N°1 - Septembre/octobre 2019 (Accord collectif)

Lettre de la chambre sociale

Soc., 9 octobre 2019, pourvoi n° 18-13.529, FS-P+B+R+I

Soc., 9 octobre 2019, pourvoi n° 18-13.529, FS-P+B+R+I

1- Il résulte des dispositions de l'article L. 2141-5 du code du travail que, pour la prise en compte dans son évolution professionnelle de l'expérience acquise par le salarié dans l'exercice de ses mandats représentatifs ou syndicaux, un accord collectif peut prévoir un dispositif, facultatif pour l'intéressé, permettant une appréciation par l'employeur, en association avec l'organisation syndicale, des compétences mises en œuvre dans l'exercice du mandat, susceptible de donner lieu à une offre de formation et dont l'analyse est destinée à être intégrée dans l'évolution de carrière du salarié.

2- L'accord collectif qui prévoit, dans le cadre des dispositions visant à faciliter l'exercice de mandats syndicaux ou représentatifs par la valorisation des compétences mises en œuvre par les salariés dans l'exercice de ces mandats, l'élaboration par l'employeur, après négociation avec les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise, d'un référentiel dont l'objet est d'identifier ces compétences ainsi que leur degré d'acquisition dans le but de les intégrer au parcours professionnel du salarié et dont le juge a vérifié le caractère objectif et pertinent, ne porte pas atteinte au principe de la liberté syndicale, l'employeur étant tenu en tout état de cause dans la mise en œuvre de l'accord au respect des prescriptions des articles L. 1132-1 et L. 2141-5, alinéa 1er  du code du travail.

Voir aussi la note explicative.

Soc., 9 octobre 2019, pourvoi n° 17-16.642, FS-P+B

Soc., 9 octobre 2019, pourvoi n° 17-16.642, FS-P+B

Selon l’article L. 1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, le salarié présente des éléments de fait en laissant supposer l’existence et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Dès lors, même lorsque la différence de traitement en raison d’un des motifs visés à l’article L. 1132-1 du code du travail résulte des stipulations d’une convention ou d’un accord collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, les stipulations concernées ne peuvent être présumées justifiées au regard du principe de non-discrimination.

 

Commentaire :

Par un arrêt du 3 avril 2019, la chambre sociale de la Cour de cassation a écarté la reconnaissance d’une présomption générale de justification de toutes différences de traitement entre les salariés opérées par voie de conventions ou d’accords collectifs en raison de la contrariété d’une telle reconnaissance avec le droit de l’Union dans les domaines où celui-ci est mis en œuvre (Soc., 3 avril 2019, pourvoi n° 17-11.970, en cours de publication).

Par le présent arrêt, elle écarte cette présomption de justification lorsque la différence de traitement, résultant des stipulations d’une convention ou d’un accord collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, a pour fondement l’un des motifs visés à l’article L. 1132-1 du code du travail (cet article prohibe toute discrimination en raison, notamment, de l’âge, du sexe, de l’état de santé, de l’appartenance syndicale ou encore des convictions religieuses). Il reviendra donc, dans ce cas, au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination et à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination conformément aux dispositions de l’article L. 1134-1 du code du travail.

Soc., 9 octobre 2019, pourvoi n° 19-10.816, FS-P+B

Soc., 9 octobre 2019, pourvoi n° 19-10.816, FS-P+B

Sommaire n° 1

La régularité de la demande formée, en application de l'article L. 2232-12, alinéa 2, du code du travail, par un ou plusieurs syndicats ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés, aux fins d'organisation d'une consultation des salariés pour valider un accord signé par les organisations syndicales représentatives représentant plus de 30 % des suffrages exprimés n'est pas subordonnée à sa notification aux autres organisations syndicales représentatives, laquelle a seulement pour effet de faire courir les délais prévus à l'alinéa suivant.

Doit en conséquence être approuvé le tribunal d'instance qui décide qu'en l'absence de notification par le syndicat à l'origine de la demande, l'information donnée par l'employeur de cette demande aux autres organisations syndicales représentatives ne constitue pas un manquement à l'obligation de neutralité de l'employeur.

 

Sommaire n° 2

Il résulte de l’article L. 2232-12 du code du travail selon lequel, dans les établissements pourvus d’un ou plusieurs délégués syndicaux, participent à la consultation les salariés des établissements couverts par l'accord et électeurs au sens de l’article L. 2314-18 issu de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, que doivent être consultés l’ensemble des salariés de l’établissement qui remplissent les conditions pour être électeurs dans l’entreprise sans préjudice de l'application, le cas échéant, des dispositions de l'article L. 2232-13 du même code.

 

Commentaire :

Par le présent arrêt, la chambre sociale apporte deux précisions sur la mise en œuvre du dispositif prévu par l’article L. 2232-12 du code du travail s’agissant de la consultation des salariés organisée pour valider un accord conclu avec une organisation syndicale ayant recueilli entre 30 % et 50 % des suffrages exprimés.

En premier lieu, s’inspirant de la solution retenue dans un arrêt de 2010 (Soc., 13 octobre 2010, pourvoi n° 09-68.151, Bull. 2010, V, n° 232), la chambre sociale décide que la notification de la demande de consultation des salariés aux autres organisations syndicales représentatives a pour seul effet de faire courir les délais prévus par l’article L. 2232-12, alinéa 3, du code du travail et non d’entraîner l’irrégularité d’une telle demande. Dès lors, le fait pour l’employeur d’en informer les autres organisations syndicales représentatives ne constitue pas un manquement à son obligation de neutralité.

En second lieu, elle précise que la consultation destinée à valider un accord minoritaire concerne l’ensemble des salariés de l’établissement remplissant les conditions pour être électeurs dans l’entreprise, y compris ceux qui ne sont pas directement concernés par l’accord.

Soc., 9 octobre 2019, pourvoi n° 18-13.314, FS-P+B

Soc., 9 octobre 2019, pourvoi n° 18-13.314, FS-P+B

Sommaire n°1

Aucune disposition d’ordre public n’interdit à des organisations syndicales et patronales représentatives dans le champ de l’accord de prévoir par accord collectif un système de mutualisation du financement et de la gestion de certaines prestations de prévoyance sociale non obligatoires même en l’absence de dispositions légales en ce sens.

La signature d’une convention de branche ou d’un accord professionnel par les organisations syndicales et patronales représentatives dans le champ de l’accord engage les signataires de l’accord ainsi que les adhérents aux organisations interprofessionnelles signataires de l’accord.

Dès lors, en déniant aux partenaires sociaux la liberté contractuelle de conclure un accord organisant un système de mutualisation du financement et de la gestion de certaines prestations, et notamment  un prélèvement de 2 % sur les cotisations versées à l’organisme recommandé par l’accord ou un prélèvement équivalent à cette somme exigible auprès des entreprises qui n’adhèrent pas à l’organisme recommandé, accord s’appliquant aux entreprises l’ayant signé et à celles adhérant à une organisation patronale représentative ayant signé l’accord,  le tribunal de grande instance a violé l’article 6 du code civil.

 

Sommaire n°2

Il résulte de l’article L. 912-1 III du code de la sécurité sociale que les accords mentionnés au I comportent une clause fixant dans quelles conditions et selon quelle périodicité, qui ne peut excéder cinq ans, les modalités d'organisation de la recommandation sont réexaminées.

L’existence de cette clause, dans des accords qui dérogent aux principes de libre concurrence et de liberté d’entreprendre, est une condition de validité de ces accords.

 

Commentaire :

Par cet arrêt, qui répond à deux questions préjudicielles posées par le Conseil d’État dans le cadre d’un contentieux sur la validité d’un arrêté d’extension, la chambre sociale se prononce, en premier lieu, sur la validité d’un accord collectif ayant mis en place un système de mutualisation du financement et de la gestion de prestations de santé. Elle juge ici que les partenaires sociaux bénéficiaient de la liberté de conclure cet accord, même en l’absence de dispositions légales le prévoyant, dès lors qu’aucune disposition d’ordre public n’interdit à des organisations syndicales et patronales représentatives dans le champ de l’accord de prévoir par convention un tel système de mutualisation.

 

En second lieu, elle précise l’incidence de l’absence de clause de réexamen dans les accords collectifs instituant des garanties collectives et recommandant un ou plusieurs organismes, conformément aux dispositions de l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale. Dans la mesure où une telle recommandation déroge aux principes de libre concurrence et de liberté d’entreprendre, la chambre sociale considère que l’existence d’une clause de réexamen est d’ordre public et conditionne ainsi la validité de l’accord.

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