratuit - Abattement - Conditions - Handicap - Preuve - Présomption d’imputabilité de la situation professionnelle au handicap - Non

Com, 23 juin 2021, pourvoi n°19-16.680

Pour bénéficier de l’abattement institué en matière de droits de mutation à titre gratuit en faveur des personnes handicapées, le redevable doit prouver le lien de causalité entre sa situation de handicap et le fait que son activité professionnelle a été limitée et son avancement retardé ou bloqué.

 

Commentaire :

L’article 779, II, du code général des impôts (CGI) accorde, pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, un abattement sur la part de tout héritier, légataire ou donataire, incapable de travailler dans des conditions normales de rentabilité, en raison d'une infirmité physique ou mentale, congénitale ou acquise.

En l'espèce, le demandeur au pourvoi demandait à la Cour de cassation d'admettre le recours à la preuve par présomption, bien qu'il n'existe pas à ce jour dans l'application de l'article 779, II, du CGI. Il estimait que devrait seulement être exigé du redevable qu'il démontre, d'une part, son handicap à la date d'ouverture de la succession, d'autre part, avoir été limité ou bloqué dans sa carrière professionnelle, l'imputabilité de cette situation à son handicap étant alors présumée.

L'arrêt rejette le pourvoi et rappelle, conformément à la jurisprudence antérieure de la chambre, que la charge de la preuve incombe à celui qui demande l'application du régime de faveur (Com., 24 novembre 1983, pourvoi n° 82-12.267, Bull. n° 325 ; Com., 2 mai 1990, pourvoi n° 88-18.590) et qu'il appartient au redevable de démontrer que son activité professionnelle a été limitée et son avancement retardé ou bloqué par son état de santé (Com., 7 mars 2000, pourvoi n° 97-16.477 ; Com., 19 décembre 2000, pourvois n° 97-20.774 et n° 97-20.776), le lien de causalité entre le handicap et son éventuelle incidence économique n'étant pas présumé.

L'application de l'abattement prévu à l'article 779, II, du CGI peut être justifiée par tous moyens de preuve, l'administration examinant chaque situation particulière dans sa globalité, sur la base de l'ensemble des justificatifs qui lui sont soumis (réponse du Ministère des affaires sociales, santé et droits des femmes, publiée au Journal officiel : Assemblée nationale du 4 avril 2017, à la question écrite n° 67474 de M. Guillaume Larrivé, député de l'Yonne) et les juges du fond appréciant souverainement les éléments de preuve produits par le redevable qui revendique le bénéfice de l'abattement (Com., 16 novembre 1999, pourvoi n° 97-19.270 ; Com., 21 mars 2000, pourvoi n° 97-18.305 ; Com., 7 mars 2000, pourvoi n° 97-16.477, précité).

La circonstance que l’intéressé exerce une activité professionnelle rémunérée n’est pas de nature à le priver automatiquement du bénéfice de l’abattement (Com., 7 décembre 1993, pourvoi n° 91-19.644 ; Com., 19 décembre 2006, pourvoi n° 05-14.187), tout comme la circonstance qu'il se trouve à la retraite lors du fait générateur (Com., 25 juin 1985, pourvoi n° 83-13.933, Bull. 1985, IV, n° 197 ; Com., 9 juin 2004, pourvoi n° 01-16.807, Bull., 2004, IV, n° 120).

Enregistrement - Droits de mutation - Mutation à titre onéreux d'immeubles - Exonération - Achat en vue de la revente - Marchands de biens - Revente par lots - Volume

Com., 9 juin 2021, pourvoi n° 18-17.773

L'acquéreur d'un terrain qui le divise en lots-volume, qu'il cède dans le délai de quatre ans prévu à l'article Lp. 278 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie remplit-il la condition de revente, exigée pour bénéficier du régime de faveur des marchands de biens prévu par ce code?

 

Commentaire :

Cet arrêt se prononce sur la question, inédite, de savoir si remplit la condition de revente, exigée pour bénéficier du régime de faveur des marchands de biens prévu par le code des impôts de Nouvelle-Calédonie, l'acquéreur d'un terrain qui le divise en lots-volume, qu'il cède dans le délai de quatre ans prévu à l'article Lp. 278 de ce code.

La division en volumes de propriété est une technique juridique consistant à diviser la propriété d'un immeuble en fractions distinctes, sur le plan horizontal, comme sur le plan vertical, à des niveaux différents, qui peuvent se situer au-dessus comme en dessous du sol naturel, chaque fraction s'inscrivant, respectivement, dans l'emprise de volumes définis géométriquement, en trois dimensions, par référence à des plans, des coupes et des cotes, sans qu'il existe de parties communes entre ces différentes fractions. Elle permet une organisation des espaces communs différente de celle prévue par l'article 1er de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.

L'arrêt commenté juge que la cession des lots-volume, qui ne porte pas sur le sol naturel, n'opère pas transfert de propriété de l'assiette foncière. Le terrain d'assiette demeure la propriété du vendeur des lots-volume, de même que les espaces non compris dans les volumes cédés, de sorte que malgré cette cession, intervenue dans le délai de quatre ans, le bien immobilier acquis par la société qui s'est placée sous le régime de faveur des marchands de biens, promoteurs et lotisseurs ne peut être considéré comme ayant été revendu dans le délai légal.

Impôt de solidarité sur la fortune - Contribution exceptionnelle sur la fortune - Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales - Article 1er du premier protocole additionnel - Compatibilité - Applications diverses...

Com., 12 mai 2021, pourvoi n°20-14.596

Le seul fait que le montant de la contribution exceptionnelle sur la fortune, instituée par l'article 4 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012, dépasse le montant des revenus du contribuable ne suffit pas à établir le caractère confiscatoire de cet impôt. Il doit également être pris en considération l'impact effectif de l'imposition sur la consistance même du patrimoine.

 

Commentaire :

Dans le prolongement de récentes décisions (Com. 2 décembre 2020, n°18-26.479 ; Com. 2 décembre 2020, n°18-26.480, publiés), la chambre commerciale précise encore les critères permettant de déterminer si la contribution exceptionnelle sur la fortune (CEF), due au titre de l'année 2012, est confiscatoire au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par ce nouvel arrêt, la chambre commerciale réaffirme le principe énoncé dans l’arrêt Com. 2 décembre 2020, n°18-26.479, publié, selon lequel le seul fait que le montant de la CEF dépasse le montant des revenus du contribuable pour l'année considérée ne suffit pas à établir le caractère confiscatoire de cet impôt, et l'explicite : à défaut, le niveau de taxation pourrait dépendre des choix de gestion des redevables, certains pouvant privilégier la détention de biens ne procurant pas de revenus imposables. L'arrêt précise enfin la conséquence de ce principe : il convient donc de prendre en considération l'impact effectif de l'imposition sur la consistance même du patrimoine.

Ce raisonnement est cohérent avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel (QPC n° 2010-99 du 11 février 2011, relative à l'impôt de solidarité sur la fortune).

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