N°4 - Avril / juin 2021 (Entreprises en difficulté)

Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

N°4 - Avril / juin 2021 (Entreprises en difficulté)

Suspicion légitime – Procédure

Com., 8 avr. 2021, n° 19-22.580 publié

En cas de renvoi pour suspicion légitime ordonné au cours d'une instance en résolution d'un plan de redressement et en ouverture de la liquidation judiciaire pour survenance de la cessation des paiements pendant l'exécution du plan, seules sont réputées non avenues les décisions de la juridiction dessaisie qui remplissent les critères posés par l'article 347, alinéa 3, alinéa 3, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-892 du 6 mai 2017 et qui ont été rendues à l'occasion de cette instance, à l'exclusion des décisions rendues dans le cadre de la première procédure collective ayant abouti à l'arrêté du plan.

 

Commentaire :

Cet arrêt statue sur une question inédite, relative à l'application des dispositions du nouvel article 347, alinéa 3, du code de procédure civile, tel que modifié par le décret du 6 mai 2017, à une procédure collective : quelles sont les décisions non avenues lorsque le renvoi d'une affaire pour cause de suspicion légitime intervient au cours d'une instance en résolution d'un plan de redressement et en ouverture d'une liquidation judiciaire ?

Plusieurs solutions étaient envisageables, et notamment des applications plus ou moins extensives du texte du code de procédure civile précité, englobant dans la sphère des décisions non avenues : soit toutes les décisions prises par le tribunal dessaisi, depuis le jugement d'ouverture de la première procédure collective, soit les décisions prises par le tribunal dessaisi dans le cadre de la nouvelle procédure collective ouverte sur résolution d'un plan et ouverture de la liquidation judiciaire, au cours de laquelle le renvoi a été demandé et ordonné.

L'arrêt commenté prend parti pour une application plus restrictive, en limitant la sphère des décisions non avenues aux seules décisions prises par le tribunal dessaisi dans le cadre de l'instance au cours de laquelle la requête en renvoi pour cause de suspicion légitime a été déposée et admise - ici l'instance en résolution du plan et prononcé de la liquidation judiciaire -, ce qui conduit, en l'espèce, à exclure de la sanction du non-avenu toutes les décisions rendues depuis l'ouverture du redressement judiciaire, y compris le jugement d'ouverture lui-même.

La solution se fonde, d'une part, sur les particularités des procédures collectives, composées de plusieurs séquences (en ouverture de la procédure, en prolongation de la période d'observation, en arrêté d'un plan, etc.), chacune formant en quelque sorte une « micro-instance », et d'autre part, sur des considérations de sécurité juridique excluant un anéantissement rétroactif de toutes les décisions successives d'une procédure collective dont les effets peuvent être irréversibles.

Liquidation judiciaire - caution - reprise des poursuites contre le cofidéjusseur

Com., 5 mai 2021, n° 20-14.672 publié

La caution solvens, peut-elle, en application de l’article L.643-11, II du code de commerce poursuivre son cofidéjusseur après la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ?

 

Commentaire :

L'article L.643-11, II du code de commerce, par exception au principe de non reprise des poursuites des créanciers antérieurs, après la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif, autorise les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie à poursuivre le débiteur s'ils ont payé à la place de celui-ci.

La question posée à la chambre commerciale était de savoir si ce texte pouvait être invoqué par la caution solvens, non à l'égard du débiteur principal, mais à l'égard du cofidéjusseur. Le moyen du pourvoi était fondé sur la caractère accessoire du cautionnement et sur le principe de subrogation personnelle énoncé à l'article 2306 du code civil.

Tout comme la chambre commerciale a refusé de distinguer selon la nature, subrogatoire ou personnelle, du recours exceptionnel que peut exercer la caution contre le débiteur garanti (Com. 12 mai 2009, pourvoi n° 08-13.430, Bull. IV, n°67. ; Com. 28 juin 2016, n° 14-21.810 : Bull. IV, n° 98), c'est sans distinction qu'elle refuse d'ouvrir la disposition au recours contre le codiféjusseur qui n'est pas le débiteur principal.

Commissaire à l’exécution du plan - Qualité à agir

Com., 5 mai 2021, n° 20-13.227 publié

Si le mandataire judiciaire n’a pas soumis des prétentions pendant la période d'observation, à l'occasion des actions exercées par le débiteur, le commissaire à l'exécution du plan est sans qualité pour poursuivre ces actions lors de l'exécution du plan.

 

Commentaire :

La qualité à agir du commissaire à l’exécution du plan donne lieu à un contentieux important. Sa mission, que l’on pourra comparer avec celle du mandataire judiciaire ou de l’administrateur, auxquels il succède, est précisée à l’article L.626-26 du code de commerce: il est chargé de veiller à l’exécution du plan. En outre, ce texte dispose que « les actions introduites avant le jugement qui arrête le plan et auxquelles l'administrateur ou le mandataire judiciaire est partie sont poursuivies par lui » et « qu’il est également habilité à engager des actions dans l’intérêt collectif des créanciers. »

La Cour de cassation a déjà précisé que ce texte n’est pas applicable aux instances qui étaient en cours à la date du jugement d’ouverture (3e civ., 16 juin 1999, n° 97-15.461 ; Com., 25 septembre 2019, n°17-25.744).

Le présent arrêt complète la solution en précisant que de telles instances introduites par le débiteur ne doivent pas être reprises par le mandataire judiciaire, lorsque ce dernier n’a pas émis pas une prétention, dans le cadre de sa mission.

Établissement de la liste des créanciers - Omission d’un créancier par le débiteur - relevé de forclusion

Com., 16 juin 2021, n° 19-17.186 publié

Un créancier omis volontairement de la liste des créanciers établie par le débiteur, qui sollicite un relevé de forclusion, n'est pas tenu d'établir que cette omission résulte de son fait.

 

Commentaire :

La suppression, au sein de l’article L. 622-26, alinéa 1er, du code de commerce, par l’ordonnance du 12 mars 2014, de l’adjectif volontaire qui venait qualifier l’omission d’un créancier de la liste qu’il incombe au débiteur d’établir, ne se traduit pas par une modification des solutions retenues par la Cour de cassation sous l’empire de la loi de sauvegarde des entreprises de 2005.

Interprétant cette loi, la chambre commerciale a érigé l'omission volontaire d’un créancier de cette liste en cause autonome de relevé de forclusion. Elle en a fait un second cas de relevé de forclusion qui coexiste désormais avec la faculté pour un créancier de prouver que la forclusion ne lui est pas imputable.

La preuve de son omission volontaire de la liste dispensait le créancier de démontrer que la défaillance n'était pas due à son fait et le relevé de forclusion devait être prononcé sans qu'il y ait lieu de statuer ni sur l’existence de la créance (Com., 12 janvier 2010, pourvoi n° 09-12.133, Bull., IV, n° 6), ni sur l’existence d’un lien de causalité entre l'omission et la tardiveté du créancier à se manifester (Com., 10 janvier 2012, pourvoi n° 10-28.501, Bull., IV n° 4).

L’arrêt commenté, qui constitue la première application par la chambre commerciale du texte modifié, confirme que l’absence de l’établissement de la liste des créanciers est assimilée à la simple omission d’un créancier de la liste dressée par le débiteur, seule expressément prévue par l’article L. 622-26.

Surtout, il retient qu’en cas de carence du débiteur dans l’établissement de la liste, le créancier qui sollicite un relevé de forclusion, n'est pas tenu d'établir l'existence d'un lien de causalité entre cette omission et la tardiveté de sa déclaration de créance, ce qui se traduit par une automaticité du relevé de la forclusion.

Arrêt des voies d'exécution - juge de l'exécution

Com., 30 juin 2021, pourvoi n° 20-15.690

Les créances salariales sont-elles soumises à l'arrêt des poursuites individuelles et des procédures civiles d'exécution ?

 

Commentaire :

Cet arrêt rappelle, en particulier aux juges de l’exécution, que le principe de l’arrêt des poursuites et des procédures civiles d’exécution est un principe d’ordre public qui doit être relevé d’office. La décision a un double intérêt. D’abord, elle rappelle le principe d’ordre public posé à l’article L.622-21, II, du code de commerce, selon lequel, la créance née antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective est soumise à l’interdiction des voies d’exécution. Il appartient donc au juge de l’exécution, au besoin d’office, d’en faire produire les conséquences, sans tenir compte du dispositif du jugement qu’il ne peut, en principe, pas modifier (CPCiv exécution, art.R.121-1). Ensuite, il résulte de cet arrêt que les principes qui viennent d’être exposés s’appliquent également aux décisions prises pour des créances salariales, la chambre sociale ayant à plusieurs reprises affirmé que, même si elles n’ont pas à être déclarées, elles ne peuvent pour autant pas faire l’objet d’une condamnation du débiteur à les payer au salarié (Cass.soc. 12 février 2003, 99-42.985 : BV, n°50.- 2 juillet 2014, 13-11.948 : Bull.V, n°163). Le juge de l’exécution ne pouvait faire autrement que d’ordonner la main levée des mesures d’exécution réalisées par la salariée.

Liquidation judiciaire simplifiée - Mesure d’administration judiciaire - Irrecevabilité du recours

Com., 2 juin 2021, pourvoi n° 19-25.556

La décision, qui applique à la liquidation judiciaire la réglementation de la liquidation simplifiée, n’est pas susceptible de recours.

 

Commentaire :

La question posée à la chambre commerciale était de savoir si l’irrecevabilité de l’appel du seul caractère simplifié de la décision de liquidation judiciaire, solution retenue par un arrêt du 4 mars 2008 (n° 07-10.033 Bull. 2008, IV, n° 51), rendu en application de la loi du 25 janvier 2005, non encore modifiée, doit être maintenue après modification des textes. Selon l’arrêt cité, la chambre commerciale avait qualifié de mesure d’administration judiciaire la faculté par le tribunal ou la cour d'appel d'appliquer à la procédure de liquidation les règles de la liquidation judiciaire simplifiée et déduit que la décision n’était pas susceptible de recours.

Or, depuis, l’application du régime simplifié qui était facultatif (Cass.com. Avis 10 juillet 2006, n° 06-00.008 : Bull.civ avis n°5) est devenu obligatoire depuis l’ordonnance du 12 décembre 2008, selon des seuils qui ont ensuite évolué. Cependant, l’alinéa 2 de l’article R.644-1 introduit dans le code de commerce par le décret du 12 février 2009, a entériné la décision de la Cour de cassation et dispose désormais qu’une telle décision est une mesure d'administration judiciaire non susceptible de recours. Il serait difficile de juger contre ce texte, d’autant, qu’en tout état de cause, l’article L.644-6 du même code permet au tribunal, par décision motivée, d’appliquer à tout moment les règles générales de la liquidation judiciaire. C’est la raison pour laquelle la décision d’appliquer à la liquidation judiciaire les règles du modèle simplifié est toujours insusceptible de recours.

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