N°6 - Septembre/octobre 2020 (Contrat de travail, rupture)

Lettre de la chambre sociale

Lettre de la chambre sociale

N°6 - Septembre/octobre 2020 (Contrat de travail, rupture)

Rupture conventionnelle du contrat de travail La remise d'un exemplaire de la convention au salarié : objet et charge de la preuve ?

Soc., 23 septembre 2020, pourvoi n° 18-25,770, FS-P+B

La remise d'un exemplaire de la convention de rupture au salarié étant nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l'homologation de la convention, dans les conditions prévues par l'article L. 1237-14 du code du travail, et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d'exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause, il s’ensuit qu’à défaut d’une telle remise, la convention de rupture est nulle.

En cas de contestation, il appartient à celui qui invoque cette remise d’en rapporter la preuve.

 

Commentaire :

Par le présent arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle l'objet de la remise d'un exemplaire de la convention de rupture au salarié et les conséquences du défaut de remise de ladite convention. A cette occasion, elle se prononce sur la charge de la preuve en cas de contestation de la remise à chaque partie d’un exemplaire de la convention de rupture.

Ce faisant, elle affine sa jurisprudence antérieure. En effet, la chambre sociale a d'abord jugé que seule la remise au salarié d’un exemplaire de la convention signée des deux parties lui permettait de demander l’homologation de celle-ci et d’exercer son droit de rétractation de façon éclairée (Soc., 3 juillet 2019, pourvoi n° 17-14.232, Bull. 2013, V, publié au bulletin des chambres civiles). Elle a ensuite précisé qu’il n’existait pas de présomption de remise de cet exemplaire aux parties signataires (Soc., 3 juillet 2019, pourvoi n° 18-14.414, Bull. 2019, V, publié au bulletin des chambres civiles)

Dans la présente affaire, elle applique les règles traditionnelles de la charge de la preuve en considérant qu'il incombe à celui qui se prévaut de la remise d'un exemplaire de la convention de rupture au salarié d’en rapporter la preuve.

Faute du salarié : la preuve par des extraits d’un compte privé Facebook peut être licite à certaines conditions

Soc., 30 septembre 2020, pourvoi n° 19-12.058, FS-P+B+R+I

Il résulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, que le droit à la preuve peut justifier la production en justice d'éléments extraits du compte privé Facebook d'un salarié portant atteinte à sa vie privée, à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi.

Voir aussi la note explicative relative à cet arrêt.

Plan de sauvegarde de l'emploi : incompétence du juge judiciaire au profit du juge administratif pour statuer, en référé, sur la régularité de la procédure non encore achevée d’information-consultation des représentants du personnel

Soc., 30 septembre 2020, pourvoi n° 19-13.714, formation mixte - P+B+I

Il résulte des articles L. 1233-57-5 et L. 1235-7-1 du code du travail que toute demande tendant, avant la transmission de la demande de validation d'un accord collectif ou d'homologation d'un document de l'employeur fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, à ce qu'il soit enjoint à l'employeur  de fournir les éléments d'information relatifs à la procédure en cours ou de se conformer à une règle de procédure prévue par les textes législatifs, est adressée à l'autorité administrative. Les décisions prises à ce titre ainsi que la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation relevant de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux.

Dès lors, une cour d'appel qui constate que les demandes d'un comité d'entreprise et d'un syndicat tendent à ce qu'il soit enjoint à l'employeur de suspendre sous astreinte la fermeture de magasins et toute mise en œuvre d'un projet de restructuration avant l'achèvement de la consultation des instances représentatives du personnel relative au projet de restructuration et au projet de licenciement collectif pour motif économique donnant lieu à l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi,  en déduit exactement, sans méconnaître le principe du droit au recours effectif,  que ces demandes ne relèvent pas de la compétence du juge judiciaire.

 

Commentaire:

L’article L. 1233-30 du code du travail, dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 qui a remplacé le comité d’entreprise par le comité social et économique, prévoyait une procédure unique de consultation du comité d’entreprise requérant deux avis de sa part:

- l'un sur l'opération projetée de restructuration et de compression des effectifs et ses modalités d'application,

- l'autre sur le projet de licenciement collectif.

En outre, l’article L. 1235-7-1 du code du travail prévoit que la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peut être contestée que devant le juge administratif.

Dès lors, le Conseil d’Etat a jugé qu’il appartient à l’administration de vérifier si le comité a été mis à même d'émettre régulièrement un avis, d'une part sur l'opération projetée et ses modalités d'application et, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi (CE. Ass., 22 juillet 2015, n° 385816, publié au Recueil Lebon, précité).

Par ailleurs, l’article L. 1233-57-5 du code du travail permet aux intéressés d’adresser à la Direccte une demande, en cours de procédure de consultation, afin que l’administration enjoigne à l'employeur de fournir les éléments d'information relatifs à la procédure en cours ou de se conformer à une règle de procédure.

L’intention du législateur était d’investir l’administration de l’ensemble du contrôle de la régularité de la procédure de consultation du comité d’entreprise lorsque celle-ci est en cours et de fermer la voie, jusque-là ouverte, de saisine du juge des référés judiciaire sur le fondement d’un trouble manifestement illicite lié à l’absence de régularité de la consultation (Soc., 16 avril 1996, pourvoi n° 94-14.915, Bull. 1996, V, n° 164 ; Soc., 16 avril 1996, pourvoi n° 93-15.417, Bull. 1996, V, n° 163 et Soc., 17 juin 1997, pourvoi n° 95-18.904, Bull.. 1997, V, n° 223).

En conséquence, même s’il semble ressortir de la jurisprudence du Conseil d’Etat que l’accès au juge administratif n’est pas encore ouvert avant la décision finale d’homologation ou de validation (CE, 25 septembre 2019, n° 428510, mentionné aux Tables et CE, 25 septembre 2019, n° 428508, mentionné aux Tables), la chambre sociale a considéré qu’il était contraire à l’intention du législateur d’admettre une compétence du juge des référés judiciaire pour statuer sur la régularité de la mise en œuvre de la procédure d’information-consultation alors que celle-ci n’est pas achevée.

S'agissant du contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, la chambre sociale a écarté la possibilité pour le juge judiciaire de se prononcer sur la suffisance des mesures de reclassement prévues dans ce plan ou sur le respect par l'employeur de son obligation de rechercher un repreneur (Soc., 21 novembre 2018, pourvois n°17-16.766 et 17-16.767, FS-P+B+R+I).

Sur la répartition des compétences entre juge administratif et juge judiciaire en matière de plan de sauvegarde de l’emploi, voir la lettre spéciale de la chambre sociale du mois d’octobre 2020.

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