Irrégularité d'un contrat de travail intermittent : possibilité de requalification
Soc., 3 juin 2020, pourvoi n° 18-24.945, FS-P+B
Le défaut de mention, dans le contrat de travail d'un salarié engagé en qualité de chargé d'enquête intermittent à garantie annuelle, du délai de prévenance de trois jours ouvrables prévu par les dispositions de l'article 3 de l'annexe 4-2 de l'annexe enquêteurs du 16 décembre 1999 attachée à la convention collective nationale des bureaux d'étude techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, crée une présomption simple de travail à temps complet que l'employeur peut renverser en rapportant la preuve que le salarié n'avait pas à se tenir en permanence à sa disposition.
Commentaire :
Par cet arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation se prononce, pour la première fois, sur la portée de l=absence de mention du délai de prévenance conventionnel dans le contrat de travail intermittent des chargés d’enquête intermittents à garantie annuelle.
Les périodes de travail n’étant pas définies dans le contrat de travail, les partenaires sociaux ont instauré un délai de prévenance de trois jours ouvrables et ont prévu qu’en cas de non-respect de ce délai, l’absence d’acceptation par le salarié du travail proposé serait sans incidence sur la relation de travail. Selon les dispositions conventionnelles applicables, le contrat de travail doit être établi par écrit et indiquer ce délai de prévenance. Une telle mention a pour objet d=informer le salarié, lors de la formation du contrat, des obligations de son employeur mais également de son droit, au cours de l=exécution du contrat, de ne pas accepter un travail proposé lorsque ce délai n’est pas respecté.
La Cour de cassation affirme que le défaut de cette mention dans le contrat fait présumer que l’emploi est à temps complet, présomption que l’employeur peut renverser en démontrant que le salarié n’avait pas à se tenir en permanence à sa disposition.
Les irrégularités affectant un contrat de travail intermittent ne sont pas toutes sanctionnées de manière identique. Ainsi, en en l'absence de définition des périodes travaillées et non travaillées dans le contrat de travail intermittent, ce dernier doit être requalifié en contrat à durée indéterminée de droit commun à temps plein (Soc., 25 mai 2016, pourvoi n° 15-12.332, Bull. 2016, V, n° 116).
Employés de maison : Décompte de la durée du travail et preuve des heures de travail accomplies
Soc., 8 juillet 2020, pourvois n° 17-10.622 et n° 17-11.131, FS-P+B
Sommaire n° 1
Si les dispositions du code du travail relatives à la durée du travail ne sont pas applicables aux employés de maison qui travaillent au domicile privé de leur employeur et sont soumis à la convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999, il n'en va pas de même de celles de l'article L. 3171-4 du code du travail relatives à la preuve de l'existence ou du nombre des heures effectuées.
Doit en conséquence être approuvée une cour d’appel qui a fait ressortir que la demande du salarié était fondée sur des éléments suffisamment précis quant aux heures qu’il prétendait avoir accomplies, afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre en produisant ses propres éléments.
Consécutivement, elle a souverainement évalué les créances salariales se rapportant aux heures supplémentaires et de nuit effectuées au-delà de l’horaire hebdomadaire de 40 heures de travail effectif, ainsi qu’aux congés payés afférents.
Sommaire n° 2
Il résulte de la combinaison des articles L. 3121-11 et L. 7221-2 du code du travail que les dispositions de ce code relatives à la durée du travail et au repos compensateur ne sont pas applicables aux employés de maison qui travaillent au domicile privé de leur employeur et sont soumis à la convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999.
Encourt en conséquence la cassation l’arrêt qui, pour condamner l’employeur à payer à son employé de maison une indemnité pour repos compensateur, applique les dispositions légales et réglementaires du code du travail relatives au contingent annuel de 220 heures supplémentaires.
Commentaire :
Par cet arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation réaffirme que les dispositions du code du travail relatives à la durée du travail ne sont pas applicables aux employés de maison qui travaillent au domicile privé de leur employeur (Soc., 17 octobre 2000, pourvoi n° 98-43.443, Bull. 2000, V, n° 335). Seules s’appliquent à ces salariés les stipulations relatives à la durée du travail de la convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999. Cette dérogation au droit commun, voulue par le législateur, s’explique par la spécificité des conditions d’emploi des salariés concernés, leur employeur ne poursuivant, par leur emploi, aucune activité économique lucrative.
Ainsi, les heures supplémentaires sont les heures de travail accomplies au-delà de la durée hebdomadaire de 40 heures, et non pas de la durée légale de 35 heures. La convention collective ne prévoit aucun contingent annuel d’heures supplémentaires dont le dépassement entraînerait l’octroi d’un repos compensateur. Saisie pour la première fois de cette question, la Cour de cassation affirme que ne s’appliquent pas aux employés de maison les dispositions de l’article L. 3121-11 du code du travail relatives au repos compensateur pour les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel de 220 heures.
En revanche, s’agissant de la preuve des heures supplémentaires, la Cour de cassation réaffirme que les dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail s’appliquent aux employés de maison (Soc., 19 mars 2003, pourvoi n° 00-46.686, Bull. 2003, V, n° 103 ; Soc., 27 juin 2012, pourvoi n° 11-18.010, Bull. 2012, V, n° 199). Dans le présent arrêt, la Cour de cassation applique le mécanisme de preuve partagée résultant de son arrêt du 18 mars 2020 (Soc., 18 mars 2020, pourvoi n° 18-10.919, publié au Rapport annuel de la Cour de cassation). La salariée ayant produit des éléments suffisamment précis sur les horaires de travail qu’elle revendiquait pour permettre à l’employeur d’y répondre, c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation que la cour d’appel a fixé le montant des sommes dues par l’employeur au titre des heures supplémentaires.
Employés de maison : impossibilité de requalifier un contrat à temps partiel en contrat à temps complet
Soc., 8 juillet 2020, pourvoi n° 18-21.584, FS-P+B
Il résulte de la combinaison des articles L. 3123-14 et L. 7221-2 du code du travail que les dispositions de ce code relatives à la durée du travail et au travail à temps partiel ne sont pas applicables aux employés de maison qui travaillent au domicile privé de leur employeur et sont soumis à la convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999.
Encourt en conséquence la cassation l’arrêt qui, pour requalifier un contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet et condamner l’employeur à payer un rappel de salaire, à compter de la première irrégularité, retient que la durée du travail a été portée temporairement au niveau de la durée légale, alors, d’une part, qu’un employé de maison travaillant au domicile privé de son employeur ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre de la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet et, d’autre part, qu’il résultait de ses constatations que les heures de travail accomplies par la salariée avaient été rémunérées.
Commentaire :
Par cet arrêt, la chambre sociale se prononce pour la première fois sur l’application aux employés de maison, soumis à la convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999, des dispositions de l’article L. 3123-17 du code du travail relatives à la requalification automatique d’un contrat à temps partiel en temps complet, en cas d’accomplissement d’heures complémentaires ayant pour effet de porter la durée du travail accomplie au niveau de la durée légale ou conventionnelle.
En répondant par la négative à cette question, la chambre sociale s’inscrit dans la continuité de sa jurisprudence relative à la non-application des dispositions du code du travail relatives à la durée du travail et au travail à temps partiel pour les employés de maison travaillant au domicile de leur employeur (Soc., 7 décembre 2017, pourvoi n° 16-12.809, Bull. 2017, V, n° 210).
Ainsi, ni l’irrégularité du contrat de travail à temps partiel (absence d’écrit, absence d’indication de la durée de travail…), ni une défaillance de l’employeur dans l’exécution du contrat (horaires irréguliers, dépassement de la durée de travail convenue) ne sont susceptibles d’entraîner la requalification du contrat en contrat à temps complet. En effet, les dispositions du code du travail relatives à la durée du travail ne sont pas applicables aux employés de maison qui travaillent au domicile privé de leur employeur (Soc., 17 octobre 2000, pourvoi n° 98-43.443, Bull. 2000, V, n° 335). Le salarié peut naturellement obtenir que les heures de travail accomplies en dehors des prévisions du contrat soient rémunérées, avec les majorations prévues par l’article 15 de la convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999.