Numéro 12 - Décembre 2023

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES

Crim., 20 décembre 2023, n° 21-87.233, (B), FRH

Cassation

Exceptions – Exception de nullité – Présentation – Moment – Exception présentée devant la cour d'appel saisie sur renvoi après cassation – Recevabilité – Conditions – Détermination

Il résulte des articles 385 et 512 du code de procédure pénale que le prévenu, qui, cité à parquet et jugé par défaut, ne s'est pas défendu en première instance, peut présenter des exceptions tirées de la nullité de la procédure pour la première fois en appel.

Il résulte de l'article 609 du même code que, lorsqu'un arrêt est annulé par la Cour de cassation, la juridiction de renvoi se trouve saisie de la cause dans l'état où elle se trouvait quand elle a été soumise aux juges dont la décision a été cassée, dans les limites fixées par l'acte de pourvoi et dans celles de la cassation intervenue.

C'est donc à tort qu'après cassation partielle d'un arrêt de cour d'appel, remettant la cause et les parties dans un état antérieur à toute défense au fond, la cour d'appel de renvoi déclare irrecevables les exceptions de nullité soulevées par le prévenu, qui ne s'était pas défendu devant le tribunal correctionnel, autres que celles définitivement jugées par l'arrêt partiellement cassé, en ses dispositions non censurées.

M. [U] [Y] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Fort-de-France, chambre correctionnelle, en date du 4 novembre 2021, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 28 octobre 2020, pourvoi n° 19-85.744), pour infractions à la législation sur les stupéfiants et rébellion, l'a condamné à trente mois d'emprisonnement, une confiscation et a prononcé sur les intérêts civils.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [U] [Y] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel selon la procédure de comparution immédiate. Il a soulevé des exceptions de nullité qui ont été rejetées par jugement avant dire droit du 14 juin 2017.

Le tribunal a alors constaté la suspension de la procédure jusqu'à l'expiration du délai d'appel, ordonné la mise en liberté du prévenu, son placement sous contrôle judiciaire et renvoyé la poursuite de l'examen de la procédure à l'audience du 5 juillet 2017.

3. A cette date, le prévenu ayant relevé appel du jugement du 14 juin 2017, le tribunal correctionnel s'est déclaré dessaisi.

4. La requête en examen immédiat de l'appel a été rejetée le 9 août 2017.

La cour d'appel s'est déclarée non saisie le 31 août 2017.

5. Une citation a été délivrée au prévenu le 6 février 2018.

6. Par jugement du 23 février 2018, le tribunal correctionnel, statuant par défaut à l'encontre du prévenu, l'a déclaré coupable, condamné à trente mois d'emprisonnement, a décerné mandat d'arrêt, ordonné une confiscation et prononcé sur les intérêts civils.

7. M. [Y] a relevé appel de ce jugement et sollicité la mainlevée du mandat d'arrêt.

Le ministère public a formé appel incident.

8. Par arrêt du 21 mars 2019, la cour d'appel a rejeté l'exception de chose jugée du jugement de dessaisissement précité, en date du 5 juillet 2017, annulé la citation du 6 février 2018 ainsi que le jugement subséquent du 23 février 2018, et invité le ministère public à mieux se pourvoir.

9. Les parties civiles se sont pourvues en cassation.

10. Par arrêt du 28 octobre 2020, la Cour de cassation a cassé l'arrêt du 21 mars 2019, en ses seules dispositions n'évoquant pas le fond de l'affaire, toutes autres dispositions étant expressément maintenues.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevables les exceptions de nullité présentées par M. [Y], a déclaré celui-ci coupable d'acquisition, de détention, de transport, d'offre ou de cession de stupéfiants ainsi que de rébellion, l'a condamné à trente mois d'emprisonnement, a décerné un mandat d'arrêt, a prononcé des confiscations, et l'a condamné à payer diverses sommes aux parties civiles en réparation de leurs préjudices, alors :

« 1°/ que l'arrêt de la Cour de cassation du 28 octobre 2020 a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Fort-de-France du 21 mars 2019 en ce que le fond de l'affaire n'a pas été évoqué, toutes autres dispositions étant maintenues, et a renvoyé la cause et les parties devant la même cour d'appel autrement composée pour qu'il soit à nouveau statué dans les limites de la cassation prononcée ; que l'arrêt du 21 mars 2019 a uniquement tranché deux exceptions procédurales, à savoir l'exception prise de la nullité de la citation, qu'il a accueillie pour en conséquence annuler la citation et le jugement subséquent, et l'exception tirée de l'autorité de chose jugée attachée au jugement du 5 juillet 2017, qu'il a rejetée ; qu'ainsi, suite à la cassation prononcée, la juridiction de renvoi était saisie de l'intégralité de la cause en son état lors du prononcé de l'arrêt du 21 mars 2019 hormis les dispositions de celui-ci non censurées, et avait dès lors le pouvoir de statuer sur toutes exceptions procédurales non tranchées par ledit arrêt ; qu'en jugeant qu'elle ne pouvait statuer que sur le fond, la cour d'appel a violé l'article 609 du code de procédure pénale ;

2°/ que selon les énonciations de l'arrêt du 21 mars 2019, à l'audience le conseil de M. [Y] a invoqué uniquement deux exceptions procédurales, ayant également fait l'objet de conclusions écrites, tirées de la nullité de la citation et de l'autorité de chose jugée attachée au jugement du 5 juillet 2017, que la première a été accueillie, la citation et le jugement subséquent, dont appel, ont été annulés, et l'accusation a été invitée à mieux se pourvoir, sans qu'il soit discuté du fond ; qu'à aucun moment l'arrêt du 21 mars 2019 n'a constaté qu'une défense au fond aurait été présentée pour M. [Y] ; qu'en cet état, étaient recevables, devant la juridiction de renvoi après la cassation prononcée par l'arrêt du 28 octobre 2020, toutes exceptions autres que celles tranchées par l'arrêt du 21 mars 2019, pour autant qu'elles soient formulées in limine litis ; que l'arrêt attaqué a relevé que, avant toute défense au fond, le conseil de M. [Y] formulait plusieurs exceptions procédurales, prises notamment de la nullité du procès-verbal de comparution immédiate, de l'inconstitutionnalité de l'article 395 du code de procédure pénale (par mémoire distinct et motivé formulant une QPC) et de l'autorité de chose jugée attachée au jugement du 14 juin 2017 ; que ces exceptions, sur lesquelles n'a pas statué l'arrêt du 21 mars 2019, étaient ainsi recevables ; qu'en décidant le contraire au motif qu'elles auraient dû être émises avant toute défense au fond avant le prononcé de l'arrêt du 21 mars 2019, la cour d'appel a violé les articles 609, 385 dernier alinéa et 512 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 385, 512 et 609 du code de procédure pénale :

12. Il résulte des deux premiers de ces textes que le prévenu, qui, cité à parquet et jugé par défaut, ne s'est pas défendu en première instance, peut présenter des exceptions tirées de la nullité de la procédure pour la première fois en appel.

13. Il résulte du dernier de ces textes que, lorsqu'un arrêt est annulé par la Cour de cassation, la juridiction de renvoi se trouve saisie de la cause dans l'état où elle se trouvait quand elle a été soumise aux juges dont la décision a été cassée, dans les limites fixées par l'acte de pourvoi et dans celles de la cassation intervenue.

14. Il ressort de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, représenté devant la cour d'appel statuant sur renvoi après cassation partielle, le prévenu a, avant toute défense au fond, soulevé des exceptions de nullité nouvelles, autres que celles déjà jugées définitivement par l'arrêt du 21 mars 2019.

15. Pour déclarer ces exceptions irrecevables, l'arrêt attaqué énonce que la saisine de la cour d'appel, statuant sur renvoi après cassation, est strictement limitée à l'évocation de l'affaire au fond et ne lui donne pas compétence pour statuer sur des exceptions qui auraient dû être présentées lors de l'audience ayant donné lieu à l'arrêt du 21 mars 2019.

16. En se déterminant ainsi, alors que l'arrêt de cassation partielle avait remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient, dans les limites de la cassation intervenue, avant la décision partiellement annulée, et qu'elle devait statuer, tant sur les exceptions nouvelles proposées par le prévenu, qui n'avait pas assuré sa défense en première instance, que sur le fond, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.

17. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Fort-de-France, en date du 4 novembre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Fort-de-France, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Fort-de-France et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : M. Laurent - Avocat général : Mme Chauvelot - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Articles 385, 512 et 609 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Crim., 5 mars 2013, pourvoi n° 12-82.363, Bull. crim. 2013, n° 57 (cassation), et les arrêts cités.

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