N°6 - Septembre/octobre 2020 (Santé et sécurité au travail)

Lettre de la chambre sociale

Lettre de la chambre sociale

N°6 - Septembre/octobre 2020 (Santé et sécurité au travail)

Maladie du salarié : le licenciement pour inaptitude non professionnelle sans consultation préalable des représentants du personnel est dépourvu de cause réelle et sérieuse

Soc., 30 septembre 2020, pourvoi n° 19-11.974, FS-P+B+I

Il résulte des articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1, alinéas 2 et 3, du code du travail, en leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, que la méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte consécutivement à un accident non professionnel ou une maladie, dont celle imposant à l’employeur de consulter les délégués du personnel, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

 

Commentaire :

Par le présent arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation se prononce pour la première fois sur les conséquences du défaut de consultation des délégués du personnel sur le licenciement motivé par l'inaptitude du salarié et impossibilité de reclassement, depuis les modifications introduites par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.

En effet, pour mémoire, l'article 102 de la loi précitée a étendu cette obligation de consultation des instances représentatives, qui existait déjà sur le fondement de l’article L. 1226-10 du code du travail applicable à l'inaptitude consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, à l'inaptitude d'origine non-professionnelle en complétant l’article L. 1226-2 du même code.

Dans le prolongement de la jurisprudence qu'elle a dégagée pour l'inaptitude ayant une origine professionnelle (Soc., 13 juillet 2005, n° 03-45.573), la chambre sociale estime que le défaut de consultation des délégués du personnel, qui participe de l'obligation de reclassement à la charge de l'employeur, prive de cause réelle et sérieuse le licenciement, décidé pour inaptitude non professionnelle et impossibilité de reclassement.

Licenciement pour inaptitude professionnelle : quel périmètre de l'obligation de reclassement ?

Soc., 30 septembre 2020, pourvoi n°19-13.122, FS-P+B

Ne méconnaît pas les règles de la charge de la preuve relatives au périmètre du groupe de reclassement, la cour d'appel qui, appréciant les éléments qui lui étaient soumis tant par l'employeur que par le salarié, a constaté qu'il n'était pas établi que l'organisation du réseau auquel appartenait l'entreprise permettait entre les sociétés adhérentes la permutation de tout ou partie de leur personnel.

 

Commentaire :

L'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction applicable en l'espèce, obligeait l'employeur à proposer au salarié déclaré inapte à la suite d'une maladie ou d'un accident du travail, un autre emploi adapté à ses capacités.

A cet égard, la jurisprudence bien établie de la chambre sociale de la Cour de cassation - désormais consacrée par la rédaction de l'article L.1226-10 précité du même code du travail issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 - énonce que la recherche des possibilités de reclassement du salarié victime d'un accident du travail, déclaré inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment doit s'apprécier à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur concerné, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel (Soc., 24 octobre 1995, pourvoi n° 94-40.188, Bull. 1995, V, n° 283).

Par le présent arrêt, la chambre sociale précise qu’en cas de contestation du périmètre de l’obligation de reclassement et, avec lui, celui du groupe de sociétés auquel adhère l’employeur, il appartient au juge de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments qui lui sont soumis, tant par l'employeur que par le salarié, et de déterminer si l’organisation du réseau auquel appartient l’employeur permet entre les sociétés adhérentes la permutation de tout ou partie du personnel.

Ce faisant, la chambre sociale étend ainsi au licenciement pour inaptitude constatée par le médecin du travail sa jurisprudence définie à l’occasion du licenciement pour motif économique, relativement à l’étendue du périmètre de reclassement au sein duquel l’employeur doit justifier de ses recherches, ainsi qu’à la charge de la preuve dudit périmètre (Soc., 16 novembre 2016, pourvoi n° 14-30.063, Bull. 2016, V, n° 216 ; Soc., 16 novembre 2016, pourvoi n° 15-19.927, Bull. 2016, V, n° 217 ; Soc., 20 mars 2019, pourvoi n° 17-19.595, en cours de publication).

Amiante, obligation de sécurité et préjudice d'anxiété : extension de l’action en indemnisation des salariés de l'employeur non inscrit sur la liste de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, modifiée, mais sous-traitant d'un établissement

Soc., 30 septembre 2020, pourvoi n° 19-10.352, FS-P+B

Le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même cet employeur n’entrerait pas dans les prévisions de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 modifiée.

 

Commentaire :

Par le présent arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation se prononce sur l’action en indemnisation du préjudice d’anxiété des salariés ayant été exposés à l’amiante en travaillant, dans le cadre d’une sous-traitance, dans un établissement inscrit sur la liste établie par l’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 mais dont l’employeur ne relève pas de cette liste.

Traditionnellement, ces salariés ne pouvaient obtenir de leur employeur l'indemnisation de leur préjudice d'anxiété sur le fondement de cet article (Soc., 22 juin 2016, n° 14-28.175, Bull. n° 131).

Toutefois, depuis une décision rendue en assemblée plénière le 5 avril 2019 (Ass. plén., 5 avril 2019, pourvoi n° 18-17.442, en cours de publication), la Cour de cassation a reconnu, au profit des salariés n’ayant pas travaillé au sein d’un établissement classé, la possibilité d’agir sur le fondement du droit commun afin d’obtenir réparation de leur préjudice d’anxiété pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité. La chambre sociale a fait sienne cette jurisprudence pour les litiges relatifs, d'abord, à une exposition à l’amiante (Soc., 11 septembre 2019, pourvoi n° 17-18.311, Bull. 2019, en cours de publication) puis, plus généralement, à d’autres substances nocives ou toxiques (Soc., 11 septembre 2019, pourvoi n° 17-24.879, Bull. 2019, en cours de publication).

La présente décision étend ainsi l'application de cette jurisprudence aux salariés d'un employeur ne relevant pas de la liste de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, modifiée, pour peu que le contrat de sous-traitance s'est exécuté dans un établissement classé sur le fondement de ladite liste. Il en résulte qu'il appartiendra à ces salariés du sous-traitant de justifier de leur exposition à l'amiante et de démontrer le préjudice personnellement subi par eux, à la différence des salariés de cet établissement, qui eux, bénéficieront sur ce point des présomptions découlant de l'inscription de l'établissement sur la liste prévue par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998.

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