Réparation du préjudice spécifique d'anxiété des salariés ayant travaillé dans un établissement mentionné à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998
Soc., 8 juillet 2020, pourvoi n° 19-12.340, FS-P+B
La cour d'appel, qui a constaté que les salariés, qui avaient travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouvaient, par le fait de l'employeur, lequel n'était pas parvenu à démontrer l'existence d'une cause d'exonération de responsabilité, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, a ainsi caractérisé l'existence d'un préjudice d'anxiété dont elle a souverainement apprécié le montant.
Commentaire :
Selon la jurisprudence de la chambre sociale, le salarié qui justifie avoir travaillé dans un établissement inscrit sur la liste ministérielle des établissements ouvrant droit au dispositif de l'ACAATA (article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998), durant une période visée par l'arrêté, n'a pas à démontrer une exposition régulière à l'amiante, ni l'étendue de son préjudice.
En effet, l’inscription des établissements mentionnés à l’article 41 sur la liste établie par arrêté ministériel résulte d'une décision administrative prise après enquête et ne s'applique qu'aux établissements dans lesquels étaient fabriqués ou traités des matériaux contenant de l'amiante et où les salariés étaient exposés de façon significative. Au regard de cette condition tenant à un niveau d’exposition élevé à l’amiante, la chambre sociale a décidé que le salarié n'était tenu de rapporter ni la preuve de son anxiété (Soc., 2 avril 2014, pourvoi n° 12-29.825 et n° 12-28.637, Bull. 2014, V, n° 95), ni celle d’une exposition personnelle à l'amiante (Soc., 2 juillet 2014, pourvoi n° 13-10.644 ; Soc., 19 novembre 2015, pourvoi n° 14-19.059). La chambre sociale déduit également de l’inscription de l’établissement prévue à l’article 41 que le salarié n’avait pas non plus à prouver, ni les juges à caractériser, une quelconque faute spécifique de l'employeur, tel qu'un manquement à son obligation de sécurité de résultat tirée notamment de l'inobservation de la réglementation en matière d'amiante ou de l'absence de mesure de précautions (Soc., 3 mars 2015, pourvoi n° 13-20.476, Bull. 2015, V, n° 42).Cette présomption de responsabilité, fondée sur la seule appartenance à un établissement classé, est donc dérogatoire des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité, en sorte que l’employeur peut s’exonérer de sa responsabilité au motif qu’il a mis en œuvre toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail (Soc., 25 novembre 2015, pourvoi n° 14-24.444, Bull. 2015, V, n° 234).
Ce régime spécifique strictement adossé aux dispositions de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 n’a pas été remis en cause par la décision de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation du 5 avril 2019 (Ass. plén., 5 avril 2019, pourvoi n° 18-17.442, publié au Rapport annuel de la Cour de cassation et sa notice explicative).
Par le présent arrêt, la chambre sociale confirme cette construction jurisprudentielle.