N°20 - Mai/Juillet 2023 (Rupture du contrat de travail)

Lettre de la chambre sociale

Une sélection des arrêts rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation (Formation du contrat de travail / Exécution du contrat de travail / Rupture du contrat de travail / Représentation du personnel / Action en justice / QPC).

  • Travail
  • contrat de travail
  • contrat de travail à durée déterminée
  • contrat de travail, formation
  • contrat de travail, exécution
  • rémunération (salaires et accessoires)
  • travail réglementation, durée du travail
  • état de santé - accident et maladie non professionnelle
  • contrat de travail, rupture
  • cause réelle et sérieuse de licenciement - formalités
  • licenciement cause réelle et sérieuse faute grave...
  • licenciement disciplinaire (pour faute)
  • rupture négociée du contrat de travail (transaction et rupture d'un commun accord)
  • représentation des salariés
  • institutions représentatives du personnel (comité d'entreprise/délégué du personnel...)
  • statut des salariés protégés
  • preuve
  • prud'hommes

Lettre de la chambre sociale

N°20 - Mai/Juillet 2023 (Rupture du contrat de travail)

Licenciement

Licenciement nul en raison d’un harcèlement moral : les dommages-intérêts pour le harcèlement moral se cumulent avec ceux octroyés pour le licenciement

Soc.,1er juin 2023, pourvoi n° 21-23.438, FR-B

Sommaire :

L'octroi de dommages-intérêts pour licenciement nul en lien avec des faits de harcèlement moral ne saurait faire obstacle à une demande distincte de dommages-intérêts pour harcèlement moral.

 

Commentaire :

Dans cette affaire, la chambre sociale reprend, par un arrêt publié, la solution précédemment adoptée par elle dans plusieurs arrêts diffusés (Soc., 19 janvier 2012, pourvoi n° 10-30.483 ; Soc., 2 février 2017, pourvoi n° 15-26.892).

Elle distingue, lorsque la rupture est en lien avec des faits de harcèlement moral, le préjudice résultant de la nullité de la rupture de celui propre au harcèlement. En conséquence, elle casse l'arrêt refusant d'indemniser le second au motif qu'il se confond avec le premier.

 

 

Licenciement nul et statut de lanceur d’alerte : nécessité de caractériser la violation de la liberté du salarié de dénoncer des faits susceptibles d’être constitutifs d’un délit ou d’un crime

Soc., 1er juin 2023, pourvoi n° 22-11.310, FS-B

Sommaire :

Doit être cassé l'arrêt qui, pour déclarer le licenciement nul, relève que le salarié avait adressé au président de la société un courriel pour manifester son désaccord concernant la vente ou l'offre d'une carte de fidélité en indiquant que la légalité ou la régularité de la procédure lui semblait douteuse puis retient que la lettre de licenciement fait état, dans son ensemble, de cette dénonciation sans constater que le salarié avait ainsi relaté ou témoigné de faits susceptibles d'être constitutifs d'un délit ou d'un crime et que l'employeur ne pouvait légitimement ignorer que, par cette dénonciation, le salarié dénonçait de tels faits.

 

Commentaire :

La chambre sociale a affirmé que pour qu’un salarié puisse bénéficier du statut de lanceur d’alerte, les juges du fond doivent avoir constaté que ce salarié avait relaté ou témoigné de faits susceptibles d’être constitutifs d’un délit ou d’un crime (Soc., 4 novembre 2020, pourvoi n° 18-15.669, publié ; Soc., 29 septembre 2021, pourvoi n° 19-25.989).

Dans la présente affaire, le salarié avait dénoncé des pratiques de son employeur concernant la mise en place d’une carte de fidélité pour la clientèle. Dès lors qu’il ne résultait pas de façon évidente des constatations de la cour d’appel que la dénonciation portait sur des faits pénalement répréhensibles, sa décision est censurée.

L’apport du présent arrêt est d’ajouter, à l’exigence que le salarié ait relaté ou témoigné de faits susceptibles d’être constitutifs d’un délit ou d’un crime, la nécessité pour les juges du fond de constater que l’employeur ne pouvait légitimement ignorer que le salarié dénonçait de tels faits. Il s’agit ici d’un alignement avec ce que la chambre vient de décider, en formation plénière, en matière de protection du salarié licencié après avoir dénoncé des faits de harcèlement moral même s’il ne les avait pas qualifiés comme tels (Soc., 19 avril 2023, pourvoi n° 21-21.053, publié) : « de sorte que l'employeur ne pouvait légitimement ignorer que, par cette lettre, la salariée dénonçait des faits de harcèlement moral ».

 

 

Licenciement pour inaptitude non professionnelle : le préavis non exécuté ne donne pas lieu à indemnisation du salarié

Soc., 5 juillet 2023, pourvoi n° 21-25.797, FS-B

Sommaire :

Il résulte des articles L.1226-2 et L.1226-4 du code du travail qu'en cas de licenciement pour inaptitude consécutive à une maladie ou un accident non professionnel et impossibilité de reclassement, le préavis n'est pas exécuté, et cette inexécution ne donne pas lieu au versement d'une indemnité compensatrice.

Doit être cassé, l'arrêt qui retient que cette indemnité est due en cas de non reprise du paiement du salaire à l'issue du délai d'un mois, alors qu'il constate par ailleurs que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.

 

Commentaire :

La chambre sociale retient un principe général selon lequel le salarié ne peut prétendre au paiement d’une indemnité pour un préavis qu’il est dans l’impossibilité d’exécuter (Soc., 23 novembre 2005, pourvoi n° 04-47.653, publié, s’agissant d’un salarié en congé parental). Ce principe s’applique au cas du salarié en arrêt maladie et qui ne peut exécuter son préavis de ce fait (Soc., 6 mai 2009, pourvoi n° 08-40.997).

Toutefois, ce principe ne s’applique pas lorsque la rupture est imputable à l’employeur. Tel est le cas d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse pour manquement de l’employeur à son obligation de reclassement (Soc., 23 novembre 2005, pourvoi n° 04-47.542, publié) ou encore lorsque l’inaptitude est consécutive au harcèlement moral subi par le salarié (Soc.,  8 décembre 2015, pourvoi n° 14-15.299).

Dans cette affaire, la chambre sociale était invitée à se prononcer sur le versement de cette indemnité lorsque le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement a une cause réelle et sérieuse mais que l’employeur a manqué à son obligation de reprendre le paiement du salaire, prévue à l’article L.1226-4 du code du travail.

Elle décide que la cause première de la non réalisation du préavis étant l’inaptitude du salarié et non une faute de l’employeur, l’indemnité compensatrice de préavis n’est pas due.

Rupture conventionnelle

Rupture conventionnelle postérieure à une rupture précédemment intervenue et délai de recours

Soc., 11 mai 2023, pourvoi n° 21-18.117, F-B

Sommaire :

Lorsque le contrat de travail a été rompu par l'exercice par l'une ou l'autre des parties de son droit de résiliation unilatérale, la signature postérieure d'une rupture conventionnelle vaut renonciation commune à la rupture précédemment intervenue.

En application de l'article L. 1237-14, alinéa 4, du code du travail, le recours à l'encontre de la convention de rupture doit être formé, à peine d'irrecevabilité, avant l'expiration d'un délai de douze mois à compter de la date d'homologation de la convention.

Encourt dès lors la cassation l'arrêt qui écarte la fin de non-recevoir tirée de la prescription après avoir constaté que les parties avaient conclu une convention de rupture qui n'avait pas été remise en cause et avaient ainsi renoncé au licenciement verbal antérieur invoqué par le salarié.

 

Commentaire :

Dans cette affaire, la chambre sociale était invitée à se prononcer sur l’opposabilité au salarié qui se prévaut d’un licenciement verbal antérieur à la convention de rupture, de la prescription applicable en matière d’action en contestation d’une rupture conventionnelle.

Elle confirme sa jurisprudence selon laquelle lorsque le contrat de travail a été rompu par l'exercice par l'une ou l'autre des parties de son droit de résiliation unilatérale, la signature postérieure d'une rupture conventionnelle vaut renonciation commune à la rupture précédemment intervenue (Soc., 3 mars 2015, pourvoi n° 13-20.549, publié).

Se prononçant tant sur la recevabilité que sur le fond de la demande du salarié, elle en déduit que l’intéressé qui a signé la rupture conventionnelle sans exercer son droit de rétractation, ni contester cette rupture dans le délai de prescription prévu par l’article L. 1237-14 du code du travail, ne peut invoquer l’existence d’un licenciement verbal intervenu antérieurement à la convention de rupture.

Articulation entre résiliation judiciaire et nullité du licenciement

Demandes de résiliation judiciaire, de nullité du licenciement et de réintégration subséquente

Soc., 11 mai 2023, pourvoi n° 21-23.148, FS-B

Sommaire :

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail et la nullité de son licenciement au cours d'une même instance, puis abandonne en cours d'instance la demande de résiliation judiciaire, le juge, qui constate la nullité du licenciement, doit examiner la demande de réintégration.

 

Commentaire :

La chambre sociale a jugé que le juge ne peut faire droit à la demande de réintégration du salarié lorsque celui-ci demande la résiliation de son contrat de travail et la nullité de son licenciement au cours d’une même instance (Soc., 27 janvier 2021, pourvoi n° 19-21.200, publié).

Par le présent arrêt, elle réserve l’hypothèse où le salarié renoncerait en cours d’instance à sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail : le juge, s’il fait droit à la demande de nullité du licenciement, doit alors examiner la demande de réintégration du salarié.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.