Numéro 4 - Avril 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Partie I - Arrêts des chambres et ordonnances du Premier Président

POSTES ET COMMUNICATIONS ELECTRONIQUES

Soc., 1 avril 2020, n° 18-16.889, (P)

Cassation partielle

La Poste – Personnel – Dispositions du code du travail – Application – Exclusion – Cas – Dispositions relatives aux délégués du personnel – Effets – Détermination – Portée

Aux termes de l'article 31 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications dans sa rédaction applicable en la cause, les dispositions du code du travail relatives aux délégués du personnel ne sont pas applicables à la société La Poste.

L'article 68 de la convention commune La Poste France Télécom précise les cas et conditions dans lesquels la commission consultative paritaire doit être consultée en cas de licenciement.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 30 mars 2018), M. L..., engagé le 6 avril 2006 par la société La Poste en qualité d'opérateur de colis, a été déclaré inapte à son poste par le médecin de travail à l'issue de deux examens des 2 et 20 septembre 2012 après avoir été placé en arrêt de travail, le 10 février 2011, à la suite d'un accident du travail.

2. Le 2 décembre 2013, M. L... a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner au paiement de dommages-intérêts alors :

« 1°/ que les lois spéciales dérogent aux lois générales ; qu'il résulte de l'article 31 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 modifiée que les dispositions du code du travail relatives aux délégués du personnel ne sont pas applicables à La Poste ; qu'en conséquence, ne lui sont pas applicables les dispositions de ce code imposant de recueillir l'avis des délégués du personnel en vue de procéder au reclassement d'un salarié inapte en conséquence d'un accident du travail ; qu'en retenant cependant, pour déclarer dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement de M. L... « que les dispositions de l'article L. 1226-10 s'appliquent bien à La Poste, les délégués du personnel étant remplacés dans leur rôle par la commission consultative paritaire », la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 1226-10 du code du travail, ensemble, par refus d'application, les articles 31 de la loi du 2 juillet 1990, et le principe « specialia generalibus derogant » ;

2°/ que l'article 68 de la convention collective commune dispose que « Lorsque le licenciement est envisagé pour insuffisance professionnelle après la période d'essai, pour inaptitude physique constatée par le service médical compétent ou pour toute sanction disciplinaire autre que l'avertissement ou le blâme, la commission consultative paritaire compétente est obligatoirement consultée » ; que cette consultation doit uniquement intervenir « lorsque le licenciement est envisagé », et n'impose pas la consultation de la commission consultative paritaire au cours de la procédure de reclassement qui est préalable, et dont seul l'échec peut conduire l'employeur à envisager le licenciement ni, a fortiori, préalablement à toute proposition de reclassement ; qu'en déclarant dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement de M. L..., motif pris que la consultation de la commission consultative paritaire avait eu lieu postérieurement aux propositions de reclassement, la cour d'appel, qui a ajouté à l'article 68 une condition qu'il ne comporte pas, a violé ce texte par fausse interprétation. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 31 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation des services de la poste et des télécommunications dans sa rédaction issue de loi n° 2010-123 du 9 février 2010 relative à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales et l'article 68, alinéa 1er, de la convention commune La Poste France Telecom :

4. Aux termes du premier de ces textes, l'emploi d'agents soumis au régime des conventions collectives n'a pas pour effet de rendre applicables à La Poste les dispositions du code du travail relatives aux comités d'entreprise, ni celles relatives aux délégués du personnel et aux délégués syndicaux.

5. Selon le second, lorsque le licenciement est envisagé pour insuffisance professionnelle après la période d'essai, pour inaptitude physique constatée par le service médical compétent ou pour toute sanction disciplinaire autre que l'avertissement ou le blâme, la commission consultative paritaire compétente est obligatoirement consultée.

6. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur au paiement de dommages-intérêts à ce titre, l'arrêt retient que l'article 31 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste n'exclut pas l'application des dispositions du code du travail qui imposent à l'employeur, avant tout reclassement d'un salarié déclaré médicalement inapte à son emploi, de recueillir l'avis des délégués du personnel sur les conclusions du médecin du travail et sur les propositions d'emploi destinées au salarié. Il précise qu'aux termes de l'article 8 de la convention commune La Poste France Telecom, les commissions consultatives paritaires existantes sont, dans l'attente de la parution du décret prévu à l'article 7, compétentes pour connaître des cas des personnels relevant de la convention, que l'article 68 de la convention prévoit que lorsque le licenciement est envisagé pour insuffisance professionnelle après la période d'essai, pour inaptitude physique ou pour toute sanction disciplinaire autre que l'avertissement ou le blâme, la commission est obligatoirement consultée. Il en déduit que les dispositions des articles L. 1226-10 et suivants du code du travail s'appliquent bien à la société La Poste, les délégués du personnel étant remplacés dans leur rôle par la commission consultative paritaire, instance propre à cette société, et qu'en l'espèce l'employeur a bien soumis le cas de M. L... à une commission consultative paritaire, en premier lieu au sujet du reclassement et en second lieu du licenciement mais que cette consultation est intervenue à chaque fois a posteriori.

7. En statuant ainsi, alors qu'en vertu de l'article 31 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, les dispositions du code du travail relatives aux délégués du personnel ne sont pas applicables à la société La Poste, et que l'article 68 de la convention commune La Poste France Telecom qui précise les cas et conditions dans lesquels la commission consultative paritaire doit être consultée en cas de licenciement détermine seul les conditions d'intervention de cette commission, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. L... de sa demande dommages-intérêts au titre d'un préjudice distinct, l'arrêt rendu le 30 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Duval - Avocat général : M. Desplan - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article 31 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, dans sa rédaction issue de loi n° 2010-123 du 9 février 2010 relative à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales ; article 68, alinéa 1, de la convention commune La Poste France Télécom.

Rapprochement(s) :

Sur l'inapplicabilité à la société La Poste des dispositions du code du travail relatives aux délégués du personnel, à rapprocher : Soc., 9 mai 2019, pourvoi n° 17-23.324, Bull. 2019, (cassation partielle).

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