Numéro 1 - Janvier 2024

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

MANDAT D'ARRET EUROPEEN

Crim., 31 janvier 2024, n° 24-80.014, (B), FRH

Cassation

Exécution – Procédure – Chambre de l'instruction – Personne recherchée ayant acquis le statut de réfugié politique – Application de l'article 695-33 du code de procédure pénale – Obligation – Demande d'information complémentaire à l'Etat d'émission – Objet – Engagement de ne pas remettre la personne à son Etat d'origine

Lorsque la personne recherchée sur le fondement d'un mandat d'arrêt européen a acquis le statut de réfugié, la chambre de l'instruction, dès lors qu'elle en a connaissance, a l'obligation de faire application de l'article 695-33 du code de procédure pénale pour interroger les autorités judiciaires de l'Etat d'émission sur leur engagement de ne pas remettre ultérieurement cette personne à son Etat d'origine.

M. [G] [M] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 22 décembre 2023, qui a autorisé sa remise aux autorités judiciaires polonaises en exécution d'un mandat d'arrêt européen.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. [G] [M], ressortissant russe, bénéficiant, en France, du statut de réfugié, a fait l'objet d'un mandat d'arrêt européen décerné le 13 décembre 2020 par les autorités judiciaires polonaises, en vue de poursuites des chefs de participation à un groupement criminel organisé de caractère international et d'aide au passage illégal de la frontière polonaise.

3. Ce mandat lui a été notifié le 15 décembre 2023. Il a été placé sous écrou extraditionnel le même jour.

4. M. [M] n'a pas consenti à sa remise et n'a pas renoncé à la règle de la spécialité.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

5. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable le mémoire transmis par le conseil de M. [M] et a accordé sa remise aux autorités judiciaires de Pologne ayant décerné contre lui mandat d'arrêt européen du 13 octobre 2020 et ordonné son maintien sous écrou extraditionnel, alors :

« 2°/ que lorsque la personne dont la remise est demandée sur le fondement d'un mandat d'arrêt européen a acquis le statut de réfugié, la chambre de l'instruction a l'obligation d'interroger les autorités judiciaires de l'Etat requérant sur leur engagement à ne pas remettre ultérieurement cette personne à son Etat d'origine ; qu'en ne s'assurant pas que les autorités judiciaires polonaises ne remettraient pas aux autorités russes M. [M], qui bénéficie du statut de réfugié, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard des articles 593 et 695-33 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 695-33 du code de procédure pénale :

7. Il résulte de ce texte que, lorsque les informations contenues dans le mandat d'arrêt sont insuffisantes pour permettre à la chambre de l'instruction de statuer sur la remise de la personne recherchée dans le respect de ses droits fondamentaux, cette juridiction est tenue de solliciter les éléments complémentaires nécessaires auprès des autorités de l'Etat d'émission.

8. L'arrêt attaqué autorise la remise de M. [M] aux autorités judiciaires polonaises sans s'expliquer sur sa qualité de réfugié, dont il se borne à faire état.

9. En statuant ainsi, alors que, lorsque la personne recherchée a acquis le statut de réfugié, la chambre de l'instruction, dès lors qu'elle en a connaissance, a l'obligation d'interroger les autorités judiciaires de l'Etat d'émission sur leur engagement de ne pas remettre ultérieurement cette personne à son Etat d'origine, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé.

10. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 22 décembre 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : M. Laurent - Avocat général : M. Bougy - Avocat(s) : SCP Zribi et Texier -

Textes visés :

Article 695-33 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Sur l'absence d'obligation de faire application de l'article 695-33 du code de procédure pénale pour interroger l'Etat d'émission sur son engagement de ne pas remettre ultérieurement la personne qui n'avait pas acquis le statut de réfugié à son etat d'origine : Crim., 21 novembre 2018, pourvoi n° 18-86.101, Bull. crim. 2018, n° 194 (rejet). Sur l'obligation de la chambre de l'instruction, statuant sur la remise d'une personne de nationalité turque, ayant le statut de réfugié politique en France de rechercher si cette personne encourait le risque d'être éloignée vers la Turquie à l'issue des poursuites menées contre elle par les autorités allemandes : Crim., 9 juin 2015, pourvoi n° 15-82.750, Bull. crim. 2015, n° 141 (cassation et désignation de juridiction).

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