N°20 - Mai/Juillet 2023 (Représentation du personnel)

Lettre de la chambre sociale

Une sélection des arrêts rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation (Formation du contrat de travail / Exécution du contrat de travail / Rupture du contrat de travail / Représentation du personnel / Action en justice / QPC).

  • Travail
  • contrat de travail
  • contrat de travail à durée déterminée
  • contrat de travail, formation
  • contrat de travail, exécution
  • rémunération (salaires et accessoires)
  • travail réglementation, durée du travail
  • état de santé - accident et maladie non professionnelle
  • contrat de travail, rupture
  • cause réelle et sérieuse de licenciement - formalités
  • licenciement cause réelle et sérieuse faute grave...
  • licenciement disciplinaire (pour faute)
  • rupture négociée du contrat de travail (transaction et rupture d'un commun accord)
  • représentation des salariés
  • institutions représentatives du personnel (comité d'entreprise/délégué du personnel...)
  • statut des salariés protégés
  • preuve
  • prud'hommes

Lettre de la chambre sociale

N°20 - Mai/Juillet 2023 (Représentation du personnel)

Mise en place des représentants de proximité

Soc., 1er juin 2023, pourvoi n° 22-13.303, FS-B

Sommaire :

Il résulte de l'article L. 2313-7 du code du travail et des articles L. 2313-2 et L. 2232-12 du même code auxquels ce texte renvoie que les représentants de proximité ne peuvent être mis en place que par l'accord d'entreprise, conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2232-12, qui détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts.

Toutefois, dans le cas où le nombre et le périmètre des établissements distincts ont été déterminés par décision unilatérale de l'employeur conformément à l'article L. 2313-4 du code du travail ou sur recours contre celle-ci par application de l'article L. 2313-5 du même code, un accord d'entreprise conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2232-12 de ce code peut prévoir pour l'ensemble de l'entreprise la mise en place de représentants de proximité rattachés aux différents comités sociaux et économiques d'établissement.

 

Commentaire :

Pour pallier la disparition des délégués du personnel qui avaient, en particulier, pour fonction de faire part à l'employeur des revendications individuelles des salariés, l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 a prévu, à l'article L. 2313-7 du code du travail, la faculté de mettre en place, par accord d'entreprise, des représentants de proximité.

L'accord d'entreprise désigné par cet article est celui, défini à l'article L. 2313-2 de ce code, qui détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts, le législateur ayant ainsi voulu que la représentation de proximité soit appréhendée en considération du découpage retenu de l'entreprise en établissements.

Aussi, compte-tenu de la lettre et de l'esprit des articles L. 2313-2 et L. 2313-7 du code du travail, la chambre sociale a, par le présent arrêt, exclu que les représentants du personnel puissent être mis en place non par un accord d’entreprise mais par un accord d'établissement.

Cependant, elle permet que la mise en place des représentants de proximité puisse être dissociée du découpage de l’entreprise en établissements distincts lorsque l'absence d'accord d'entreprise sur le nombre et sur le périmètre des établissements distincts a abouti à leur détermination unilatérale par l'employeur ou par l'administration du travail, en considérant que cette absence ne fait pas obstacle à ce que cette mise en place soit déterminée par un accord d'entreprise.

Comité social et économique, consultation sur la politique sociale et recours à une expertise comptable

Soc., 28 juin 2023, pourvoi n° 22-10.293, FS-B

Sommaire :

Il résulte des dispositions des articles L.2315-82 et L.2315-83 du code du travail que l'expert-comptable, désigné par un comité social et économique dans le cadre de la consultation sur la politique sociale, les conditions de travail et l'emploi, s'il considère que l'audition de certains salariés de l'entreprise est utile à l'accomplissement de sa mission, ne peut y procéder qu'à la condition d'obtenir l'accord exprès de l'employeur et des salariés concernés.

 

Commentaire :

Par cet arrêt, la chambre sociale se prononce, dans le silence des textes, sur une question inédite : l’expert-comptable désigné en application de l’article L. 2315-91 du code du travail peut-il entendre des salariés de l’entreprise ?

La chambre sociale répond par l’affirmative à cette question, à condition que l’expert-comptable obtienne l'accord exprès de l'employeur et des salariés concernés.

Statut protecteur des représentants du personnel : le juge judiciaire peut contrôler le bien-fondé des sanctions disciplinaires antérieures au licenciement disciplinaire autorisé par l’administration

Soc., 1er juin 2023, pourvoi n° 21-19.649, FS-B

Sommaire :

Dans le cas où une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par une faute grave, il appartient à l'administration du travail de vérifier, d'une part que les faits sont établis et sont fautifs, d'autre part l'absence de lien entre la demande de licenciement et les mandats exercés par l'intéressé. Il ne lui appartient pas, en revanche, dans l'exercice de ce contrôle, de porter une appréciation sur la validité des précédentes sanctions disciplinaires invoquées par l'employeur.

Ce faisant, l'autorisation de licenciement donnée par l'administration du travail ne fait obstacle, ni à ce que le salarié fasse valoir le caractère systématique ou injustifié de ces sanctions devant le juge judiciaire au titre d'éléments permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral, ni à ce que le juge judiciaire se prononce sur la validité de ces sanctions.

En conséquence, la cour d'appel a pu, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, prendre en compte les précédentes sanctions disciplinaires prononcées à l'encontre du salarié qu'elle a estimées injustifiées, pour reconnaître l'existence d'un harcèlement moral, annuler ces sanctions et condamner l'employeur à payer au salarié certaines sommes au titre du salaire correspondant à la mise à pied annulée et des congés payés afférents.

 

Commentaire :

Par cet arrêt, la chambre sociale se prononce sur l’autorité attachée aux motifs, se rapportant à des sanctions disciplinaires antérieures, d’une autorisation administrative de licenciement pour faute grave quant à l’appréciation de la validité de ces sanctions et à leur appréhension en tant qu’éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral.

Si l’inspecteur du travail prend en considération l’existence de ces sanctions disciplinaires, il ne se prononce pas sur leur validité ou leur justification.

Dès lors, rien n’interdit au juge judiciaire de se prononcer sur la validité desdites sanctions et de prendre en compte leur caractère injustifié ou systématique au soutien d’une demande du salarié au titre d’un harcèlement moral.

Statut protecteur des représentants du personnel : modalités de calcul de l’indemnité due au titre de la violation du statut protecteur lorsque le salarié a été en arrêt de travail pendant la période d’éviction

Soc., 1er juin 2023, pourvoi n° 21-21.191, FS-B

Sommaire :

En application des articles L. 1132-1, L. 2411-1 et L. 2411-2 du code du travail, dans leur rédaction applicable, lorsque le salarié protégé licencié sans autorisation administrative de licenciement a été en arrêt de travail pour maladie pendant la période d'éviction, la rémunération à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité due au titre de la violation du statut protecteur est le salaire moyen des douze derniers mois perçu avant l'arrêt de travail.

 

Commentaire :

La sanction de la méconnaissance par l'employeur du statut protecteur d'un représentant du personnel, illégalement licencié et qui ne demande pas sa réintégration, est le paiement d’une indemnité égale à la rémunération que le salarié aurait dû percevoir depuis son éviction jusqu'à l'expiration de la période de protection résultant du mandat en cours à la date de la rupture, dans la limite de trente mois.

Le pourvoi posait la question nouvelle de la détermination de l’assiette de calcul de l’indemnité pour violation du statut protecteur lorsque le salarié a été en arrêt de travail pour maladie pendant la période d’éviction.

La chambre a déjà jugé, au visa notamment de l’article L. 1132-1 du code du travail qui prohibe les discriminations en raison de l’état de santé, que le salaire de référence à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, ou pour le calcul de l’indemnité prévue à l’article L. 1235-11 du code du travail, est celui précédant l'arrêt de travail pour maladie (Soc., 23 mai 2017, pourvoi n° 15-22.223, publié ; Soc., 26 juin 2019, pourvoi n° 18-17.120, publié).

La prohibition de toute discrimination en raison de l’état de santé impose également, lorsque le salarié protégé a été en arrêt de travail pour maladie pendant la période d'éviction, que la rémunération à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité due au titre de la violation du statut protecteur soit le salaire moyen des douze derniers mois perçu avant l'arrêt de travail.

Cet arrêt s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence de la chambre sociale et est en conformité avec la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne selon laquelle il ne peut être tenu compte de la réduction, consécutive à l’incapacité de travail du salarié, du montant de la rémunération qu’il a perçue pendant la période de référence pour déterminer le montant de la rémunération qui lui sera versée au titre de son congé annuel payé (CJUE, 9 décembre 2021, Aff. C-217/20, Staatssecretatis van Financiën).

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